Note sur l'asile
Note sur l'asile
EC/SCP/4
Introduction
1. Une personne qui quitte son pays d'origine parce quelle y est persécutée ou a de bonnes raisons de craindre de l'être, a besoin avant tout de bénéficier d'urgence de l'asile dans un autre pays. L'asile suppose la possibilité de demeurer dans un pays soit en permanence soit, au moins, à titre temporaire en attendant de pouvoir se réinstaller ailleurs. Il suppose aussi la protection, en vertu du principe du non-refoulement, contre l'expulsion ou le renvoi dans un pays où l'intéressé a tout lieu de craindre la persécution. La question du non-refoulement fait l'objet d'un document distinct présenté au Sous-Comité.
2. Dans l'exercice de ses fonctions relatives à la protection internationale, le Haut Commissaire cherche à s'assurer que les réfugiés bénéficient de l'asile et à encourager les Etats à appliquer des pratiques libérales en matière d'asile. Dans la résolution 428 (V) du 14 décembre 1950, à laquelle le Statut du HCR est annexé, l'Assemblée générale invite expressément les gouvernements « à coopérer avec le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés dans l'exercice de ses fonctions, notamment en admettant sur leur territoire des réfugiés ».
3. La question de l'asile, c'est-à-dire de l'admission temporaire ou permanente, n'est pas traitée dans la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. On trouve toutefois dans l'Acte final de la Conférence de plénipotentiaires qui a adopté la Convention, la recommandation IV.D ci-après relative à la question de l'admission :
« LA CONFERENCE,
CONSIDERANT que nombre de personnes quittent encore leur pays d'origine pour des raisons de persécution et qu'elles ont droit à une protection spéciale à cause de leur condition particulière,
RECOMMANDE aux Gouvernements de continuer à recevoir les réfugiés sur leur territoire et d'agir de concert, dans un véritable esprit de solidarité internationale, afin que les réfugiés puissent trouver asile et possibilité de rétablissement. »
4. La Déclaration des Nations Unies sur l'asile territorial, que l'Assemblée générale a adoptée à l'unanimité en 1967, définit certains principes importants devant permettre de faciliter les pratiques relatives à l'asile. D'abord, le principe selon lequel « l'asile accordé par un Etat dans l'exercice de sa souveraineté, ... doit être respecté par tous les autres Etats ». Il s'agit « d'un acte pacifique et humanitaire, et qui, en tant que tel, ne saurait être considéré inamical à l'égard d'un autre Etat ». Ensuite,
« lorsqu'un Etat éprouve des difficultés à donner ou à continuer de donner asile; les Etats doivent, individuellement ou en commun, ou par l'intermédiaire de l'Organisation des Nations Unies, envisager les mesures qu'il y aurait lieu de prendre, dans un esprit de solidarité internationale, pour soulager le fardeau de cet Etat ».
5. Dans divers instruments adoptés au niveau régional, la question de l'octroi de l'asile a retenu plus particulièrement l'attention que dans les instruments adoptés à l'échelon universel. Ainsi, la Convention de l'OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique dispose que :
« Les Etats membres de l'OUA s'engagent à faire tout de qui est en leur pouvoir, dans le cadre de leurs législations respectives, pour accueillir les réfugiés, et assurer l'établissement de ceux d'entre eux qui, pour des raisons sérieuses, ne peuvent ou ne veulent pas retourner dans leur pays d'origine ou dans celui dont ils ont la nationalité. » (article II(1)).
De plus,
« Tout réfugié qui n'a pas reçu le droit de résider dans un quelconque pays d'asile pourra être admis temporairement dans le premier pays d'asile où il s'est présenté comme réfugié en attendant que les dispositions soient prises pour sa réinstallation. » (article II(5)).
