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Rôle de protection du HCR dans les pays d'origine

Réunions du Comité exécutif

Rôle de protection du HCR dans les pays d'origine
EC/46/SC/CRP.17

18 Mars 1996

ROLE DE PROTECTION DU HCR DANS LES PAYS D'ORIGINE

I. INTRODUCTION

1. La protection des réfugiés est la préoccupation qui sous-tend l'ensemble des activités du HCR. Le mandat de protection internationale qui lui a été confié confère au HCR son signe distinctif par rapport aux autres institutions de la famille des Nations Unies. La promotion de solutions au problème des réfugiés fait partie intégrante du mandat et de l'expérience de protection du HCR. Ces dernières années, le HCR a complété les activités liées aux formes traditionnelles de protection, particulièrement l'asile, par des activités accrues dans les pays d'origine. Ces activités ont un double but : assurer le caractère durable de la solution du rapatriement librement consenti moyennant le respect des droits fondamentaux de l'homme et le recouvrement de la protection nationale pour les rapatriés; et s'efforcer de créer des conditions qui pourraient ne laisser aux gens d'autre choix que celui de fuir. Cette approche holistique tente de compléter les engagements des pays d'asile en faisant porter aux autorités des pays producteurs de réfugiés la responsabilité de la prévention et de la solution durable des problèmes des réfugiés en tant que corollaire naturel de la responsabilité de l'Etat.

2. Le rôle du HCR dans les pays d'origine ne doit pas être vu comme un substitut à la responsabilité de l'Etat en matière de protection nationale ou de la communauté internationale responsable des causes profondes. La présence du HCR dans les pays d'origine ne doit pas en aucun cas saper le droit fondamental de chercher asile.

II. BASES JURIDIQUES DES ACTIVITES DU HCR DANS LE PAYS D'ORIGINE

3. Le mandat du HCR dans les pays d'origine découle de sa responsabilité globale à l'endroit des réfugiés et de la responsabilité statutaire de l'Office de chercher des solutions permanentes en aidant les gouvernements à promouvoir le rapatriement librement consenti et à réduire le nombre de réfugiés ayant besoin d'une protection. Cela a été réaffirmé dans diverses résolutions de l'Assemblée générale1 et codifié plus en détail dans les conclusions No. 18(XXXI) et No. 40(XXXVI) du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire qui établit les principes de base en matière de rapatriement librement consenti. En particulier, la conclusion No. 40 reconnaît la légitimité de la préoccupation du HCR concernant les conséquences du retour et estime que le HCR doit avoir un accès direct et non entravé aux rapatriés.

4. Le Statut ne confère aucune compétence générale au HCR concernant les personnes déplacées dans leur propre pays. Toutefois, diverses conclusions du Comité exécutif et résolutions de l'Assemblée générale2 ont eu pour effet de confier au HCR un mandat sélectif et limité pour entreprendre des activités d'assistance humanitaire et de protection en faveur des personnes déplacées à l'intérieur du territoire. Les conditions préalables à l'engagement du HCR incluent une requête spécifique du Secrétaire général ou d'un organe principal compétent des Nations Unies, le consentement de l'Etat concerné et la disponibilité de ressources adéquates.

5. Les conclusions ultérieures du Comité exécutif qui ont précisé le rôle du HCR dans les pays d'origine ont trait aux activités dans le domaine de la prévention, y compris la création de structures juridiques et judiciaires nationales. En 1995, le Comité exécutif a également réaffirmé le rôle du HCR concernant la prévention et la réduction des cas d'apatridie et a sollicité davantage d'efforts dans ce domaine.

