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Impact social et économique d'importantes populations réfugiées sur les pays hôtes en développement

Réunions du Comité exécutif

Impact social et économique d'importantes populations réfugiées sur les pays hôtes en développement
EC/47/SC/CRP.7

6 Janvier 1997

Description : 6ème réunion

IMPACT SOCIAL ET ECONOMIQUE D'IMPORTANTES POPULATIONS REFUGIEES SUR LES PAYS HOTES EN DEVELOPPEMENT1

I. INTRODUCTION

1. Depuis la fin des années 70, la communauté internationale est consciente de l'incidence grave d'importantes populations réfugiées sur la vie sociale, économique et politique des pays hôtes en développement. La crise récente au Rwanda n'en est qu'une nouvelle illustration. Elle a également mis en lumière la réponse inégale de la communauté internationale à cet impact (voir annexe I : La réponse internationale aux conflits et aux génocides : leçons tirées de l'expérience au Rwanda. Evaluation conjointe de l'aide d'urgence au Rwanda. Etude 3 : aide humanitaire et conséquences). Ce document étudie de plus près ces incidences et recense les différents succès remportés par la communauté internationale dans ses interventions.

II. INCIDENCE

2. Les plus grandes concentrations de réfugiés se trouvent dans certains des pays les plus pauvres de la planète. Un grand nombre de ces mouvements se produisent à l'intérieur des pays les moins avancés (PMA). La présence de réfugiés vient s'ajouter aux difficultés économiques, écologiques, sociales et parfois politiques de ces pays. Ces pays sont souvent confrontés à une combinaison de ces problèmes. Presque toujours, cet impact est lourd. En outre, dans de nombreuses situations de réfugiés, les problèmes sont aggravés lorsque les réfugiés représentent un pourcentage important de la population locale, sinon nationale. Par exemple, au Népal, les 90 000 réfugiés de la Province de Jhapa représentent plus de 13 % de la population locale; à Ngara, en République-Unie de Tanzanie, les afflux récents de réfugiés ont fait passer la population locale à un taux de un pour quatre; c'est-à-dire qu'une population locale de 186 000 personnes a accueilli 700 000 réfugiés. Au Malawi, l'afflux de réfugiés qui a débuté en 1986 a amené dans le pays un million de réfugiés mozambicains, soit 10 % de la population nationale en 1993. La présence des réfugiés et les contraintes qu'elle représente pour une économie en difficulté et des services et des infrastructures déjà terriblement mis à l'épreuve aggravent encore les épreuves que connaissent les populations locales. Dans de nombreux cas, les réfugiés ne sont qu'un obstacle de plus aux efforts de développement du pays hôte, s'ils ne les mettent pas directement en cause. Les retombées néfastes peuvent se faire sentir longtemps après la solution d'un problème de réfugiés; par exemple, les dommages à l'environnement constituent un problème qui ne prend pas fin avec le rapatriement des réfugiés. Si l'aide d'urgence internationale pour faire face à une crise de cette ampleur a des effets positifs sur la société hôte, ces avantages compensent difficilement les retombées de concentrations aussi importantes de réfugiés.

A. L'impact économique

3. Dès leur arrivée, les réfugiés entrent en concurrence avec les citoyens locaux pour des ressources rares telles que des terres, de l'eau, des logements, des vivres et des services médicaux. Au fil du temps, leur présence se traduit par des contraintes encore plus lourdes pesant sur les ressources naturelles, les services d'éducation et de santé, l'énergie, le transport, les services sociaux et l'emploi. Elle peut se traduire par des poussées inflationnistes et une réduction des salaires. Dans certains cas, elle peut sérieusement entraver le flux des biens et services dans l'ensemble de la société et peut avoir des implications pour la balance des paiements du pays hôte en hypothéquant toute initiative d'ajustement structurel. La nécessité de louer des locaux et des résidences, pas simplement pour les expatriés mais également pour le personnel engagé sur place afin de répondre à une situation d'urgence peut, par exemple, dérégler le marché. L'industrie de la construction connaît une reprise mais elle s'accompagne généralement d'augmentations de loyers qui bénéficient aux propriétaires mais désavantagent les pauvres et ceux qui perçoivent des revenus fixes tels que les fonctionnaires gouvernementaux. L'achat d'importantes quantités de matériaux de construction peut les rendre rares ou inaccessibles pour la population locale tout en générant également des poussées inflationnistes. De même, une demande accrue de vivres et d'autres produits de base peut faire monter les prix sur le marché, ce qui stimulera l'activité économique locale sans pour autant bénéficier aux plus pauvres.