6. Au Conseil de l'Europe, la recommandation 434 relative à l'application du droit d'asile aux réfugiés européens, que l'Assemblée a adoptée le 1er octobre 1965, recommande notamment au Comité des ministres, en attendant l'adoption d'un instrument international en vertu duquel la pratique du droit d'asile sera pleinement reconnue dans les Etats Membres :
« d'accorder aux réfugiés au moins un asile provisoire en vue de leur admission dans un autre pays, au cas où un pays estimerait ne pas pouvoir leur accorder le bénéfice de l'asile permanent pour des raisons de sécurité nationale ou de protection de la population. »
7. De plus, dans la résolution 67 (19) sur l'asile en faveur des personnes menacées de persécution, adoptée le 28 juin 1967, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a recommandé notamment aux gouvernements membrés de
« faire preuve d'un esprit particulièrement libéral et humanitaire à l'égard des personnes qui cherchent asile sur leurs territoires. »
8. Il ressort de ce qui précède que de nombreux Etats sont conscients que, pour les réfugiés, l'octroi de l'asile répond à un besoin urgent et capital. La question de l'asile continue néanmoins à soulever de graves problèmes sur le plan international. C'est précisément pour tenter de faire progresser encore la législation sur l'asile que la Conférence sur l'asile territorial a été convoquée en exécution de la résolution 3456 (XXX) de l'Assemblée générale du 9 décembre 1975. La Conférence, qui s'est réunie à Genève du 10 janvier au 4 février 1977, n'a pu achever ses travaux dans les délais impartis; laissant donc le soin à l'Assemblée générale de décider de la suite à donner à cette question.
9. La présente Note n'a pas pour objet d'évoquer les questions fondamentales liées à l'asile, mais d'attirer l'attention du Sous-Comité sur certains problèmes pratiques concernant l'asile auxquels le Haut Commissaire se heurte dans l'exercice courant de ses fonctions telles qu'elles découlent du Statut du HCR et d'autres instruments.
Problèmes pratique liés à l'asile
10. De nombreux gouvernements ont continué à pratiquer, en matière d'asile, une politique libérale et généreuse qui a grandement facilité la tâche humanitaire du Haut Commissaire, notamment en ce oui concerne l'admission de groupés importants de réfugiés. Comme le Haut Commissaire l'a mentionné dans son rapport à l'assemblée générale à sa trente-deuxième session,1 plus de 100 000 personnes en quête d'asile ont été accueilles en 1976, sinon en permanence, du moins à titre temporaire, dans plus de 50 pays répartis sur cinq continents. Il s'agit essentiellement de groupes nombreux de réfugiés.
11. Nombre d'Etats qui ont adopté une politique positive en matière d'asile sont aussi Parties à la Convention de 1951 relative aux réfugiés et au Protocole de 1967 et ont prévu des procédures spéciales pour déterminer le statut de réfugié conformément à ces instruments. Le HCR a toutefois été appelé à s'occuper d'un certain nombre de cas où des personnes isolées en quête d'asile se sont heurtées à de graves difficultés pour trouver un refuge permanent ou même temporaire et ont parfois eu à subir les conséquences extrêmement graves qu'entraînait pour elles le refus de l'asile. Il importe de mentionner en détail certaines de ces pratiques négatives.
12. Dans certains cas, les Etats ont fermé leurs frontières aux personnes en quête d'asile qui, de ce fait, n'ont même pas eu l'occasion de s'adresser aux autorités pour exprimer le voeu de bénéficier de l'asile.
13. Dans d'autres cas, les demandes d'asile temporaire émanant de personnes isolées ou de petits groupes ont été rejetées. Il convient de mentionner à ce propos la situation - portée à la connaissance du Comité exécutif à sa vingt-septième session - de petits groupes d'Indochinois ayant quitté la péninsule à bord de frôles embarcations. Ces personnes ont souvent rencontré de grosses difficultés à obtenir l'autorisation de débarquer sur le territoire d'un Etat et ont été obligées de demeurer à bord de leurs embarcations, qui parfois n'étaient plus en état de prendre la mer, dans des conditions tris pénibles et dans une situation d'extrême détresse.
14. Dans ses conclusions sur la protection internationale, le Comité a notamment fait appel aux Etats
« a) pour qu'ils observent scrupuleusement les dispositions concernant le sauvetage en mer contenues dans la Convention de Bruxelles de 1910 et la Convention des Nations Unies de 1958, et leur a instamment demandé de n'épargner aucun effort pour veiller à ce que les capitaines de navire respectent les dispositions de ces instruments juridiques en toutes circonstances.
b) i) qu'ils fassent bénéficier du premier asile les réfugiés et personnes déplacées recueillis en mer ou venus directement par mer, et
ii) qu'ils offrent des possibilités de réinstallation à ceux qui n'ont pas pu obtenir la résidence permanente dans le pays de premier asile. »
Le Haut Commissaire se félicite vivement de cet appel spécial que le Comité a lancé à sa vingt-septième session. Il se voit cependant obligé de signaler que des cas tragiques de ce genre continuent à se produire.
