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Sud-Soudan : l'épopée du retour des Dinka avec leur troupeau d'un million et demi de têtes

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Sud-Soudan : l'épopée du retour des Dinka avec leur troupeau d'un million et demi de têtes

Le Sud-Soudan est actuellement témoin d'un extraordinaire spectacle : une longue caravane de milliers de déplacés internes de la tribu des Dinka se dirige vers Bor, leur région d'origine, avec leur troupeau d'un million et demi de têtes.
8 Décembre 2005 Egalement disponible ici :
Les soldats de la SPLA escortent l'un des premiers groupes de Dinka et leurs troupeaux, vers l'unique pont franchissant le Nil Blanc.

JUBA, Sud-Soudan, 8 décembre (UNHCR) - « Je suis là maintenant car nous avons été attaqués à maintes reprises par les autres tribus. Elles ont volé notre bétail, elles ont volé nos vêtements - elles ont même volé nos ustensiles de cuisine », indique Tabita, une femme de la tribu Dinka, juste après son arrivée au camp de Lologo, situé à 15 km au sud-est de Juba, au Sud-Soudan.

Les Dinka ont été impliqués dans une série d'affrontements avec les membres d'une autre tribu à Mundri, dans l'Ouest-Equateur, où ils ont vécu depuis 14 ans. L'autre tribu a accusé les Dinka de permettre à leur bétail d'empiéter sur ses terres et de détruire ses cultures. Des deux côtés, plusieurs personnes ont été tuées durant les affrontements, ce qui a finalement contraint Tabita et 12 000 autres Dinka à fuir Mundri pour rentrer dans leur région d'origine, malgré le manque de ressources qui les y attend.

Avec des milliers d'autres, Tabita a quitté Bor, dans la partie est du Sud-Soudan, en 1991. « A ce moment-là, l'Armée de libération du peuple soudanais (SPLA) s'est divisée », explique-t-elle. « Après un bain de sang pour mon peuple, nous avons dû partir. »

A Lologo, Tabita attend maintenant, avec ses jeunes trois enfants, de recevoir des soins de santé de base des agences humanitaires, qui se sont installées au Sud-Soudan en vue des opérations de rapatriement organisées depuis les pays voisins et depuis l'intérieur du Soudan.

Bientôt, elle et ses enfants embarqueront à bord de barges sur le Nil Blanc vers Bor, un voyage qui prendra jusqu'à deux jours. Depuis mardi, au camp de Lologo, l'UNHCR a recensé 1 320 personnes vulnérables parmi les Dinka, particulièrement des femmes, des enfants et des personnes âgées. Le mari de Tabita voyage séparément, accompagnant leurs 20 vaches aux côtés d'autres hommes et troupeaux qui avancent lentement vers le Sud-Soudan. Comme toutes les tribus pastorales en Afrique, les familles dépendent largement de leurs troupeaux pour survivre.

Les Dinka ont entamé en septembre dernier ce périple pour rentrer à Bor, escortant entre 500 000 et 1,5 million de bêtes. Le groupe est divisé en 34 troupeaux. Le groupe à l'avant du mouvement est arrivé à Juba ces derniers jours. Pour éviter qu'ils congestionnent la nouvelle capitale du Sud-Soudan, les troupeaux et leurs propriétaires sont escortés par les soldats de la SPLA à la périphérie de la ville et près du pont, le seul qui traverse le Nil Blanc prolongeant la route dans les deux directions.

Jeudi, près de 10 000 bêtes ont franchi le pont. Elles se déplacent lentement, les gardiens de troupeaux les poussant avec leurs bâtons, d'épais nuages de poussière se créant derrière chacun des sous-groupes composés de 80 à 100 vaches.

Pour le moment, les troupeaux doivent s'arrêter de l'autre côté du pont, en attendant que les soldats du SPLA sécurisent la route reliant les deux villes.

« Lorsque la route sera sécurisée, les troupeaux se dirigeront vers Bor en empruntant le long des berges », explique Terence Pike, chargé de protection de l'UNHCR. La route entre Juba et Bor est sûrement minée, conséquence de 21 ans de guerre civile dans le sud, et les agences des Nations Unies sont préoccupées par le fait que des incident pourraient se produire à cause des mines. Cela leur devrait leur prendre plusieurs semaines pour rejoindre Bor.

La fin du voyage ne signifiera pas la fin des problèmes. « La capacité d'absorption des rapatriés est assez limitée », indique T. Pike. La ville a été sérieusement endommagée par la guerre, les infrastructures de base et les logements sont très rares. « Mais l'UNHCR essaie d'identifier les parents chez qui les gardiens de troupeaux pourraient habiter. Leur réintégration sera de ce fait facilitée dans un lieu qu'ils ont abandonné il y 14 ans. »

Quelques Dinka sont également partis vers le sud, pour échapper aux affrontements entre tribus dans l'Ouest-Equateur. A Yei, une ville proche de la frontière ougandaise, l'UNHCR et OCHA, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, ont recensé plus de 1 000 Dinka originaires de Bor arrivés depuis Mundri ces trois dernières semaines. Les agences ont également fait état de plusieurs centaines de Dinka arrivés depuis Yambio ces derniers jours, fuyant également des combats.

« Je suis arrivé à Yei samedi dernier avec mes 8 enfants et ma femme », indique John, âgé de 40 ans. « Les combats avaient commencé à l'école à Yambio trois semaines auparavant et se sont propagés dans toute la ville. »

L'UNHCR et les autres agences ont dû transférer leurs équipes après ces incidents et évaluent actuellement le niveau de sécurité avant de décider de leur éventuel retour à Yambio. Les Dinka de Bor ne sont pas la seule population affectée par les combats au Sud-Soudan. Leurs adversaires le sont aussi : 3 000 personnes, appartenant à la tribu des Zande, auraient franchi la frontière le mois dernier vers la République démocratique du Congo pour échapper aux combats avec les Dinka dans l'Ouest-Equateur.

« La plupart des déplacés dinka, arrivés depuis Mundri et Yambio, sont des personnes vulnérables : des femmes qui ont perdu leur époux pendant la guerre, des enfants et des personnes âgées », indique John McKissick, chargé de protection de l'UNHCR, basé à Yei. La plupart d'entre elles restent avec des proches à Yei. « Nous avons commencé à les enregistrer et nous leur fournirons des biens de secours, comme des couvertures, des bâches en plastique, des moustiquaires, des jerrycans ainsi que des biscuits à haute teneur énergétique. Et enfin, nous espérons pouvoir les transporter vers Bor dès que possible en janvier ou en février. »

C'est avant tout ce que souhaitent les Dinkas : rentrer chez eux.

« Si j'avais une voiture, je rentrerai immédiatement à Bor. Je suis né là-bas et ce n'est pas une vie d'être continuellement déplacé », indique Necodemus, âgé de 37 ans.

La route entre Yei et Juba est actuellement dangereuse, en raison de risques d'attaques par les troupes rebelles ougandaises, connues sous le nom de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA). Par conséquent, ce groupe de déplacés dinka devrait être transféré par voie aérienne de Yei à Bor.

En tout, on estime à près de 4 millions de personnes, originaires du sud, déplacées à l'intérieur du Soudan après deux décennies de conflit. Il y a également 500 000 réfugiés sud-soudanais dans les pays voisins, on espère que beaucoup d'entre eux rentreront chez eux avec l'assistance de l'UNHCR dans les prochains mois et années, après la signature en janvier 2005 des accords de paix entre le gouvernement et la SPLA.

Par Hélène Caux à Juba et Yei, Sud-Soudan