Camps de réfugiés au Ghana : le brassage des cultures à Krisan, le dynamisme économique à Buduburam
Camps de réfugiés au Ghana : le brassage des cultures à Krisan, le dynamisme économique à Buduburam
ACCRA, Ghana, 26 juillet (UNHCR) - Quels points communs existent entre les camps de réfugiés de Buduburam et de Krisan, si ce n'est qu'ils se trouvent au Ghana et accueillent des milliers de déracinés pour cause de guerre civile et de violences ?
Avec ses 38 000 réfugiés en majorité libériens, Buduburam, qui signifie en langue twi « le puits de Budu » du nom de l'un de ses premiers habitants, est le plus grand camp de réfugiés du Ghana. Il est caractérisé par un dynamisme à toute épreuve avec ses maisons chamarrées, son marché très vivant, ses magasins et échoppes bien achalandés, ses petites bijouteries, ses salons de beauté, ses artistes peintres, ses musiciens, ses clubs de vidéo et ses cafés.
Il dispose d'un centre de santé bien équipé, d'églises, de temples et de mosquées ainsi que d'écoles accueillant aussi les enfants des communautés locales voisines.
Son journal local, The Vision, est un bimensuel de huit pages qui, outre les informations générales, traite du respect des droits humains, de la tolérance et de la lutte contre le VIH/SIDA. Avec un tirage de 1 000 exemplaires, il est distribué dans le camp, aux diplomates et aux agences humanitaires.
Ouvert en 1990 suite à l'afflux de réfugiés libériens, le camp de Buduburam est rapidement devenu, une ville dans la ville, une agglomération prospère dont les deux agences de transfert d'argent Western Union tournent à plein régime.
Le camp déborde de vitalité, grâce à l'assistance du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), de ses partenaires ghanéens et internationaux, mais aussi au savoir-faire des réfugiés qui ont le sens de l'entreprise et de l'organisation ainsi que le souci de la vie en communauté.
En dépit de la relative aisance dans laquelle ils vivent, nombre de réfugiés de Buduburam font le choix du retour au Libéria, qui a renoué avec la paix et le pluralisme politique après une longue guerre civile. Depuis octobre 2004, ils sont ainsi quelque 3 500 à être rentrés par voie terrestre, après avoir traversé la Côte d'Ivoire, ou à bord de vols spéciaux affrétés par l'UNHCR. Un retour par bateau doit avoir lieu le 27 juillet. Rien ne vaut en effet un vrai « chez soi. »
« Je me plais bien ici parce que je peux facilement aller à Accra pour rendre visite à mes amis, ou pour assister à des matchs de football au stade », explique Jos Wesley, un réfugié libérien de Buduburam. « Malgré tout, j'espère pouvoir rentrer bientôt au Libéria où mes parents m'ont déjà précédé. »
Tibou Keita, réfugié ivoirien à Krisan, reconnaît que la vie sur le site de Buduburam semble plus agréable qu'à Krisan. Buduburam est à proximité d'Accra, ce qui peut faciliter la recherche d'emploi. Mais il affirme qu'à Krisan, la qualité de vie est meilleure. « Nous sommes en pleine forêt, il n'y a donc pas de pollution. Nous avons de la place, y compris pour cultiver des potagers. »
Situé quelque 300 kilomètres plus à l'ouest, le camp de Krisan accueille 1 700 réfugiés. Ce camp a été établi dans le « far west » ghanéen en 1996, il a accueilli des réfugiés libériens arrivés épuisés au port de Takoradi à bord d'un bateau de fortune, le Bulk Challenge. Ici, il fait figure de « gros village ». Les « maisons en dur » se comptent sur les doigts d'une main. Si Krisan n'a ni l'importance ni la flamboyance de Buduburam, il détient en revanche un record : celui du camp le plus cosmopolite de la planète.
En effet, des hommes et femmes venus d'une dizaine de pays africains y cohabitent dans l'harmonie. A Krisan, on peut ainsi croiser des Libériens et des Sierra Léonais devisant avec des Soudanais (du Sud comme du Darfour), des Togolais en grande conversation avec des Rwandais, mais aussi des Burundais et des Ivoiriens recueillis dans une même prière avec des ressortissants des deux Congos.
Krisan est un melting-pot de cultures, de religions, de passions, de rêves et de langues. Outre plusieurs langues d'Afrique subsaharienne, on y parle l'anglais, le français et l'arabe.
« Le désoeuvrement à Krisan montre qu'il est difficile de transformer des citadins et des intellectuels en paysans », commente Aida Haile Mariam, la Représentante de l'UNHCR au Ghana. « Par ailleurs, la cohabitation entre plusieurs nationalités, plusieurs cultures et langues ne va pas sans heurts. Ce n'est pas le cas à Buduburam. »
Aida Haile Mariam ajoute qu'il faut très rapidement remédier à la situation des réfugiés de Krisan, les amener à sortir du désoeuvrement grâce à l'une des trois solutions durables, le rapatriement, pour ceux qui le désirent, l'intégration dans le pays d'accueil, ou une éventuelle réinstallation dans un pays tiers.
Dans l'espoir de susciter des vocations, l'UNHCR essaie, avec le concours d'un partenaire opérationnel, d'inciter les réfugiés à se lancer dans des activités génératrices de revenus. Le bureau de l'UNHCR au Ghana envisage aussi de réaliser une étude socioéconomique à Krisan qui permettra d'aider les réfugiés à reconstruire leurs vies.
La majorité des 60 000 réfugiés encore hébergés par le Ghana est constituée par quelque 38 000 Libériens. Grâce aux progrès du Libéria vers la stabilité, l'UNHCR a commencé, dès février 2006, à promouvoir activement le rapatriement volontaire. Une délégation ministérielle du Libéria a aussi effectué une visite aux camps de Buduburam et de Krisan en juillet, qui devrait aider les réfugiés à prendre une décision en connaissance de cause pour leur avenir.
Depuis le début des opérations de rapatriement en octobre 2004, l'UNHCR a aidé quelque 73 000 réfugiés libériens à rentrer chez eux, incluant 3 500 rapatriements depuis le Ghana. L'opération de rapatriement devrait se terminer en juin 2007.
Par Francis Kpatindé à Accra, Ghana