Un adolescent iraquien échange « informatique contre repassage »
Un adolescent iraquien échange « informatique contre repassage »
DAMAS, Syrie - Les yeux de Karim*, un jeune Iraquien de 17 ans, s'illuminent quand il évoque sa passion pour les études. « J'ai l'impression que je dois tout savoir », dit ce grand adolescent, vêtu d'un maillot de l'équipe nationale iraquienne de football. « Ce n'est pas le cas, c'est très dur pour moi. »
Il a poursuivi ses études envers et contre tout. Après avoir affronté quotidiennement les bombardements et les tirs à Bagdad pour aller à l'école, il a dû arrêter ses études au lycée, en première, lorsque sa famille a fui vers Damas, la capitale syrienne. Une fois sur place, il s'est inscrit à l'école, mais il a dû à nouveau abandonner car il n'avait pas le permis de résidence requis.
Dans un geste stupéfiant de courage et de soif d'apprendre, il est alors retourné à Bagdad de lui-même pour passer ses examens et terminer son année de première de lycée. Mais il semble aujourd'hui qu'il soit allé aussi loin qu'il ait pu.
Actuellement, au lieu de poursuivre son rêve de devenir ingénieur informatique, il est devenu le seul soutien de sa famille élargie qui compte 13 personnes, travaillant comme un forçat au repassage dans une blanchisserie pendant 14 heures par jour. Il travaille sept jours sur sept et ramène à la maison l'équivalent de trois dollars par jour.
Il doit faire face à un dilemme cruel comme de nombreux adolescents iraquiens réfugiés en Syrie : bien qu'ils aient un désir profond de poursuivre leur éducation, ils sont souvent les seuls membres de leur famille à trouver un travail et à rapporter un maigre salaire.
« L'éducation est ma première priorité, parce j'aime étudier », dit-il. Il explique pourtant qu'il n'a pas le choix ; il doit travailler car « je dois soutenir ma famille ». Il n'éprouve aucun ressentiment d'avoir dû très tôt prendre des responsabilités, mais la camaraderie et la vie scolaire lui manquent ainsi que le plaisir d'apprendre.
Même s'il en a la volonté, étudier par lui-même est au-delà de ce qu'il peut faire actuellement. « Je veux vraiment étudier et lire par moi-même, mais je n'ai pas le temps », dit Karim. « Je vais au travail puis je rentre à la maison (après minuit), complètement épuisé. »
Bien qu'il ne s'étende pas sur le sujet, Karim pense souvent à l'ordinateur personnel qu'il avait chez lui à Bagdad - dans la maison de 800 mètres carré que partageait sa famille élargie. C'est un contraste saisissant avec la pièce unique dans laquelle ils vivent tous maintenant, avec une petite salle de bain pour 13 personnes, où ils doivent couper en deux chaque feuille de papier toilette pour faire des économies.
Karim ne se laisse pas aller au désespoir, mais il a clairement peur de ce qui arrivera s'il ne peut pas poursuivre ses études. « Je vois plutôt l'avenir comme une réplique de ce que nous vivons actuellement », dit-il tristement.
* nom fictif pour des raisons de protection