Après avoir été déracinés par la guerre, les Ukrainiens handicapés font preuve de créativité
Après avoir été déracinés par la guerre, les Ukrainiens handicapés font preuve de créativité
La jeune Vlada et son compatriote ukrainien déraciné Alexandr ont vécu des périodes difficiles. Ils figurent parmi les 66 000 handicapés ayant fui les combats dans l'est de l'Ukraine en 2014, en même temps que deux millions d’autres personnes.
Vlada, 15 ans est née avec un spina bifida, une malformation prénatale qui désigne une brèche dans la colonne vertébrale. Alexandr a la soixantaine. Il y a 10 ans, il a perdu une jambe à cause d’une maladie. Ils se déplacent tous les deux en fauteuil roulant.
Débrouillards, ils ont chacun trouvé un moyen pour s’en sortir, envers et contre tout.
Vlada a appris l’anglais et le piano en autodidacte. Alexandr, lui, aime la danse en fauteuil et son passe-temps favori, le tricot.
Ils habitent le même couloir d’un sanatorium de l’époque soviétique, dans la ville de Sviatohirsk, à proximité de la ligne de démarcation entre le territoire de Donbass et les zones contrôlées par le gouvernement de Kiev.
Ils ont tous les deux fui les combats qui faisaient rage à l’est avec leurs familles.
« J’ai appris l’anglais parce que je veux découvrir le monde », explique Vlada. « C’était très difficile, mais j’en rêvais. »
Alexandr dit qu’il a envie de danser à chaque fois qu’il entend une musique qu’il aime. « L’envie me prend et je me mets à bouger », explique-t-il. « J’ai ça dans le sang. La musique me donne le sourire. »
Vlada continue de réaliser son rêve avec l’aide de Sasha, son amie de 15 ans, qui loge également dans le centre. Elles se sont rencontrées au moment où leurs familles étaient logées dans un autre sanatorium, à Odessa.
« Un jour, je m’ennuyais », se souvient Vlada. J’ai dit, ‘Sasha, on pourrait peut-être aller se promener dans la rue.’ Elle a répondu : ‘oui, bien sûr’. »
Aujourd’hui, elles sont inséparables. Sasha aide Vlada à s’habiller et pousse le fauteuil pendant leurs longues promenades autour du sanatorium. En échange, Vlada joue au piano pour Sasha et essaye de lui apprendre à confectionner des oiseaux d’origami en papier.
« Je suis heureuse quand je suis avec elle », explique Sasha. « Je n’ai pas l’impression d’être avec une handicapée. J’ai l’impression d’avoir affaire à quelqu’un de complet. »
Alexandr passe une bonne partie de ses journées à tricoter. Il dit que ça lui calme les nerfs. C’est sa grand-mère qui lui a enseigné le tricot. Au début, il tricotait des chaussettes. Aujourd’hui, il tricote des pull-overs, des écharpes, et même des petits tapis de laine qu’il vend ou dont il fait cadeau.
Sa technique consiste à récupérer des vieux vêtements en laine qu’on lui apporte ou qu’il trouve lui-même et d’en détricoter les mailles. Il utilise ensuite le fil pour créer autre chose, en associant souvent deux ou trois fils pour créer de nouvelles combinaisons de couleurs.
« L’envie me prend et je me mets à bouger. J’ai ça dans le sang. La musique me donne le sourire. »
« Mon père aimait la peinture », explique-t-il. « Il peignait de beaux tableaux et je trouve que ce que je tricote est beau aussi. »
Pour la plupart des 191 résidents du sanatorium, tant handicapés que leurs accompagnateurs, la vie se limite souvent à l’attente. Vlada et Alexandr ont tous les deux décidé d’occuper ces heures en travaillant et en se lançant de nouveaux défis.
Vlada est néanmoins déçue de ne pas pouvoir aller à l’école. L’école de la zone se trouve à plusieurs kilomètres et, contrairement à l’école où elle allait à Luhansk avant les combats, celle-ci n’offre pas d’infrastructures pour des élèves handicapés. Les professeurs doivent donc venir lui donner cours dans sa chambre, où elle travaille toute seule, alors que son amie Sasha passe ses journées en classe avec les autres élèves.
Le HCR étudie la possibilité de fournir les matériaux pour la construction de rampes qui permettraient à Vlada d’assister aux cours à l’école. Toutefois, sans aide extérieure, ses aspirations pourraient bien rester irréalisables.