Fermer sites icon close
Search form

Recherchez un site de pays.

Profil du pays

Site web du pays

De plus en plus de réfugiés risquent de dangereux voyages en mer depuis le Myanmar alors que la crise s'aggrave

Articles et reportages

De plus en plus de réfugiés risquent de dangereux voyages en mer depuis le Myanmar alors que la crise s'aggrave

Les conflits intenses dans l'État de Rakhine au Myanmar ont aggravé de manière dramatique la situation des Rohingyas, une minorité musulmane persécutée et apatride, poussant un nombre croissant d'entre eux à fuir par bateau.
11 février 2025 Egalement disponible ici :
Un secouriste aide des passagers à débarquer d'un bateau bondé.

Des membres du personnel du HCR aident des réfugiés rohingyas à débarquer dans le sud de l'Aceh, en Indonésie, en octobre 2024, après des semaines en mer. 

Depuis que l'embarcation à bord de laquelle il voyageait a accosté sur une plage de l'est de l'Aceh, en Indonésie, il y a un mois, Ali, 30 ans, est hébergé dans un camp surpeuplé avec quelque 380 autres réfugiés apatrides rohingyas qui ont pris le même risque ces derniers mois.

Il s'inquiète pour ses parents et ses frères et sœurs restés dans un camp de déplacés internes dans l'État de Rakhine, à l'ouest du Myanmar, où il a passé les 13 dernières années. La vie n'y a jamais été facile, mais depuis fin 2023, les habitants du camp et des communautés de l'État de Rakhine subissent de plein fouet les conséquences de la nouvelle flambée de violence.

Des centaines de civils ont été tués par des bombardements aveugles, des frappes aériennes et l'explosion de mines antipersonnel. D'autres ont été recrutés de force, déplacés ou privés de leurs moyens de subsistance et se retrouvent sans accès aux biens et services essentiels, notamment les soins de santé, la nourriture et l'eau potable.

Le conflit a également considérablement limité la quantité d'aide humanitaire que le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et d'autres organisations humanitaires ont pu fournir aux camps abritant des Rohingyas déplacés comme celui où Ali vivait. L'accès humanitaire à certaines parties de l'État de Rakhine est difficile depuis la reprise du conflit en novembre 2023, bien qu'une certaine aide soit encore fournie par des partenaires et des bénévoles locaux. 

Deux semaines en mer

Les Rohingyas sont confrontés depuis longtemps à la violence et à la discrimination au Myanmar, mais le conflit actuel a ravivé des tensions latentes entre les communautés rohingya et rakhine. Quitter le camp pour chercher du travail ou de la nourriture est devenu très risqué, explique Ali. « Parfois, nous allions à la plage pour pêcher et gagner un peu d'argent. Mais ils nous arrêtaient et nous mettaient en prison, voire nous tuaient. Nous n'avons pas pu travailler pendant quelque temps et la vie était devenue difficile. Nous n'avions aucun moyen de gagner notre vie. »

Quand il a appris que d'autres habitants du camp avaient l'intention de fuir en bateau, il a décidé de se joindre à eux, avec sa femme, ses deux enfants et son jeune frère.

Le voyage a duré deux semaines. « Beaucoup d'entre nous étaient très malades sur le bateau, vomissant et souffrant de divers problèmes de santé », relate-t-il, précisant que sur les 125 personnes à bord, 35 étaient des enfants. « Au bout de 10 jours, nous avons manqué de nourriture et d'eau. »

L'embarcation a atteint les côtes malaisiennes juste au moment où elle était à court de provisions, mais Ali affirme que la marine malaisienne les a empêchés de débarquer et a repoussé le bateau en mer. Lorsqu'ils ont tenté de s'approcher de la Thaïlande, ils ont de nouveau été empêchés d'accoster.

L'embarcation a finalement atteint les côtes de la province indonésienne d'Aceh le 5 janvier. Ali et les autres passagers ont gagné la terre ferme et se sont assis sur la plage jusqu'à ce qu'ils soient repérés par des habitants qui ont alerté les autorités.

« Je ne recommanderais jamais à quiconque de faire un tel voyage en bateau », admet-il aujourd'hui. « J'ai rencontré des difficultés inimaginables. » 

Des itinéraires changeants

Malgré les risques, de plus en plus de Rohingyas entreprennent des voyages similaires. L'année dernière, plus de 7 800 personnes ont tenté de fuir le Myanmar par bateau, soit une augmentation de 80 % par rapport à 2023. Plus de 650 sont mortes ou ont disparu. Depuis le début de l'année, 700 autres personnes se sont embarquées pour un tel périple.

