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Note sur la protection internationale

Réunions du Comité exécutif

Note sur la protection internationale
EC/49/SC/CRP.12

4 Juin 1999

I. INTRODUCTION

1. Le HCR a pour responsabilité statutaire d'assurer la protection des réfugiés et d'oeuvrer avec les Etats pour faciliter la recherche de solutions durables aux problèmes des réfugiés. Pour s'acquitter de ces tâches, il a été aux prises ces dernières années non seulement avec une problématique des réfugiés de plus en plus vaste et complexe mais également avec la réticence croissante des Etats à accorder la protection nécessaire dans le cadre international convenu. L'amplitude même des problèmes de l'après-guerre froide, le niveau d'insécurité nationale et régionale qu'ils engendrent et la réticence des Etats à continuer de couvrir les coûts financiers, politiques, écologiques et sociaux croissants du maintien d'importantes populations réfugiées ou de l'accueil d'un flot ininterrompu de personnes ont eu une incidence importante et négative sur la volonté des pays d'octroyer l'asile. La distinction floue dans les pays du nord mais aussi, et de plus en plus, dans les pays du sud entre les réfugiés et d'autres migrants irréguliers a contribué encore à l'érosion du consensus sur l'importance de l'asile.

2. Ce contexte à lui seul constitue un énorme obstacle aux efforts de la communauté internationale pour régler les problèmes de réfugiés de façon adéquate et méthodique. Pour y parvenir, il faut tout d'abord définir avec soin et précision les défis que cela représente, qui ne consistent pas à savoir comment ériger des barrières pour empêcher les gens d'entrer mais comment gérer les mouvements de réfugiés et de migrants dans le respect des droits de l'homme et des principes humanitaires tout en se penchant sur les préoccupations légitimes des Etats et des communautés d'accueil. Le HCR est ainsi confronté à un immense défi de protection : faire admettre que c'est là le moyen le plus efficace et le plus juste d'aborder le problème.

3. Conformément à la tradition, cette Note sur la protection internationale fait état des problèmes de protection rencontrés au cours de l'année écoulée concernant les réfugiés et les autres personnes relevant de la compétence du HCR, et des autres faits nouveaux ayant eu une incidence sur la situation de protection. Ce faisant, elle s'efforce également de montrer qu'un point d'équilibre doit et peut être trouvé entre les intérêts des Etats et les responsabilités internationales et, qu'à défaut, la protection des réfugiés court un grave péril.

II. SITUATION GENERALE

4. Il est encourageant de voir que de nombreux Etats, y compris un grand nombre de pays en développement dotés de ressources limitées pour couvrir leurs propres besoins - n'ont cessé d'honorer leurs obligations humanitaires à l'égard des réfugiés et ont généreusement offert une protection à ceux qui en avaient besoin. Dans le contexte de la tragédie actuelle au Kosovo, l'aptitude de la communauté internationale à faire face à une situation de déplacements massifs a été sérieusement mise à l'épreuve. En dépit de l'énorme fardeau que cela représente, l'Albanie et l'ex-République yougoslave de Macédoine n'ont cessé d'accueillir un grand nombre de réfugiés. Les autres pays d'asile, dans la région et au-delà, ont répondu de manière généreuse et rapide lorsque le rythme et l'ampleur des arrivées a menacé d'outrepasser la capacité d'accueil des pays voisins. Le programme d'évacuation humanitaire depuis l'ex-République yougoslave de Macédoine constitue un bel exemple de solidarité et de partage de la charge.

5. Dans le même esprit, un certain nombre d'Etats ont contribué de façon exemplaire au renforcement de la capacité d'asile dans les principaux pays d'accueil des réfugiés kosovars. C'est dans cet esprit que les pays d'accueil ont aménagé et géré temporairement les centres et les camps de réfugiés. Le HCR se félicite de ce que les Etats assument leurs responsabilités en matière de protection des réfugiés. Comme le Comité exécutif l'a affirmé encore l'année dernière, la protection des réfugiés incombe essentiellement aux Etats et ne saurait être mieux garantie que par la coopération effective entre les Etats, le HCR et d'autres organisations internationales et acteurs concernés dans un esprit de solidarité internationale et de partage de la charge.1 Il est tout aussi clair que la protection doit toujours être gérée dans le cadre des principes de protection reconnus au plan universel, y compris ceux qui soulignent le caractère civil et humanitaire des activités en faveur des réfugiés.

6. Le HCR se félicite également des nouvelles initiatives prises par les Etats afin de passer en revue certains des éléments les plus restrictifs de leur législation sur l'asile et de réexaminer la nécessité de garanties supplémentaires. Le document de travail de la Commission européenne « Vers une normalisation des procédures d'asile », adopté le 3 mars 1999, contient un certain nombre de suggestions encourageantes à cet égard. Alors que la Communauté européenne se prépare à mettre en oeuvre les dispositions relatives à l'asile du traité d'Amsterdam au cours des cinq années qui viennent, le HCR a étudié les moyens de renforcer sa coopération avec l'Union européenne et ses Etats membres, afin de préserver les principes fondamentaux régissant la protection des réfugiés. L'initiative d'harmonisation européenne a été vue comme un test important de la viabilité des solutions régionales aux problèmes des réfugiés et de la volonté et de la capacité des Etats à définir conjointement leurs intérêts dans la zone d'asile au-delà du concept traditionnel de l'Etat-Nation.

7. L'accession du Kazakhstan à la Convention de 1951 et à son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés et le nombre important d'Etats ayant adopté une loi d'application ont montré l'engagement sans faille de nombreux Etats au régime actuel de la protection des réfugiés. Depuis le début de sa campagne d'adhésion actuelle, le HCR a reçu des signes encourageants selon lesquels de nouveaux Etats ont l'intention d'adhérer à la Convention et au Protocole entre 1999 et 2000.

8. Ces efforts ainsi que d'autres initiatives ailleurs dans le monde ont grandement contribué à la protection de plus de 22 millions de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur du territoire relevant de la compétence du HCR. Toutefois, la période considérée a également été le théâtre de revers : des violations systématiques des droits de l'homme, un déni flagrant du droit humanitaire, et un nettoyage ethnique à grande échelle ont causé des déplacements importants tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières de nombreuses régions du monde.

