Au menu à la cantine, des plats mijotés par des chefs réfugiés
Au menu à la cantine, des plats mijotés par des chefs réfugiés
C’est un jour dont on se souviendra longtemps à la cantine du Collège Louis Pergaud à Dozulé, en Normandie. La salle est décorée de posters aux couleurs lumineuses et plus de 100 élèves entassés finissent leur déjeuner.
Des affiches sur le Yémen et la cuisine traditionnelle yéménite décorent la cafétéria. D'autres posters offrent aux collégiens chiffres et informations sur les droits des femmes et des filles réfugiées ainsi que sur la réunification familiale.
Aujourd'hui est une occasion spéciale pour la centaine de gourmands qui se délectent du menu oriental du jour : poulet et riz assaisonnés de curcuma et d'épices du Moyen-Orient.
Les repas à peine terminés, les enfants se mettent à applaudir, les yeux rivés sur Saber Hajaj, le chef du jour et un réfugié yéménite.
"Quand je cuisine des plats yéménites ici en France, je crée aussi une passerelle entre les pays. Cela me rend particulièrement heureux," explique-t-il.
Pour la première fois, le Refugee Food Festival se déroule dans quatre écoles normandes à l'occasion du Prix Bayeux-Calvados pour les correspondants de guerre et avec l’appui du Département du Calvados. Cet évènement gastronomique est une initiative citoyenne co-organisée par l'association française Food Sweet Food et le HCR.
Pendant une semaine, trois chefs réfugiés yéménite, syrien et iranien mijotent des plats traditionnels pour 1 500 élèves dans quatre écoles du département du Calvados.
"Je dirai à mes parents que je voudrais essayer de cuisiner la même recette à la maison."
Les plateaux repas nettoyés, les collégiens plient et emportent leur set de table sur lesquels est dessinée une carte indiquant la distance entre Dozulé et le Yémen. Les sets apportent aussi des informations sur ce qu'est un réfugié, leur nombre en France et les raisons pour lesquelles ils sont contraints de fuir leur foyer.
"J'emporte le set de table pour le montrer à mes parents. Je leur dirai que le repas était très bon et que je voudrais essayer de cuisiner la même recette à la maison," dit Margot, une élève de troisième.
Ce menu yéménite s'inscrit dans le cadre d'une semaine d'activités dans les collèges normands afin de sensibiliser les élèves à la cause des réfugiés. Elle comprend des présentations et des échanges avec des réfugiés et des membres du HCR dans les classes, une visite virtuelle du camp de réfugiés de Zaatari, en Jordanie, ainsi que l'exposition du photographe Brian Sokol intitulée "The Most Important Thing".
Les collégiens, de même que les élus locaux, les responsables éducatifs, les enseignants et le personnel des cantines ont accueilli l'initiative avec enthousiasme.
Lors d'une visite de classe au Collège Louis Pergaud, Suzanna Kilani et son mari, Nabil Attar, deux réfugiés syriens, racontent leur histoire aux élèves. Ils ont dû fuir la Syrie en 2015 avec leurs deux garçons, dont l'un a le même âge que les collégiens.
Le couple considère qu'il est important d'expliquer aux élèves français la raison pour laquelle ils ont dû tout abandonner et comment ils sont arrivés en France et entamé une nouvelle vie.
"J'ai dû tout laisser derrière moi alors j'ai décidé de mettre ma passion au cœur de ma nouvelle vie."
“La seule chose qu'ils voient ou qu'ils entendent sur les réfugiés sont des reportages ou des photos qui ne leur décrivent pas la réalité. C'est pour ça que je souhaite, en racontant ce qui m'est arrivé, leur livrer un autre récit qui peut être triste par certains aspects, mais plein d'optimisme aussi,” explique Suzanna.
C'est avec émotion que le duo partage leurs souvenirs d'enfance en Syrie, le jour de leur mariage et leur bonheur en famille, avant que la guerre n'éclate. Ils racontent également leur douloureux départ, leurs premiers pas en France ainsi que leurs efforts pour s'intégrer à la société.
"Aujourd'hui, je suis chef car la cuisine est ma passion. J'ai dû tout laisser derrière moi alors j'ai décidé de mettre ma passion au cœur de ma nouvelle vie."
Ces rencontres avec des réfugiés ont suscité l'intérêt, la curiosité et l'empathie des élèves.
"Je ne pensais pas que pendant leur voyage, les réfugiés faisaient autant de choses et qu'ils traversaient autant de pays jusqu'à la France," souligne Léa.
"C'est vraiment bien et ça donne envie de découvrir plein de choses et d'apprendre à les connaître," ajoute Margot.