Angelina Jolie se rend à Mossoul-Ouest, où les familles irakiennes retrouvent leurs maisons en ruine
Angelina Jolie se rend à Mossoul-Ouest, où les familles irakiennes retrouvent leurs maisons en ruine
L’actrice Angelina Jolie, Émissaire du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, s’est rendue aujourd’hui dans la partie ouest de la ville de Mossoul, qui a été contrôlée pendant trois ans par Daech jusqu’à sa libération l’été dernier. Après avoir marché dans les rues silencieuses de la ville, au milieu des immeubles bombardés, et rencontré quelques-unes des premières familles à être rentrées chez elles, Angelina Jolie a lancé un appel à la communauté internationale afin que celle-ci n’oublie pas les tortures que ces habitants ont endurées et les nouveaux défis auxquels ils sont confrontés.
« De toutes mes années de travail avec le HCR, je n’ai jamais vu un tel niveau de destruction », a déclaré Angelina Jolie, tandis qu’elle se trouvait face aux ruines de la mosquée al-Nuri dans la vieille ville. « Ici les gens ont tout perdu ; le traumatisme et la perte qu'ils ont subis sont exceptionnels ».
L’Émissaire spéciale s’est dite admirative devant la capacité qu’ont ces familles à avancer, malgré l'apparente indifférence du reste du monde.
« Je ne trouve pas les mots pour décrire la force nécessaire pour reconstruire après une telle perte », a-t-elle déclaré. « Mais c'est ce que font les habitants de cette ville. Ils sont endeuillés et traumatisés mais ils sont aussi plein d'espoir. Ils nettoient leurs maisons à mains nues, ils se portent volontaires pour s’entraider. Mais ils ont besoin de notre aide. »
« De toutes mes années de travail avec le HCR, je n’ai jamais vu un tel niveau de destruction. »
Ce déplacement est la 61ème mission d’Angélina Jolie avec l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés depuis 2001, et la cinquième en Iraq. Elle s’est déroulée à l’occasion du deuxième jour de l’Aïd-el-Fitr, tandis que de nombreux habitants de la ville se retrouvaient en famille pour célébrer la fin du Ramadan. L’an dernier, à la même époque, la ville vivait sous d’intenses échanges de tirs, des bombardements et des frappes aériennes, à quelques semaines encore de la liberté.
Les habitants qui avaient fui vers l’est de Mossoul ou vers des camps de déplacés situés au sud de la ville rentrent lentement chez eux. Mais ils retrouvent leur maison dans des quartiers qui ont subi des ravages inouïs. Aucune structure n’a été épargnée. Pas une seule fenêtre n’est intacte.
L’une de ces familles a montré à Angelina Jolie les dégâts subis par leur maison familiale, construite il y a près d’un siècle. Mohamed, âgé de 47 ans, a expliqué qu’il était né et qu’il s’était marié dans cette maison, aujourd’hui en ruine après avoir été traversée un matin de juin dernier par un obus de mortier. Cet obus a grièvement blessé sa fille âgée de 17 ans. Lorsqu’ils l’ont transportée pour se faire soigner, ils ont été refoulés et la jeune femme est morte d’une hémorragie.
« Zubayda était très sociable, pleine d’énergie, très simple et généreuse », dit-il, les larmes aux yeux. « Quand elle n’avait qu’une portion à manger – et il n’y avait pas beaucoup de nourriture à l’époque – elle la donnait à ses frères et sœurs ».
Pour le moment, Mohamed, sa femme Hoda et leurs trois enfants encore en vie, sont hébergés par des voisins, mais l’espace est trop étroit pour y rester à long terme.
« Je veux reconstruire la maison et revenir vivre ici », dit Mohamed. « Même si j’ai des souvenirs douloureux dans cette maison, je n’ai pas d’autre endroit où aller. Je dois rentrer chez moi ».
Dans Mossoul, la deuxième plus grande ville d’Irak, près de 40 000 habitations doivent être reconstruites. Le HCR et son partenaire, l’organisation Human Appeal, ont commencé à venir en aide aux familles qui rentrent chez elles, en leur fournissant une aide en espèces afin qu’elles puissent réparer et reconstruire leur maison. L’objectif est d’aider 1 500 familles cette année.
Sans cet appui, les familles qui rentrent chez elles risquent de sombrer encore un peu plus dans la pauvreté. Face au manque d’abris, de services et d’emplois, des milliers de personnes sont à nouveau déplacées et ont trouvé refuge dans des camps situés en dehors de la ville.
Jusqu’à présent, les efforts de reconstruction sont modestes. A l’ouest de la ville, dans la section al-Zanjely, plusieurs habitants ont été vus en train de mélanger du ciment, d’aligner des carrelages ou de tirer des fils électriques pour être prêts au cas où le courant reviendrait de temps en temps. Des jeunes hommes montés à l’arrière de camions ont livré des blocs de glace pour réfrigérer.
Les membres d’une famille qui vit là depuis plusieurs générations ont expliqué à Angelina Jolie qu’ils avaient l’intention de reconstruire au plus vite dès que les papiers seront en ordre. Le père, prénommé Mohamed, tenait un magasin de décoration d’intérieur à côté, mais il a été détruit avec leur maison durant les combats.
Falak, sa fille de 8 ans, n’est plus soignée pour une maladie génétique, depuis que le médecin a fui il y a deux ans. Les combattants ont tué son cousin devant ses yeux et cette expérience traumatisante la hante encore. « Encore aujourd’hui, lorsque nos enfants entendent des feux d’artifice, cela les terrifie », explique Mohamed. « Ils sont traumatisés ».
C’est aussi dans cette section de la ville que Angelina Jolie a rencontré Hassan, un vendeur de légumes âgé de 33 ans. Il lui a expliqué avoir perdu sa maison à deux reprises : la première fois, quand les combattants l’ont confisqué ; la seconde fois, lorsque les frappes aériennes l’ont réduite à l’état de débris. Lui et sa femme, Lamiaa, ainsi que leurs trois enfants ont loué une pièce dans une maison modeste, avec une autre famille.
Leurs filles sont retournées à l’école cette année et elles ont montré avec grande fierté leur carnet scolaire à l’Émissaire du HCR. Elles font partie des premières de la classe.
Leur père a demandé à pouvoir bénéficier d’une aide en espèces afin de reconstruire leur maison. Depuis qu’il a reçu la première tranche d’aide, il y a deux semaines, il n’a pas perdu de temps. Il a réussi à finir une première partie des travaux juste avant la fête de l’Aïd, en construisant plusieurs murs, en installant des fenêtres et un hall d’entrée. Il débutera bientôt les travaux de construction du toit.
« C’est chez moi. Je n’ai nulle part ailleurs où aller ».
« Ici, c’est chez moi. Où voulez-vous que j’aille ? », demande-t-il. « C’est mon pays, mon peuple. Ce sont mes voisins. Pourquoi partir ? On ne quitte pas sa maison ».
Une telle détermination est indispensable pour construire un avenir durable à Mossoul, en Irak, et dans la région. Mais les habitants comme Hassan auront besoin de davantage de soutien de la part de la communauté internationale, dont ils n’ont plus l’attention.
« C’est très décevant », dit Angelina Jolie. « Ces gens ont subi des brutalités inouïes et ils ont si peu, alors qu’ils tentent de reconstruire la vie qu’ils avaient autrefois ».