9. La période considérée a également été marquée par des violations graves des droits des réfugiés et des demandeurs d'asile reconnus au plan universel. Des cas de refus d'accès à la protection, y compris moyennant la fermeture des frontières, la non-admission sur le territoire, le déni d'accès aux procédures d'asile, le refoulement direct ou indirect et d'autres actes mettant sérieusement en danger la vie et la sécurité physique des réfugiés et des demandeurs d'asile n'ont cessé de se produire. Le recours de plus en plus fréquent aux politiques restrictives d'un pays ou d'une région à l'autre, parfois distants l'un de l'autre, a également constitué une caractéristique préoccupante.

10. Globalement, le HCR a décelé une tendance marquée chez un nombre croissant d'Etats à passer d'une approche fondée sur le droit ou sur les droits en matière de protection des réfugiés à une approche plus discrétionnaire et à des dispositions ad hoc accordant la primauté aux préoccupations internes plutôt qu'aux responsabilités internationales. Ces tendances restrictives se sont le plus souvent manifestées dans un pays où les propositions législatives visaient à effacer la distinction entre les étrangers et les réfugiés, y compris en faisant fi de toute nécessité de détermination spécifique du statut de réfugié aux termes de la Convention de 1951.

11. Certains Etats ont de plus en plus tendance à présenter les problèmes comme émanant davantage des guerres et des conflits que de la persécution au sens classique de l'article 1 A de la Convention de 1951 et à avancer que la Convention de 1951 offre un cadre de plus en plus inadéquat pour relever les défis contemporains. Des appels pour la mise en place d'un nouveau régime de protection des réfugiés ont été lancés.

12. Cette argument est intrinsèquement dangereux, voire malencontreux. La persécution, qu'elle se produise en temps de paix ou en temps de guerre, continue d'être l'une des principales causes des mouvements de réfugiés dans le monde. La Convention et le Protocole restent les fondements solides et universellement acceptés de la protection pour ceux qui ont été contraints de fuir leur pays en raison de menaces graves à leurs droits humains fondamentaux, à la vie, à la sécurité, aux libertés et à la dignité. L'Assemblée générale des Nations Unies2 et le Comité exécutif3 ont souligné le caractère primordial de ces instruments et confirmé qu'ils constituent le fondement juridique international de la protection des réfugiés.

13. Comme il ressort clairement des paragraphes ci-dessus, la Convention de 1951 continue d'être la base des réponses fondées sur la protection aux arrivées massives de demandeurs d'asile. Il pourrait toutefois se révéler nécessaire de la compléter par d'autres mécanismes, notamment pour ce qui concerne les personnes fuyant des violences caractérisées, non fondées sur la persécution. La nécessité d'accorder une protection à cette catégorie de personnes a été reconnue dans un certain nombre de lois nationales sous la forme de « statut humanitaire », « statut de facto », « autorisation exceptionnelle de rester », « statut B », etc. Ces mécanismes complémentaires se fondent sur les principes universels consacrés dans la Convention, élaborés dans les conclusions du Comité exécutif et concrétisés dans la pratique de l'Etat.

14. Le non respect ou l'application indûment étroite des traités existants en matière de réfugiés ont été à l'origine de graves problèmes dans la protection des réfugiés. Contrairement aux objectifs du régime de la Convention de 1951, les politiques et les pratiques actuelles dans certaines régions visent à restreindre l'accès à la sécurité plutôt qu'à le faciliter. La nécessité primordiale aujourd'hui est d'appliquer de façon uniforme, libérale et favorable les instruments existants en matière de réfugiés.

15. Les chapitres qui suivent passent en revue les principales préoccupations du HCR en matière de protection au cours de la période considérée ainsi que certaines des activités conduites par le Haut Commissariat pour y répondre.

III. ADMISSION ET ASILE

A. Admission aux procédures

16. Tout réfugié est dans un premier temps un demandeur d'asile. En conséquence, la protection des réfugiés exige que les demandeurs d'asile soient traités en vertu du principe qu'ils peuvent être des réfugiés jusqu'à ce que leur statut soit déterminé. Sauf dans les situations d'afflux massifs où la détermination individuelle des demandes d'asile peut se révéler difficile, tous les demandeurs d'asile doivent, par principe, avoir accès aux procédures individuelles de détermination de statut.

17. Le HCR est gravement préoccupé par le fait que l'accès aux procédures d'asile soit souvent refusé pour des motifs tenant à la nationalité sur la base du concept de pays d'origine « sûr » ou pour des motifs directement liés au fondement de la demande du réfugié, notamment l'application éventuelle des clauses d'exclusion de l'article 1 F de la Convention de 1951 et ce que l'on appelle l'option de « fuite intérieure ».

18. Il est également préoccupant que certains Etats aient fixé des délais pour le dépôt des demandes d'asile au-delà desquels les requêtes d'asile ne sont pas recevables. L'établissement de dates limites conduisant à empêcher une personne de demander l'asile est contraire aux principes acceptés de l'asile et de la protection des réfugiés. Comme le Comité exécutif l'a affirmé dans sa conclusion No. 15 (XXX) de 1979,4 s'il est possible de fixer des dates limites pour certaines raisons administratives, le dépôt d'une demande d'asile après la date limite ne doit en aucun cas rendre cette requête irrecevable.5

19. L'utilisation abusive généralisée de la notion de « pays tiers sûr » suscite également la préoccupation du HCR. En raison d'une application inadéquate de ce concept, les demandeurs d'asile ont souvent été transférés sur des territoires où leur sécurité ne pouvait être assurée. Cette pratique est de toute évidence contraire aux principes fondamentaux de protection et peut engendrer des violations du principe de non refoulement. Comme il ressort clairement des conclusions pertinentes du Comité exécutif,6 aucun demandeur d'asile ne doit être renvoyé dans un pays tiers aux fins de détermination de sa demande sans les garanties suffisantes, dans chaque cas, que la personne sera réadmise dans ce pays, bénéficiera d'une protection effective contre le refoulement, aura la possibilité de chercher asile et d'en bénéficier et sera traitée conformément aux normes internationales reconnues.