III. LA NATURE ET LE CONTENU DE LA PROTECTION DANS LES PAYS D'ORIGINE

A. Suivi des rapatriés

6. La nature durable du rapatriement librement consenti dépend essentiellement du niveau de protection et des services de réintégration connexes fournis aux rapatriés au cours du retour et du réétablissement dans le pays d'origine. La cheville ouvrière de la protection des rapatriés est le respect des droits de l'homme et l'ordre public. La responsabilité statutaire du HCR touchant à la recherche de solutions, y compris le rapatriement librement consenti, comprend nécessairement le suivi du traitement des rapatriés, par exemple le respect des amnisties et la possibilité pour chacun de jouir des droits fondamentaux de l'homme, ainsi que l'intervention auprès des autorités locales lorsqu'il convient. Les principaux fondements internationaux sur lesquels s'appuie la protection des rapatriés sont la sécurité de la personne et la non discrimination dans l'exercice des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans le suivi des rapatriés, le HCR ne s'efforce pas de garantir des privilèges spécifiques ou de promouvoir un niveau de traitement plus favorable que celui réservé aux populations locales mais cherche à s'assurer que les rapatriés ne soient pas la cible de harcèlement ou de violence, ne soient pas victimes de discrimination ou de privation arbitraire de leurs droits fondamentaux.

7. La plupart des rapatriements organisés par le HCR ont lieu dans des circonstances politiques complexes, souvent à la suite de règlements politiques des conflits. Le retour des réfugiés pour participer aux élections nationales peut faire partie du processus de règlement du conflit et cela peut à son tour affecter les plans de rapatriement. La communauté internationale s'efforce souvent, en assurant un suivi, de veiller à ce que le pays d'origine respecte les engagements pris et les amnisties promises. Lorsque les mesures prises pour répondre au besoin de protection des rapatriés sont un élément clé du règlement politique parrainé par les Nations Unies, le HCR peut avoir à jouer un rôle encore plus actif dans le pays d'origine, y compris la promotion de conditions indispensables au retour viable et sûr. Le rôle complexe du HCR dans ces situations ne saurait autoriser la remise en cause des principes essentiels du caractère volontaire du rapatriement, en raison du lien essentiel entre la sécurité et la volonté des gens de rentrer.

B. Personnes déplacées à l'intérieur du territoire

8. La protection qui peut être fournie par le HCR et d'autres institutions aux personnes déplacées à l'intérieur du territoire et, dans certaines circonstances, aux civils touchés par la guerre, ne peut que compléter la protection nationale et en aucun cas s'y substituer. La mesure dans laquelle les institutions internationales peuvent protéger leurs nationaux dans les pays d'origine est strictement limitée. Lorsque l'intervention du HCR est requise, et lorsque les autorités nationales ne peuvent ou ne veulent fournir une protection à leurs citoyens, le HCR et d'autres agences compétentes, en particulier le CICR, peuvent s'efforcer de mener à bien diverses activités de protection. Dans ce contexte, la nature des activités du HCR dépendra des circonstances propres à chaque cas et pourrait couvrir un large éventail d'activités et de situations. En bref, ces dernières incluent le suivi du traitement des membres, d'une minorité menacée et de groupes majoritaires; l'établissement de rapports sur les violations des droits fondamentaux; et l'intervention auprès des autorités compétentes. Dans des situations de conflit armé et de violation massive des droits de l'homme, le HCR a facilité l'évacuation de civils dans des situations extrêmement dangereuses. Il a facilité la liberté de mouvements, y compris la possibilité pour les personnes se trouvant en danger de chercher asile; et il a défendu le droit des nationaux à rester ou à rentrer chez eux. Le HCR a également, dans certains cas, participer aux efforts de médiation et de réconciliation entre les personnes rentrant chez elles et les résidents.

C. Prévention

9. La prévention constitue un aspect important du rôle du HCR dans les pays d'origine. Par exemple, conscient que les institutions responsables du maintien de l'ordre public jouent un rôle important dans l'éradication des causes des mouvements de réfugiés, le HCR a, le cas échéant, contribué à édifier des structures juridiques, judiciaires et administratives nationales. La prochaine Conférence régionale sur les réfugiés, rapatriés, personnes déplacées et d'autres formes de déplacement involontaire dans les pays de la CEI et les pays voisins concernés - à l'instigation du HCR en collaboration avec l'OSCE et l'OIM - est un exemple d'effort visant à mobiliser un appui pour une action préventive régionale globale. Elle a pour but d'élaborer une stratégie globale concertée pour éviter les déplacements involontaires et de remédier aux conséquences du déplacement dans la région.

