Déclaration liminaire de M. António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la 58e session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire
Déclaration liminaire de M. António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la 58e session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire
Genève, le 1er octobre 2007
Monsieur le Président,
Excellences,
Distingués délégués,
Mesdames et Messieurs,
Bienvenue à Genève. Ce sera un grand plaisir pour moi de travailler avec vous cette semaine.
Ce siècle est celui du déplacement humain. Chaque perspective économique, chaque navire en partance, chaque catastrophe et chaque conflit est le sceau d'un vingt et unième siècle marqué par les mouvements de population.
Le HCR s'engage pleinement à remplir son mandat. La protection, l'assistance et les solutions pour les réfugiés, de pair avec la réduction des cas d'apatridie, constituent les fondements de nos activités. Rien ne nous détournera, ni au plan de nos énergies ni au plan de nos ressources, de ces responsabilités. Mais l'efficacité de notre action dépend de notre capacité à comprendre la structure profonde des déplacements de population dans le monde contemporain. Pourquoi assistons-nous à un accroissement aussi considérable de la migration ? Quelles sont les causes actuelles du déplacement forcé ?
Plusieurs raisons sont avancées pour expliquer les mouvements migratoires. De plus en plus de personnes sont en quête d'un meilleur emploi ou d'une vie plus épanouissante. La pauvreté reste une motivation puissante. Désireux de s'associer à l'économie mondiale mais incapables de le faire légalement, des milliers de migrants pauvres ont recours aux moyens les plus désespérés.
Comme je l'ai dit l'année dernière, et souhaite le répéter d'emblée : le HCR n'est pas une institution chargée de gérer les migrations et n'a pas l'intention de le devenir. Mais pour pouvoir remplir notre mandat, il nous faut reconnaître la nature complexe des nombreux mouvements de population contemporains. En Méditerranée, dans le Golfe d'Aden et dans les Caraïbes, le long des frontières nord-sud et, de plus en plus, le long des frontières sud-sud, mêlés aux migrants en quête d'une vie meilleure, se trouvent des gens ayant besoin d'une protection - des réfugiés et des demandeurs d'asile, des femmes et des enfants victimes de la traite....
La capacité de les recenser, de leur assurer un accès physique aux procédures d'asile et un examen juste de leur demande constitue un élément clé de notre mission. C'est un domaine de coopération privilégié entre le HCR, les gouvernements et la société civile. C'est pourquoi, dans la première édition du dialogue sur les défis de protection en décembre, vous serez tous invités à participer à un débat ouvert sur le lien entre l'asile et la migration et ses implications en matière de protection. La discussion se concentrera également sur le plan d'action en 10 points du HCR, élaboré en réponse aux nouveaux modes de déplacement.
Le HCR participe activement aux travaux du Groupe de migration global et appuie le Forum global sur la migration et le développement. Nous nous réjouissons par avance de la deuxième réunion du Forum global aux Philippines l'année prochaine et continuerons de préconiser, pour la migration et le développement, une approche qui traite avec efficacité de l'asile, de la protection et des droits de l'homme.
Mais, Mesdames et Messieurs, la complexité des déplacements contemporains va bien au-delà du lien entre l'asile et la migration. Nous voyons de plus en plus de personnes contraintes de se déplacer en raison de la pauvreté extrême, de la dégradation de l'environnement et des changements climatiques, du conflit et de la persécution.
Bien d'autres encore cherchent tout simplement à fuir la famine. Lorsque l'exil n'est pas une option mais une nécessité, on ne peut plus parler de pauvreté. Par ailleurs, les catastrophes naturelles sont de plus en plus fréquentes, de plus en plus graves et dévastatrices. La quasi-totalité des prévisions concernant les effets à long terme des changements climatiques font état d'une expansion inexorable de la désertification jusqu'à la destruction des moyens d'existence dans de nombreuses régions du globe. Et à chaque fois que le niveau des mers s'élèvera d'un centimètre, le monde comptera un million de plus de personnes déplacées. La communauté internationale semble aussi démunie devant ces nouvelles causes qu'elle l'est devant la prévention du conflit et la persécution.
Je crois extrêmement important pour nous tous d'examiner les raisons, l'échelle et les tendances du déplacement forcé contemporain. Cela va bien au-delà de la compréhension de ce que représente la fuite des réfugiés en soi.