20. Pour décider de renvoyer un demandeur d'asile vers un pays tiers, il faut analyser son cas personnel. La question de savoir si un pays est « sûr » ne comporte pas de réponse automatique pour tous les demandeurs d'asile dans toutes les circonstances (c'est-à-dire sur la base d'une liste de « pays tiers sûrs »). Un pays peut être « sûr » pour les demandeurs d'asile d'une certaine origine et ne pas l'être pour d'autres personnes d'origines différentes, et pour d'autres demandeurs d'asile, du fait de leur passé.

B. Demandes abusives ou manifestement infondées

21. Dans la conclusion No. 30 (XXXIV) de 1983,7 le Comité exécutif a constaté que les demandes de statut de réfugié déposées par des personnes qui de toute évidence n'ont aucune raison valable d'être considérées comme réfugiées en vertu des critères pertinents constituent un grave problème dans un certain nombre d'Etats. Il a été reconnu que les procédures nationales relatives à la détermination du statut de réfugié pourraient inclure des dispositions spécifiques pour traiter rapidement ces demandes infondées.

22. Depuis l'adoption de cette conclusion, les notions de demandes abusives et manifestement infondées ont, dans la pratique de certains Etats, reçu une acception beaucoup plus large que ne le prévoyaient leurs auteurs. Les demandes posant des questions relatives à l'exclusion du statut de réfugié ou à l'application de l'option de fuite intérieure sont de plus en plus traitées comme des demandes manifestement infondées et font l'objet de procédures accélérées alors qu'elles auraient dû suivre la procédure complète.

23. De même, les demandes déposées par les demandeurs d'asile arrivant sans papiers ou munis de faux papiers ont souvent été traitées comme abusives, au mépris du fait que les personnes subissant une persécution sont fréquemment contraintes de voyager sans papiers ou d'utiliser des faux papiers pour accéder à un pays d'asile. Il est reconnu que l'on peut conclure à une présomption d'abus si un demandeur d'asile a par exemple délibérément détruit ou jeté des documents de voyage ou autres, afin d'abuser les autorités. Néanmoins, cette présomption doit être mise à l'épreuve des procédures adéquates pour en déterminer le bien-fondé. Lorsqu'un demandeur d'asile ne possède pas les papiers voulus ou voyage, muni de faux papiers, on ne peut en conclure automatiquement que sa demande est abusive ou frauduleuse.

24. La pratique d'un certain nombre d'Etats révèle une confusion de plus en plus grande entre les procédures d'admissibilité et les procédures accélérées. Les questions qui auraient dû faire l'objet d'un examen approfondi dès l'admission à une procédure accélérée ont été considérées à tort comme participant de la décision sur la recevabilité d'une demande d'asile. Ces deux types de procédures doivent être clairement différenciées. L'objet des procédures de recevabilité est de décider si la demande sera étudiée sur le fond dans le pays où elle a été déposée. L'objet des procédures accélérées est de traiter la question sur le fond de façon simplifiée et plus rapide. Les décisions quant au caractère abusif et manifestement infondé d'une demande doivent donc être prises au moment où l'on statue sur la recevabilité de la demande.

C. Transfert à l'intérieur des frontières

25. Ces dernières années, l'examen des demandes de réfugiés a parfois posé des problèmes complexes, notamment celui de savoir si la crainte de persécution est fondée sur l'ensemble du territoire du pays d'origine. Un certain nombre de pays insistent de plus en plus sur le fait que le demandeur d'asile aurait dû envisager un transfert à l'intérieur du pays avant de chercher asile. La possibilité de vivre en sécurité ailleurs dans le pays d'origine a reçu l'appellation d'« option de fuite intérieure » ou plus récemment de « principe du transfert », et a été invoquée de plus en plus souvent pour justifier l'irrecevabilité des demandes de statut de réfugié.

26. De l'avis du HCR, l'utilisation de ce concept pour refuser l'accès aux procédures de détermination de statut, plutôt que de le replacer dans le cadre de l'analyse de la détermination de statut risque sérieusement d'altérer le droit des réfugiés. En outre, même lorsqu'on l'examine dans le contexte des procédures de détermination, cette notion est souvent appliquée sans tenir compte des circonstances de la région où le déplacement a lieu, et sans tenir compte de la faisabilité du transfert intérieur par rapport à la quête d'asile. Cela est tout particulièrement pertinent dans le cas de ce que l'on appelle les « Etats déficients » où l'éclatement politique est tel qu'il n'est plus possible d'établir l'équation entre l'Etat et ses éléments constitutifs.

IV. GROUPE AYANT DES BESOINS DE PROTECTION SPECIFIQUES

27. Dans l'ex-Yougoslavie, en Sierra Leone et dans beaucoup d'autres endroits, les femmes et les enfants n'ont cessé d'être la cible de diverses violations des droits humains : expulsions massives, viols, mutilations délibérées et autres mauvais traitements et violences sexuelles.

A. Les femmes

28. Sur l'ordre du jour du HCR concernant la protection, la primauté a été donnée aux initiatives visant à renforcer la réponse aux préoccupations et problèmes des réfugiés liés à l'appartenance sexuelle. L'Office reconnaît que les femmes, et tout particulièrement les chefs de familles monoparentales et les jeunes adolescentes, victimes de violences sexuelles et d'autres graves formes de sévices (ainsi que de traumatismes psychologiques et physiques), se trouvent confrontées à de graves problèmes dans les pays d'asile. Le plus grave de tous est l'absence de sécurité de la personne, que ce soit à l'intérieur des camps, dans des centres collectifs ou des familles hôtes.

29. Un projet visant à lutter contre la violence à l'égard des femmes réfugiées a été lancé dans cinq pays d'Afrique de l'ouest et de l'est avec une emphase sur une approche intégrée fondée sur des partenariats étroits entre la communauté réfugiée, les services de la police locale, les institutions des Nations Unies, les organisations non gouvernementales ainsi que les personnels local et international. Les bureaux extérieurs ont donné suite aux cas de restrictions à la liberté de mouvement et de détention, et le HCR est intervenu avec succès à plusieurs reprises, en obtenant la libération de femmes détenues de façon abusive. Le Haut Commissariat a également pris des mesures pour veiller à ce que les femmes soient adéquatement représentées dans les instances dirigeantes des réfugiés, élues au sein des camps, et puissent activement participer aux décisions ayant trait à leur sécurité.

