Déclaration de M. Poul Hartling, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la réunion informelle des représentants des Etats membres du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire, le 28 juin 1984
Déclaration de M. Poul Hartling, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la réunion informelle des représentants des Etats membres du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire, le 28 juin 1984
Le 28 juin 1984
Monsieur le Président,
Je suis très heureux d'accueillir tous les distingués Membres de notre Comité exécutif à cette réunion informelle qui, conformément à la tradition désormais établie, me donne l'occasion de porter à votre connaissance les événements qui ont jalonné la vie du Haut Commissariat au cours des cinq derniers mois. Depuis que nous nous sommes rencontrés le 24 janvier 1984, un certain nombre de faits nouveaux sont intervenus ; certains d'entre eux ont été positifs et il m'est donc agréable d'en faire état, d'autres sont source de préoccupations que J'aimerais partager avec vous dans l'espoir de bénéficier de votre sagesse et de vos conseils, tant au plan personnel que collectif. Point n'est besoin de vous dire, distingués Délégués et Amis, combien le HCR, tant au Siège que sur le terrain, attache de prix à l'avis et au soutien de notre Comité exécutif. Sans ces relations de partenaires entre les gouvernements, d'une part, et le Haut Commissaire, d'autre part, nos activités en faveur des réfugiés seraient stériles et dénuées de sens.
Ces dernières années, nous nous sommes efforcés de faire participer davantage, et de différentes manières, le comité exécutif à notre travail en tenant ces réunions informelles entre les sessions ordinaires du Comité, en développant l'information écrite communiquée régulièrement aux membres, comme par exemple les lettres périodiques de mes Directeurs et les contacts personnels fréquents avec le Président, les Membres du Bureau et les différents Membres du Comité exécutif. Mais rien ne remplace l'expérience vécue sur le terrain pour étoffer les textes et les statistiques que nous pouvons fournir. C'est pourquoi je me suis particulièrement réjoui que notre distingué Président, l'Ambassadeur Ewerlöf, ait pu, au début de l'année, se rendre au Soudan, en Ethiopie et en Somalie en compagnie de mon Directeur de l'Assistance. Il est indéniable que cette expérience a été des plus utiles dans la mesure où elle lui a permis de se familiariser avec les problèmes prévalant dans une région qui compte parmi les plus préoccupantes depuis quelques années. J'ai aussi effectué quelques déplacements depuis notre dernière rencontre, mais j'y reviendrai un peu plus tard. Tout d'abord, j'aimerais en effet passer brièvement en revue certains des faits nouveaux les plus importants concernant les situations de réfugiés - actuelles et nouvelles - au cours de ce semestre.
Monsieur le Président, le premier semestre de 1984 a été tristement marqué par un certain nombre d'événements qui nous ont causé, à mes collègues et à moi-même, beaucoup de préoccupations, surtout dans le domaine de la protection internationale. A une ou deux reprises, il m'a été impossible de remplir le mandat qui m'a été confié par la communauté internationale. Il y a eu des actes sauvages de piraterie, des attaques armées contre des camps de réfugiés, des retours forcés ou des rejets à la frontière, des détentions injustifiées, des manifestations de xénophobie à l'égard de réfugiés. Cependant, même dans ces situations dramatiques, j'ai été encouragé par l'appui de la communauté internationale et par le vôtre. L'action de mon Office a été confortée par les réactions de l'opinion publique, des législateurs, de nos amis des agences bénévoles. Il y a aussi eu de nouveaux afflux de réfugiés, de personnes déplacées, parfois dans des pays qui, jusqu'à présent, n'avaient pas eu à faire face à ce problème.
Monsieur le Président, c'est peut-être le retour des réfugiés chez eux qui a constitué le mouvement de réfugiés le plus encourageant au cours de ce semestre. Le, rapatriement consenti s'est poursuivi dans plusieurs régions, soit de façon organisée comme entre Djibouti et l'Ethiopie, soit de façon spontanée. Dans ce dernier cas, le HCR ne peut que se réjouir de dire au revoir aux anciens réfugiés et, si besoin est, de les aider à regagner leur pays, comme par exemple les réfugiés qui retournent en Argentine.