L'élément neuf, c'est que les différentes causes sont plus interdépendantes que jamais, et les déplacés plus difficiles à distinguer que jamais. Chaque facteur alimente l'autre. Au Darfour, par exemple, une attaque des Janjaweed sur un village d'une tribu africaine peut être motivée par la crise politique. Mais les résultats ressemblent à un autre type de situation qui se fait jour, une pénurie d'eau qui dresse les éleveurs contre les agriculteurs. Lors de mon récent voyage en Afrique australe, nous avons bien compris avec les gouvernements que les Zimbabwéens en quête d'asile, du fait d'une persécution, devaient obtenir le statut de réfugié. Mais que faire avec les personnes qui avouent simplement qu'elles ont faim et qu'elles ne peuvent subvenir aux besoins de leur famille ? Pouvons-nous en toute connaissance de cause les renvoyer vers une situation de dénuement ? Il est évident qu'il convient d'aménager une forme d'hébergement temporaire. La réponse à ce dilemme complexe va clairement au-delà de notre propre mandat. Mais il est également de notre devoir d'alerter les Etats sur ces problèmes et de contribuer à la mise au point de solutions aux nouveaux défis qu'ils lancent.
Mesdames et Messieurs,
L'élargissement de notre champ de vision ne doit pas pour autant nous faire perdre de vue notre mandat. Les causes de la fuite de réfugiés sont suffisamment préoccupantes. A la fin de 2006, après plusieurs années de déclin ininterrompu, le nombre de réfugiés dans le monde est reparti à la hausse et avoisine les 10 millions.
Malgré d'importantes opérations de retour, l'augmentation s'est poursuivie cette année, les crises en Iraq et dans la Corne de l'Afrique ajoutant chaque jour leur lot de déplacés. Aujourd'hui, les Iraquiens déplacés à l'intérieur et à l'extérieur du pays constituent le plus grand groupe de personnes déplacées. A la difficulté purement arithmétique, s'ajoute la complexité de cette population urbaine la plus importante que le HCR ait jamais eu à prendre en charge.
Le lourd fardeau assumé par la République arabe syrienne et le Royaume hachémite de Jordanie pour accueillir tant d'Iraquiens et son lourd impact sur l'économie et la société soulignent le besoin urgent d'une plus grande solidarité internationale. Leur hospitalité les met au nombre des pays très généreux du monde en développement - Pakistan, République islamique d'Iran, République-Unie de Tanzanie, Kenya, Ouganda, Tchad, Guinée, Zambie et Equateur, pour n'en nommer que quelques-uns - qui ont accueilli un nombre impressionnant de réfugiés.
Parallèlement et en coopération avec ses partenaires, notamment par le biais de l'approche de responsabilité sectorielle, nous sommes aujourd'hui présents dans 23 pays et prenons en charge une population d'environ 20 millions de déplacés internes. Aussi, à la fin de l'année 2006, le nombre de personnes relevant du HCR s'est-il établi à 32,9 millions de personnes. Des réfugiés en plus grand nombre, des responsabilités institutionnelles plus lourdes, les effets secondaires d'une main d'oeuvre de plus en plus mondialisée, un environnement en mutation et une ère de migration exigent des stratégies ciblées et des réponses novatrices. Le déplacement forcé n'est pas neuf mais dans un contexte aussi lourd de conséquences, le nombre croissant de personnes prises en charge n'est pas seulement un test pour les Etats et la communauté internationale mais un immense défi lancé à notre organisation.
Nous devons le relever. Et grâce à votre aide nous le pourrons. Pour cela, il nous faut faire front en faisant preuve de dynamisme et de flexibilité.
Mesdames et Messieurs,
Notre responsabilité primordiale consiste à consacrer le maximum de ressources et d'énergie possible à cette tâche. C'est avec cet objectif à l'esprit que je me suis engagé ici l'année dernière à consacrer une part plus large des fonds disponibles aux personnes dont nous avons la charge et, pour ce faire, à réduire la part consacrée à l'organisation elle-même.
