Les dix principales préoccupations sur la protection des réfugiés suite aux attentats du 11 septembre
Les dix principales préoccupations sur la protection des réfugiés suite aux attentats du 11 septembre
Les attentats terroristes qui ont eu lieu aux Etats-Unis le 11 septembre ont changé le monde et affecte profondément des millions de personnes à travers le monde. Les répercussions s'en feront sentir pendant des années.
En tant qu'organisation chargée d'assurer la protection et de fournir une assistance aux millions de personnes parmi les plus vulnérables de la planète, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés est particulièrement préoccupé par l'impact que les actes terroristes du 11 septembre pourraient avoir sur la protection internationale des réfugiés.
Le HCR est préoccupé, entre autres, par le nombre croissant de personnes qui perçoivent les réfugiés et les demandeurs d'asile comme des « criminels » ainsi que par des démarches tendant à associer, de manière injustifiée, les réfugiés au terrorisme. Avant même les événements tragiques du 11 septembre, les demandeurs d'asile rencontraient déjà, dans de nombreux pays, de plus en plus de difficultés, soit à accéder à la procédure d'asile, soit à surmonter les présomptions sur la validité de leur demande, à cause de leur origine ethnique ou des moyens utilisés pour arriver dans un pays.
Le HCR est conscient du fait que plusieurs gouvernements sont à présent en train de considérer des mesures de sécurité supplémentaires pour éviter que des terroristes gagnent leur territoire par la voie de l'asile. Ceci est compréhensible et le HCR soutient les efforts - multilatéraux et nationaux - visant à déraciner et à combattre le terrorisme. En fait, le HCR étudiera même ce que l'on pourrait appeler les « pratiques les plus efficaces » mises en place par les Etats à cet égard.
La question qui est posée par les gouvernements, soit quelles barrières supplémentaires de sécurité il convient d'adopter, est en soi raisonnable. Mais nous devons veiller à ce que la réponse soit correcte, que toute nouvelle procédure motivée par des impératifs de sécurité respecte un équilibre avec les principes de protection des réfugiés qui sont en jeu. Le HCR est disposé à collaborer avec les gouvernements dans l'examen de ces questions.
Etant donné qu'un nombre croissant de gouvernements désirent entreprendre de telles révisions, la préoccupation majeure du HCR comporte deux aspects :
primo, que les demandeurs d'asile de bonne foi pourraient être victimes de préjugés et de législations ou de mesures administratives excessivement restrictives :
secundo, que les normes de protection des réfugiés, laborieusement élaborées depuis longtemps, pourraient se dégrader.
Toute discussion sur les procédures motivées par des impératifs de sécurité devrait partir du fait que les réfugiés fuient eux-mêmes la persécution et la violence, y compris parfois le terrorisme, et qu'ils ne sont pas les auteurs de tels actes.
Il est aussi capital que les Etats comprennent que la Convention de 1951 sur les réfugiés ne constitue pas un havre pour les terroristes, ni ne les exclue d'une procédure pénale. Tout au contraire, la Convention est spécifiquement conçue pour exclure les personnes ayant commis des crimes graves.
Tandis que des gouvernements, partout dans le monde, sont en train de considérer des barrières de sécurité renforcées afin de combattre le terrorisme, suite aux événements tragiques du 11 septembre, le HCR attire l'attention sur dix points spécifiques qui mettent en garde contre des actions qui pourraient affecter directement les demandeurs d'asile et les réfugiés.
1. Le racisme et la xénophobie : le HCR est particulièrement inquiet de la tendance, très répandue aujourd'hui, d'associer les demandeurs d'asile et les réfugiés avec les criminels et les terroristes. Ceci incite au racisme et à la xénophobie et provoque des soucis concernant la protection des demandeurs d'asile et des réfugiés. Mettre sur le même pied l'asile et la protection des terroristes n'est pas seulement juridiquement faux et dépourvu des preuves factuelles, mais cela constitue une diffamation envers les réfugiés et expose les personnes d'une race ou d'une religion particulières à la discrimination et à la haine.
2. L'admission et l'accès à la procédure de détermination de statut de réfugié : toute personne a le droit de demander l'asile et de voir sa demande de statut de réfugié examinée individuellement. Le refus à la frontière peut se traduire en refoulement, c'est-à-dire, le renvoi d'une personne vers une situation de danger. Ceci est contraire aux obligations stipulées par le droit international. Le HCR s'inquiète de la promulgation de législations qui pourraient effectivement permettre de refuser l'accès à la procédure de détermination de statut de réfugié - ou qui conduirait à un refus à la frontière - à certains groupes ou individus qui, par leur religion, leur appartenance à un groupe ethnique, leur nationalité ou affiliation politique, sont associés sans preuves au terrorisme. La Convention de 1951 sur les réfugiés contient déjà des « clauses d'exclusion » lesquelles excluent les personnes ayant commis des crimes graves. En outre, elle prévoit la levée de l'interdiction du refoulement pour ceux qui représentent un danger pour la sécurité nationale. Une application appropriée de la Convention de 1951 permettra l'exclusion des responsables des actes terroristes et pourra même faciliter leur identification et leur accusation. En bref, la Convention de 1951 n'octroie pas une protection aux personnes qui ne la méritent pas.