15. Le Haut Commissariat a aussi eu connaissance de cas où des Etats ont refusé l'asile à des personnes se trouvant déjà sur leur territoire et les ont renvoyées dans leur pays d'origine contrairement au principe du non-refoulement, parfois après des périodes de détention indûment prolongées, dans des conditions particulièrement pénibles et en l'absence d'une procédure régulière. Dans certains cas, l'intéressé résidait légalement sur le territoire de l'Etat concerné jusqu'au moment où il a été renvoyé dans son pays d'origine.
16. Dans le cas où une personne se trouvait illégalement sur le territoire, des mesures de détention, fondées sur sa présence illégale, sont allées de pair avec le refus de l'asile. A ce propos, il convient de ne pas perdre de vue que la situation difficile d'une personne en quête d'asile ne lui permet pas toujours d'entrer légalement dans l'Etat où elle veut solliciter l'asile. Il faut donc bien entendu en tenir compte avant de décider de mesures punitives ou privatives de liberté fondées sur la présence illégale de l'intéressé dans le pays.
Caractère et conséquences des pratiques négatives concernant l'asile
17. Les pratiques négatives mentionnées dans les paragraphes qui précédent sont graves. Elles reviennent généralement à méconnaître les normes fondamentales énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans la Déclaration des Nations Unies sur l'asile territorial. Lorsqu'il s'agit d'Etats parties à la Convention de 1951 et au Protocole de 1967, elles représentent aussi bien souvent une violation nette des obligations mentionnées dans ces instruments.
18. Le refus de l'asile a souvent eu de très graves conséquences pour les personnes concernées. Le Haut Commissariat a connaissance de cas où des personnes en quête d'asile ont été l'objet de mesures punitives particulièrement graves à leur retour dans leur pays d'origine. Dans le cas des personnes déplacées qui ont quitté leur pays à bord de petites embarcations, le refus d'accorder l'asile temporaire a contraint les intéressés à demeurer à bord de leurs embarcations dans des conditions inhumaines pendant des périodes prolongées. Dans certains cas, n'ayant pu débarquer, ils ont perdu la vie en raison de l'état des embarcations où ils ont dû rester.
19. Le Haut Commissaire est particulièrement préoccupé par le fait que, dans maintes situations exposées plus haut, les personnes concernées n'ont pas même eu la possibilité de solliciter l'asile ou le statut de réfugié auprès des autorités compétentes. Il doit aussi signaler qu'en ce qui concerne l'importante question de l'asile, plusieurs gouvernements n'ont pas coopéré avec le Haut Commissariat dans l'exercice de ses fonctions malgré l'appel que l'Assemblée générale a expressément lancé dans sa résolution 428 (V) du 14 décembre 1950.
Recommandations
20. Etant donné les faits extrêmement inquiétants relatés dans la présente note, le Comité exécutif voudra peut-être :
a) Appeler l'attention des gouvernements sur les divers instruments internationaux existants en matière d'asile et souligner une fois de plus l'importance fondamentale de ces instruments sur le plan humanitaire;
b) Appeler l'attention des gouvernements sur les pratiques négatives appliquées récemment un matière d'asile et sur les graves conséquences de ces pratiques pour les personnes concernées;
c) Faire appel aux gouvernements pour qu'ils appliquent des pratiques libérales en accordant l'asile permanent ou au moins temporaire dans un esprit véritablement humanitaire;
d) Faire appel aux gouvernements pour qu'ils adoptent les mesures d'application qui s'imposent pour faire en sorte que ces pratiques positives en matière d'asile soient effectivement mises en oeuvre;
e) Prier instamment les gouvernements de coopérer avec le Haut Commissaire dans l'exercice de ses fonctions - spécialement en ce qui concerne l'asile conformément à la résolution 423 (V) de l'Assemblée générale, en date du 14 décembre 1950.
1 Document E/5987 paragraphe 3.