En 2007, pour la première fois depuis une décennie, la tendance à la hausse des dépenses globales de personnel s'est inversée. Au cours des huit premiers mois de l'année, nous avons dépensé 36 millions de dollars de plus pour nos opérations au titre du Budget annuel que pour le personnel. Au cours des huit premiers mois de 2006, nous avions dépensé 17 millions de plus pour le personnel que pour les opérations. Si l'on y inclut les budgets supplémentaires, l'écart est encore plus considérable. Au début de 2006, le nombre de fonctionnaires au Siège s'établissait à 1 047 ; il s'établit aujourd'hui à 911. Avec les ressources économisées l'année passée au titre des dépenses de personnel, nous avons alloué 15 millions à la couverture de besoins urgents dans les domaines de la malnutrition, du paludisme, de la santé génésique, de la violence sexuelle et sexiste dans plusieurs de nos opérations. Ce montant fera une vraie différence.
Il s'agit d'un renversement complet d'une tendance qui asphyxiait le HCR et qui nous conduisait au bord de la paralysie financière au début de 2006. Et nous faisons plus avec moins, ce qui en dit long sur la qualité et le dévouement de notre personnel.
Ce virage, nous l'avons négocié grâce à des mesures à court terme mais c'est avec la réforme que nous enfoncerons le clou et c'est pourquoi nous avons aujourd'hui lancé 5 réformes clés :
Tout d'abord la délocalisation. En juin dernier, suite à une étude de faisabilité et à une analyse approfondie, nous avons décidé de délocaliser plusieurs fonctions administratives à Budapest, en Hongrie, ce qui nous permet de réaliser une réduction de 129 postes au Siège de Genève. Une fois les investissements initiaux consentis, la localisation de ces services où ils sont le plus rentables nous permettra d'économiser environ 10 millions de dollars par an, et ce, au bénéfice des opérations. Le transfert de fonctions au nouveau Centre s'effectuera au cours du premier semestre de 2008.
Deuxièmement la décentralisation et la régionalisation. Une première étape, établissant quatre modèles de structure régionale à adapter aux différentes situations, a été approuvée. Cela améliorera notre capacité basée sur le terrain pour gérer des situations, planifier des solutions et localiser les services d'appui plus près du point d'exécution.
Troisièmement, nous définissons la méthodologie pour une Etude globale du terrain. Cette étude a pour but de déterminer les activités que l'efficacité demande de confier au HCR ou de déléguer à ses partenaires, de passer en revue le pourcentage de personnel international affecté dans des lieux reculés par rapport aux fonctionnaires basés dans les capitales ainsi que le pourcentage de personnel international par rapport au personnel national, en vue de mieux tirer parti des compétences nationales.
Quatrièmement, l'amélioration de la gestion des ressources. Un cadre révisé d'allocation et de gestion des ressources a été adopté en juillet dernier en vue de déléguer davantage de responsabilités et de pouvoirs dans les pays et les régions, pour nous permettre de répondre rapidement et efficacement à l'évolution des besoins opérationnels. Le Comité d'examen des opérations, lourd organe bureaucratique, a été remplacé par un Comité budgétaire plus restreint et mieux ciblé, présidé par le Haut Commissaire adjoint. Permettez-moi une légère digression pour lui souhaiter officiellement la bienvenue. Craig Johnstone nous a rejoints en juin dernier et s'est déjà révélé une des pièces maîtresses de notre équipe. J'aimerais dire à quel point je suis heureux de le voir parmi nous au HCR.
Nous proposons une nouvelle structure budgétaire à quatre piliers. Je comprends qu'il s'agit là d'une question complexe et qu'il faille en discuter de façon approfondie. Les deux premiers piliers, couvrant les activités en faveur des réfugiés et des apatrides, seront financés en qualité de programmes. Ils seront gérés séparément des deux autres qui couvriront le déplacement intérieur et les activités de réintégration financés en qualité de projets. Nous estimons que cette proposition peut offrir un pare-feu adéquat, une plus grande transparence et un fondement plus solide pour la gestion basée sur les résultats.
Notre intention est de présenter l'intégralité du Budget du HCR au Comité exécutif, y compris les opérations en faveur des déplacés internes qui, jusqu'à présent, échappaient à la gouvernance du Comité exécutif. Grâce à cette proposition, nous espérons améliorer la transparence, la gouvernance et le contrôle. Il est tout simplement insensé que le Comité exécutif ne soit pas en mesure d'analyser les budgets relatifs aux déplacés internes. Cela constituera un changement majeur et au combien nécessaire dans notre manière de travailler ensemble.