30. Dans de nombreux pays d'asile, des efforts particuliers ont été déployés pour faire davantage prendre conscience des questions de réfugiés liées à l'appartenance sexuelle par le biais de programmes et de séminaires de formation sur la violence sexuelle et la sensibilisation à la parité entre les sexes, surtout pour les policiers, les juges, les fonctionnaires de l'immigration, les journalistes et les ONG. Le HCR s'est activement employé, au niveau de la législation, à garantir une large acceptation de la notion selon laquelle la persécution peut s'exercer par le biais de la violence sexuelle, ainsi que de la notion selon laquelle les femmes en quête d'asile subissant des traitements cruels ou inhumains pour le motif qu'elles avaient transgressé les moeurs de leur société, peuvent être considérées comme « un groupe social particulier » au sens de l'Article 1 de la Convention de 1951. La décision prise au début de cette année par la Chambre des Lords en Grande-Bretagne, reconnaissant la légitimité d'une demande fondée sur une persécution liée à l'appartenance sexuelle aux termes de la Convention de 1951 en est une illustration notoire.

31. Le HCR a également contrôlé les législations nationales, particulièrement dans les Amériques et en Europe centrale et orientale, pour en déceler les lacunes, prôner des changements, adopter une perspective paritaire et diffuser une information sur les normes internationales en matière d'égalité entre les sexes. En conséquence, la nouvelle législation adoptée au Bélarus et en Fédération de Russie traite désormais des droits spécifiques des femmes en quête d'asile en matière de procédure. Les bureaux extérieurs se sont également associés aux campagnes interinstitutions pour inscrire les droits des femmes à l'ordre du jour dans les pays relevant de leur compétence. Dans les régions où des traditions bien ancrées perdurent, l'objectif du HCR a été de créer un environnement plus réceptif, par le biais de partenariats efficaces avec les ONG régionales et locales ainsi qu'avec les associations de femmes, pour promouvoir une meilleure compréhension de la politique et des principes directeurs du HCR concernant les femmes réfugiées. Les femmes réfugiées de certains pays d'Amérique latine reçoivent aujourd'hui des documents qui ne les recensent plus comme personnes à charge, ce qui leur permet de chercher un travail rémunéré.

32. Dans le contexte du retour, les femmes et les enfants sont particulièrement exposés aux dangers des mines antipersonnel, en vaquant à des activités quotidiennes telles que le ramassage du bois, la quête de l'eau ou la surveillance du bétail. Le HCR a financé des programmes de sensibilisation aux mines ciblant les femmes et des classes d'âge spécifiques dans les zones accueillant des réfugiés et des rapatriés. Cette initiative s'inscrit dans l'engagement du HCR à la cause du déminage et constitue une mesure durable visant à protéger les réfugiés et les rapatriés.

33. Au Rwanda, le HCR a participé activement à l'Initiative des femmes rwandaises visant à promouvoir les droits des femmes et leur participation dans les secteurs et institutions politiques, législatifs et judiciaires, leur participation sur un pied d'égalité aux affaires économiques et socioculturelles et à lutter contre la violence et d'autres pratiques malveillantes contre les femmes et les jeunes filles.

B. Egalité entre les sexes

34. Au cours de la période considérée, le HCR a continué d'oeuvrer à l'intégration du principe de l'égalité entre les sexes, tel que le Conseil économique et social l'a formulé en 1997.8 Pour ce faire, on a eu recours à la promotion d'une perspective paritaire au niveau de la protection, des programmes, des solutions durables, de l'information et de l'administration du personnel. Les bureaux extérieurs ont également déployé des efforts intenses pour intégrer les questions liées à l'appartenance sexuelle afin de mieux sensibiliser le public à ces questions. Les statistiques sur l'appartenance sexuelle et l'âge sont désormais intégrées dans les rapports périodiques, et les questions relatives à l'égalité des sexes sont prises en considération lors des activités et au moment de l'établissement des objectifs.

C. Les enfants

35. La nature évolutive des conflits armés et des déplacements dans l'après-guerre fait que les enfants réfugiés ne sont plus tout simplement des victimes accidentelles des conflits et du déplacement mais de plus en plus les cibles de l'exploitation, de la militarisation et de la politisation. Afin de veiller à ce que le HCR réponde à leurs besoins spécifiques, des objectifs d'efficacité basés sur les droits de l'enfant ont été établis pour toutes les phases des opérations du HCR lors de situations d'urgence complexes, avec comme impératif l'égalité d'accès à l'ensemble des programmes pour les filles et les garçons. Des plans d'action ont été établis au niveau des pays, ciblant les secteurs clés nécessitant des mesures de protection et d'assistance : l'exploitation et la violence sexuelle; l'enrôlement dans les forces armées avant l'âge légal; l'éducation; les mineurs non accompagnés et les adolescents, secteurs fondamentaux pour répondre aux besoins des filles de façon plus efficace. En outre, un programme de formation conjointement réalisé par le HCR et International Save The Children Alliance renforcera la capacité du HCR, des gouvernements et des ONG à prendre soin des enfants et des adolescents dans les situations de réfugiés, pour tenir compte de leur âge et de leur appartenance sexuelle.

36. Les besoins de protection des enfants ont été particulièrement importants dans la crise du Kosovo. Dans ce contexte, le HCR a publié des Principes directeurs en matière de protection portant spécifiquement sur les questions critiques suivantes relatives aux enfants :

a) Mineurs séparés : L'identification des mineurs non accompagnés au cours du processus d'enregistrement; la mise en oeuvre adéquate de la politique du HCR sur les soins intérimaires à apporter aux mineurs séparés; la liaison avec le CICR et l'enregistrement aux fins de regroupement familial;

b) Enregistrement des naissances : l'enregistrement des nouveau-nés, de préférence par les autorités locales, y compris la délivrance de certificats de naissance aux parents;

c) Les enfants soldats : les enfants et les adolescents doivent être maintenus aussi près que possible de leur famille et de ceux qui s'en occupent; des stratégies préventives pour tenir compte du fait que l'enrôlement au-dessous de l'âge légal touche les filles aussi bien que les garçons; la planification des programmes de réhabilitation pour les enfants soldats à entreprendre avec d'autres institutions.