4. La présence d'une importante population réfugiée dans les régions rurales entraîne inévitablement un surcroît de travail pour l'administration locale. Les autorités nationales et régionales du pays hôtes distraient d'importantes ressources humaines et matérielles nécessaires à leur propre développement pour maintenir en vie les réfugiés, alléger leurs souffrances et assurer la sécurité de la communauté tout entière. Alors que la plupart des gouvernements hôtes se sont généralement montrés prêts à supporter ces coûts, il sont naturellement réticents à payer, en plus de l'octroi de l'asile, le coût d'infrastructures additionnelles pouvant se révéler nécessaires pour héberger les réfugiés.

5. Les gouvernements hôtes escomptent à tout le moins que la communauté internationale les aidera à compenser les coûts induits par l'octroi de l'asile aux réfugiés. Aucun gouvernement d'un pays à faible revenu n'est prêt à engager des prêts ou à réallouer des fonds précieux de développement aux programmes conçus pour un grand nombre de réfugiés sur leur territoire. Une étude, parrainée par la Banque mondiale, des dépenses publiques non compensées du fait de la présence des réfugiés au Malawi, a recommandé un programme d'assistance d'urgence en 1990-1991 d'un montant de 25 millions de dollars E.-U. Selon une analyse systématique des dépenses publiques, tel a été le montant, déduction faite de l'aide internationale fournie par le biais du HCR, investi dans l'assistance et l'administration du Gouvernement liées aux réfugiés au cours des deux années antérieures. D'autres pays accueillant les réfugiés pourraient faire état d'expériences comparables.

6. L'impact économique des réfugiés sur les pays hôtes n'est toutefois pas nécessairement négatif. La présence des réfugiés peut stimuler l'économie et conduire à l'ouverture et au développement de régions d'accueil. Cette stimulation s'opère, entre autres, par le biais de l'achat local de vivres, de denrées non alimentaires, de matériaux de construction par les institutions fournissant les articles de secours, par les débours consentis par les agents d'aide, les apports des réfugiés eux-mêmes ainsi que l'emploi et les revenus que peuvent apporter directement ou indirectement à la population locale les projets d'assistance conçus pour les zones accueillant les réfugiés. La présence de réfugiés contribue également à la création d'emplois bénéficiant à la population locale, directement ou indirectement. En outre, les services compétents participant aux activités en faveur des réfugiés en tant qu'homologues du HCR, tant au niveau central que local, bénéficient également de l'assistance du HCR visant à renforcer leurs capacités de réponse et de gestion. Cette assistance peut inclure la fourniture d'équipements, la création de capacités et les composantes de formation y afférentes.

7. La présence de réfugiés, dans la mesure où elle suscite l'attention, peut également attirer des agences de développement dans les régions d'accueil. Alors que l'infrastructure n'est développée dans une phase initiale que pour faciliter les activités des gouvernements hôtes, du HCR et de ses partenaires d'exécution dans les régions accueillant des réfugiés, elle peut également servir de catalyseur pour ouvrir la région hôte aux efforts de développement qui, sinon, n'auraient jamais atteint ces régions marginales.

8. Tout en reconnaissant qu'un afflux de réfugiés peut avoir des aspects « positifs », la présence massive de réfugiés constitue invariablement un lourd fardeau pour les pays d'accueil, particulièrement les PMA.

B. Impact sur l'écologie et l'infrastructure locale

9. Il n'est pas toujours possible de contrôler les modifications des écosystèmes. Si l'on modifie un ou plusieurs facteurs avec un but spécifique tel que le défrichage pour la culture ou le nivellement aux fins d'irrigation, et que cette modification se fonde sur une planification saine, tenant compte de l'impact sur les conditions écologiques, l'écosystème nouvellement établi n'est pas nécessairement inférieur à l'ancien. Le développement d'un nouveau système peut dans ce cas être qualifié de développement contrôlé. Mais si un changement soudain et non planifié survient, il peut conduire à un déséquilibre grave et incontrôlé ayant une incidence sur l'écosystème tout entier, tant dans la région directement touchée qu'au-delà. Le mouvement massif de réfugiés constitue un exemple d'une situation où l'impact sur l'écologie n'est pas totalement contrôlé car le caractère d'urgence du mouvement ne permet pas généralement une planification précoce et adéquate du nouvel habitat.