La dernière initiative concerne le secteur des ressources humaines. Bien que pour l'essentiel nous soyons liés par les règles du système commun des Nations Unies, nous sommes résolus à réformer plusieurs éléments de la gestion du personnel et à déployer un gros effort pour passer en revue nos stratégies de formation et d'organisation des carrières, la préparation de nos cadres, les systèmes de performance et de compétence, et les processus d'évaluation et de rétro-information.
La méthode de notre processus de changement - améliorer la planification, l'établissement de rapports et l'obligation redditionnelle - est le fondement d'une gestion basée sur les résultats. Le renforcement de la planification stratégique de l'Organisation reste au coeur de nos activités. Notre succès dépend largement de notre nouveau logiciel de gestion basée sur les résultats, Focus, que nous allons expérimenter dans les trois mois qui viennent dans 10 pays. C'est un outil essentiel qui nous permettra de mieux décrire la valeur de nos activités de protection et de recherche de solutions ainsi que leur impact.
Mesdames et Messieurs,
Pour efficaces que nous puissions devenir, notre succès n'en dépendra pas moins de nos partenaires. Nous sommes un membre de la famille des Nations Unies et un participant enthousiaste aux efforts actuels de réforme. Je suis particulièrement heureux que mon ami, M. John Holmes, le Coordonnateur des secours d'urgence, ait accepté de s'adresser à nous aujourd'hui.
Nous avons participé à l'étude sur la réponse humanitaire par le biais du Comité permanent interinstitutions et avec le Département des opérations de maintien de la paix à la planification de missions intégrées pour s'assurer que les besoins des déplacés internes étaient pleinement pris en considération. Je me félicite de la Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies qui, la semaine dernière, a mis sur pied une mission pluridimensionnelle au Tchad et en République centrafricaine. La mission représente un engagement ferme à améliorer la sécurité pour des centaines de milliers de réfugiés et de déplacés et à stabiliser une région à risque. La tragédie du Darfour nous a encore interpellé ce week-end et je voudrais ici rendre hommage au grand sacrifice qu'y consentent les troupes de l'Union africaine.
Nous participons pleinement à l'approche de responsabilité sectorielle des Nations Unies face aux situations de déplacement interne. Le cadre nous a permis d'accorder avec succès une protection et une assistance à des millions de personnes dans le besoin. En même temps, nous avons pris toutes les mesures nécessaires, tant au plan de la protection qu'en termes financiers, pour veiller à ce que notre engagement auprès des déplacés internes ne se fasse pas aux dépens d'une responsabilité fondamentale. C'est en fait l'inverse qui se produit dans la mesure où immanquablement des synergies se mettent en place, telles que l'assistance centrée sur la collectivité dans les régions de retour.
L'une des initiatives les plus prometteuses est aujourd'hui le mot d'ordre des Nations Unies « Unis dans l'action », suite aux recommandations du groupe de haut niveau du Secrétaire général sur la cohérence interne du système. Parmi les pays pilotes, le Mozambique et la République-Unie de Tanzanie représentent deux expériences particulièrement positives et contribuent grandement à l'impact de nos propres actions. Mais dans une réforme à l'échelle du système, assortie de structures et de stratégies qu'il nous faut adopter au sein du HCR, nous avons besoin de flexibilité et d'adaptabilité. C'est précisément parce que nous voulons réussir que nous avons attiré l'attention sur le besoin de préserver l'intégrité des mandats et l'autonomie de l'espace humanitaire.
Mesdames et Messieurs,
La protection constitue l'essence et l'existence du HCR. Le défi toujours renouvelé de porter secours aux personnes qui en ont besoin, où que nous soyons, reste notre unique préoccupation.
Sur la base de l'Agenda pour la protection, nous avons lancé un débat interne sur les stratégies et les normes par le biais d'un groupe de référence de terrain réfléchissant sur les politiques de protection. Le groupe comprend des représentants du HCR du monde entier et sa première réunion il y a trois semaines s'est penchée sur plusieurs questions cruciales. Parmi elles, les dilemmes de la réponse d'urgence, du ralentissement et de la cessation de nos opérations, de l'utilisation stratégique de la réinstallation et de la problématique majeure de la fourniture d'une protection dans le contexte de mouvements migratoires plus larges.