Dans le cas de Djibouti, j'ai le plaisir de vous informer que quelque 14 000 personnes ont été rapatriées depuis le 15 juin 1984, dont plus de la moitié au titre de l'opération de rapatriement organisé, les autres s'étant enregistrées après leur retour spontané en Ethiopie. Un recensement vient d'être effectué par le Gouvernement avec l'aide du HCR dans les camps de Djibouti ; les résultats, une fois analysés, devraient permettre de se faire très prochainement une idée assez précise de la situation. Pendant ce temps, les mouvements organisés ont repris après une interruption due à des problèmes sur la ligne de chemin de fer Djibouti-Addis Abéba. A ma connaissance, les deux Gouvernements concernés ont accepté de tenir une nouvelle réunion tripartite en septembre. Dans le même temps, je puis affirmer que, de notre point de vue, ce mouvement a jusqu'ici été un succès. Notre assistance aux rapatriés, bien que limitée dans sa portée, a, j'en suis sûr, contribué à consolider le rapatriement, bien qu'il soit dans une certaine mesure hypothéqué par la sécheresse dramatique qui a sévi dans leur pays d'origine. Autre fait encourageant : plusieurs centaines de réfugiés en Somalie, bien que leur nombre soit encore peu élevé, ont fait connaître leur désir d'être rapatriés en remplissant des formulaires de rapatriement librement consenti. En outre, notre Programme spécial à l'intention des rapatriés éthiopiens est actuellement réévalué conformément aux indications des autorités éthiopiennes selon lesquelles l'Ogaden compterait un nombre beaucoup plus grand de personnes, de rapatriés et, éventuellement, de réfugiés. En attendant des informations plus précises, nous explorons les moyens de fournir une aide d'urgence aux rapatriés enregistrés dans cette région, qui souffre aussi beaucoup de la sécheresse. Les autorités somaliennes nous ont également informé de nouvelles arrivées en provenance d'Ethiopie.
Pour revenir au sujet du rapatriement librement consenti, des mouvements importants dans d'autres régions d'Afrique, surtout du Haut-Zaïre vers la province du Nil occidental en Ouganda, ont été enregistrés ; selon nos informations les plus récentes, un grand nombre de réfugiés ougandais ont regagné leur pays de leur propre initiative et quelque 12 500 personnes, dont 1 000 en provenance du Soudan, ont été rapatriées sous les auspices du HCR Une fois encore, un programme spécial de secours et de réadaptation a été élaboré et soumis aux donateurs pour financement. Il me faut encore mentionner le rapatriement d'un grand nombre de personnes en République de Guinée. Nous sommes en contact avec les nouvelles autorités qui ont demandé notre assistance, et une mission va visiter le pays pour examiner le type d'aide que le HCR peut fournir.
Pour en venir à un autre continent, je suis particulièrement heureux de constater que de nombreux réfugiés regagnent l'Argentine où le retour à la démocratie a constitué l'un des événements les plus heureux de ces derniers mois. Comme à l'accoutumée, le HCR a pu payer les billets des rapatriés les plus nécessiteux au titre de ces Programmes généraux. Les exilés qui rentrent chez eux sont néanmoins rebutés par la conjoncture critique qui prévaut dans leur pays, aussi m'a-t-il semblé tout à fait justifié de lancer un appel, à la demande des autorités argentines, pour fournir une assistance à l'arrivée aux rapatriés qui éprouvent le plus de difficultés à se réintégrer. Je recommande cet appel aux Membres du Comité exécutif, Monsieur le Président, dans l'espoir que les donateurs puissent, de façon limitée mais tangible, aider l'Argentine dans son retour à la démocratie. En Asie du Sud-Est, le Haut Commissariat continue d'encourager, dans la mesure du possible, le rapatriement librement consenti des Laotiens, des Kampuchéens et des Vietnamiens, pour modeste qu'il soit sur le plan numérique ; cet effort se poursuivra.