Réfugiés fuyant le Myanmar par bateau

 

Alors qu'en 2023, la majorité des bateaux partaient du Bangladesh, qui accueille plus d'un million de réfugiés rohingyas dans des camps à Cox's Bazar, depuis l'année dernière, la plupart des bateaux partent directement du Myanmar.

Pays de départ par année

Bangladesh / Myanmar / Inconnu

En plus de prendre la mer en direction de la Malaisie, de la Thaïlande, de l'Indonésie et même du Sri Lanka, des milliers de Rohingyas ont également tenté l'année dernière de traverser le fleuve Naf pour trouver refuge au Bangladesh. Parmi eux se trouvaient Sadeqa Bibi, 19 ans, et son fils de 2 ans. Jusqu'en 2024, elle et son mari avaient mené ce qu'elle a décrit comme « une vie normale » dans un village près de la ville de Maungdaw, dans l'État de Rakhine. Mais les prix des denrées alimentaires ont commencé à devenir inabordables et le 17 juin, alors qu'ils préparaient un repas de viande pour l'Aïd al-Adha, des bombes ont commencé à pleuvoir sur leur village. Ils ont fui vers Maungdaw, où ils ont passé la nuit. Mais le lendemain matin, une bombe a frappé le mur de la maison où ils étaient hébergés, tuant le mari de Sadeqa et arrachant la main de son frère.

Sadeqa et son fils, ainsi que ses parents et ses jeunes frères et sœurs, ont réussi à trouver une place sur une embarcation pour traverser la rivière Naf. « Il y avait beaucoup de monde : plus de 50 personnes à bord d'un seul bateau », se souvient-elle. « Parmi eux, une dizaine étaient morts ou à l'article de la mort des suites de blessures par balle... Après avoir souffert de la faim toute la journée et toute la nuit, nous avons finalement atteint la terre ferme le lendemain soir. » 

Une femme portant un foulard rouge est assise avec un petit garçon sur ses genoux qui mange des bonbons.

Sadeqa Bibi et son fils de deux ans ont fui le Myanmar après que son mari a été tué dans des bombardements. 

Après leur arrivée au Bangladesh, Sadeqa et sa famille ont été hébergées par des proches vivant dans l'un des camps, qui ont partagé avec eux le peu qu'ils avaient. Ils ont rapidement compris qu'ils n'avaient pas d'autre choix que de partir et ont embarqué sur une embarcation qui a passé des semaines en mer. Manquant de nourriture et d'eau, ils ont dû boire de l'eau de mer pour survivre. Trois personnes sont mortes parmi les passagers. Lorsque le bateau a atteint la côte sud d'Aceh le 18 octobre, beaucoup des 151 personnes encore à bord étaient gravement malades. Il a fallu plusieurs jours de plaidoyer de la part du HCR et de ses partenaires pour que Sadeqa et les autres passagers soient enfin autorisés à débarquer. Malgré son opposition initiale, la communauté locale a fait don de nourriture, d'eau et de vêtements aux réfugiés.

« Après avoir passé plusieurs jours en mer, nous avons prié Allah sans relâche, lui demandant quand nous pourrions enfin poser le pied sur la terre ferme », confie Sadeqa. « Quand [ils] nous ont secourus et amenés sur le rivage, nous étions incroyablement reconnaissants. »

En quête d'un avenir meilleur

Le HCR collabore avec le gouvernement local et l'Organisation internationale pour les migrations afin de gérer sept sites temporaires à Aceh et au nord de Sumatra où les réfugiés rohingyas sont hébergés depuis leur arrivée par bateau. Seuls deux de ces sites à Aceh ont été désignés par le gouvernement comme sites officiels et offrent des conditions adéquates. Le HCR fournit de la nourriture par l'intermédiaire d'une organisation partenaire locale, ainsi que des services d'assistance aux réfugiés. 

Une femme portant un gilet HCR parle à une autre femme portant un masque et à une petite fille.

Une employée du HCR s'entretient avec deux réfugiés rohingyas sur un site dans le sud d'Aceh.

Avec une mer plus calme entre les moussons et la situation au Myanmar qui continue de se détériorer, on s'attend à ce que davantage de Rohingyas risquent de tels voyages dans les semaines à venir. Le HCR a appelé les États de la région à donner la priorité au sauvetage des vies humaines (lien en anglais) et à veiller à ce que les contrôles aux frontières n'affectent pas le droit des personnes à chercher refuge.

Ali est reconnaissant pour la protection et le soutien dont il bénéficie en Indonésie, mais ce pays n'est pas partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et n'accorde pas aux réfugiés le droit de travailler. Il aspire à se rendre dans un endroit où il pourra trouver un emploi et envoyer ses enfants à l'école. « Je veux que mes enfants reçoivent une bonne éducation, je ne veux pas qu'ils soient sans instruction comme moi. Je veux qu'ils aient un bel avenir. »