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En RCA, les victimes de la LRA n'ont qu'un seul espoir

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En RCA, les victimes de la LRA n'ont qu'un seul espoir

Une équipe du HCR s'est rendue dans le sud-est de la République centrafricaine, une région affectée par les attaques de la LRA.
16 Avril 2012
Des enfants déplacés par les attaques menées par la LRA contre leurs villages suivent des cours sous des arbres à la sortie de la ville de Zemio.

Obo, République centrafricaine, 16 avril (HCR) - Malgré les multiples attaques de la rébellion ougandaise de la LRA subies depuis 2008, les populations civiles dans le sud-est de la République centrafricaine ont l'espoir qu'un jour Joseph Kony sera arrêté.

Lors de son passage, le groupe rebelle les a dépossédés de tous leurs maigres biens, a enlevé les membres de leurs familles et en a tué d'autres, a brûlé ou détruit leurs villages. Les paysans n'ont alors qu'une solution : fuir vers les centres urbains où des forces de défense et de sécurité sont présentes.

Au total, 15 des 21 villages que nous avons pu visiter, sous escorte militaire, sont totalement vides. Aucune présence humaine, même pas une bête. Après trois heures et demi de route, nous arrivons au croisement Tanango, et Paul notre chauffeur explique : « Ici, c'est l'un des passages de la LRA. Cette voie mène en RDC et l'autre là-bas au Soudan du Sud. »

Au village Nguili Nguili par exemple, situé à 12 kilomètres d'Obo, la ville où sont basées les forces spéciales américaines pour traquer Joseph Kony, le chef de la LRA, les stigmates du passage de ce groupe rebelle sont encore visibles. On y voit encore les piquets des maisons et greniers calcinés et noircis par le feu, des maisons abandonnées et délabrées par les intempéries. Les chants d'oiseaux et les bruits des feuilles mortes représentent la seule ambiance qui reste encore de ces villages. Il y règne un silence de cimetière.

Le bruit du grincement de la porte d'une des maisons abandonnées que nous avons essayé d'ouvrir a produit un bruit similaire à celui de la porte d'un vieux château du 18e siècle. « Les éléments de la LRA sont là », raconte Jean un paysan du village Maboussou, en dirigeant son index vers la brousse.

Maboussou est l'un des villages les plus attaqués dans la zone. Marius fait partie des rares paysans de ce village attaqué trois fois déjà par les «Tongo-Tongo» comme on appelle les éléments de la LRA ici, à avoir fait le difficile choix de rester chez eux. «La plupart des habitants sont déjà partis à Zemio ou Mboki. Moi, j'ai décidé de rester ici avec ma famille. Le jour, nous sommes dans le village et, la nuit, nous dormons dans la brousse », explique t-il.

Les attaques de la LRA dans la zone ont semé la désolation et laissé des villages entiers sans vie. Sur cette longue route de 1300 kilomètres qui traverse la savane boisée, nous n'avons rencontré aucune moto, aucun vélo à l'image de la terreur qui règne dans cette partie de la RCA. Au fur et à mesure que nous avançons, nous apercevons une fumée de poussière derrière nos deux véhicules.

Des véhicules du HCR pendant la traversée du bac Kadjema situé entre Zemio et Mboki en RCA.

Un jour avant ce périlleux voyage, Pierre et Raphaël, deux jeunes rescapés de la LRA, m'avaient raconté leur histoire. Tous les deux ont été enlevés une nuit du 6 mars 2008 lors de l'attaque de la ville d'Obo. Ils ont passé plus d'un an avec la LRA, avant de pouvoir s'échapper à l'occasion d'une attaque contre l'armée congolaise.

«Je me suis retrouvé en RDC dans un groupe dirigé par un commandant de Joseph Kony. Là-bas, on m'a forcé ainsi que deux autres jeunes comme moi, à tuer à coups de bâton 15 prisonniers de l'armée congolaise», raconte Pierre le visage luisant de sueur et visiblement plein d'amertume. «Je n'ai jamais pensé pouvoir faire des choses aussi graves dans ma vie», regrette-t-il.

Raphaël lui, infirmier de son état, s'est retrouvé dans la base de Joseph Kony lui-même et il est devenu son médecin personnel. «Un jour, j'ai soigné une femme kidnappée comme moi et qui était très malade. Les éléments de Kony m'ont amené à lui et il a décidé que je devienne son médecin », raconte t-il.

Depuis lors, il a appris l'atcholi, une langue ougandaise, et il était souvent amené dans d'autres bases pour soigner des rebelles malades. « Nous attaquions des villages pour nous approvisionner et enlever d'autres personnes qui cultivaient des hectares de maïs, d'arachides et de patate pour nous- les femmes elles, servaient d'esclaves sexuelles», se remémore-t-il, le regard plongé dans le néant.

A l'évocation de ces deux récits quasi similaires à ceux des 409 rescapés de la LRA recensés par le HCR dans la zone, j'ai eu la chair de poule.

Les ruines du village Nguili-Nguili situé à 12 kilomètres de la ville d'Obo en RCA, après une attaque de la LRA.

Aujourd'hui, les populations du sud-est sont devenues presque otages dans leurs propres villages. Elles ne peuvent plus se déplacer au-delà de cinq kilomètres, excepté à Obo où la présence de l'armée ougandaise et des militaires américains permet aux paysans de cultiver leurs champs sur un rayon de 25 kilomètres.

Cette situation d'insécurité permanente a considérablement réduit les mécanismes habituels de survie des populations (activités agricoles, pêche et échanges commerciaux), les rendant extrêmement vulnérables. Mais celles-ci ont toutes quelque chose en commun : l'espoir que Joseph Kony soit arrêté.

Par Djerassem Mbaiorem, à Obo en RCA