D. Les réfugiés âgés

37. Dans de nombreuses opérations du HCR, les personnes âgées ont été un groupe particulièrement touché par trois facteurs cruciaux : désintégration sociale, dégradation de l'image dans la société et dépendance chronique. Le sort des réfugiés âgés abandonnés ou séparés du Kosovo nous le rappelle cruellement. Pour répondre à ces problèmes, le HCR a adopté une stratégie mieux ciblée tenant compte des personnes âgées dans tous les aspects de la planification et de l'exécution du programme en mettant l'accent sur les projets de services communautaires spécifiques et sur la défense de leur cause. L'objectif est de veiller à ce que les victimes âgées de la migration forcée soient en mesure de régulariser leur statut dans les pays d'asile et d'obtenir l'accès à toutes les prestations, droits et avantages possibles.

E. VIH/SIDA

38. Une révision de la politique du HCR sur les réfugiés et le VIH/SIDA publiée en décembre 1998 rappelle l'obligation de protéger et d'assister les réfugiés touchés et demande une réponse plus ferme à l'épidémie de SIDA. Son objectif est d'aider les bureaux extérieurs à planifier et mettre en oeuvre des programmes de prévention et de soins efficaces au sein de la communauté réfugiée et avec sa participation. Le HCR et l'ONUSIDA ont signé un accord-cadre de coopération visant à officialiser et structurer les actions conjointes déjà entreprises dans la lutte contre le VIH/SIDA.

V. PROTECTION DES REFUGIES PRIS DANS DES SITUATIONS DE CONFLIT

39. Dans certaines régions, le HCR a été confronté à d'immenses défis de protection où le déplacement massif a été précipité par les situations de conflit et où l'asile et la protection ont dû être assurés en l'absence d'ordre public ou dans un environnement hautement instable. De toute évidence, dans ces circonstances, la promotion et l'application des principes de protection internationale se sont révélées particulièrement difficiles. Les déplacements au sud des Balkans, en Afrique occidentale et en Afrique centrale en sont une illustration marquante.

A. Les réfugiés dans les situations de conflit armé

40. La présence de combattants armés parmi les réfugiés et l'emplacement des camps de réfugiés trop près des frontières sont devenus des obstacles infranchissables pour la protection des réfugiés dans un certain nombre de situations. L'Assemblée générale des Nations Unies a souligné dans une récente résolution la responsabilité des Etats consistant à maintenir « le caractère civil et humanitaire des camps et des zones d'installation de réfugiés, notamment en prenant des mesures efficaces pour empêcher l'infiltration d'éléments armés, identifier les éléments qui pourraient s'être infiltrés, les séparer des réfugiés et installer les réfugiés dans des endroits sûrs ».9

41. Malgré une plus grande prise de conscience du problème, les réfugiés ont encore été exposés aux attaques transfrontalières, au recrutement forcé dans les forces belligérantes et à la réclusion dans des camps isolés, lointains et situés dans des environnements à risque. Au cours d'un incident en 1998, de nombreux réfugiés ont été blessés - pour certains mortellement - ou sont devenus des « sans abris » suite à des incursions, des bombardements ou des attaques au sol contre trois camps de réfugiés. Dans certains cas, les réfugiés eux-mêmes, en raison de leurs affinités culturelles et ethniques traditionnelles dans la région frontalière ont résisté aux propositions visant à transférer leurs camps. Il n'est souvent pas facile de trouver un compromis entre les impératifs de l'octroi de la protection internationale, les préoccupations légitimes des pays hôtes en matière de sécurité et les désirs des réfugiés. Lorsque les Etats abordent le problème sous l'angle de la sécurité nationale plutôt que sous l'angle humanitaire, ils risquent de perdre de vue leur obligation de fournir une protection à ceux qui la méritent.

42. Dans sa conclusion de 1998 sur la protection internationale,10 le Comité exécutif a exprimé sa vive préoccupation concernant le recours croissant à la guerre et à la violence comme moyen de mettre en oeuvre des politiques de persécution contre des groupes ciblés pour l'un des motifs cités dans la définition de la Convention de 1951. Dans ces cas, les victimes doivent clairement être considérées comme des réfugiés aux termes de la Convention. La préoccupation du HCR est que lorsque ces demandeurs d'asile ne s'insèrent pas dans un afflux massif dans le pays hôte, les procédures de certains pays d'asile ne prévoient pas leur protection individuelle car elles partent du principe selon lequel ils ont été déplacés par la guerre et non pas à titre personnel.

B. La protection temporaire

43. La période considérée s'est également caractérisée par une évolution inquiétante de la pratique des Etats qui ont de plus en plus recours à des régimes de protection temporaire pour répondre aux besoins des demandeurs d'asile n'arrivant pas dans le contexte de déplacements massifs. Le HCR reste convaincu que la protection temporaire est un moyen pratique, permettant une réponse fondée aux Etats face aux arrivées soudaines d'un grand nombre de demandeurs d'asile déplacés par des situations de guerre et de violence généralisée. Lorsque la détermination individuelle de statut est trop lourde, voire impossible, la protection est néanmoins assurée par le biais de la protection temporaire, bien que ce régime soit accordé sur la base d'un séjour temporaire, pour la plupart d'entre eux dans le pays d'asile. Dès que le régime de protection temporaire prend fin, les personnes ayant toujours besoin de protection doivent, de l'avis du HCR, avoir accès à des procédures individuelles adéquates afin de définir leurs besoins en regard des exigences de la Convention en matière de statut. Lorsqu'il n'y a pas d'afflux massifs, les personnes doivent avoir accès à une procédure individuelle afin de déterminer leur statut aux termes de la Convention de 1951.

C. Les personnes déplacées de l'intérieur

44. L'augmentation du nombre de personnes déplacées à l'intérieur du territoire dans le monde suscite une vive préoccupation. Cette augmentation traduit le fait que dans de nombreux endroits, les civils ont été de plus en plus souvent la cible délibérée des conflits armés et des activités paramilitaires. Nonobstant le fait que le HCR n'a pas de mandat général concernant les personnes déplacées à l'intérieur du territoire, il peut dans certaines conditions participer à des activités en faveur de certains groupes. Conformément aux orientations fournies par l'Assemblée générale des Nations Unies et le Comité exécutif, les critères d'engagement pour le Haut Commissariat sont les suivants : une requête spécifique de l'Assemblée générale, du Secrétaire général ou d'un autre organe principal compétent des Nations Unies; le consentement de l'Etat concerné ou d'une autre entité pertinente; la compétence et l'expérience spécifiques du HCR pour aider, protéger les personnes déplacées à l'intérieur du territoire dans une situation particulière, et chercher des solutions à leur problème; et des ressources suffisantes mises à sa disposition pour mener à bien les activités en question.

