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Alors que la peur s'abat à nouveau sur l'est tchadien, l'oubli guette les déplacés internes

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Alors que la peur s'abat à nouveau sur l'est tchadien, l'oubli guette les déplacés internes

A la fin de la saison des pluies, une nouvelle vague, comme on le craignait, de violences interethniques a frappé les régions isolées de l'est du Tchad. La situation est de plus en plus tendue à la frontière avec la région soudanaise du Darfour, déchirée par les conflits.
1 Novembre 2006
Des femmes déplacées tchadiennes près du camp de réfugiés de Goz Amer ; elles transportent le peu qu'elles ont pu sauver après la destruction de leur village.

KOUKOU, Tchad, 1er novembre (UNHCR) - A la fin de la saison des pluies, une nouvelle vague redoutable de violences interethniques a frappé les régions isolées de l'est du Tchad. La situation est de plus en plus tendue à la frontière avec la région soudanaise du Darfour, déchirée par les conflits.

Depuis le début du mois d'octobre, des scènes de désolation se multiplient, rappelant étrangement les scènes de carnage ayant cours de l'autre côté de la frontière : au moins dix villages tchadiens ont été attaqués, pillés, incendiés et vidés par des groupes arabes présumés. Des dizaines de personnes auraient été tuées et beaucoup d'autres blessées.

Plus de 2 000 Tchadiens ont été attaqués dans plusieurs villages et forcés de fuir, ou sont partis craignant d'être les prochaines cibles. La plupart des déplacés ont fui en direction de Goz Amer, un camp de réfugiés de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, près du village de Koukou, dans le sud-est du Tchad.

L'UNHCR administre une douzaine de camps dans l'est du Tchad, accueillant 218 000 réfugiés du Darfour. L'agence doit actuellement faire face à un nombre croissant de déplacés tchadiens alors que la crise du Darfour menace de déstabiliser encore plus la région. L'UNHCR a vivement recommandé la présence d'une force internationale de maintien de la paix dans l'est du Tchad.

Plusieurs villages attaqués au Tchad accueillaient des personnes déplacées qui avaient fui plus tôt cette année, profitant d'une accalmie des violences pendant la saison des pluies. On comptait déjà quelque 50 000 Tchadiens déplacés avant ces dernières violences.

Les hostilités actuelles, qui ont éclaté début octobre et se sont rapidement intensifiées, seraient dues à des disputes entre une ethnie arabe et les noirs africains dadjos. « Tout d'un coup il y a eu la guerre dans notre village, des gens ont été tués, nous ne savons toujours pas qui a été tué », raconte un déplacé dadjo, assis sous un arbre avec sa famille.

« Certains attaquants étaient à cheval, d'autres à pied. Quelques-uns portaient des uniformes militaires, ils n'avaient pas de véhicules », ajoute-t-il. « Ils nous ont dit : 'Si vous restez, nous allons vous tuer. Si vous fuyez, nous allons vous tuer'. »

Un autre homme se rappelle comment plusieurs hommes dadjos des villages voisins avaient tenté de former une force d'autodéfense pour essayer de repousser les attaquants, des groupes lourdement armés majoritairement arabes.

Dans le but de garder la situation sous contrôle, le préfet de Goz Beida tente d'instaurer un dialogue avec les représentants des communautés, au point que des arabes musulmans et des Dadjos jurent sur le Coran qu'ils ne reprendront pas les hostilités.

Lorsque la situation s'est calmée fin octobre au camp de Goz Amer, qui accueille 18 000 réfugiés du Darfour, les travailleurs humanitaires ont été agréablement surpris par ce qu'ils ont trouvé. Les réfugiés soudanais avaient déjà commencé à dresser des listes de Tchadiens déplacés pour qu'ils puissent aussi recevoir de la nourriture. De nombreux Tchadiens nouvellement déplacés avaient eux-mêmes accueilli les Soudanais quand ils ont fui le Darfour.

Parallèlement, l'UNHCR et ses partenaires ont fourni aux Tchadiens déplacés des biens de secours basiques comme des bâches en plastique pour les abris, des moustiquaires, des seaux, des jerrycans et du savon.

« La situation des personnes déplacées internes et des réfugiés est très similaire, c'est juste que les déplacés sont toujours dans leur pays », a indiqué un fonctionnaire en charge de la sécurité à l'équipe de l'UNHCR le 21 octobre dernier. « Ici le principal problème, c'est l'insécurité. Je ne dispose pas des ressources suffisantes pour assurer la sécurité de toute la population - moi y compris », a ajouté le fonctionnaire.

Le jour suivant, les rebelles tchadiens ont occupé temporairement la ville avant de se diriger vers Am Timan. En avril dernier, les rebelles avaient déjà traversé la région pour tenter vainement de prendre le contrôle de la capitale N'Djamena.

Bien que les déplacés soient impatients de rentrer chez eux avant les récoltes ce mois-ci, l'UNHCR et ses partenaires les préparent à d'autres alternatives. Si l'insécurité les empêche de rentrer chez eux immédiatement, les Tchadiens devront être transférés vers l'un des deux sites dans la région qui ont été désignés à ce jour pour accueillir les déplacés et auxquels les agences humanitaires ont accès.

L'un d'entre eux, Habile, près de Goz Amer, a presque atteint sa capacité d'accueil de 3 500 personnes. Les Tchadiens déplacés sont aussi encouragés à essayer de trouver un hébergement chez des proches qui pourraient habiter dans cette région. Pour joindre les deux bouts en attendant de décider ce qu'ils vont faire, de nombreux déplacés recherchent du bois ou tissent des nattes en herbe pour les vendre sur les marchés locaux.

Abdoulaye, qui a fui depuis Modeina vers Goz Amer en mars et a rejoint Habile en mai, explique qu'il reste préoccupé par l'insécurité. « Pour le moment, nous avons plus ou moins abandonné l'idée de rentrer à Modeina dans un avenir proche », a-t-il dit, ajoutant que l'insécurité dans la région rend le futur de plus en plus incertain pour un nombre croissant de Tchadiens.

Par Matthew Conway à Koukou, Tchad