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Des couturières réfugiées se tissent une nouvelle vie en Allemagne

Communiqués de presse

Des couturières réfugiées se tissent une nouvelle vie en Allemagne

12 juillet 2017 Egalement disponible ici :
Esraa, une réfugiée originaire de Damas en formation avec Anna Kossmann, couturière à Stitch by Stitch. © HCR/Gordon Welters

FRANCFORT, Allemagne - Reyhane Heidari coud à points fins un tailleur en dentelle. Pour cette réfugiée afghane de 25 ans, il ne s’agit pas tant de couture que de retisser les mailles de son existence.

Aujourd’hui employée dans un atelier de mode de Francfort, Reyhane a grandi en exil en Iran avant d’arriver en Allemagne en 2015, au plus fort de la crise des réfugiés. Elle a eu la chance de décrocher un emploi à l’atelier Stitch by Stitch, une affaire lancée par deux designers de la ville qui produisent des vêtements pour de petites maisons de mode allemandes.

Fondé par la créatrice de mode Claudia Frick et la styliste Nicole von Alvensleben, cet atelier exclusivement féminin emploie six couturières réfugiées et une couturière allemande. Tout le monde y trouve son compte, les réfugiées qui ont besoin d’un emploi et l’entreprise qui a besoin de personnel.

«Nous leur offrons un tremplin pour faire connaître leurs compétences», indique Nicole. «Les entreprises ont souvent du mal à recruter. Elles [les réfugiées] viennent de sociétés où l’artisanat et les métiers sont toujours bien vivaces et elles sont heureuses de pouvoir s’y employer.»

«Ici, on est entre sœurs.»

 

Reyhane était arrivée en Allemagne depuis six mois quand Nicole et Claudia l’ont rencontrée à un événement caritatif. Reyhane portait une veste de sa création. «Le col et les poches étaient impeccablement réalisées», raconte Claudia. «Je me suis dit ‘bon sang, elle doit être bonne si elle a fait sa veste elle-même’.» Reyhane a été recrutée sans plus attendre.

Le travail va de la couture des boutons à la confection de vêtements complexes. Les couturières sont payées 9 euros de l’heure, 16 centimes de plus que le salaire minimum allemand. «Nous nous rémunérons au même tarif que nos employées», précise Nicole. «On n’est pas dans un atelier clandestin à exploiter les travailleurs.»

«Ici, on est entre sœurs», dit Claudia. «On échange sur tous les sujets.»

Sur le mannequin est exposée une ravissante robe noire aux motifs colorés, une commande de Heike Merkle, la propriétaire de Death by Dress, une marque de mode indépendante de Francfort.

«Bien sûr, Francfort n'est pas Berlin», dit Nicole «mais le milieu de la mode y est malgré tout très dynamique. Les clients veulent des vêtements uniques, tout droit sortis de chez le créateur et pas des tenues produites à la chaîne. C'est une filière artisanale façon 21e siècle.»

Le milieu de la mode a attiré des réfugiées qui avaient travaillé dans le même secteur dans leurs pays d’origine.

Avant la guerre en Syrie, Iman Khatibe, 40 ans, avait son propre atelier à Alep. Elle confectionnait surtout des robes de mariage, des robes du soir et de la lingerie, toujours rehaussées de broderies élaborées. «J’ai tout appris de ma grand-mère, de ma tante et de mon oncle qui travaillaient eux aussi dans la création de mode», explique-t-elle.

Aujourd’hui, elle voit un vrai potentiel dans le mariage des styles européens et moyen-orientaux. «Je prends parfois des idées dans les magazines», dit-elle «mais je ne copie jamais ce que je vois dans la rue. Mon inspiration vient de l’intérieur.»

Iman quitte le travail de bonne heure parce qu’un tout jeune bébé l’attend à la maison. Ses collègues plus jeunes travaillent jusqu’en fin d’après-midi.

Esraa Ali, 21 ans, vient de Damas. Elle est en formation et apprend la couture. Elle va à l’école deux jours par semaine et apprend vite à bien parler allemand.

«Ma mère m’a appris à assortir les couleurs… mon père à me servir d’une machine à coudre.»

 

Même si elle aimait les robes et les longs manteaux traditionnels portés par les femmes en Syrie, Esraa a surtout été inspirée par Cendrillon, le dessin animé de Disney. «Je n’avais jamais vu d’aussi jolies robes, avec ces coupes élégantes qui font la taille si fine, et aussi la beauté des cheveux découverts», dit-elle.

Esraa a dessiné, cousu et porté une robe de sa création au concours de couture organisé à Francfort sur le thème des Années folles. Elle a agrémenté sa robe rose et le hijab assorti de dentelle grise et de perles noires. «Les Années folles à la Syrienne, en quelque sorte», explique-t-elle en riant.

À la table d’à côté où elle applique de la dentelle sur un tailleur raffiné, Reyhane raconte qu’elle avait sa propre petite affaire à Mashhad, en Iran.

Elle vient d’une longue lignée de tailleurs afghans originaires d’Herat. «Ma mère m’a appris à assortir les couleurs, mon père m’a appris à me servir d’une machine à coudre.»

Avant l’atelier, elle travaillait chez elle à fabriquer des vêtements pour des clients afghans et iraniens.  Les textiles me manquaient», dit-elle «les couleurs, les motifs, les tapis afghans tissés main.»

Reyhane aime mélanger les styles afghans et européens. Elle porte des jeans, même des jupes courtes avec des leggings, et toujours le hijab, «parce que ça me plaît». Elle est ambitieuse et espère avoir sa propre boutique à Francfort pour y créer sa ligne de vêtements.

Après le bouleversement qu’a été son départ d’Iran, Reyhane a repris le fil de son métier en Allemagne «pas à pas, point par point», dit-elle. «On pourrait dire que je suis en train de recoudre ma vie. Oui, c’est l’effet que ça me fait.»