« J’espère que l’attention internationale sur l’Afghanistan continuera. Le HCR est sur place à long terme. »
« J’espère que l’attention internationale sur l’Afghanistan continuera. Le HCR est sur place à long terme. »
Quelle est la situation à Kaboul en ce moment ? Comment vous et votre personnel vous sentez-vous ?
Actuellement, la situation est relativement calme. Les escarmouches se poursuivent dans certaines zones, et nous entendons encore quelques tirs sporadiques, mais moins que les deux premiers jours. La situation revient lentement à un semblant de normalité.
Nous ne savons pas ce que l’avenir nous réserve, ce qui va se passer, nous ne savons pas quand un gouvernement sera en place. Alors, nous prenons les choses au jour le jour et nous espérons que tout ira bien.
Nous nous en sortons bien dans ces circonstances. En parlant au personnel, ils sont encore en proie à l’incertitude. Certains ont peur, d’autres veulent retourner au travail.
Compte tenu de la situation de sécurité, dans quelle mesure êtes-vous en mesure de venir en aide aux populations dans le besoin en ce moment ? Et quel type d’assistance fournissez-vous?
Nous avons accès aux 34 provinces, à 299 des 450 districts. Il se peut que tout aille bien dans une région, mais pas dans une autre, donc c’est une situation complexe et nous devons assurer la sécurité du personnel. Jusqu’à présent, les talibans ont respecté nos locaux et nos opérations. Mais la situation évolue en permanence et nous devons rester prudents, non seulement pour le HCR et notre personnel, mais aussi pour nos partenaires. Nous travaillons avec de nombreux partenaires à travers tout le pays. La plupart d’entre eux sont des ONG nationales et ils ont davantage accès que nous à certaines régions.
Nous apportons une réponse d’urgence aux personnes qui ont été déplacées, qui ont besoin d’une assistance vitale immédiate, des personnes qui ont fui leur maison sans rien sauf les vêtements portés ce jour-là. Nous fournissons des articles de première nécessité, des abris, de l’eau, des soins de santé, des installations sanitaires et de la nourriture. Nous fournissons également des allocations d’aide en espèces quand c’est possible.
Nous avons commencé la réponse d’urgence il y a un certain temps, car le conflit se prolonge. Après l’annonce, en mai dernier, du départ des forces militaires internationales, nous avons connu un véritable élan, mais le conflit n’a pas cessé. Rien que cette année, nous avons fourni une aide d’urgence à plus de 200 000 personnes.
Quels sont les besoins les plus urgents à l’heure actuelle, en particulier pour les personnes récemment déplacées ?
Sans aucun doute de la nourriture, mais aussi des abris, de l’eau, des installations sanitaires et des articles de première nécessité comme des bâches en plastique, des seaux, des couvertures et des bouteilles de gaz pour cuisiner. Il y a aussi les kits de dignité pour les femmes et les kits d’hygiène. Du matériel de secours dont les gens ont besoin lorsqu’ils s’enfuient de chez eux sans rien pouvoir emporter.
Lorsque vous sortez pour effectuer ces distributions, comment assurez-vous la sécurité du personnel et des partenaires ?
Les talibans nous encouragent à reprendre nos activités ; ils disent qu’ils assureront la sécurité nécessaire. Donc, pour l’instant, dans la plupart des régions, nous reprenons notre travail, mais nous devons avoir le feu vert des talibans pour le faire.
Dans quelle mesure les Afghans peuvent-ils atteindre et traverser les frontières en quête de sécurité ?
La plupart des frontières sont fermées. Le seul endroit où les gens peuvent entrer et sortir actuellement est à Spin Boldak - c’est le point de passage frontière avec le Pakistan - où les activités sont normales. Ces deux derniers jours, 20 000 personnes sont sorties et 19 000 personnes sont entrées. Il ne s’agit pas nécessairement de demandeurs d’asile ; c’est une frontière très fréquentée et ce sont les chiffres que nous avons régulièrement. Nous avons des personnes qui vont au Pakistan pour des soins médicaux, des personnes qui vont à l’école, au travail, pour être avec leur famille. Et nous avons le même nombre de personnes qui entrent en Afghanistan. Pour Spin Boldak, vous sortez par Kandahar, et nos collègues et nos partenaires indiquent que la circulation est libre. Il y a des points de contrôle, mais il n’y a pas de problèmes majeurs.
D’autres points de passage frontière, par exemple à la frontière avec l’Iran, nécessitent un document de voyage et un visa. C’est pourquoi certaines personnes font appel à des passeurs pour passer par des points de passage informels.
Les frontières avec le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan sont fermées à la circulation des personnes et d’autres frontières ne sont ouvertes qu’au trafic commercial, comme les camions qui apportent des fournitures.
L’accent a été mis sur les évacuations depuis l’aéroport de Kaboul et les offres d’accueil de plusieurs pays. Pour ceux qui ne le connaissent pas, pouvez-vous expliquer la différence entre les évacuations et la réinstallation et le rôle différent du HCR dans ces deux processus ?
Différents pays évacuent leurs citoyens, leurs résidents permanents, ainsi que les Afghans qui travaillaient pour eux. Le HCR n’est pas engagé dans ces opérations. C’est lorsqu’il s’agit de réinstallation que nous intervenons, mais nous ne procédons à la réinstallation qu’à partir du pays d’asile. Ainsi, un citoyen afghan doit quitter son pays d’origine, se rendre dans un pays d’asile et, ensuite, s’il n’y a pas de solution durable pour lui dans le pays d’asile, nous recherchons un pays tiers, et c’est ce que nous intitulons la réinstallation. C’est un processus long qui implique un certain nombre d’entretiens et de contrôles et, malheureusement, il n’est accessible qu’à une très faible proportion de réfugiés parmi les plus vulnérables.
Quels sont les groupes de population qui vous préoccupent actuellement le plus ?
Les journalistes et autres professionnels des médias, les personnes qui sont perçues comme soutenant l’ancien gouvernement ou les forces militaires internationales, ainsi que les membres des groupes ethniques minoritaires. Pour les femmes et les jeunes filles, la politique n’est pas encore claire, elle diffère d’une région à l’autre. Dans certaines régions, on nous dit que les femmes doivent rester à la maison et ne peuvent pas travailler. Dans d’autres, en fonction du travail qu’elles font, elles sont autorisées à travailler.
Que peut-on faire pour aider les Afghans dans le besoin en ce moment ?
La première chose que nous demandons est que les pays gardent leurs frontières ouvertes afin que les Afghans qui veulent partir et demander une protection internationale puissent le faire.
La deuxième chose que nous aimerions demander est un soutien pour les personnes déplacées à l’intérieur du pays - une aide vitale pour les personnes qui ont été forcées de quitter leur foyer.
Enfin, nous avons également besoin d’un soutien pour les « programmes d’aide réguliers », comme nous les appelons, afin de rétablir le cours de la vie et les moyens de subsistance des personnes qui rentrent chez elles, de réhabiliter et de construire les infrastructures endommagées et de garantir que les gens disposent de moyens de subsistance.
Voici donc les trois niveaux : premièrement, garder les frontières ouvertes, deuxièmement, fournir une aide d’urgence pour sauver des vies, et enfin, réhabiliter et construire les infrastructures et les installations endommagées afin que les gens puissent rentrer chez eux.
Toutes ces mesures nécessiteront le soutien de la communauté internationale et, actuellement, nos efforts d’aide en Afghanistan ne sont financés qu’à 43%.
J’espère que l’attention internationale sur l’Afghanistan continuera et qu’elle ne disparaîtra pas après quelques semaines. Le HCR est sur place à long terme.