10. L'addition d'un groupe important de réfugiés à une population existante créé une demande massive et soudaine de ressources naturelles rares telles que terres, combustible, eau, vivres et matériaux de construction avec des implications à long terme sur leurs possibilités de régénération. Il existe des problèmes à plus long terme, tels que l'érosion, la diminution de la fertilité des sols et les glissements de terrain. Les problèmes liés à la consommation de bois en milieu rural sont toujours graves. Les estimations de consommation rurale de bois en Somalie indiquent qu'une famille de cinq personnes a besoin de 2,4m3 de bois pour la construction de huttes et 1m3 par tête par an pour la cuisine. Si l'on pose comme hypothèse que la consommation de bois des réfugiés est modeste, soit la moitié de la consommation normale, un camp de 4 000 réfugiés consommerait environ 10 000m3 de bois pour la construction de huttes et 20 000m3 de bois par an pour la cuisine. Le volume standard de bois dans les terres de type « savane » en Somalie a été estimé à environ 50m3 par hectare, ce qui signifie que le camp de réfugiés moyen épuiserait 600 hectares de terres au cours de la première année et 400 hectares de terres pour toute année supplémentaire. Dans les camps de réfugiés et alentour, les zones d'installation tout entières ont été totalement défrichées. Passés trois ou quatre ans, les résidents du camp devaient marcher plusieurs heures pour trouver des arbres et des buissons à couper.

11. La recherche de denrées alimentaires d'appoint en chassant, fourrageant et glanant, pèse encore sur l'environnement. En plus, l'évacuation des déchets humains peut contaminer les eaux souterraines locales et provoquer des épidémies. Les routes dans les régions d'accueil subissent de graves dommages en raison de leur utilisation accrue pour livrer les denrées alimentaires et autres produits alors que les services publics dans les domaines de l'éducation, de la santé et de l'adduction d'eau sont également lourdement touchés.

12. Les expériences de la République islamique d'Iran et du Pakistan accueillant les réfugiés afghans illustrent l'impact dévastateur que peuvent avoir d'importantes populations réfugiées sur les écosystèmes et sur l'infrastructure des pays hôtes. Par exemple, au Pakistan, plus de deux millions de réfugiés ont contribué à l'usure accélérée des voies et canaux et à une augmentation importante de la consommation de combustible et de ressources fourragères. Les ressources en bois ont été épuisées dans la mesure où les camps de tentes ont été convertis en villages et où la nécessité de construire des toits en bois a eu un impact direct sur les ressources naturelles. De nombreuses familles ont amené leur bétail et le font paître près des camps, aggravant à l'éternel problème de surpâturage qui se traduit par une accélération de l'érosion des sols. Le prélèvement de combustible et de fourrage fait également peser une lourde menace sur la capacité de l'environnement à renouveler ses ressources en eaux souterraines.

C. L'impact social

13. Si les réfugiés proviennent du même groupe culturel et linguistique que la population locale, ils rencontrent fréquemment une sorte d'identification et de sympathie avec leur propre situation. Il existe de nombreux exemples de réfugiés hébergés dans les foyers de la population locale. Plus de 400 000 réfugiés ont été hébergés chez des familles ou des amis en République fédérative de Yougoslavie. Une différence d'ethnie peut toutefois poser problème. Il existe des animosités traditionnelles entre les groupes. Même si tel n'est pas le cas, les problèmes de communication et de compréhension du fait de la langue et/ou de la culture peuvent constituer de sérieux obstacles. Dans certains cas, la présence d'un groupe (ethnique de réfugiés) peut affecter l'équilibre ethnique de la population locale et exacerber les conflits.

