Des femmes déplacées au Soudan du Sud s'efforcent de contenir les eaux de crue
Des femmes déplacées au Soudan du Sud s'efforcent de contenir les eaux de crue
Lorsqu'il est devenu évident qu'une pompe ne suffirait pas à contenir les eaux de crue qui avaient inondé la seule route menant au camp de déplacés de Bentiu, dans l'État de l'Unité au Soudan du Sud, les femmes du camp et de la communauté environnante ont décidé de prendre les choses en main.
Dans la matinée du 18 octobre, quelque 500 personnes, principalement des femmes, se sont aventurées dans la boue, équipées de seaux, et ont commencé à écoper l'eau de la route en la transvasant à la main par-dessus les digues de terre situées de part et d'autre.
« Cette situation a limité les possibilités d'accès de l'aide humanitaire, dont nous dépendons, et nous a obligés à prendre les choses en main nous-mêmes (...) pour évacuer l'eau de la route principale », expliquait le lendemain Nyekong Dak Pech, 37 ans. « Grâce à nos efforts, les camions du PAM [Programme alimentaire mondial] ont pu livrer de la nourriture dans notre camp aujourd'hui. Nous le referons si nécessaire. »
Les deux tiers du Soudan du Sud connaissent actuellement des inondations après une quatrième année consécutive de précipitations record. Dans l'État de l'Unité, une bonne partie des sites qui abritent quelque 460 000 personnes déplacées se trouvent sous le niveau actuel de l'eau, et ne sont protégés des eaux de crue que par des digues de terre compactée, qui doivent être constamment renforcées pour éviter qu'elles ne s'effondrent.
« Nous vivons dans la peur la nuit à cause du risque d'inondations », confie Nyeluak Wal Gatkek, 36 ans, qui a également participé au nettoyage de la route. « Si les digues cèdent, de nombreuses personnes seront à nouveau déplacées, et personne ne nous a donné d'indications sur l'endroit où aller au cas où cela se produirait. »
Les deux femmes ont déclaré qu'elles n'avaient jamais connu de telles inondations auparavant, mais qu'elles craignaient que le pire soit à venir.
« Avec tout ce qui se passe actuellement, nous ne savons pas si certains d'entre nous seront encore dans la région l'année prochaine, ou même s'ils seront encore en vie », déclare Nyeluak. « Nous ne sommes pas certaines que l'eau se retirera avant la saison des pluies de l'année prochaine (2023), qui sera, selon nous, encore pire. »
Le changement climatique entraîne des phénomènes météorologiques extrêmes plus fréquents et plus intenses au Soudan du Sud, un pays déjà fragilisé par les conflits qui l'ont secoué depuis son indépendance du Soudan en 2011. Les inondations ont immergé de vastes étendues de terres agricoles, ce qui condamne davantage de personnes à souffrir de la faim. En début de semaine, l'ONU a déclaré que près de 65% de la population - 7,74 millions de personnes - étaient déjà confrontés à une situation de faim sévère, avec près de 3 millions de personnes « au bord de la famine ».
Les plus de 135 000 personnes vivant sur le site de Bentiu dépendent de la route entre le camp et la capitale de l'Etat pour la livraison par les camions d'aide de presque tous les produits essentiels, de la nourriture aux médicaments. Ces personnes utilisent également la route pour se déplacer entre le camp et Bentiu, où elles tentent de trouver du travail pour compléter l'aide humanitaire qu'elles reçoivent.
Si les digues cèdent, dit Nyekong, « la seule solution sera de courir vers un endroit plus élevé, mais je ne vois pas d'endroit proche où nous pourrions aller ».