Des milliers de réfugiés participent aux 16 Journées d'action contre la violence sexiste au Congo
Des milliers de réfugiés participent aux 16 Journées d'action contre la violence sexiste au Congo
BRAZZAVILLE, Congo - 9 décembre (HCR) - Chaque jour, des équipes du HCR et d’organisations partenaires sillonnent les villages du département de la Likouala, au nord-est du Congo, dans le cadre de la campagne des 16 Journées d’action contre la violence sexiste pour sensibiliser les réfugiés sur les différents types de violence à l’encontre des femmes et sur les moyens d’y remédier.
Cette campagne de sensibilisation, lancée le 25 novembre, est la plus importante du genre réalisée par le HCR depuis l'afflux de 115 000 réfugiés, originaires de la RDC voisine, dans la Likouala à la fin 2009. Ils ont fui pour échapper aux violences ethniques dans la province de l'Équateur, dans le nord-ouest de la RDC, située sur la rive opposée du fleuve Oubangui qui sépare les deux pays.
Depuis son arrivée, cette population a déjà enregistré une centaine de cas de viols. La plupart des victimes sont des jeunes filles âgées de moins de 18 ans. Une dizaine de cas de violence, domestique, ont par ailleurs été relevés, même si le sujet est tabou. Par crainte de représailles ou de stigmatisation par exemple, de nombreuses victimes préfèrent garder le silence.
« Beaucoup ne comprennent pas la notion de viol conjugal par exemple puisque, dans la culture traditionnelle, l'homme croit qu'il a tous les droits sur la femme pour laquelle il a payé une dot », souligne Gildas Djissa, chargé des services communautaires au bureau du HCR à Bétou. « Les concepts de consentement et de coercition suscitent de nombreux débats ».
D'autres victimes sont trop isolées géographiquement pour recevoir de l'aide car les réfugiés sont répartis dans une centaine de sites qui s'etendent sur 600 kilomètres le long du fleuve Ubangui. Une victime de viol doit parfois effectuer un trajet de plusieurs heures en pirogue pour recevoir une assistance médicale. Le suivi psychosocial, quant à lui, n'est possible que pour les femmes qui résident à proximité des centres de services.
Le HCR encourage les victimes à porter plainte mais très peu choisissent cette voie. « Les gens tendent à banaliser les viols, ils préfèrent opter pour des règlements à l'amiable, parfois ce sont quelques milliers de francs (soit plusieurs dizaines de dollars) qui sont remis à la famille », précise Gildas Djissa. Les plaintes déposées mettent du temps avant d'être traitées par les tribunaux, ce qui décourage aussi les victimes. Par ailleurs, durant cette période, les auteurs présumés sont en liberté en raison de l'absence de maison d'arrêt fonctionnelle dans le département.
Malgré ces obstacles, il existe des solutions. Dans le cadre de la Campagne des 16 Journées d'action contre la violence sexiste qui s'achève le 10 décembre, le HCR a notamment mené des séries d'évaluation par groupe, afin de mieux saisir les problèmes et les facteurs de risque et pour agir en conséquence.
« Il y a deux mois, un exercice similaire nous a permis d'identifier que les femmes risquent davantage de se faire violer lorsqu'elles se rendent seules aux champs ou se lavent nues à la rivière. Depuis, avec l'aide des leaders communautaires, nous avons instauré des mesures d'accompagnement dans les champs et nous sensibilisons les femmes à l'utilisation des douches communautaires ou familiales disponibles », explique Édith Ginouvier, consultante en protection au bureau du HCR à Impfondo.
Maintenant qu’elle s’achève, la campagne est l'occasion pour le HCR de lancer un processus de révision de ses procédures en matière de prévention et de réponse à la violence sexiste au Congo. Dans un document qui sera rédigé en français avec les réfugiés ainsi que les partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux, l’agence définira clairement les rôles et responsabilités en matière de prévention et d’intervention.
Mariam, une réfugiée rwandaise de Brazzaville, voit la démarche d'un bon oeil. « Je pense que cela va aider si c'est mis en application », dit-elle. La femme de 33 ans ajoute que l'atelier auquel elle a participé lui a ouvert les yeux. « Je ne savais pas que lorsque qu'un homme tape sa femme, c'est de la violence, je pensais que c'était juste comme d'habitude ». Mariam, qui dit avoir subi un mariage forcé pendant quatre ans, souhaite maintenant participer à sensibiliser sa propre communauté.
Par Anouk Desgroseilliers, à Brazzaville, Congo