14. On entend souvent dire que les réfugiés ont aggravé les problèmes de sécurité en général, les taux de criminalité, les vols, les meurtres, etc. Parallèlement, d'autres problèmes sociaux tels que la prostitution et l'alcoolisme sont présentés comme plus prégnants dans les zones accueillant les réfugiés. D'une part, l'oisiveté et la pauvreté inhérentes au séjour dans un camp de réfugiés peuvent causer une escalade de ces tendances, particulièrement s'il existe des groupes de jeunes hommes qui n'ont pas suffisamment d'occupation. D'autre part, les réfugiés en tant que « groupe extérieur » peuvent être blâmés pour toute activité répréhensible. L'incidence de la criminalité peut ne pas être plus élevée que le voudrait la norme dans un groupe de cette importance mais dans une région éloignée et auparavant calme, ce phénomène ne passe pas inaperçu. Si la région est devenue le centre d'une activité économique, comme la présence d'une aide importante l'indiquerait, elle a pu attirer un groupe de personnes qui profitent de la situation actuelle et ne se sentent pas liés par les normes sociales et juridiques de la région. Dans une zone frontalière, cela peut impliquer des problèmes transfrontières.

15. La population locale, particulièrement si elle est pauvre, est souvent mécontente de voir les réfugiés recevoir des services ou des prestations dont elle ne dispose pas elle-même. Les réfugiés peuvent avoir accès aux services tels que l'éducation et la santé alors que la population locale n'y a pas droit, bien que le HCR se soit fixé comme principe de promouvoir une approche intégrée en matière de services humains, dans le respect des politiques locales. Par exemple, une étude de l'impact des services de santé pour les réfugiés à l'est du Kivu au Zaïre a identifié plusieurs problèmes et notamment l'absence de consultations aux fins de coordination entre les agences d'aide et les autorités sanitaires locales. La fourniture de services de santé gratuits aux réfugiés sape l'approche locale de remboursement des coûts. Les salaires plus élevés offerts par les ONG ont encouragé le personnel à quitter les dispensaires locaux. Il arrive même que certains de ces agents soient d'anciens réfugiés ayant contribué au développement de ces mêmes services.

16. Par ailleurs, les réfugiés peuvent apporter leur contribution à la zone qui les accueille. Les réfugiés apportent des compétences et des connaissances qui peuvent être utilisées au profit de la population locale. Ces compétences varient mais incluent souvent celles d'un groupe plus éduqué, tel que des professionnels de santé, des professeurs, qui, même en nombre limité, peuvent faire une contribution importante dans des régions éloignées. Dans tout l'éventail de compétences que peuvent apporter les réfugiés, il convient de mentionner la culture d'entreprise qui peut stimuler l'économie locale ou offrir des techniques agricoles novatrices inconnues auparavant dans les régions d'accueil. Par exemple, les réfugiés ont introduit la culture du riz dans les marais en Guinée, en utilisant les terres auparavant en jachère et en introduisant de nouvelles techniques agricoles. Les réfugiés au Népal ont apporté de nouvelles techniques de culture de la cardamome, une culture vivrière importante au sud-est du pays.

III. LA REPONSE

17. La réponse de la communauté internationale face à l'impact d'importantes populations réfugiées sur les pays hôtes a été inégale et s'est caractérisée par différentes motivations conceptuelles. Le cadre conceptuel que s'est donné le HCR pour organiser une réponse comprend une facette de réflexion plus large sur le lien entre l'assistance aux réfugiés et l'aide au développement et leurs relations avec les solutions durables aux situations de réfugiés. A mesure qu'ont évolué ces trois composantes, l'accent mis sur une nouvelle étude de l'impact des réfugiés sur les pays hôtes a également subi une réorientation.