Monsieur le Président, si l'on a pu noter des progrès substantiels au cours du dernier semestre en matière de rapatriement librement consenti, on a aussi dû, malheureusement, enregistrer de nouvelles situations de réfugiés qui ont requis l'attention du HCR. Il nous a fallu fournir une aide d'urgence dans trois régions d'Afrique : à quelque 42 000 réfugiés soudanais en Ethiopie, à des dizaines de milliers de Mozambicains au Zimbabwe et à quelque 12 000 réfugiés angolais dans la province du Shaba au Zaïre. Nous avons dû également fournir une assistance supplémentaire aux Libanais déplacés en Syrie, ainsi qu'à des personnes relevant du mandat du HCR au Liban. J'espère de tout coeur que l'évolution de la situation dans ce malheureux pays permettra de ne pas recourir à l'avenir à ces mesures d'urgence. La lettre périodique de mon Directeur de l'Assistance (Réf. EA/COM.8/83-84) vous donne les détails de ces programmes jusqu'au 15 avril 1984. En outre, l'arrivée de plusieurs milliers de personnes ayant traversé la frontière entre la province indonésienne d'Iryan Jaya et la Papouasie-Nouvelle-Guinée nous a préoccupés ces dernières semaines. Selon les informations que nous avons reçues, un grand nombre d'entre eux pourrait opter pour le rapatriement librement consenti. S'il reçoit une demande d'assistance de la part des autorités de Papouasie-Nouvelle-Guinée, le HCR l'examinera, cela va de soi, à la condition que le Haut Commissariat puisse avoir directement accès aux groupes concernés. Il va sans dire que nous insistons sur le caractère volontaire du rapatriement ainsi que sur la sécurité devant être garantie aux rapatriés.
On a aussi enregistré une évolution notable dans le cadre de nos grands programmes au Pakistan, en Somalie, au Soudan, en Thaïlande et dans d'autres régions du Sud-Est asiatique, en Amérique centrale et au Mexique. Partout cette évolution a eu pour dénominateur commun le progrès vers des solutions durables ou à long terme en dépit des difficultés parfois considérables. Au Pakistan par exemple, en vertu d'un accord inspiré par le HCR, la Banque mondiale a commencé la mise en oeuvre d'un projet générateur de revenus. Je me réjouis de l'appui initial accordé par la communauté internationale à cet égard ; voilà qui augure bien de l'avenir et qui, j'en suis convaincu, servira d'exemple dans d'autres régions du monde. Les Membres de ce Comité seront peut-être intéressés d'apprendre que j'ai reçu, il y a quelques jours, la visite du Gouverneur de la Province frontière du Nord-Ouest du Pakistan, où la plupart de ces projets sont mis en oeuvre ; ce dernier m'a confirmé l'importance cruciale de ces projets pour sa province, où la présence de centaines de milliers de réfugiés avait eu de graves répercussions sur l'économie locale et l'environnement. De même, nous avons pu faire état d'une évolution positive vers l'auto-suffisance d'un grand nombre de réfugiés tant à l'est qu'au sud du Soudan grâce à nos relations de partenaires avec VOIT, le PNUD et des agences bénévoles. Malheureusement, des facteurs climatiques, économiques et politiques, extérieurs et intérieurs, ont, comme dans d'autres régions d'Afrique, quelque peu nui au calendrier de la mise en oeuvre de ces projets. En Somalie également, des progrès graduels mais significatifs ont été accomplis dans la mutation qui s'opère actuellement depuis les programmes axés sur les secours d'urgence vers les activités génératrices de revenus. Une fois de plus, nous envisageons d'associer des organismes apparentés, tels que VOIT et le PNUD, à certains de ces projets.
En Asie du Sud-Est, où les seules solutions durables réalisables pour l'instant restent la réinstallation et, dans une certaine mesure, le rapatriement librement consenti, j'entrevois néanmoins quelques signes de progrès vers d'autres solutions. Je suis aussi heureux de constater l'immense succès du Programme d'organisation méthodique des départs. L'opération de réinstallation se poursuit, et je suis convaincu que moyennant de nouveaux efforts généreux de la part des pays d'accueil, la population des camps peut être ramenée à un niveau se prêtant à une meilleure gestion en attendant, nous l'espérons, la disparition définitive des camps.