Nous ne voulons pas contenir ces débats à l'intérieur de nos murs. La voie à suivre passe par une réflexion élargie, des idées novatrices, de nouveaux instruments - et même le désaccord. Nous mettrons en exergue le lien entre l'asile et la migration lors du dialogue de décembre et continuerons de présenter à ce forum les questions cruciales qui se posent au HCR. J'encourage les Etats et les ONG à y participer et espère également que vous nous ferez part des questions qui vous préoccupent.
Notre objectif doit être d'améliorer la vie de ceux qui sont difficiles à atteindre. Dans toutes les situations de déplacement, les femmes et les enfants sont parmi les plus vulnérables. Le cadre d'obligation redditionnelle concernant l'intégration des critères d'âge, de genre et de diversité est tout à fait opérationnel. Notre projet « Les femmes à la conquête de moyens d'existence » lancé cette année encourage l'auto-prise en charge économique des femmes réfugiées et déplacées internes en finançant des projets d'activités génératrices de revenus viables ; il sera tout d'abord mis en oeuvre pour les femmes Rom de Serbie et les femmes et les enfants réfugiés au Maroc. Je me réjouis par avance de l'adoption de la Conclusion sur la protection des enfants dans les situations à risque qui constituera un guide très utile dans bon nombre des circonstances que nous rencontrons. Les conclusions du Comité exécutif restent une excellente source de droit informel venant également aider les Etats
Pour surmonter les difficultés, nous disposons d'un autre outil, le Projet de renforcement de la capacité de protection. Nous peaufinons ce cadre pour élargir la portée de la protection dans les situations de déplacement interne et l'apatridie ainsi que pour la mise en oeuvre de notre Plan d'action en 10 points. Par ailleurs, lors d'une réunion l'année dernière avec le Haut Commissaire aux droits de l'homme, Louise Arbour, nous avons noué entre nos deux organisations de nouveaux liens de coopération dans plusieurs domaines sur le terrain, concernant les questions juridiques et politiques ainsi que le plaidoyer.
La nouvelle législation sur l'asile nous donne d'autres moyens de combler les fossés qui se font jour. Le HCR appuie les travaux visant à harmoniser le régime d'asile européen et a fourni des commentaires sur le « Livre vert » de l'Union européenne. Notre objectif est naturellement de voir ce système commun renforcer plutôt que restreindre les droits des réfugiés et de nous voir intégrés, plutôt plus que moins, dans une nouvelle structure.
Nous devons impérativement cultiver une meilleure prise de conscience. Une conscience et une compréhension plus aiguës des dilemmes vieux de plusieurs décennies nous ont considérablement aidés à marquer des points importants dans notre lutte contre l'apatridie. Ces derniers mois, le Népal a mené à bien une vaste opération de régularisation, délivrant des attestations de nationalité à 2,6 millions d'habitants. Et après presque 40 ans d'incertitude, des dizaines de milliers de personnes de langue urdu au Bangladesh, les Biharis, se verront bientôt confirmés comme citoyens à part entière. Je voudrais rendre hommage à ces gouvernements pour leurs actions qui démontrent que la volonté politique permet de trouver des solutions aux problèmes qui s'y prêtent le moins.
Mesdames et Messieurs,
Si notre contexte opérationnel est en mutation constante, nécessitant des instruments de protection et des dispositifs de collaboration nouveaux, d'autres impératifs en revanche ne changent guère. L'un est la nécessité de trouver des solutions à long terme pour les réfugiés. Parmi les solutions traditionnelles - le rapatriement librement consenti, l'intégration sur place et la réinstallation dans des pays tiers - le retour dans la sécurité et la dignité, respectant le libre consentement des réfugiés, reste la solution privilégiée.
Lorsque l'on visite un camp de réfugiés dans une situation prolongée comme je l'ai fait au camp de Kilo 26 à l'est du Soudan, ou à Goldhap au Népal, ou à Kakuma au Kenya, ou si l'on se rend à Tindouf en Algérie, il est clair que nous ne pouvons nous contenter de nous engager à améliorer la vie dans les camps. Il est de notre devoir de redoubler d'efforts et de créer les conditions d'un réel espoir de mettre un terme aux situations de réfugiés et de fermer les camps. Nous ne devons pas relâcher nos efforts, même si nous savons que, le plus souvent, les solutions ne relèvent pas de l'humanitaire mais du politique. A défaut d'engagements politiques, les réfugiés ne verront jamais la fin de leur calvaire.
