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Intervention de M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la fin du débat sur la question des réfugiés au sein de la Troisième Commission de l'Assemblée Générale des Nations Unies, (seizième session)

Discours et déclarations

Intervention de M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la fin du débat sur la question des réfugiés au sein de la Troisième Commission de l'Assemblée Générale des Nations Unies, (seizième session)

6 Décembre 1961
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Je vous suis reconnaissant, Monsieur le Président, de bien vouloir me permettre de reprendre maintenant la parole afin de remercier en quelques mots la Commission de l'intérêt très vif dont elle a témoigné au cours de ses débats pour les problèmes concernant mon Office. Les vues qui ont été ici exprimées par un grand nombre de délégations me sont extrêmement précieuses car elles me permettent d'avoir une idée plus précise de la manière dont la Communauté Internationale entend que le Haut Commissariat remplisse la tâche qui lui a été confiée par l'Assemblée générale. Cette mutuelle compréhension est d'autant plus nécessaire que mon Office doit faire face à des problèmes qui évoluent sans cesse, et que l'effort d'adaptation qui s'impose en conséquence à lui, doit être exactement conforme au désir de la Communauté Internationale qu'il est appelé à servir. Son action ne peut avoir de sens, en effet, que si elle rencontre les préoccupations et les intérêts des différents pays et plus spécialement de ceux d'entre eux où résident les réfugiés, et lorsque d'autre part elle est assurée du trouver auprès des gouvernements les appuis bénévoles qui conditionnent sa réalisation.

A ces considérations d'ordre général, je voudrais, si vous le permettez, Monsieur le Président, ajouter quelques remarques qui répondent à certaines des questions soulevées, notamment par les Honorables Délégués de l'Arabie Saoudite, des Pays-Bas et du Mali.

En ce qui concerne les réfugiés en provenance ce Ruanda-Urundi dont a parlé la distinguée déléguée du Mali, je voudrais rappeler les brèves indications que j'ai données déjà à l'occasion de mon exposé initial - indications qui, en fait, ont été ajoutées au texte tel qu'il a été distribué, l'intervention de mon Office n'ayant été sollicitée qu'à une date toute récente. Je disais à ce sujet : « Pour illustrer la variété des nouveaux problèmes sur lesquels mon attention a récemment été attirée, je mentionnerai encore celui des réfugiés venus du Ruanda-Urundi au Tanganyika et en Uganda. A la demande des autorités intéressées, un fonctionnaire de mon Office doit se rendre ces jours-ci sur place afin de procéder à un examen de la situation ». En fait, celui de mes collaborateurs qui a été désigné pour se rendre dans ces pays a quitté Genève vendredi dernier. Outre le Tanganyika et l'Ouganda, il est possible, ainsi que l'a indiqué il y a un instant le délégué de la Belgique, qu'il visite également le Ruanda-Urundi. J'ajouterai que mon chargé de mission au Congo Léopoldville doit se rendre d'autre part dans la région de Kivu où se trouvent également de réfugiés en provenance du Ruanda-Urundi et m'a fait parvenir déjà quelques informations à ce sujet.

Le délégué des Pays-Bas a demandé pour as part des éclaircissements en ce qui concerne certains des chiffres mentionnés dans le rapport soumis à l'Assemblée ou inclus dans mon exposé introductif. Il aimerait savoir tout d'abord si le chiffre de 20.000 naturalisés mentionné à l'annexe I, tableau II du rapport inclut ou non tous les réfugiés intégrés. La réponse, Monsieur le Président, est négative, ce chiffre se réfère exclusivement aux réfugiés naturalisés qui, par là même, cessent de relever du mandat de mon Office. En ce qui concerne le nombre de 11.000 émigrés dont il est fait état dans le même tableau II de l'annexe I, je voudrais souligner simplement que ce dernier se rapporte uniquement, comme il est indiqué dans son énoncé, aux réfugiés se trouvant dans certains pays européens, en fait les cinq pays où un programme d'assistance matérielle a été mis en oeuvre. Le chiffre de 11.000 cité ici n'est donc en aucune manière contradictoire avec celui de 30.000 mentionné par ailleurs. Ainsi qu'on peut le constater en consultant l'annexe III du rapport, c'est bien en effet un total de 30.000 réfugiés environ qui ont émigré au cours de l'année passée, en provenance des divers pays, dont 11.000 en provenance des cinq pays mentionnés, 19.000 venant d'autres pays.

