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Chef de camp à Touloum : une vocation

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Chef de camp à Touloum : une vocation

Asseïd Abdel-Kerim Barka est un fonctionnaire peu ordinaire. Originaire du centre du Tchad, il s'est « exilé » voici bientôt deux ans à Iriba pour prendre les fonctions de Chef de camp à Touloum.
19 Décembre 2011
Asseïd Abdel-Kerim Barka , 30 ans, est un fonctionnaire tchadien peu ordinaire. Employé de la CNARR (Commission nationale d'accueil et de réinsertion des réfugiés et des rapatriés), il consacre sa vie au service des réfugiés dans une région reculée au nord-est du Tchad.

Camp de réfugiés de Touloum, Tchad, 19 décembre (HCR) - Dans la région d'Iriba, au nord-est du Tchad, les camps de réfugiés soudanais installés depuis 2003 sont gérés par la CNARR, le partenaire gouvernemental responsable des questions relatives aux réfugiés. Nous avons rencontré le Chef de camp de Touloum, un fonctionnaire tchadien originaire du centre du pays. Portrait.

Asseïd Abdel-Kerim Barka est un fonctionnaire peu ordinaire. Originaire de la région du Bahr El Gazal, dans le centre du Tchad, il s'est « exilé » voici bientôt deux ans à Iriba pour prendre les fonctions de Chef de camp à Touloum. Loin de sa famille, il trouve satisfaction dans un travail de contact et de médiation.

A ce titre, Asseïd porte plusieurs casquettes : sa mission se rapproche à la fois de celle d'un préfet, d'un chef de village, d'un policier, d'un détective, d'un porte-parole et même d'un traducteur.

Asseïd nous reçoit dans son bureau, à l'entrée du camp de Touloum. Chaque jour il parcourt la vingtaine de kilomètres qui sépare le camp de la ville d'Iriba. Le convoi, qui amène aussi le personnel du HCR et des partenaires qui travaille dans le camp, est escorté par le DIS (Détachement Intégré de Sécurité), force de police spéciale pour le soutien aux activités humanitaires au Tchad. Dans la chaleur montante d'une belle journée d'hiver, les cris de voix ambiants sonnent dans l'air clair.

« Les réfugiés viennent me voir avec leurs doléances : les cartes de ration alimentaire, les pannes de générateur, le manque d'eau, les salaires des enseignants, tous les petits problèmes qui peuvent se poser au camp ».

Des femmes et des enfants attendent patiemment, assis sur le sable, devant le bureau de la CNARR au camp de Touloum (Iriba, à l'est du Tchad), la régularisation de leur enregistrement dans la base de données, ce qui permettra à leurs familles de recevoir une aide alimentaire.

Le jour de la visite, une centaine de réfugiés attendent de pied ferme devant le bureau de la CNARR (Commission Nationale d'Accueil et de Réinsertion des Réfugies) pour leur pré-enregistrement dans la base de données. Les femmes, assises en cercle à même le sable, entre les buissons d'épineux que remue à peine le vent frais et sec du matin, surveillent d'un oeil les enfants qui courent autour. Les hommes, groupés devant la porte, attendent leur tour. Absents lors de l'exercice de vérification, ils pourront ainsi régulariser leur situation et obtenir pour leurs familles les cartes de rations.

La semaine dernière, un réfugié a jeté une pierre sur une chèvre, heurtant malencontreusement le générateur. La panne affecte la distribution d'eau dans tout le secteur. Le réfugié a été emmené au poste du DIS pour faire sa déposition, et le Chef de camp doit organiser, avec le HCR, la réparation du générateur.

Asseïd intervient également comme médiateur dans les conflits conjugaux parmi les familles soudanaises, et réfère les cas graves au DIS, qui assure la sécurité dans et autour des camps. Les mercredis, se tiennent aussi les réunions de routine de l'administration du camp : celle du comité SGBV (pour la récolte des données concernant les nouveaux cas de violences contre les femmes, et le suivi des anciens cas), le suivi des partenaires, le suivi des 11 écoles de Touloum et des enseignants qui servent un total de 5.225 enfants inscrits.

En ce froid matin d'hiver, un vent glacial soulève la poussière autour des femmes et des enfants assis dans le sable et attendant devant le bureau de la CNARR, camp de Touloum (Iriba, à l'est du Tchad).

« J'ai presque plus de pouvoir qu'un préfet ! » plaisante notre fonctionnaire. En fait c'est une quasi-réalité, car la population du camp de Touloum (25.247 réfugiés soudanais) dépasse largement celle de la ville d'Iriba (18.000 habitants). Les trois camps autour d'Iriba (Touloum, AmNabak et Iridimi) quant à eux sont plus peuplés que l'entier département de Kobe.

La présence de ces nombreux réfugiés fait porter une lourde charge sur les ressources naturelles, rares dans cette région semi-désertique, telles que l'eau et le bois de chauffe. Le HCR met tout en oeuvre pour en atténuer l'impact, en effectuant des forages et en distribuant du bois, du fuel et des foyers améliorés qui permettent de diminuer la consommation du bois à usage domestique.

Parfois, le Chef de camp doit aussi régler les conflits entre réfugiés et autochtones. Récemment le chef de poste du DIS a été assassiné par des bandits, les populations locales s'en sont prises aux refugiés, les accusant d'être complices. Il a fallu, avec l'appui du Gouverneur, calmer les esprits échauffés et prévenir de nouvelles flambées de violence.

Originaire de Moussoro dans le Bahr El Gazal, Asseïd est né un 1er janvier, en 1982. Il a commencé sa carrière en 2008 comme comptable au ministère de l'Intérieur, à la capitale N'Djaména. Deux ans plus tard, il prenait ses fonctions à Iriba, après une formation à la « gestion et coordination des camps » dispensée par le service de la Protection du HCR.

Le chef de camp Asseïd Abdel-Kerim Barka plaisante avec un employé du HCR – comme partout au Tchad, le HCR et la CNARR, son partenaire gouvernemental, collaborent étroitement. Le HCR fournit des motos à tous les chefs de camp dans l'est du Tchad – dans le cadre du renforcement des capacités du personnel local – pour leur permettre de vaquer à leur travail administratif et de réseau dans le camp, qui a la taille d'une ville moyenne.

« Cette formation a été très utile car elle m'a permis d'aborder les aspects du service humanitaire qui m'étaient inconnus. Aujourd'hui, être en contact avec les gens et améliorer leur quotidien constituent l'essence de mon travail », précise le Chef de camp.

Une vocation qui nécessite quelques sacrifices : Asseïd a laissé sa famille à N'Djaména car la vie ici est dure. Agrémentée toutefois de quelques invitations à dîner dans les familles des collègues, de soirées télévision et internet (grâce au réseau HCR Iriba) et d'après-midi au stade pour assister aux matchs de foot locaux.

Dans cette région où les groupes ethniques sont différents du sien, Asseïd s'est intégré sans difficulté : « Tout être humain a ses habitudes », explique-t-il. « L'intégration dépendra de ton comportement. Si tu es là pour faire le bien, c'est le bien que tu vas récolter. »

Par Delphine Marie, avec Saffi Alhadj, à Iriba

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