Au milieu des années 1970, au Rwanda, un garçon de 12 ans a été contraint de fuir son foyer. Aujourd’hui, Alphonse Munyaneza est un membre du personnel de longue date du HCR et un champion de l’inclusion des réfugiés à travers le monde. Désormais basé à Bruxelles, Alphonse a été le pionnier d’une série de projets réunissant les réfugiés et les autorités locales pour mettre en place des systèmes de soutien et des solutions pour les réfugiés. Le HCR Bruxelles a rencontré Alphonse pour écouter l’histoire de l’homme qui a apporté un réel changement pour les réfugiés dans la capitale belge.
Né au Rwanda, Alphonse a passé ses premières années à Bruxelles où son père travaillait comme diplomate. La famille est retournée au Rwanda quand il avait 11 ans, mais moins d’un an après son retour, leur vie a été bouleversée par le coup d’État de 1973 :
« J’ai découvert très tôt la vie de réfugié. Quand j’avais 12 ans, j’ai fui vers la République démocratique du Congo, ou Zaïre à l’époque. Au Rwanda, ma mère a été assignée à résidence, mon père était en prison. Un jour, nous avons également été arrêtés à l’école – tous mes frères et sœurs. Nous sommes tombés malades alors que nous étions assignés à résidence et ma mère sentait que nous étions sur le point de mourir, alors elle a décidé de s’enfuir. C’était comme dans un film : une femme et ses quatre enfants couraient la nuit, poursuivis par des soldats de l’armée. C’est l’histoire de plusieurs millions de femmes du Soudan du Sud, d’Afrique du Sud, etc. Ma mère a fait le voyage que beaucoup de femmes africaines ont fait. »
C’est lors de cette première expérience de fuite qu’Alphonse a rencontré pour la première fois le HCR, par l’intermédiaire d’un homme nommé M. Hess.
« C’est ce qui m’a inspiré à propos du HCR : cet homme s’est rendu compte que pendant deux ans, nous ne pouvions pas étudier… il est allé rencontrer le directeur du collège… il est revenu et a dit à ma mère : « S’ils réussissent l’examen d’admission, ils rentrent au collège. Alors le HCR a payé mes études. Donc, une chose que personne ne sait, c’est que je fais partie du personnel du HCR et que mes études ont été payées par le HCR ! »
Diplôme en poche, Alphonse s’installe en Belgique, et travaille plusieurs années dans le secteur privé. L’acte de gentillesse de M. Hess avait semé dans l’esprit d’Alphonse une graine qui s’est rapidement transformée en un désir d’aider ceux qui, comme lui, avaient été contraints de fuir. Pour cela, Alphonse n’avait qu’une seule destination en tête : le siège du HCR ! :
« Je suis donc allé à Genève avec littéralement un aller simple et une guitare, et j’ai joué dans le métro à la Gare Cournavain [au centre-ville de Genève]. Pendant la journée, j’essayais d’obtenir un entretien pour pouvoir travailler au HCR. »
Le CV impressionnant d’Alphonse lui a rapidement valu un emploi au HCR. Impatient de retourner « sur le terrain », il a été rapidement déployé en Somalie puis au Kenya. C’est là qu’Alphonse a fait ses armes en tant qu’officier de protection dans le camp de Dadaab, abritant des réfugiés somaliens.
« Dadaab a été pour moi un endroit où j’ai appris mes bases : comment diriger un camp, comment diriger une communauté, comment organiser des communautés, des comités de réfugiés et comment organiser la gouvernance des réfugiés… ce furent mes années de formation. »
Le temps qu’Alphonse a passée sur le terrain l’a rendu fervent d’appliquer ce qu’il avait appris sur la protection et les besoins des réfugiés au contexte européen.
« Je crois que ce que je fais en Belgique s’inscrit dans la continuité de ce que j’ai commencé à Dadaab », explique Alphonse.
Grâce à son vécu et à son expertise professionnelle, Alphonse connaissait l’importance du renforcement communautaire parmi les réfugiés, en particulier pour faire entendre leur voix dans la prise de décision.
En approchant différents groupes de réfugiés de différents pays, en écoutant leurs besoins et en créant des réseaux avec les autorités locales, Alphonse a commencé à construire des bases solides pour une meilleure inclusion des réfugiés à Bruxelles.
Le résultat : dix Comités des réfugiés, tous regroupés sous un seul Comité de coordination, tous en dialogue direct avec le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. Les comités placent la voix des réfugiés au cœur de toute prise de décision gouvernementale les concernant, dans le but de trouver des solutions durables.
« C’est l’émancipation des réfugiés et je suis très fier de ce projet. Le gouvernement belge, lorsque nous l’avons contacté, a appuyé l’approche du HCR… Sept réfugiés ont ainsi été engagés en tant que fonctionnaires gouvernementaux travaillant directement avec les ministres régionaux et les hauts fonctionnaires responsables de l’intégration. Ce qui signifie qu’ils interviennent directement sur les politiques impactant les réfugiés. »
Avec la montée du conflit armé international en Ukraine, l’arrivée de réfugiés d’Ukraine a consolidé les relations entre les comités et la Région bruxelloise – Le Comité des Réfugiés ’Ukrainian Voices’ est né et, dès le départ, l’étroite collaboration entre le Comité, les autorités locales et le HCR a apporté des résultats concrets, bénéficiant à la fois aux réfugiés d’Ukraine et des nombreuses autres régions du monde d’où les gens fuient.
Les réfugiés gèrent désormais neuf hôtels et quatre bâtiments comme structures d’accueil, et gèrent un centre communautaire où les réfugiés peuvent se réunir, apprendre des langues, travailler, faire du sport et accéder aux informations et services de l’État ou du secteur privé.
Malgré ses exploits, Alphonse ne montre aucun signe de répit et continuera indéniablement à défendre l’inclusion des réfugiés dans les années à venir.
« Je veux toujours être à un endroit où je peux transformer les choses. Et les transformer de telle manière que les changements perdurent après mon départ. La prochaine étape est une autre aventure où il est possible de sauver des vies. »
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