3. L'exclusion : certains gouvernements pourraient automatiquement ou incorrectement appliquer les clauses d'exclusion ou autres critères aux demandeurs d'asile, sur la base d'une appartenance présumée aux groupes terroristes à cause de leur religion, leur groupe ethnique, leur nationalité ou affiliation politique. Les vrais réfugiés sont eux-mêmes victimes du terrorisme et de la persécution, et ne sont pas les auteurs de ces crimes. Lorsque cela s'avère nécessaire, le HCR encourage l'application rigoureuse des clauses d'exclusion contenues dans les instruments internationaux sur les réfugiés, comme la Convention de 1951. Mais, chaque application de la clause d'exclusion doit être évaluée individuellement, sur la base des preuves disponibles et en conformité avec les principes fondamentaux de justice et d'équité. Cette évaluation doit faire partie de l'ensemble de la procédure de détermination du statut de réfugié.
4. Le traitement des demandeurs d'asile : les gouvernements pourraient être enclins à avoir recours à la détention obligatoire des demandeurs d'asile ou à établir des procédures qui ne sont pas conformes aux normes prévues par la loi. La position du HCR, défendue depuis longtemps, stipule que la détention des demandeurs d'asile devrait constituer l'exception et non pas la règle. La détention est acceptable seulement quand les circonstances particulières d'un cas la justifient, par exemple lorsqu'il y a des raisons solides pour soupçonner une association au terrorisme. Mais la détention doit toujours se produire dans un cadre légal. De la même manière, les procédures de détermination du statut de réfugié mises en place pour traiter les demandes des terroristes présumés doivent être conformes aux normes prévues par la loi, faire intervenir des responsables qualifiés et compétents en la matière et prévoir la possibilité d'un réexamen.
5. Le retrait du statut de réfugié : des Etats pourraient être enclins à retirer le statut de réfugié aux individus sur la base d'une appartenance présumée aux groupes terroristes simplement à cause de leur religion, leur groupe ethnique, leur nationalité ou affiliation politique. Selon le règlement, le retrait du statut de réfugié peut seulement se produire s'il y a preuve de fraude ou de présentation déformée des faits qui ont conduit à la décision de l'octroi du statut. L'appartenance d'un réfugié à un groupe ethnique ou à un pays ne peut pas en soi être une raison pour retirer ou démentir le statut de réfugié. Toute décision doit être basée sur des faits.
6. Expulsion : les gouvernements pourraient favoriser l'expulsion de groupes ou d'individus sur la base d'une appartenance présumée aux groupes terroristes à cause de leur religion, leur groupe ethnique, leur nationalité ou affiliation politique. Si la Convention de 1951 sur les réfugiés permet l'expulsion des individus pour des raisons de sécurité nationale ou d'atteinte à l'ordre public, ceci doit avoir lieu exclusivement selon les termes de la loi et doit inclure une possibilité de recours pour le réfugié.
7. Extradition : des Etats pourraient être enclins à approuver l'extradition de groupes ou d'individus sur la base d'une appartenance présumée aux groupes terroristes à cause de leur religion, leur groupe ethnique, leur nationalité ou affiliation politique. Le HCR soutient que l'extradition doit se produire seulement au terme d'une procédure légale et lorsqu'il a été prouvé que l'extradition ne se traduira pas par un renvoi vers un pays où l'individu se retrouverait persécuté et non pas jugé.
8. La réinstallation : la réinstallation dans un pays tiers est l'une des trois principales solutions durables pour les réfugiés (les autres sont le rapatriement vers le pays d'origine et l'intégration dans le premier pays d'asile). Des Etats pourraient être tentés de ne pas maintenir les quotas de réinstallation promis, surtout en ce qui concerne certains groupes ethniques ou nationalités. Selon le HCR, la réinstallation est primordiale. Ceci est particulièrement vrai pour certains réfugiés vulnérables des pays tels que l'Afghanistan, où les femmes en particulier pourraient se trouver en péril. La poursuite du soutien aux programmes de réinstallation est vitale. Le HCR s'efforce de diversifier le nombre de pays qui ont de tels programmes de réinstallation.
9. La résolution 1373 du Conseil de sécurité : la résolution 1373 du Conseil de sécurité a été adoptée le 28 septembre 2001. Entre autres, cette résolution appelle les Etats à travailler ensemble de manière urgente afin de prévenir et supprimer les actes terroristes et à compléter cette coopération internationale par des mesures nationales supplémentaires. La résolution 1373, si elle est correctement interprétée et appliquée, est conforme aux principes du droit international des réfugiés. Son application, toutefois, doit se faire avec attention afin d'assurer que les demandeurs d'asile de bonne foi et les réfugiés ne se voient pas refuser leurs droits fondamentaux en raison des mesures anti-terroristes.
10. Version préliminaire de la Convention contre le terrorisme : le HCR se félicite de l'élaboration et de l'adoption rapide d'une convention contre le terrorisme. Mais ladite Convention ne doit pas constituer une base légale pour associer de manière injustifiée les demandeurs d'asile et les réfugiés avec les terroristes. Son adoption ne doit pas non plus insinuer que la Convention de 1951 sur les réfugiés ne prévoit pas de refuser aux terroristes l'octroi du statut de réfugié ou qu'elle leur offre une quelconque protection.