Au coeur de l'Afrique, multiples mouvements de retour
Au coeur de l'Afrique, multiples mouvements de retour
UVIRA, République démocratique du Congo, 9 août (UNHCR) : Le long de la frontière de la République démocratique du Congo (RDC), un pays vaste comme toute l'Europe, les réfugiés sont prêts pour le départ. Les Congolais qui avaient trouvé refuge dans les pays voisins rentrent maintenant dans les régions relativement stables de la RDC. Et les réfugiés qui avaient été accueillis en RDC sont rapatriés vers leur terre natale.
Quelques réfugiés en Afrique, tels les Angolais qui avaient quitté la région de Kasangulu, au sud de Kinshasa, la semaine dernière pour rentrer à Mbanza Congo dans la province Zaïre au nord de Luanda, étaient en exil depuis 30 ans, voire plus. Dans plusieurs pays africains, la principale responsabilité de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés est de protéger, nourrir et loger les réfugiés qui ont passé des décennies dans les camps de réfugiés.
Mais la mission de l'UNHCR en RDC est différente. « Elle consiste à rapatrier les réfugiés chez eux », explique Aïda Haïle Mariam, déléguée adjointe de l'UNHCR pour les opérations en RDC. « Je pense que c'est la plus belle des opérations de l'UNHCR au monde. »
En effet, plusieurs mouvements de réfugiés ont démarré : l'un vers la République démocratique du Congo depuis la République centrafricaine, la République du Congo, la Zambie et la Tanzanie, et l'autre depuis la RDC vers le Rwanda, le Burundi, l'Angola et le Soudan.
Dans la province de l'Equateur, dans le nord-ouest de la RDC, les réfugiés sont rentrés chez eux avec l'aide de l'UNHCR depuis la République centrafricaine et la République du Congo. Jusqu'à présent, quelque 1 900 personnes sont rentrées depuis la République centrafricaine et quelque 2 500 de la République du Congo. Ces petits nombres masquent les grands défis logistiques de ces deux opérations.
Les routes sont quasiment inexistantes dans la région, des pluies torrentielles sont fréquentes et le voyage peut durer près de 10 heures pour effectuer 100 km par la route. Pour ces raisons, l'agence pour les réfugiés a organisé plusieurs modes de transport pour les rapatriements, dont le bateau pour franchir la rivière Ubangui, les camions pour traverser les forêts denses, et les avions quand des pistes d'atterrissage de fortune existent et où il n'y a pas d'autres moyens d'accès.
Au sud de la RDC, quelque 42 000 Angolais sont rentrés chez eux avec l'assistance de l'UNHCR depuis le début des opérations de rapatriement volontaire en 2003. Quelque 22 000 Angolais sont toujours dans des camps et des installations en RDC et on estime à 72 000 les Angolais vivant intégrés aux communautés locales.
Les premiers de ces Angolais vivant en dehors des camps et des installations sont rentrés depuis Kasangulu vers Mbanza Congo dans la province du Zaïre cette semaine, avec un total de 2 000 Angolais prévus pour rentrer depuis le sud de Kinshasa dans les quatre à cinq semaines à venir.
Malgré une bonne intégration en RDC depuis des décennies, les Angolais sont en général très heureux de mettre fin à leur exil. « J'ai pris place dans un convoi depuis Kisenge en RDC vers Luau en Angola à bord duquel les réfugiés ont chanté tout le long de leur voyage de retour sur plus de 100 km », se souvient Haïle Mariam.
De l'autre côté de la RDC, l'UNHCR envoie du personnel dans les forêts denses et des endroits éloignés du Nord et du Sud-Kivu pour encourager activement les Rwandais à rentrer chez eux après 11 ans d'exil. Quelque 4 900 ont accepté cette offre cette année, portant le chiffre à plus de 78 000 Rwandais rentrés depuis la RDC avec l'assistance de l'UNHCR depuis 2000.
Ces rapatriements sont organisés par l'UNHCR, mais parfois les réfugiés eux-mêmes devancent l'agence pour les réfugiés. Au Sud-Kivu, particulièrement, et le long de la frontière avec la Zambie, les réfugiés congolais rentrent chez eux par leurs propres moyens après des années d'exil, et en plus grand nombre qu'ailleurs dans le pays où l'UNHCR organise le rapatriement.
« Certainement, cela sera bénéfique pour le pays si les réfugiés rentrent », indique Haïle Mariam à Kinshasa. « S'ils retournent chez eux en grand nombre, le pays s'en trouvera plus sécurisé et la communauté internationale mettra en place des projets de développement. »
Cela ne peut être qu'une bonne nouvelle pour toute la région des Grands Lacs, elle ajoute : « La stabilité en RDC signifie la stabilité pour 10 pays de la région. »
Le retour de plus de 10 000 Congolais depuis les camps en Tanzanie - par leurs propres moyens, dans des bateaux de fortune sur l'immense Lac Tanganyika - a précipité l'UNHCR dans l'organisation de camions pour la dernière étape du voyage vers leurs villages, bien que l'agence ne soit pas convaincue des conditions de sécurité pour le retour dans cette région.
Les réfugiés eux-mêmes obligent en fait l'agence à organiser les retours. « A l'examen de la situation dans l'est de la RDC, nous ne voyons pas de circonstances propices au retour et nous n'encouragerons pas les réfugiés à quitter leur pays d'asile », a indiqué Ron Redmond, le porte-parole de l'UNHCR aux journalistes le mois dernier à Genève. « Mais nous pourrions aider ceux qui insistent pour rentrer en utilisant nos bateaux et nos camions. Cette question est encore à l'étude. »
Dans les villages du Sud-Kivu à leur descente des camions de l'UNHCR, les rapatriés congolais sont accueillis par les embrassades, les chants, les danses, les applaudissements et les cris de joie de leurs amis et proches, profondément émus.
« C'est un plaisir de voir ces personnes arriver », s'exclame un officier de sécurité de la ville de Fizi, au sud d'Uvira.
« Nous vous demandons de faire en sorte que davantage de gens rentrent », a récemment demandé Josué Mmelelwa, maire de Baraka, une petite ville dans le territoire de Fizi, au sud d'Uvira, à un employé de l'UNHCR.
En raison de la réduction des denrées alimentaires et des services dans les camps en Tanzanie, « les gens souffrent là-bas », poursuit-il. « Ils ont besoin de rentrer dans leurs villages, mais nous n'avons aucun moyen pour les aider. Nous ne pouvons même pas assurer le transport. Davantage d'entre eux rentreraient si des moyens de transport étaient disponibles. »
Saïdi Kashindi est âgé de 17 ans, il est récemment rentré chez lui par ses propres moyens depuis un camp de Tanzanie parce que, dit-il, il veut contribuer au relèvement de son pays.
Malgré toutes les difficultés qu'il rencontre, il dit que c'est toujours mieux de vivre dans son pays natal. Et, se tenant près des ornières de la route poussiéreuse dans un village du Katanga, Saïdi Kashindi a un plan clair en tête.
« Je voudrais aller à l'université », dit-il. « Je voudrais devenir ingénieur et construire des ponts et des routes. Je veux aider mon pays. »
Par Kitty McKinsey