Pour ce qui est, enfin, des quelque 8.000 réfugiés auxquels j'ai fait allusion dans mon exposé et qui sont encore dans les camps, je dirai, Monsieur le Président, que les raisons pour lesquelles ils s'y trouvent encore sont d'ordre divers, mais tiennent essentiellement au fait que, si tous sont inclus dans notre programme d'évacuation des camps, la mise an oeuvre de ce dernier ne peut s'effectuer qu'à un certain rythme, commandé par des considérations d'ordre purement technique ou économique que nous ne pouvons modifier. C' est ainsi que le programme de relogement qui conditionne dans une large mesure la réalisation de ce programme d'ensemble, demande du temps. Il faut passer des contrats avec les agences qui se chargent de l'exécution et celles-ci doivent à leur tour passer des contrats avec les entreprises de construction. Il faut ensuite construire, avec tous les détails que cela implique, compte tenu notamment des interruptions inévitables pendant la période d'hiver. Mais la Commission peut-être assurée que nous mettons tous nos soins à faire en sorte que la réalisation de ce programme, pour lequel nous disposons dans l'ensemble des fonds nécessaires, puisse s'effectuer à un rythme aussi rapide que possible, compte tenu des circonstances. Les progrès réalisés au cours des six premiers mois de cette année, et que j'ai mentionnés déjà, témoignent, je crois, de cet effort.

Pour en revenir à des remarques de caractère plus général, je voudrais rappeler que la poursuite de la mission confiée au Haut Commissariat dépend de l'Assemblée générale qui, vous le savez, sera appelée l'an prochain à se prononcer à ce sujet. S'il ne m'appartient évidemment pas d'anticiper sa décision, je considère qu'il est de mon devoir de donner à l'Assemblée un tableau aussi complet que possible, aussi bien de ce qui a été déjà accompli, que des tâches que mon Office pourrait avoir encore à remplir en se fondant simplement sur les conceptions qui ont présidé jusqu'à présent à son action.

C'est notamment pour permettre à l'Assemblée se prononcer en toute connaissance de cause que j'ai l'intention, comme je l'ai dit déjà dès l'ouverture de ce débat, de soumettre à l'examen du Comité Exécutif lors de sa session du printemps prochain, un plan d'ensemble destiné à en terminer avec les grands programmes d'assistance matérielle aux anciens réfugiés, en même temps qu'à définir les tâches plus courantes qu'il incomberait à mon Office de continuer à assumer en vertu de son mandat, dans l'hypothèse où ce dernier serait prorogé.

En ce qui concerne les nouveaux problèmes de réfugiés, un tel plan ne saurait être envisagé pour la raison que l'on ne saurait prédire exactement ce que seront demain ces problèmes. Il s'agit pour mon Office d'être à la disposition de la Communauté Internationale pour aider éventuellement à y faire face. Cette tâche, je la situe essentiellement dans le cadre des résolutions sur les bons offices, dont l'application, tout comme celle du mandat, n'est pas limitée à une région déterminée, et dont la portée est en conséquence universelle.

Cela dit, il est tout à fait évident que des limites doivent être imposées à l'action de mon Office, aussi bien lorsqu'il s'agit d'apprécier les situations où il peut être amené à intervenir, qu'en ce qui concerne la nature même de cette intervention, dans le cadre des bons offices.

En fait, l'expérience a prouvé qui ces limites sont imposées par les pays eux-mêmes auxquels il sert d'intermédiaire et qui ont très clairement fait comprendre qu'ils entendent garder une complète liberté d'action en ce qui concerne aussi bien leurs requêtes que l'appui qu'ils peuvent être disposés à apporter à l'action du Haut Commissariat. Il est tout à fait clair que ce dernier ne saurait intervenir automatiquement chaque fois que le mot de réfugié est prononcé. Il se doit d'agir lorsque le problème posé le justifie tant par sa nature que par son ampleur, et lorsque notamment ce problème constitue pour le pays d'asile un fardeau qu'il ne saurait supporter sans un concours adéquat de la communauté internationale. Il est ainsi difficile de définir à l'avance et d'une manière générale les cas dans lesquels le Haut Commissariat peut être amené à intervenir. Cela dépend en effet essentiellement, comme je l'ai dit, de l'attitude des gouvernements eux-mêmes.

Je voudrais d'autre part souligner de nouveau le caractère en quelque sorte marginal de l'intervention de mon Office tel qu'il découle aussi bien de son mandat que des ressources limitées dont il dispose. Son rôle essentiel est, je l'ai dit déjà, de susciter les concours nécessaires des gouvernements aussi bien que des institutions privées, et de jouer ce rôle de stimulant, de catalyseur et de coordinateur, et non de prendre en charge des opérations qu'il incombe à d'autres instances nationales ou internationales d'assumer.

Je dirai simplement en conclusion, Monsieur le Président, que nul n'est plus que moi persuadé de la prudence et de la circonspection dont doit témoigner mon Office dans son approche des nouveaux problèmes sur lesquels son attention est maintenant appelée, et dont il ne saurait par contre, je pense, se désintéresser sans trahir la mission humanitaire et sociale qui lui a été confiée par l'Assemblée générale. S'il est en effet une mission qui, avant tout, lui incombe, c'est bien celle de maintenir constamment en éveil l'esprit de coopération internationale qui préside aux solutions des problèmes de réfugiés - cet esprit dont Fridtjof Nansen, le premier Haut Commissaire pour les Réfugiés au temps de la Société des Nations dont le centenaire vient d'être célébré avec éclat dans de nombreux pays, avait su faire une réalité vivante et concrète.