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En Afghanistan, une planche de salut pour des femmes tisseuses

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En Afghanistan, une planche de salut pour des femmes tisseuses

Un atelier de tissage de tapis soutenu par le HCR veut offrir de nouveaux emplois et de meilleures conditions de travail à d'anciennes réfugiées et à des femmes afghanes déplacées.
30 Août 2023 Egalement disponible ici :
Plusieurs femmes sont assises sur le sol d'une hutte et tissent un grand tapis.

Des femmes issues de différents ménages du quartier de Qaleen Bafan travaillent ensemble à la confection d'un tapis dans une hutte en terre battue.

Sous un éclairage blafard, abritées dans une hutte en terre battue, un groupe de sept femmes assises les jambes croisées tissent un tapis en laine sur une machine à tisser en bois posé à même le sol.

Il faudra deux mois de travail pour achever le travail et elles devraient gagner environ 16 000 afghanis (185 dollars) pour leurs efforts collectifs. « Habituellement, nous sommes huit à travailler ici », explique Bibi Niaz, 71 ans, qui a commencé à tisser à l'âge de 10 ans. « Mais ça arrive que quelqu'un soit malade, comme aujourd'hui. Quand il fait chaud, c'est dur ; j'ai souvent mal au dos et aux épaules. »

« Tisser des tapis en hiver est encore plus difficile », renchérit Bibi Niaz. Pendant les périodes de grand froid, elles doivent couvrir les fenêtres avec du plastique et faire du feu pour se réchauffer les mains. « J'ai maintenant des problèmes respiratoires à cause des tapis ; je tousse beaucoup. »

Une femme âgée portant un foulard est assise sur le sol d'une hutte où des femmes, à l'arrière-plan, tissent un tapis.

Bibi Niaz, 71 ans, tisse des tapis depuis l'âge de 10 ans.

Le tissage offre du travail aux femmes cloîtrées chez elles

Certaines pratiques culturelles traditionnelles afghanes, ainsi que les récentes restrictions affectant la capacité des femmes à voyager, étudier et travailler, ont notamment eu pour conséquence le cantonnent des femmes à des activités de travail à domicile. Certaines se sont mises à tisser des tapis pour aider leurs familles et se sentir moins isolées.

Saleha, 18 ans, est l'une des tisseuses qui travaillent aux côtés de Bibi Niaz. Elle était en huitième année et espérait devenir infirmière lorsque ses rêves ont été brisés, il y a deux ans, lorsque les autorités de facto ont interdit aux filles de poursuivre des études secondaires et supérieures. « Il n'y a plus d'autre moyen de gagner de l'argent maintenant », explique-t-elle. « La fermeture des écoles m'a obligée à rester à la maison, et je préfère m'occuper en exerçant cette activité. »

Trois femmes âgées portant un foulard sont assises sur le sol d'une hutte et tissent un tapis.

Chaque famille de Qaleen Bafan (qui signifie "Tisserand de tapis"), dans le nord de l'Afghanistan, est impliquée d'une manière ou d'une autre dans la fabrication de tapis. La plupart sont d'anciens réfugiés qui vivaient au Pakistan et en Iran ou qui ont été déplacés dans d'autres régions de l'Afghanistan. Dans le cadre d'un programme gouvernemental d'attribution de terres mis en place en 2006, des parcelles de terrain ont été attribuées à des réfugiés sans terre possédant des compétences en matière de tissage de tapis.

Qaleen Bafan et deux autres sites voisins abritant des réfugiés de retour et des personnes déplacées à l'intérieur du pays (Sakhi et Ferdawsi) ont depuis été désignés par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, comme zones prioritaires de retour et de réintégration, parmi 80 sites où le HCR travaille avec des partenaires et d’autres agences des Nations Unies pour améliorer l'accès aux services de base, dans le but de construire des communautés plus résilientes et de réduire la probabilité d'autres déplacements de populations.

De nouveaux centres pour créer des emplois

Suite à une étude de l'Organisation internationale du travail, qui a identifié le tissage de tapis comme un secteur à fort potentiel de croissance et d'autonomisation économique des femmes, le HCR a soutenu la construction d'un centre de tissage et d'un centre de traitement de tapis dans cette région. L'ouverture de ces deux centres est prévue en septembre et suscite l'enthousiasme et l'espoir d'une amélioration des conditions de vie des tisseuses.

Les centres devraient créer environ 30 nouveaux emplois et aider les tisseuses à vendre leurs produits finis à des prix plus élevés.

Actuellement, la plupart des tapis tissés par les femmes à leur domicile sont commandés par des intermédiaires, qui fournissent aux ménages ruraux les dessins et les matières premières, et souvent prêtent ou louent les métiers à tisser. Les tisserands sont payés pour leur travail en fonction de la taille du tapis et de la complexité du dessin. Toutefois, plus de 80% des tapis tissés à la main seraient exportés vers le Pakistan pour y être coupés, lavés, séchés et étirés, face aux difficultés d’effectuer ces étapes sur place en Afghanistan. Ce n'est qu'après le traitement que la beauté et la finesse du tissage apparaissent, ce qui permet au vendeur d'exiger des prix élevés pour ces tapis, très prisés et vendus à l'échelle internationale.

« Ce projet aura un impact considérable et permettra aux familles de mieux s’en sortir », estime Haji Gheyas, 62 ans, ancien réfugié et leader communautaire à Qaleen Bafa, dont l'épouse est tisseuse. « Cette région est réputée pour le tissage de tapis et nous espérons pouvoir exporter vers d'autres pays. »

Faire face à la crise économique

Les bénéfices du centre devraient être réinvestis dans le développement de la communauté. Un projet similaire visant à créer des installations locales de traitement des tapis est également en cours d’exécution dans une autre zone prioritaire de retour du HCR, dans le district d'Aqcha, dans la province de Jawzjan, au nord de l'Afghanistan.

Dans d'autres zones de retour, le HCR a fourni un soutien aux moyens de subsistance et des opportunités de formation - de l'apiculture et de l'aviculture à des projets de confection et de couture - pour aider les communautés rurales en difficulté, et les femmes en particulier, à surmonter une crise économique qui affecte l'ensemble du pays.

Une étude réalisée en avril par le Programme des Nations Unies pour le développement a révélé que l'économie afghane s'était contractée de plus de 20% depuis que les autorités de facto ont pris le pouvoir en août 2021. Selon les conclusions de ladite étude, les restrictions imposées aux droits des femmes, notamment en matière d'éducation et de travail, entraîneraient une réduction de l'aide humanitaire internationale, ce qui aggraverait la situation économique déjà difficile.

Cela aura un impact considérable et contribuera à aider les familles à avoir un meilleur revenu

Haji Gheyas, 62 ans, ancien réfugié

 

Les femmes et les jeunes filles qui tissent à Qaleen Bafan dépendent pour la plupart des maigres sommes qu'elles gagnent pour subvenir aux besoins de familles entières et s'endettent souvent, pour acheter de la nourriture à crédit jusqu'à ce que les tapis soient achevés.

Bibi Niaz déplore la hausse des prix des denrées alimentaires et le manque d'alternatives pour gagner de l'argent. « Sans tissage, nous n'avons pas de nourriture, nous n’avons rien. »

« Nous devons acheter de la farine, du riz, de l'huile, du thé et bien d’autres articles », ajoute-t-elle.

« Je continuerai à tisser des tapis tant que mes yeux me le permettront, jusqu'à la fin de ma vie. »