Réunion informelle du Conseil de la Justice et de l'intérieur ; Remarques d'António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés
Réunion informelle du Conseil de la Justice et de l'intérieur ; Remarques d'António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés
Copenhague, 26 janvier 2012
Monsieur le Président -- Tout d'abord, je tiens à vous remercier pour votre cordiale invitation.
Honorables ministres, mesdames et messieurs,
L'objectif principal de la solidarité doit être d'améliorer la protection des personnes contraintes de fuir, comme le prévoit la Convention de 1951 relative aux réfugiés et le droit au sein de l'Union européenne. Mais la solidarité s'inscrit également clairement dans l'intérêt des Etats -- non seulement ceux qui subissent des tensions au niveau de l'asile mais également ceux qui s'intéressent à nouer des partenariats internationaux et promouvoir les droits humains, le développement et la stabilité ; objectifs centraux de l'Union.
Deux principes fondamentaux de la solidarité se font jour dans le contexte de l'asile. Le premier est la cohérence. Les systèmes d'asile nationaux en Europe sont très différents, ce qui crée de graves disparités. Si un Afghan cherche asile en Europe, les chances de se voir offrir une protection vont de 8 à 91 pour cent, selon l'Etat membre où il dépose sa demande. L'harmonisation effective des pratiques d'asile doit aller main dans la main avec la solidarité. Il incombe à chaque Etat membre d'assumer ses propres responsabilités pour que la solidarité soit effective.
Le deuxième principe est le partage de la charge en faveur de ceux qui font face à des tensions disproportionnées, tant dans le monde qu'au sein de l'Union européenne.
Sur la base de ces principes, j'observe trois éléments concrets qui peuvent nous aider à marcher vers une solidarité effective.
Le premier élément est la solidarité au sein de l'Union européenne. Je conviens qu'il est temps d'y penser de façon novatrice -- toujours avec pour objectif d'améliorer la protection. Plusieurs idées positives sont sur la table, comme l'a noté le document d'information de la Présidence pour la réunion d'aujourd'hui, ainsi que la récente communication de la Commission à cet égard.
Le HCR appuie la proposition de la présidence visant à élaborer un cadre commun prévoyant des outils pratiques et des mécanismes de solidarité. Ce cadre doit tout d'abord prévoir des mesures efficaces pour identifier les lacunes et élaborer les solutions comme l'alerte précoce et le mécanisme d'évaluation prévu pour Dublin II ; il faut également réfléchir davantage à la qualité et au fonctionnement des systèmes d'asile de façon plus générale ainsi qu'à la mise en oeuvre globale du dispositif de Dublin. Nous attendons également avec intérêt l'étude prévue par la Commission européenne sur le traitement conjoint des demandes d'asile en Europe à laquelle nous sommes prêts à contribuer grâce à notre très longue expérience, notre engagement et nos connaissances. En outre, il conviendrait de renforcer le programme de transfert volontaire. Un financement et un appui technique sont cruciaux mais la solidarité doit aller bien au-delà.
La solidarité requiert la création de la confiance pour permettre à toutes les parties concernées de partager les tâches et les fardeaux. Le HCR est prêt à renforcer ses liens de coopération existants avec les Etats membres et les institutions de l'Union européenne, y compris tout particulièrement le Bureau européen d'appui en matière d'asile (RAEC), moyennant le recueil d'informations et une coopération pratique sur l'asile. Nous encourageons également des progrès vers les changements nécessaires en matière de législation, y compris la réglementation de Dublin pour renforcer les garanties cruciales offertes aux demandeurs d'asile.
Mais dans l'intérêt de l'Europe, la solidarité européenne doit également être ressentie à l'extérieur. En conséquence, le deuxième élément de la solidarité de l'Union européenne que j'aimerais voir renforcé est la réinstallation. Cette dernière reste un outil critique pour les réfugiés les plus vulnérables et la démonstration la plus concrète de la volonté de partager la responsabilité avec les pays d'accueil de réfugiés.
Le programme de réinstallation conjoint proposé par l'Union européenne devrait être adopté très prochainement. Il contribuera à augmenter les quotas de réinstallation et impliquera davantage de visibilité pour la contribution globale de l'Europe.
Enfin, point crucial, la solidarité mondiale. 80 pour cent des réfugiés sont aujourd'hui accueillis par les pays en développement, et souvent depuis des décennies. Bon nombre de ces pays ne peuvent relever seuls ce défi et ils ne devraient pas avoir à le faire.
L'appui européen continu fourni à ces pays, par le biais de programmes concernant la protection régionale, l'aide humanitaire et le développement ainsi que la création de capacités est dans l'intérêt de toutes les parties concernées. Cela est particulièrement important pour les solutions durables -- la seule façon réelle d'alléger les tensions, ce que ce soit en rendant viables les retours volontaires en exploitant tout le potentiel des possibilités d'intégration sur place -- et pour répondre à la nécessité de prévenir le déplacement, y compris moyennant un appui à l'adaptation au changement climatique dans les pays les plus exposés à ses retombées néfastes.
En conclusion, permettez-moi de noter que si la gestion des migrations est importante dans le cadre de ce débat, les mesures prises dans ce contexte doivent contenir les garanties pour ceux qui cherchent un refuge, en maintenant l'objectif de solidarité en matière de protection. Les Etats ont le droit et le devoir de définir leurs propres politiques d'immigration et gérer leurs frontières de façon responsable mais cela doit se faire dans le souci de la protection et ne pas empêcher ceux qui ont besoin d'une protection d'avoir accès aux territoires de l'Union européenne.
Merci beaucoup. Je me réjouis par avance de nos débats.