18. A partir des années 1980, la réponse a été vue à travers ce qui s'est appelé la stratégie de l'aide aux réfugiés et du développement. Cette approche soulignait la nécessité pour les secours d'être orientés d'emblée vers le développement. L'objectif était de faire passer les réfugiés à l'autosuffisance et à la mise en oeuvre d'une solution durable à leur situation. L'intégration sur place a à l'époque été souvent envisagée comme solution durable. En outre, la stratégie s'est efforcé de compenser certaines des conséquences économiques et sociales des réfugiés sur le pays hôte. La Conférence panafricaine sur la situation des réfugiés en Afrique (Arusha en République-Unie de Tanzanie) a constitué en 1979 un tournant dans l'effort pour élaborer le concept de l'aide aux réfugiés et du développement. Ce n'est toutefois qu'au Comité exécutif de 1982 que le HCR s'est davantage concentré sur cette question. En 1984, le Comité exécutif a adopté un document, Principes d'action dans les pays en développement (Annexe II). La perspective, telle qu'elle y est reflétée, est que l'ensemble de l'assistance, qu'elle ait trait au développement ou aux secours, est subordonnée à la recherche de solutions durables. Cette solution, moyennant l'intégration dans le pays d'origine ou d'asile, ne sera durable que si elle permet aux réfugiés et aux rapatriés de subvenir à leurs propres besoins et de participer à la vie sociale et économique de la communauté sur un pied d'égalité avec la population environnante, et cela doit constituer l'objectif ultime de l'assistance aux réfugiés (voir annexe II, principe c)). Même dans une situation où les mesures temporaires sont nécessaires en attendant la mise en oeuvre d'une solution durable, l'accent doit être mis sur la libération des réfugiés de leur dépendance à l'égard des secours (principe d)) et sur la productivité par le biais d'activités d'auto-assistance, la participation aux activités locales pour améliorer l'infrastructure sociale et économique, etc. (principe e)). Le principe m) a plus directement trait à l'objet de ce document de séance :

« Des projets de développement visant essentiellement à remettre en état ou améliorer l'infrastructure sociale ou économique d'un pays hôte pour l'aider à faire face à la présence de réfugiés, mais qui ne bénéficient pas directement à un nombre notable de réfugiés, devraient en règle générale être pris en charge par le PNUD et/ou d'autres organisations compétentes en matière de développement, y compris les ONG. Lorsque de tels projets offrent des possibilités d'activités génératrices de revenus durables pour les réfugiés, le HCR pourrait contribuer à leur financement au prorata du nombre des réfugiés parmi les bénéficiaires. »

19. C'est sur la base de ces principes que le HCR a élaboré sa stratégie d'aide aux réfugiés et de développement. Depuis 1984, la terminologie « projet d'aide aux réfugiés et développement » a commencé à être couramment utilisée. Les projets multiannuels d'aide aux réfugiés et de développement visaient en partie à réparer certains des dommages causés par la présence des réfugiés dans les régions d'accueil et ont été lancés en Chine, au Pakistan, en République islamique d'Iran, au Soudan, au Malawi, en Ethiopie, en République-Unie de Tanzanie, au Zaïre, en Ouganda, au Mexique et au Népal. Ces activités ont été menées à bien dans le cadre des efforts de collaboration, sollicitant généralement des contributions bilatérales et multilatérales d'institutions telles que la Banque mondiale, le FIDA et le PNUD, des gouvernements tels que le Gouvernement allemand par le biais de BMZ et de la Commission européenne. Le HCR était pleinement conscient que les progrès dans le cadre de cette stratégie nécessitaient la participation des agences de développement dans la mesure où son propre rôle était essentiellement celui d'un catalyseur.

20. En 1991, le HCR a entrepris un examen de ses efforts visant à promouvoir les projets de développement liés aux réfugiés (service d'appui technique et aux programmes (SATP), document No.3). Le rapport concluait qu'à l'exception du projet IGPRA au Pakistan (voir ci-dessous) le succès avait été limité en raison du manque de fonds pour la mise en oeuvre. La pénurie de fonds a été attribuée à tout un éventail de facteurs : les divergences d'opinion quant aux sources de financement de ces projets, les pays hôtes escomptant des ressources additionnelles pour les projets de développement liés aux réfugiés et les gouvernements donateurs espérant que ces projets seraient intégrés et financés par le biais des plans de développement national; les conditions politiques et économiques de financement; la nature de certains projets (envergure, non viabilité); le manque de capacité d'absorption dans les régions/pays de projet; l'absence d'une coordination adéquate et d'initiative de suivi. Alors que le HCR et ses partenaires de développement seraient normalement en mesure d'étudier le dernier de ces trois facteurs, ce sont les deux premières conditions qui se sont révélées déterminantes pour juger de la viabilité d'un projet.