45. Sous l'angle de la protection, la Colombie constitue un exemple intéressant d'une situation de ce type où le HCR se soit engagé. Conformément à un accord conclu entre le Gouvernement colombien et le HCR en janvier 1999, le Haut Commissariat fournira ses connaissances spécialisées pour renforcer le cadre juridique, politique et institutionnel pour les personnes déplacées à l'intérieur du territoire de ce pays. L'élaboration du programme s'articule sur la mise en oeuvre des Principes directeurs concernant le déplacement intérieur publiés en 1998 par le Représentant spécial du Secrétaire général. La réalisation des objectifs du programme sera évaluée à l'issue d'une période de trois ans, à compter de juillet 1999, par rapport à certains indicateurs établis en matière de protection. Compte tenu du caractère limité de l'engagement du HCR en Colombie, il est admis que l'appui du HCR ne sera efficace que s'il est relié aux efforts plus larges pour faire respecter le droit international humanitaire et pour veiller au strict respect des droits de l'homme dans le contexte d'une approche commune avec d'autres partenaires des Nations Unies.

46. L'importance de la coopération avec les organes pertinents des Nations Unies et d'autres partenaires est une leçon importante à tirer de la crise du Kosovo. Même lorsque la tâche ressort des responsabilités statutaires du HCR, des situations d'urgence d'une envergure et d'une complexité telles requièrent une approche concertée entre les agences et les partenaires clés pour relever les immenses défis et affronter les énormes problèmes de la protection et de l'assistance. En agissant de concert, tous les partenaires sont aujourd'hui confrontés à la difficulté consistant à définir les limites de plus en plus floues de l'action humanitaire dans un environnement soumis aux impératifs politiques et militaires étrangers à leurs mandats respectifs.

VI. LA RECHERCHE DE SOLUTIONS

47. La recherche de solutions durables est devenue encore plus difficile dans un environnement où la protection est délicate. Le HCR a lancé un appel à tous les Etats pour qu'ils continuent dans toute la mesure du possible à promouvoir et rendre possibles toutes les solutions durables envisageables : l'intégration dans le pays d'asile, la réinstallation dans un pays tiers ou le rapatriement librement consenti vers le pays d'origine. Alors que le rapatriement librement consenti, lorsqu'il est réalisable, reste la solution la plus souhaitable dans la plupart des situations de réfugiés, il y a néanmoins des cas où l'intégration ou la réinstallation constituent une meilleure solution. Souvent, une combinaison de ces solutions, chacune tenant compte des circonstances et des besoins spécifiques des différentes fractions de la même population réfugiée, contribuera à trouver une solution durable à une situation de réfugiés dans l'intérêt commun des réfugiés et des Etats concernés.

A. Rapatriement librement consenti

48. Au cours de la période considérée, le rapatriement librement consenti d'un nombre important de réfugiés a eu lieu dans le monde entier. Le Haut Commissariat a continué de faciliter le rapatriement des réfugiés afghans depuis le Pakistan; ce rapatriement se poursuit à un rythme constant. Avec la mise en oeuvre du projet de rapatriement collectif et la réalisation d'activités de suivi de la protection en Afghanistan, près de 100 000 réfugiés ont pu être rapatriés au cours de la période considérée. En avril de cette année, quelque 250 familles afghanes sont rentrées de leur plein gré depuis le Pakistan vers les régions d'Afghanistan contrôlées par les Talibans. A la fin de 1999, le HCR espère avoir pu rapatrier entre 12 000 et 15 000 réfugiés, sous réserve des disponibilités financières.

49. Depuis le début de l'opération à la fin de 1997 jusqu'en avril 1999, 102 000 Libériens sont également rentrés chez eux sous les auspices du HCR. Environ 160 000 Libériens sont rentrés spontanément au cours de cette période. En Asie, 47 000 réfugiés cambodgiens étaient rentrés de Thaïlande à la fin de mars 1999.

50. Le HCR a continué de participer aux efforts visant à entamer un dialogue constructif entre les pays d'asile et les pays d'origine pour améliorer les perspectives de rapatriement librement consenti dans un certain nombre de situations actuelles. Dans certains cas, le HCR a reçu des indications positives selon lesquelles les discussions depuis longtemps suspendues sur le retour de certains groupes de réfugiés relevant de sa compétence pourraient bientôt reprendre.

51. Même dans les situations où les perspectives de retour pourraient ne pas être aussi immédiates, telles qu'aujourd'hui le retour des réfugiés du Kosovo, le HCR prend des mesures pour préparer ce retour dès qu'il devient possible en coopération avec les organes et les institutions compétents des Nations Unies ainsi que d'autres organisations humanitaires. La planification du retour vers le Kosovo a été entravée par le fait que la tragédie humanitaire n'est pas achevée. S'il est important que le HCR et la communauté humanitaire soient prêts, de concert avec les réfugiés, pour planifier un retour, les garanties quant à un retour volontaire et sûr doivent être assurées. Parmi les conditions que le HCR juge essentielles au rapatriement et au retour vers le Kosovo, il convient de citer : 1) la fourniture de garanties effectives en matière de sécurité aux rapatriés et aux acteurs humanitaires internationaux, 2) le retrait des forces militaires et paramilitaires responsables des atrocités soupçonnées et du déplacement forcé de la population civile et 3) le déploiement d'une force militaire internationale crédible pour fournir les conditions de sécurité nécessaires au retour de la population civile et à l'opération humanitaire au Kosovo.

52. Des efforts intenses ont été déployés au cours de la période considérée pour renforcer la capacité de suivi du HCR pendant et après la phase des retours. Par le biais de principes directeurs spécifiques et d'une formation conçue pour les administrateurs chargés de la protection, le Haut Commissariat s'efforce d'accroître la confiance des réfugiés dans les mouvements de retour assistés par le HCR tout en garantissant un retour dans la sécurité et la dignité.