En Amérique centrale et au Mexique, où nos programmes sont largement axés sur les soins et entretien, des progrès ont été faits, si lents soient-ils, vers l'auto-suffisance des réfugiés. Ces programmes visent également à renforcer la sécurité des réfugiés qui, à plusieurs reprises, ont été victimes d'attaques armées. Au Honduras par exemple, le Gouvernement souhaite déplacer les réfugiés salvadoriens et guatémaltèques pour les éloigner des régions frontalières. Le HCR a insisté sur le fait que ce déplacement devait offrir des garanties plus strictes de sécurité, de liberté de mouvement, ainsi que des possibilités d'auto-suffisance pour les réfugiés. Nous espérons aboutir prochainement à la conclusion d'un accord avec les autorités couvrant tous ces points en détail. De la même façon au Mexique, les réfugiés sont déplacés loin des régions frontalières où, comme des événements récents l'ont montré, leurs vies sont parfois menacées. Ces déplacements donneront aux réfugiés davantage de possibilités de subvenir à leurs propres besoins. Les programmes d'intégration sur place à l'intention des réfugiés en zone rurale dans d'autres pays d'Amérique centrale ont également progressé, à l'image de ceux qui visent à l'intégration urbaine. Une fois encore, comme dans d'autres régions, le HCR est prêt à favoriser le rapatriement librement consenti dès que cette solution apparaît applicable.
Monsieur le Président, comme je l'ai souligné dans mes remarques introductives, c'est dans le domaine de la protection que plusieurs situations nous ont causé le plus de souci, voire d'angoisse, au cours du semestre considéré. Nous pouvons citer à cet égard la poursuite d'attaques sauvages lancées par des pirates brutaux et sadiques contre des réfugiés de la mer sans défense. Bien que l'on n'ait pas assisté à une augmentation du nombre de ces attaques, il semble que nous ayons à faire face à une recrudescence de leur violence. La communauté internationale tout entière déplore ces actes criminels insensés que nous ne sommes apparemment pas en mesure d'empêcher. J'ai fait part au Premier Ministre et au Ministre des affaires étrangères de Thaïlande, lors de leur récente visite en Suisse, de toute la préoccupation que m'inspirait cette situation. J'ai reçu l'assurance qu'ils partageaient pleinement notre inquiétude. Je suis donc très encouragé par le soutien constant qu'accordent plusieurs donateurs aux Dispositions prises pour la lutte contre la piraterie mises en oeuvre par les autorités thaïlandaises, et je suis heureux d'annoncer que nous venons de conclure un accord à Bangkok concernant la poursuite et le renforcement de ces Dispositions pendant une année supplémentaire. Une somme initiale de 2,1 millions de dollars est actuellement disponible et j'espère sincèrement que la couverture du budget total de 3,6 millions de dollars pour la période allant jusqu'en juin 1985 sera assurée. J'apprécierais hautement que les gouvernements qui envisagent actuellement de participer aux Dispositions prises pour la lutte contre la piraterie mettent rapidement à disposition des contributions généreuses.
Monsieur le Président, pour être franc, je me dois d'exprimer ma grande préoccupation concernant les expulsions ou rejets forcés ai la frontière de personnes en quête d'asile dans un certain nombre de régions du monde, notamment en Afrique, en Europe et en Asie du Sud-Est. Dans certains cas, j'ai reçu les assurances les plus fermes, au plus haut niveau, selon lesquelles de tels abus ne se reproduiraient plus ; dans d'autres, les autorités des pays concernés ont été moins explicites. Il est en fait paradoxal qu'au moment où nous constatons un développement heureux du droit international des réfugiés et l'application des instruments internationaux à des régions du monde qui n'étaient pas encore touchées, nous devions nous heurter à ce qu'il convient d'appeler une dégradation de l'attitude envers les réfugiés et à une érosion du droit d'asile. Je ne peux imputer cette tendance regrettable qu'à un climat politique et économique incertain, voire tendu. Il est un aspect de ce problème qui a donné lieu à une préoccupation dans un certain nombre de pays : la mobilité bien plus grande des migrants économiques et des personnes en quête d'asile souvent confondus, souvent assistés dans leurs déplacements interrégionaux, voire intercontinentaux par des trafiquants sans scrupules, des fournisseurs de faux documents de voyage et leurs semblables. Les personnes cherchant en toute bonne foi l'asile doivent-elles être les victimes de ces pratiques répréhensibles ?