21. C'est ce qu'a révélé l'expérience du HCR au Pakistan. Les projets d'activités génératrices de revenus pour les zones accueillant les réfugiés menés à bien au Pakistan ont constitué de loin les projets les plus ambitieux et les plus couronnés de succès de ce type de projets conduits par le HCR. Ils se sont étendus sur douze ans (1984-1996) moyennant des subventions accordées par les donateurs pour un montant total de 86,5 millions de dollars E.-U. Ces projets ont été administrés par la Banque mondiale. Une évaluation des trois projets vient d'être effectuée par le Service d'évaluation des opérations de la Banque mondiale. En coopération avec la Banque mondiale, un atelier de deux jours a été organisé par le HCR à Islamabad les 6 et 7 mai 1996 pour étudier le projet de rapport sur l'étude d'évaluation et élaborer les conditions et modalités d'amélioration de ce type de projet afin de les reconduire dans d'autres zones d'accueil de réfugiés (Rapport de mission du SATP 96/28). Le rapport reconnaît que la clé du succès de ce projet a été le niveau extraordinaire d'appui des donateurs qui, à son tour, a été une reconnaissance tangible de la politique de la porte ouverte menée par le Pakistan vis à vis des réfugiés afghans. L'affinité culturelle entre les réfugiés afghans et leurs hôtes et la politique gouvernementale sur l'emploi des réfugiés ont été reconnues comme des facteurs clés du succès de ces projets et devraient servir d'exemple dans d'autres pays.

22. Les difficultés qu'a rencontrées l'approche de l'aide aux réfugiés et du développement vont bien au-delà du conjoncturel. Elles révèlent certains des conflits d'intérêts qui peuvent surgir dans la recherche de solutions aux problèmes des réfugiés ainsi que les difficultés spécifiques inhérentes à une stratégie centrée sur les pays d'asile. Malgré la clarté apparente de la notion d'aide aux réfugiés et de développement, l'objectif ultime de cette approche est resté essentiellement ambigu. L'objectif était-il de promouvoir la solution de l'intégration sur place ou était-il tout simplement d'améliorer la situation des réfugiés et de la population locale en attendant le jour où les premiers pourraient rentrer chez eux et bénéficier, par là même, de la solution du rapatriement librement consenti ?

23. Pour la plupart des pays d'asile, c'est ce dernier objectif qui a été retenu. Pour eux, tout l'intérêt de l'approche de l'aide aux réfugiés et de développement était de compenser de façon plus adéquate les coûts engagés du fait de l'admission des réfugiés sur leur territoire. Les Etats donateurs du monde s'intéressaient quant à eux davantage à trouver des solutions durables au problème des réfugiés et ne s'arrêtait pas à la notion de la compensation. Ils estimaient que le concept de l'aide aux réfugiés et du développement était utilisé comme moyen de mobiliser des fonds supplémentaires de développement pour certains pays particulièrement sollicités plutôt qu'un effort authentique pour trouver des solutions durables au problème des réfugiés. Cette suspicion a été renforcée par leur perception de l'ampleur inégalée des projets qu'on leur demandait de financer et par la capacité limitée des pays concernés à utiliser de façon efficace d'aussi importantes allocations de ressources.

24. A la fin des années 1980, en conséquence, à l'exception du projet IGPRA, l'approche de l'aide aux réfugiés et du développement face à la recherche de solutions était, à bien des égards, moribonde, sapée par l'ambiguïté de ses objectifs et la réticence des Etats donateurs à soutenir cette stratégie au plan financier.

25. Au début des années 90, face aux nouvelles possibilités de rapatriement à grande échelle, l'attention du HCR s'est polarisée sur une autre stratégie, pas très éloignée de celle de l'aide aux réfugiés et du développement. Ce fut la stratégie de l'aide au rapatriés et le développement. Elle tournait autour des trois mêmes composantes de l'assistance aux réfugiés et de l'aide au développement et des solutions, à l'exception du fait que désormais l'accent était mis sur l'aide au rapatriement et sur la nécessité de mobiliser une aide au développement à l'appui des programmes de réintégration pour ancrer la solution durable du rapatriement librement consenti. La différence importante pour le HCR dans ses relations avec les gouvernements nationaux et les institutions financières et de développement était que les bénéficiaires étaient des nationaux du pays où les initiatives de développement étaient préconisées. Le facteur de complication était toutefois qu'un grand nombre de ces retours s'effectuaient vers les pays qui venaient seulement de sortir de longs conflits. Alors que ces retours délestaient d'un fardeau les pays d'accueil, ils laissaient pratiquement sans solution les dommages causés au système socio-économique et écologique de ces pays. En fait, les mouvements de retour eux-mêmes ont souvent causé de nouvelles perturbations à l'économie locale du pays hôte.