B. Réinstallation et intégration

53. Le HCR a également continué de bénéficier de l'appui des Etats dans la mise en oeuvre de la réinstallation comme instrument de protection et comme solution durable. L'objectif incontournable de la réinstallation est de renforcer les perspectives d'asile et de protection pour l'ensemble de la population réfugiée. Tout en entreprenant des activités de réinstallation et, par là, en assurant la sécurité individuelle, le HCR s'efforce de renforcer l'asile dans les pays hôtes et de promouvoir des solutions durables bénéficiant à l'ensemble de la population réfugiée concernée. Sous cet angle, la réinstallation est devenue une composante essentielle d'une stratégie globale de protection des réfugiés et de recherche de solutions durables.

54. Outre la réalisation des objectifs de mise en place d'une solution durable aux problèmes des réfugiés et de garanties de protection, la réinstallation peut également être utilisée pour soulager le fardeau imposé aux pays d'accueil. Les Etats ont reconnu la nécessité de coopérer, en particulier pour veiller à ce que les mouvements transfrontaliers ne mettent par trop à l'épreuve la capacité d'accueil des pays concernés.

55. Il convient d'établir une distinction entre les réponses spécifiques élaborées dans le contexte d'une situation d'urgence, telles que l'évacuation humanitaire des réfugiés kosovars depuis l'ex-République yougoslave de Macédoine, et les efforts de réinstallation ordinaires. L'évacuation humanitaire n'est pas axée, comme la réinstallation, sur la couverture des besoins individuels de protection; elle est plutôt conçue comme un mécanisme mis en place dans le contexte du partage de la charge, pour garantir la disponibilité de diverses options d'asile pour le groupe dans son ensemble. Elle a été conçue pour renforcer l'asile en allégeant les tensions que peuvent représenter de nouveaux arrivants pour le pays hôte. Le HCR a donc rappelé aux Etats que leurs offres généreuses dans le contexte du programme d'évacuation humanitaire doivent se faire en sus des quotas de réinstallation. Les quotas sont d'une importance cruciale pour le mandat de protection du HCR et sa capacité de régler les problèmes graves de protection dans de nombreuses autres situations précaires dans le monde.

56. Au cours de la période considérée, certains gouvernements ont également montré l'exemple en contribuant à l'assimilation et à l'intégration des réfugiés. L'Amérique latine nous offre à cet égard des exemples notoires d'intégration de réfugiés par le biais d'amnisties permettant la régularisation du statut des étrangers en situation irrégulière ou par le biais de la naturalisation d'un nombre important de réfugiés.

C. L'apatridie

57. Le problème de l'apatridie suscite une préoccupation de plus en plus vive pour le HCR du fait de l'augmentation des cas et du resserrement de son lien avec le déplacement. Dans un certain nombre de situations actuelles de déplacement forcé, des groupes de personnes apatrides ont continué de vivre en exil dans des circonstances précaires, sans aucune possibilité d'acquérir la citoyenneté de leur pays d'adoption. Le statut de résident de nombreux « non-nationaux » dans le pays d'asile reste flou, en particulier pour ceux qui vivent depuis longtemps dans des camps et des zones d'installation de réfugiés. L'incertitude quant au statut juridique de ces personnes entraîne souvent de nouvelles complications qui rendent particulièrement difficile la recherche d'une solution durable pour ces groupes.

58. Dans certains cas, les apatrides et les personnes sans nationalité bien déterminée sont détenues pendant plusieurs années, tout simplement parce qu'elles n'ont pas obtenu de statut juridique dans un pays. Les enfants de réfugiés risquent parfois de devenir apatrides en raison de difficultés liées à l'enregistrement des enfants nés dans les camps de réfugiés.

59. La recherche de solutions aux cas d'apatridie devient de plus en plus difficile dans les situations où le problème perdure depuis des générations. Le HCR est intervenu en faveur de plusieurs groupes dispersés dans différents pays après avoir été expulsés de leur région d'origine. Dans les pays où ils résident actuellement, ils rencontrent de graves difficultés quotidiennes du fait de l'impossibilité de régulariser leur statut et d'obtenir la citoyenneté. Du même coup, leur retour et leur réintégration dans leur pays et lieu d'origine sont souvent entravés par les obstacles qui s'opposent à la réacquisition de leur ancienne citoyenneté.

60. La période considérée a été le théâtre de l'éclatement d'un conflit armé entre deux pays, accompagné d'expulsions arbitraires de citoyens ou de résidents habituels pour des raisons ethniques. L'apatridie est devenue une réelle possibilité pour un nombre important de personnes dans la mesure où les pays d'accueil n'accordent aucun droit systématique à la citoyenneté, malgré l'existence d'un lien ethnique quel qu'il soit. Dans le contexte du Kosovo, où l'expulsion des réfugiés s'est accompagnée d'une destruction importante des papiers d'identité, le défi pour le HCR est de veiller à ce que leur nationalité ne soit pas remise en question au moment du retour. A cette fin, le HCR déploie de gros efforts d'enregistrement dans les pays d'asile.

61. Le HCR a entrepris beaucoup d'activités et de programmes ces dernières années pour réduire les cas d'apatridie. Il s'efforce notamment de fournir des avis techniques aux Etats en matière de rédaction, d'application et de promulgation de législations sur la nationalité, de coopération et de consultations étroites avec les organes des Nations Unies et les organes régionaux tels que le Conseil de l'Europe et l'OSCE ainsi que des publications pour aider les personnels nationaux et du HCR sur le terrain à régler les problèmes de l'apatridie. Le rapport intérimaire de cette année sur les activités du HCR relatives à l'apatridie,11 présenté au Comité permanent, donne un aperçu de ces efforts qui ont déjà, dans bien des cas, réduit de façon importante les cas d'apatridie et la menace de l'apatridie.

VII. VERS UN PARTENARIAT MONDIAL POUR LA PROTECTION

62. Il reste encore beaucoup à faire à l'échelle mondiale pour revigorer la protection des réfugiés. La protection des victimes de la persécution et des violations des droits de l'homme ne doit pas uniquement être considérée comme un devoir juridique et moral mais également comme une tâche dont tous les Etats participants bénéficieront en dernier recours.