L'une des régions où l'évolution de la situation a eu des répercussions sur la protection internationale des réfugiés au cours de la période considérée est l'Afrique australe : des événements politiques modifiant les relations entre la République d'Afrique du Sud et les pays voisins ont mis dans une situation particulièrement difficile les membres des mouvements de libération reconnus par l'Organisation de l'unité africaine, notamment l'ANC. Le Directeur de la Protection internationale du HCR a récemment entrepris une mission dans certains pays de la région (Tanzanie, Mozambique, Swaziland et Zambie) et a réitéré mon souci de ne voir aucun réfugié rapatrié contre son gré. La présence de certains de ces réfugiés représente, il est vrai, une lourde charge pour les pays hôtes, aussi tentons-nous de toutes nos forces, en coopération avec l'OUA, de trouver des solutions de rechange dans le continent africain.
Monsieur le Président, j'ai abordé quelques-uns des aspects les plus inquiétants de nos activités dans le domaine de la Protection internationale et je n'ai pas l'intention d'entrer dans les détails aujourd'hui. Notre rapport annuel à l'Assemblée générale des Nations Unies est maintenant entre les mains des délégations, sous sa forme préliminaire, en tant que document ECOSOC E/1984/61. Ce document contient beaucoup de précisions sur les faits nouveaux survenus dans ce domaine et je vous en recommande la lecture. J'aimerais connaître les résultats de vos réflexions et consultations au sujet de la sécurité personnelle des réfugiés et des personnes en quête d'asile.
Dans ce bref aperçu des événements du dernier trimestre, Monsieur le Président, j'ai appelé votre attention sur certains phénomènes qui me sont apparus particulièrement dignes de réflexion. L'un d'entre eux est le lien quasi inextricable entre les réfugiés et les victimes de la sécheresse en Afrique - dans la Corne de l'Afrique, au Soudan, en Afrique australe et ailleurs. La sécheresse et les autres catastrophes naturelles touchent les réfugiés de la même façon que les autochtones et contribuent à leur exode. Certains événements politiques perturbent ou empêchent la distribution de vivres, ce qui contraint la population à émigrer en masse vers les pays voisins. C'est donc sans réserve que le HCR soutient l'initiative prise par le Secrétaire général pour surmonter la crise économique et sociale en Afrique, avec les moyens dont il dispose. Cela ne doit pas faire oublier les limites qui nous sont imposées. La mission qui nous est confiée est de fournir une protection internationale et une assistance aux réfugiés. Malheureusement nous ne pouvons pas soulager toutes les souffrances du monde. Une fois encore, je serais heureux d'entendre les opinions du Comité exécutif sur cette importante question.
En vérité, j'ai pu noter des signes prometteurs dans notre recherche de solutions durables et, surtout, dans nos efforts pour amener nos partenaires à prendre le relais de notre action lorsqu'il convient. Cela recouvre un accord précieux avec le PNUD sur les Directives pour la coopération entre le PNUD et le HCR concernant les activités de développement touchant les réfugiés. Cependant, il est regrettable de constater que, trop souvent, les solutions durables que nous cherchons nous échappent pour des raisons qui n'ont rien à voir avec nos activités humanitaires, mais qui sont directement imputables au manque de bonne volonté des parties intéressées ; ces dernières devraient en effet chercher des solutions politiques aux problèmes qui ont été à l'origine de certains des mouvements massifs de population les plus importants que le monde ait jamais connus. Je suis convaincu que les gouvernements poursuivront leurs efforts à cet égard, dans les enceintes appropriées.
Il est une région au moins où certaines solutions durables sembleraient être à notre portée : je veux parler de l'Afrique. Des préparatifs intenses de plusieurs mois atteindront leur point culminant dans onze jours lorsque le Secrétaire général ouvrira la Deuxième Conférence sur l'assistance aux réfugiés en Afrique (CIARA II). La plupart d'entre vous ont certainement assisté à la réunion d'hier qu'a tenue le Comité directeur avec les gouvernements pour un résumé final des travaux préparatoires à la Conférence. Aussi ai-je donc très peu de choses à ajouter.
On a coutume de considérer la CIARA II comme la première phase d'un processus. En fait, ce processus a commencé il y a plus de dix-huit mois, immédiatement après l'adoption de la résolution de l'Assemblée générale demandant la convocation de la CIARA II. Au cours de cette période, les problèmes ont été identifiés, les concepts définis, la procédure et les critères établis et les projets préparés et soumis à la communauté internationale. La deuxième étape de ce processus par ordre d'importance est la Conférence elle-même - une occasion de faire état des ressources, de l'appui et des engagements vis-à-vis des projets présentés.
