Après 50 ans de vie en Allemagne, les déplacés d'Europe de l'Est se souviennent encore du HCR
Après 50 ans de vie en Allemagne, les déplacés d'Europe de l'Est se souviennent encore du HCR
BERLIN, le 5 janvier (UNHCR) - Olga* garde encore en mémoire le jour où, il y a presque cinquante ans, elle a finalement pu quitter le camp de réfugiés situé près de la ville portuaire d'Hambourg, après 14 ans d'attente. « C'était merveilleux ! » s'exclame cette femme aujourd'hui âgée de 84 ans. « Nous avions enfin la possibilité de mener à nouveau une vie normale. » Avec son mari et ses enfants, elle a quitté leur unique pièce commune, située dans les anciennes casernes qui avaient été utilisées, pendant la guerre, pour loger les travailleurs forcés polonais. Grâce à l'un des premiers programmes mis en place par l'UNHCR, Olga a pu, avec le soutien de l'agence, s'installer à Hambourg, dans un petit deux-pièces qu'elle n'a plus jamais quitté.
Originaires d'Estonie, Olga et sa famille ont été considérées comme des « déplacés ». Lorsqu'en 1951, l'UNHCR a débuté son travail en faveur des réfugiés déracinés par la guerre, ils ont fait partie de l'un des premiers groupes de réfugiés relevant de la compétence de l'organisation.
Le terme de « déplacés » a servi à désigner les millions de personnes qui se sont retrouvées hors des frontières de leur pays du fait de la seconde guerre mondiale. la plupart d'entre eux étaient des travailleurs forcés ou d'anciens prisonniers des camps de concentration. en effet, quelque 11,3 millions de personnes ont été emmenés en Allemagne par les Nazis pendant la guerre pour servir de main d'oeuvre forcée, la majorité d'entre eux issus d'Europe de l'est.
Même si la plupart des déplacés ont pu rentrer chez eux après la fin de la guerre, certains sont restés en Allemagne de l'Ouest et dans d'autres pays européens, par peur de la répression et des persécutions dans les zones passées sous contrôle soviétique. Ainsi, Olga Hermann et sa famille ont-elles pris la décision de ne pas rentrer en Estonie. Certains membres de leur famille ayant déjà été déportés en Sibérie, toute tentative de retour aurait pu se révéler dangereuse.
En Allemagne de l'Ouest, les déplacés ont longtemps été logés dans des camps de réfugiés. Ce n'est que dans les années 60 qu'a été fermé le dernier de ces camps. Le plus souvent, les déplacés ont vécu dans des vieilles casernes militaires et d'anciens camps de travailleurs forcés ou de prisonniers de guerre, souvent laissés dans un piteux état. Au cours des premières années, le risque était grand de contracter une maladie dans ces camps, notamment la tuberculose.
Lorsque des pays tels que les Etats-Unis, le Canada et l'Australie ont commencé à accepter des gens pour une réinstallation, des centaines de milliers de personnes ont choisi d'émigrer. Tous n'ont cependant pas eu cette chance. Pour ceux qui sont restés dans les camps - les personnes âgées, les malades, mais aussi de nombreuses familles avec des enfants - les perspectives d'avenir n'étaient guère réjouissantes.
« Dans le camp, il y avait de nombreuses personnes lourdement handicapées. En fait, on y trouvait tous ceux qui n'avaient pas voulu émigrer ou qui étaient malades », se souvient Olga. « Nous aussi, nous voulions quitter l'Allemagne, mais cela a été impossible. Mon mari avait des ennuis pulmonaires et notre demande a été refusée. »
En septembre 1951, lorsque l'UNHCR a ouvert son premier bureau à Bonn, on comptait plus 254 000 réfugiés étrangers en Allemagne de l'Ouest, parmi lesquels 56 000 vivaient dans 143 camps gérés par les autorités de la toute nouvelle République fédérale d'Allemagne. En Autriche voisine, environ 50 000 résidaient également dans des camps.
Au début, l'UNHCR manquait de fonds pour mener un programme d'assistance de grande envergure en faveur des personnes handicapées. En 1952, le premier Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Gerrit Jan van Heuven Goedhart, décida alors de lancer un appel aux Etats membres des Nations Unies pour obtenir un plus grand soutien de la communauté internationale.
« Je ne pourrai jamais assez insister sur la nécessité d'une action internationale pour mettre fin à la misère qui existe parmi la population condamnée à vivre dans des camps en Europe centrale depuis les six ou sept dernières années », a-t-il dit au Conseil économique et social des Nations Unies.
Deux ans après, quatre réfugiés sur cinq en Allemagne et en Autriche étaient toujours dans les camps. Quand le prix Nobel de la Paix a été proposé à l'UNHCR en 1954, le Président du Comité Nobel Gunnar Jahn a souligné le besoin urgent d'intégration locale pour les réfugiés. « Bien sûr, les réfugiés reçoivent suffisamment de nourriture pour rester en vie », a-t-il dit. « Mais, quoi d'autre ? Découragement s'aggravant de jour en jour, mauvaises conditions de logement ou d'hygiène, pas de quoi s'habiller dignement, rien à faire à part s'asseoir et attendre, toujours attendre. Attendre quoi ? Quelque chose dont ils savent qu'elle ne se réalisera jamais. Quelle est l'utilité d'envoyer quelques enfants en vacances l'été dans d'autres pays, si c'est seulement pour les renvoyer ensuite dans leur camp ? »
A partir de 1955, l'UNHCR a pu disposer de financement pour fournir une maison et de l'instruction aux plus vulnérables parmi ces réfugiés. De simples maisons en briques ont été construites en Autriche et en République fédérale d'Allemagne, et les réfugiés ont reçu un soutien financier pour équiper leur maison. De jeunes réfugiés ont bénéficié d'une formation professionnelle qui leur a permis de trouver un emploi. En partenariat avec les ONG, l'UNHCR a mené une activité de conseil pour les habitants des camps. Les conseillers ont aidé les réfugiés à trouver un emploi et un logement en dehors des camps.
Tout cela a été possible grâce au Fonds des Nations Unies pour les réfugiés (UNREF) - un fonds auquel 21 pays ont contribué et qui, plus tard, a été complété par un financement provenant du budget de l'UNHCR. Bien que de larges portions du fonds de l'UNREF ont été utilisées pour l'Allemagne et l'Autriche, d'autres pays accueillant des réfugiés ont aussi pu être aidés, comme l'Italie et la Grèce.
Quand les camps de « déplacés » situés en Allemagne de l'Ouest ont été fermés au début des années 60, 19 336 personnes avaient bénéficié de l'assistance de l'UNHCR et 3 325 appartements avaient été construits avec le soutien financier de l'agence.
Quelques-uns de ces appartements sont encore habités par des « déplacés » de la première génération, comme Olga.
« Nous avons trouvé du travail ici, notre fils a pu aller à l'école », se souvient Olga. L'intégration s'est bien passée, et les enfants et petits-enfants des personnes déplacées sont devenus allemands.
* Nom fictif
Par Andreas Kirchhof à Berlin