63. Les principes de l'asile et de la protection sont l'émanation de valeurs vieilles de plusieurs siècles, respectées et largement répandues donnant la primauté à la sécurité et à la dignité humaine. Aucune dérogation ne saurait être envisagée, à moins qu'il n'y ait pas d'autre choix. Toutefois, il convient de reconnaître que la protection des réfugiés, moyennant l'octroi et la défense de l'asile dans un cadre juridique international convenu, a un prix à payer. Ce n'est pas là la moindre des raisons pour lesquelles, au fil des ans, les Etats se sont ménagés une marge importante de souveraineté quant à l'octroi de cette protection. Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire n'est pas absolu; il est délimité par une pléthore de droits humains et de responsabilités en matière de droit des réfugiés librement consentis. En pesant les intérêts des Etats par rapport à ces normes, il est fondamental de définir clairement les responsabilités dont il n'est pas possible de se dégager, indépendamment des coûts financiers et politiques de la protection.

64. On ne saurait en conclure qu'il est alors possible de faire fi de ces intérêts : en fait il appartient à la communauté internationale, au moyen de la solidarité et du partage de la charge, d'aider les Etats à trouver des solutions qui ne compromettent pas leurs enjeux. A cet égard, le HCR a organisé au cours de la période considérée une série de séminaires régionaux auxquels ont assisté les différents partenaires concernés afin d'étudier le dilemme entre les intérêts et les responsabilités et comment le résoudre. Un certain nombre de propositions ont été émises aux fins d'action. Tous les participants ont convenu qu'il était essentiel d'améliorer les systèmes d'asile et d'essayer de réduire les coûts connexes. Les Etats doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour réduire la durée requise pour les procédures d'asile et rationaliser le retour des personnes rejetées n'ayant pas besoin de protection internationale.

65. Les autres suggestions portent essentiellement sur la régularisation du partage de la charge et sur la façon de le rendre plus opérationnel; sur le renforcement de la collaboration entre les gouvernements, le monde des affaires et la société civile; l'établissement d'une priorité plus élevée pour la dimension humaine des questions de réfugiés et la création de publics au sein des sociétés pour appuyer l'asile; sur l'accélération de l'intégration des réfugiés dans leurs pays d'asile, par le biais notamment de cours de langue et de formation professionnelle; sur la sensibilisation de l'opinion publique moyennant l'utilisation plus systématique des médias et des technologies d'éducation créatrices, y compris la toile; et sur le renforcement de l'analyse et de la transparence concernant les questions d'asile afin de réduire le nombre de demandes mal fondées ou sans fondement. Les séminaires ont également révéler l'importance d'attacher davantage d'attention à la nature et à la substance du dialogue entre les pays d'origine et les pays hôtes.

66. Les discussions au cours de ces séminaires ont vu émerger un thème récurrent : la nécessité de revigorer les anciens partenariats et d'en nouer de nouveaux à l'appui du régime international de protection des réfugiés. C'est avec cette nécessité à l'esprit que le HCR a résolument poursuivi ses efforts pour promouvoir la collaboration en matière de protection des réfugiés par le biais du processus de consultations extérieures (« Reach out process »). Lancé en janvier 1998, ce processus a été élargi au cours de l'année dernière pour impliquer un large éventail d'acteurs non étatiques - y compris les principales ONG chargées des droits de l'homme et du droit humanitaire, les institutions soeurs des Nations Unies ainsi que le secteur privé - dans une série de dialogues sur la nature et les dimensions des défis actuels en matière de protection; où résident les principaux problèmes et ce que les Etats et les organisations peuvent faire ensemble avec le HCR pour garantir un appui plus systématique et plus efficace aux principes de protection. Les consultations élargies couvrent nécessairement, et doivent alimenter les initiatives stratégiques entreprises ou prévues au sein du Haut Commissariat, en particulier l'examen du processus PARinAC, le trentième anniversaire de la Convention de l'OUA et les manifestations prévues pour le cinquantenaire du Haut Commissariat, dès décembre 2000.

67. En cette fin de siècle, et notamment grâce au processus de consultations extérieures, le HCR espère qu'un partenariat mondial pour la protection des réfugiés renaîtra. Les tenants d'un régime de protection ainsi revitalisé sont unanimes à penser que la coopération pour la protection des réfugiés n'est pas qu'un impératif éthique et juridique mais une politique d'assurance prudente pour un avenir incertain.


1 Conclusion No. 85(XLIX) de 1998 - A/AC.96/911, par. 21.

2 Résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies adoptée le 21 décembre 1995 (A/RES/50/152)

3 Voir, par exemple, les conclusions No. 68(XLIII) de 1992 - A/AC.96/804, par. 21; 71(XLIV) de 1993 - A/AC.96/821, par. 19; 74(XLV) de 1994 - A/AC.96/839, par. 19; 77(XLVI) de 1995 - A/AC.96/860, par. 19; 79(XLVII) de 1996 - A/AC.96/878, par. 21; 81(XLVIII) de 1997 - A/AC.96/895, par. 18 et 82(XLVIII) de 1997 - A/AC.96/895, par. 19..

4 A/AC.96/572, par. 19.

5 Une date limite pourrait être fixée concernant l'application de l'Article 31 1) de la Convention de 1951. Cette disposition exempte des sanctions pour entrée ou présence irrégulières les réfugiés arrivés directement sur un territoire où leur vie ou leur liberté est menacée « sous la réserve qu'ils se présentent sans délai aux autorités et leur exposent des raisons reconnues valables de leur entrée ou présence irrégulières. » (sans italique dans le texte)

6 Conclusions No. 15(XXX) de 1979 - A/AC.96/572, par. 72 et 58(XL) de 1989 - A/AC.96/737, par. 25.

7 A/AC.96/631, par. 97 2).

8 A/52/3, Chapitre IV, A., Conclusions concertées 1997/2

9 Résolution de l'Assemblée générale adoptée le 9 décembre 1998 (A/RES/53/125)

10 Conclusion No. 85(XLIX) de 1998 - A/AC.96/911, par.21.

11 EC/49/SC/CRP.15