Comme vous le savez, le thème de la Conférence est « L'heure des solutions ». Pour atteindre l'objectif ultime de solutions durables aux problèmes des réfugiés en Afrique, la communauté internationale - c'est-à-dire, les Gouvernements africains, les Gouvernements donateurs, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales doivent promettre d'honorer leurs engagements après la Conférence et veiller au déroulement du processus jusqu'à son aboutissement. Vous pourrez être surs que le HCR entend et peut « tenir la distance ». Nous le devons aux réfugiés, aux pays africains hôtes et à la communauté des donateurs qui investissent leurs ressources dans le processus de la CIARA II.
Monsieur le Président, j'ai dit au début de mon intervention combien j'attachais de valeur à l'observation sur place des situations de réfugiés. L'une des missions les plus gratifiantes de ces cinq derniers mois m'a conduit dans l'un des pays africains où, précisément, tout a été fait pour aboutir à des solutions durables aux problèmes des réfugiés et où le processus de la CIARA II peut étayer ces efforts. Je fais ici allusion à la Tanzanie, où j'ai eu le plaisir, en compagnie de S.E. le Président Nyerere et de Son Altesse Royale la Princesse Sonja de Norvège, de visiter les zones d'installation de Katumba et Mishamo, et de participer à l'ouverture de nouvelles écoles qui bénéficieront tant aux réfugiés qu'à la population locale. J'ai aussi visité Ulyankulu, qui a longtemps été cité comme un exemple de solution durable couronnée de succès. Ces zones d'installation ne sont pas simplement auto-suffisantes, elles exportent même des denrées alimentaires dans les régions voisines et j'ai emprunté une route aménagée à cet effet. Son amélioration constitue un projet de la CIARA II.
Toujours au sujet de mes propres déplacements, permettez-moi de faire brièvement allusion aux deux autres missions qui m'ont permis, chacune à leur façon, d'évaluer l'importance des activités du Haut Commissariat. Au début de l'année, je suis allé en Australie et en Nouvelle-Zélande, deux pays qui comptent parmi les défenseurs les plus fervents du HCR, tant sur le plan des contributions financières à nos programmes que sur le plan de l'admission des réfugiés aux fins de réinstallation. Je suis très heureux de voir à quel point les réfugiés venant de différentes régions du monde s'intègrent bien ; l'appui qu'ils reçoivent des autorités nationales et des nombreuses agences bénévoles, très actives, a également été pour moi une source de réconfort. J'ai attaché une grande importance à une autre mission qui m'a conduit à Tunis, à l'invitation de M. Chedli Klibi, Secrétaire général de la Ligue des Etats arabes. Mes entretiens avec lui et ses proches collaborateurs ont été très gratifiants et, j'en suis sûr, inaugurent une ère de coopération plus étroite entre le Haut Commissariat et les Etats membres de la Ligue qui, pour la plupart, connaissent de plus en plus de problèmes de réfugiés.
Pour en venir brièvement à une ou deux questions de gestion interne, j'aimerais informer le Comité exécutif que, comme chaque année à la fin du mois de mai, nous nous sommes livrés à l'examen de nos ressources en personnel, c'est-à-dire que nous avons examiné dans tous les secteurs du Haut Commissariat les possibilités de supprimer ou de redéployer des postes existants ainsi que les besoins supplémentaires en personnel. Tandis que la demande finale de nouveaux postes sur le terrain, que je soumettrai comme à l'habitude au Comité exécutif au cours de la session ordinaire, sera conforme à ma requête concernant une croissance minimale, j'ai décidé qu'au Siège la croissance zéro devait être de rigueur, bien que nous ayons reçu des demandes concernant un certain nombre de postes supplémentaires. Il n'a pas été facile d'aboutir à cette décision. Le renforcement de la gestion du HCR, domaine où l'aide du Comité exécutif s'est révélée des plus efficaces, a été mis en place depuis deux années maintenant et s'est révélé fructueux. Comme vous le savez, nous avons déjà suivi la plupart des recommandations contenues dans l'étude menée à bien par le Service de gestion administrative, SGA. Nous souhaitons maintenant explorer toutes les possibilités qui s'offrent à nous pour continuer de rationaliser, de moderniser, et de redéployer - sachant fort bien que, à long terme, le recrutement du personnel supplémentaire n'est pas une panacée.