10. Les activités de prévention peuvent également inclure des mesures dans les pays pour minimiser les motifs de fuite, y compris les activités susmentionnées assorties de leurs limitations inhérentes. Ces activités ne doivent toutefois pas être considérées comme pouvant se substituer au droit de chercher asile.

IV. RELATIONS ENTRE L'ASSISTANCE HUMANITAIRE ET LA PROTECTION

11. L'assistance est un outil de protection important. Si les abris, les vivres, les soins de santé et d'autres services sont indispensables à la sécurité et à la survie, l'accès à ces biens relève au sens large de la protection. Les programmes d'assistance peuvent constituer le seul moyen d'accès permettant au HCR de mener à bien ses activités de protection. Dans des situations de conflit, la garantie de l'accès humanitaire et la livraison des secours dans les zones de conflit aux personnes déplacées ou aux populations locales assiégées, par le biais de la présence humanitaire internationale que cela implique, peut avoir un effet dissuasif permettant d'éviter des sévices. L'action humanitaire peut également contribuer à stimuler des efforts politiques pour résoudre le conflit en attirant l'attention internationale sur le sort des victimes. L'expérience du HCR dans des situations de conflit a toutefois illustré que l'action et la présence humanitaire ne peuvent, en soi, nécessairement éviter les violations des droits de l'homme ou fournir une protection efficace lorsque les autorités concernées ne veulent ou ne peuvent le faire.

12. Dans les situations qui suivent le conflit, la présence de mines terrestres, la destruction des routes et d'autres infrastructures ainsi que l'absence d'activités de développement signifie souvent que l'assistance nécessaire à la réintégration va bien au-delà du seul mandat et des seules ressources du HCR. Du point de vue de l'assistance, la nécessité de la coopération interinstitutions pour jeter un pont entre les secours et le relèvement à long terme est unanimement reconnue. Sur la base de son expérience, le HCR, aux travers de ses activités, s'efforce généralement de répondre aux besoins les plus urgents en matière de vie et de relèvement communautaire. L'Office s'efforce de nouer et de renforcer des liens de coopération complémentaires avec des institutions chargées du développement et d'autres acteurs tels que des institutions financières qui jouent également un rôle clé dans toute stratégie plus large de reconstruction après le conflit, y compris la reconstruction de la société civile.

V. ASPECTS RELATIFS AUX DROITS DE L'HOMME

13. Les activités de protection des réfugiés tombent dans le cadre plus large des droits de l'homme. Les dimensions opérationnelle et humanitaire de l'oeuvre de protection du HCR lui confèrent toutefois un ciblage et une efficacité spécifiques. Travaillant avec d'autres acteurs, le HCR reconnaît la complémentarité, tout en respectant les différences, au plan des mandats et des approches. Ce principe s'est révélé utile dans le contexte des opérations en faveur des réfugiés et des droits de l'homme lors d'opérations globales des Nations Unies, y compris celles qui ont été conduites au Cambodge et à El Salvador, et il est encore mis à l'épreuve dans la planification du rapatriement et la reconstruction après le conflit au Rwanda et en Bosnie-Herzégovine.

14. Le HCR doit réduire progressivement ses activités dans les pays d'origine - soit après le conflit, soit après le rapatriement - dès que des mécanismes de protection nationale sont rétablis. Ce retrait doit généralement s'accompagner de l'arrivée d'autres organisations et mécanismes internationaux et nationaux. Si possible, les activités du HCR dans le pays d'origine doivent être liées à un réseau plus large de mécanismes de suivi et de vérification des droits de l'homme et d'efforts de protection au plan national.

VI. CONCLUSION

15. La protection des réfugiés, des rapatriés et des personnes déplacées peut être renforcée par la participation active du HCR à la mise en oeuvre de solutions. Le HCR continuera de développer ses activités dans ce domaine pour répondre à la préoccupation internationale croissante concernant les conditions qui engendrent des mouvements de réfugiés et pour promouvoir les conditions propices à un rapatriement durable et sûr.


1 Voir résolutions 538 (VI) de 1952 et 27/195 de 1982.

2 Voir, par exemple, les résolutions 2956(XXCII) de 1972, 47/105 de 1992 et 48/116 de 1993.