L'année dernière, 734 000 réfugiés sont rentrés de leur plein gré, avec pour la moitié d'entre eux, l'assistance directe du HCR ; on estime le nombre de déplacés internes rentrés chez eux à 1,9 million. Pour 2007, on compte à ce jour plus d'un demi million de réfugiés rentrés chez eux grâce à notre contribution : 345 000 Afghans, 56 000 Soudanais du Sud, 20 000 Burundais, 37 000 Congolais, etc. C'est en vérité l'une de nos missions les plus nobles et les plus gratifiantes.
La préoccupation que j'ai exprimée l'année dernière concernant la viabilité des retours est toutefois toujours actuelle. Pour nous, le défi de la réintégration consiste à faire de notre mieux pour renforcer les liens fragiles entre les secours et le développement, entre l'espoir d'un rapatrié et la possibilité de recommencer une nouvelle vie, afin que la sécurité humaine devienne une réalité. Mais ces liens ne sont pas encore tissés. De nouvelles initiatives telles que la Commission d'établissement de la paix et le secteur du relèvement précoce doivent apporter leur écot.
Le HCR continuera de discuter avec toutes les parties intéressées - Etats membres, organisations financières internationales et institutions chargées du développement - la manière dont la communauté internationale peut et doit être plus efficace pour appuyer le processus de transition dans les situations post-conflit.
Les solutions doivent être axées sur le retour, mais le retour n'est pas une panacée. Certains réfugiés ne rentrent pas ou ne peuvent pas rentrer chez eux. Cette année, nous avons accompli des progrès dans le domaine de l'intégration sur place : avec les gouvernements du Mozambique, de la Namibie et de la Zambie pour les populations réfugiées résiduelles dans ces pays ; avec le gouvernement de la République-Unie de Tanzanie dans le règlement de la situation des « Burundais de 1972 » ; en Amérique latine où nous mettons en oeuvre des projets de micro-crédits de formation professionnelle et de logement dans le cadre du Plan d'action de Mexico ; et en Afrique de l'Ouest où le mois dernier, la CEDEAO et le HCR ont conclu un accord, fondé sur un protocole antérieur sur la liberté de mouvement entre les pays de la CEDEAO concernant des groupes résiduels de réfugiés libériens et sierra-léoniens.
L'une de nos premières priorités dans la restructuration de la Division des services de la protection internationale a été de renforcer la capacité de réinstallation des réfugiés. La nécessité de la réinstallation dans un pays tiers croît avec les populations réfugiées et notamment avec les situations prolongées comme les Bhoutanais au Népal, les Erythréens à l'est du Soudan et les réfugiés de Myanmar en Thaïlande.
Je suis heureux de dire qu'après avoir augmenté de façon substantielle le nombre de présentations de dossiers de réinstallation l'année dernière, nous sommes en passe de faire encore mieux en 2007. En 2006, le HCR a présenté à 26 pays de réinstallation plus de 54 000 dossiers individuels représentant 70 nationalités. Jusqu'à juin de cette année, le personnel de protection a déjà procédé à plus de 42 000 soumissions de cas. Si l'on considère qu'il y a tout juste quatre ans le nombre total annuel était de 35 000, on mesure les progrès accomplis. De la part des pays d'accueil, c'est également un engagement à partager le fardeau. Notre plus grand défi aujourd'hui en matière de réinstallation est l'Iraq, où le HCR a rapidement développé sa capacité à identifier et à présenter les cas vulnérables. Les pays de réinstallation ont répondu mais davantage d'efforts sont nécessaires pour accélérer les interviews et les départs. Les pays hôtes devraient aussi faciliter le travail de tous les acteurs pour assurer le succès de cette entreprise. Nous avons souligné le rôle que la réinstallation joue dans la recherche de solutions. Elle ne s'attache plus exclusivement à satisfaire les besoins de protection individuels mais entend devenir un élément stratégique dans la quête globale de solutions.
Mesdames et Messieurs,
A l'instar de nos actions et de nos stratégies, nos relations avec la société civile ne cessent d'évoluer. Conduire la réforme du HCR et mener à bien nos opérations en cours représentent un engagement sans réserve au renforcement des partenariats avec les ONG et les mouvements de la Croix Rouge et du Croissant Rouge. Nous voulons faire de ces partenariats une partie intégrante de notre action.