Monsieur le Président, vous vous rappellerez le grand intérêt qu'a manifesté le Comité exécutif pour le classement des emplois effectué au HCR. Cet exercice avait en fait été rendu très nécessaire par la croissance rapide et la diversification des tâches du HCR au cours de ces dernières années. Je suis heureux d'annoncer que l'essentiel de ce travail a maintenant été accompli, tant pour le personnel de la catégorie des Services professionnels au Siège et sur le terrain que pour celui des Services généraux au siège. Pour le personnel des Services professionnels, deux Comités de classement du HCR ont été créés, composés de membres du personnel du HCR représentant l'éventail le plus large possible de compétences. Les Comités de classement du HCR ont reçu l'assistance d'autres institutions des Nations Unies ayant de l'expérience en la matière. Différents experts du système des Nations Unies ont visité un certain nombre de lieux d'affectation sur le terrain et un consultant a été recruté dans la Section du classement des Services du personnel de New York. Les procédures d'appel sont actuellement en cours pour le personnel des Services professionnels, qui estiment que leurs postes n'ont pas été classés comme il convient : une procédure similaire sera mise au point pour le personnel des Services généraux. Nous diffuserons les conclusions de ces exercices de classement des emplois une fois que la procédure d'appel aura eu lieu. Nous prévoyons ensuite de demander l'appui du Comité exécutif pour les étapes ultérieures conduisant à l'application des résultats.
Monsieur le Président, j'aimerais maintenant dire aux Membres du Comité exécutif que nous venons de terminer l'examen à la mi-année des objectifs par pays pour les Programmes généraux révisés en 1984 et proposés en 1985. Il y aura encore lieu de préciser quelques chapitres mais, de façon approximative, j'ai l'intention de proposer une réduction de quelque six millions de dollars des Programmes généraux pour 1984, qui seront ainsi révisés à la baisse, passant d'environ 368 millions de dollars à environ 362 millions de dollars. Pour 1985, je propose un objectif de quelque 380 millions de dollars. Ce chiffre a encore besoin d'être affiné, mais je vous le livre tel quel pour vous informer dès aujourd'hui de la tendance générale qui se fait jour. Les besoins totaux au titre des Programmes généraux et spéciaux sont aujourd'hui projetés à 400 millions de dollars pour 1984 et 425 millions de dollars pour 1985.
Pour en venir maintenant au financement des Programmes généraux du HCR pour l'année en cours, j'ai fait part au Comité, lors de notre réunion informelle de janvier, de ma préoccupation concernant la courbe décroissante des annonces et des versements de contributions et j'ai prédit que, si des ressources additionnelles importantes ne nous parvenaient pas au cours du printemps, nous pourrions nous trouver dans une situation financière critique à la fin du premier semestre. J'ai le regret de devoir aujourd'hui vous informer que ma prédiction se révèle exacte. Si l'on prend en compte toutes les ressources disponibles, y compris toutes les annonces de contributions, le report de l'année dernière ainsi que toutes les autres sources de revenus, nous ne disposons que d'environ 249 millions de dollars pour les Programmes généraux de 1984 par rapport aux besoins révisés de 362 millions de dollars, ce qui laisse un découvert de 113 millions de dollars. Sur les 249 millions de dollars disponibles, 225 millions ont déjà engagés, ce qui ne laisse que 24 millions de dollars disponibles pour les engagements, alors que les Programmes généraux requièrent à cette époque de l'année 30 millions de dollars par mois. Mon propos n'est point de dramatiser, car je suis convaincu que plusieurs contributions importantes aux Programmes généraux du HCR seront annoncées dans un avenir proche. Je dois néanmoins avouer que notre situation financière laisse beaucoup à désirer.
Monsieur le Président, j'aimerais conclure ici mon propos. Je vous remercie tous pour votre attention et je me réjouis de pouvoir entendre vos points de vues, vos commentaires et vos préoccupations, exprimés dans un esprit de dialogue qui, comme je l'ai dit au début de mon intervention, est si crucial pour nos activités en faveur des réfugiés du monde. Merci.