Appelant les organisations humanitaires à oeuvrer plus étroitement ensemble, particulièrement sur le terrain, la réunion de juillet de la Plateforme humanitaire globale s'est fait le héraut de la détermination du HCR. Nous appuyons fermement ce nouveau forum et nous nous réjouissons par avance des débats sur des questions telles que l'accès et la sécurité, le financement humanitaire et la création de capacités qui touchent la communauté humanitaire tout entière.
Notre approche à l'égard des ONG, les membres les plus vivifiants et essentiels de cette communauté, doit être claire. Nous vous considérons comme des partenaires stratégiques et pas seulement d'exécution. Le HCR veut réfléchir, planifier et agir avec vous, veut vous impliquer dans l'élaboration de nos politiques et demande votre aide pour améliorer notre capacité à rendre des comptes aux bénéficiaires. A cette fin, nous acceptons avec joie de participer à l'étude des Pairs et avons établi un groupe d'appui au sein du HCR pour garantir notre adhésion et la réalisation de cette importante initiative.
En septembre, nous avons organisé une première réunion avec nos 21 partenaires stand-by afin d'échanger des informations et d'harmoniser les déploiements et les interventions d'urgence. Je suis heureux de voir que nous avons signé cinq nouveaux accords stratégiques cette année avec les ONG. A partir de janvier, ce sera une seule et même unité au Siège qui sera chargée de la liaison entre les institutions des Nations Unies et les ONG. C'est là un signe sans équivoque que nous traiterons ces partenaires sur un pied d'égalité.
Dans cet esprit, je voudrais rendre hommage aux collègues du JRS (Sri Lanka) et d'Intersos (Iraq) qui ont récemment payé de leur vie leur décision d'aider les autres. Ces évènements tragiques viennent une fois encore démontrer le prix élevé que les ONG paient pour s'acquitter de leur noble mission.
Mesdames et Messieurs,
Nos efforts pour contrôler les dépenses, alliés à des taux de change favorables, nous ont permis d'être cette année dans une situation financière plus solide. Les besoins financiers pour le reste de l'année s'établissent à 73 millions de dollars E.U. au titre de notre programme annuel. Plusieurs programmes supplémentaires, notamment l'Iraq, le sud du Soudan, le Darfour, la Somalie et l'appel récemment publié concernant le rapatriement en Mauritanie, ont encore besoin d'un appui. Je suis sûr que nous parviendrons à combler le trou, ce qui confirmerait l'appui sans faille que nous avons reçu des donateurs depuis la conférence d'annonces de contributions de décembre dernier. L'Office serait ainsi en mesure d'atteindre un niveau de protection et d'assistance sans précédent pour les personnes dont nous avons la charge.
Mesdames et Messieurs,
Je vous souhaite à tous la bienvenue à cette 58e session du Comité exécutif, particulièrement les nouveaux membres, le Costa Rica et l'Estonie.
Mes félicitations vont à notre Président, l'Ambassadeur Mtesa de Zambie. Je lui suis reconnaissant de son dévouement et de son engagement personnel tout au long de l'année. Ma reconnaissance va également à notre nouveau Vice-Président, l'Ambassadeur Van Eenennaam des Pays-Bas qui, à bref délai, vient d'assumer ses fonctions.
J'aimerais également souhaiter la bienvenue à notre orateur invité, M. John Holmes, le Coordonateur des secours d'urgence. Merci d'avoir accepté notre invitation et de vous adresser aujourd'hui au Comité exécutif.
Fournir une protection, une assistance et des solutions aux réfugiés et réduire l'apatridie. Dans des contextes mouvants et entre des causes profondes interconnectées, il faut nous frayer un chemin. A l'aube d'une ère où la mobilité ira croissant, où les gens auront de plus en plus de raisons de se déplacer, notre mandat sera la boussole de notre action. Mais la communauté internationale doit être en mesure de relever tous ces nouveaux défis. Et pour cela, il faut impérativement une direction politique. Et elle ne peut venir que des Etats membres : eux seuls peuvent légitimement élaborer des stratégies et mettre au point les instruments qui serviront au mieux la cause de ceux qui sont dans le besoin.
Je vous remercie.