26. Les années 90 n'ont pas simplement vu le retour des réfugiés. Le HCR a connu des crises majeures. Face à ces crises, il s'est efforcé de renforcer sa capacité de préparation et de réaction aux situations d'urgence. Dans toute la mesure du possible, l'accent a été mis sur l'action préventive pour faire face aux afflux de réfugiés. Cela a particulièrement été le cas dans le cadre de l'environnement. Dans la politique sur les réfugiés et l'environnement qu'il vient de formuler (voir EC/SC.2/79) et dans les principes connexes (voir EC/47/SC/CRP.8), le HCR a reconnu sa responsabilité dans l'allégement de l'incidence écologique des afflux de réfugiés dès leur début. Il a également reconnu le rôle de catalyseur qu'il devait jouer dans la mobilisation de l'assistance de la communauté internationale et des agences de développement afin qu'elles contribuent à la réhabilitation de l'environnement du pays hôte après le départ des réfugiés. Les récentes situations d'urgence révèlent qu'il reste beaucoup à faire à cet égard. En outre, les dommages écologiques ne sont que l'un des effets d'une présence des réfugiés dans un pays hôte.

27. Plus récemment, les discussions sur le lien entre les secours aux réfugiés et l'aide au développement ont été dominées par le concept d'un continuum des secours au relèvement et au développement. Ces discussions se sont axées sur la façon d'alléger les effets des situations d'urgence et, en conséquence, de l'aide d'urgence sur le processus développemental d'un pays. Il est admis qu'il convient de lier d'emblée l'aide aux réfugiés aux plans de développement locaux. Toute intervention, qu'elle ait vocation d'aider les réfugiés ou de favoriser le développement, doit dès le départ être axée sur l'évaluation des capacités locales de réaction, la création de capacités locales et la recherche de solutions durables. Un pas serait franchi vers l'allégement de l'impact coûteux de mouvements de réfugiés à grande échelle sur les pays hôtes.

IV. CONCLUSION

28. Le lourd tribut que les pays hôtes doivent payer en échange de l'octroi de l'asile aux réfugiés est désormais largement reconnu. La rhétorique de la solidarité internationale n'est toutefois pas toujours suivie d'effet au plan de l'aide visant à réparer les dommages que les mouvements de réfugiés massifs causent à ces pays. L'approche évidente et souhaitable est tout d'abord de prévenir les situations de réfugiés. Mais lorsqu'elles se produisent et que l'asile est généreusement accordé par un pays hôte, il incombe à la communauté internationale d'alléger dans toute la mesure du possible les retombées néfastes de ces afflux et de réparer les dommages ainsi causés. Cette action doit reconnaître que l'impact et le legs d'un grand nombre de réfugiés lancent des défis neufs et imprévus qui devront être relevés essentiellement par l'aide au développement et non pas par l'aide d'urgence, pour rarement adaptée qu'elle soit au cycle d'aide au développement. Pour cette raison, tout comme pour préserver l'institution de l'asile, l'appui au pays hôte doit être additionnel. Cette réponse serait une expression tangible de solidarité et de partage de la charge visant à alléger le fardeau supporté par des pays qui ont accueilli un grand nombre de réfugiés, en particulier les pays en développement disposant de ressources limitées.

Annexe I : Extrait de l'Evaluation conjointe de l'assistance d'urgence au Rwanda

Description des incidences

L'incidence de la présence massive de réfugiés à l'ouest de la Tanzanie a été dramatique, ceux qui vivaient près des routes de transit et des zones d'installation de réfugiés ayant vu leur environnement local transformé. Au cours de l'afflux initial, les récoltes ont été piétinées ou pillées alors que les portes, huisseries et mobilier ont été prélevés dans les écoles et les postes sanitaires le long des routes de transit pour servir de bois de chauffage. Ultérieurement, les routes et les couloirs aériens ont été endommagés en raison de l'acheminement des secours, et les sources d'eau ont été épuisées par les réfugiés et leur bétail.

L'impact le plus grave de la présence des réfugiés sur la population locale de la province de Ngara a été l'abattage aveugle d'arbres près du camp pour servir de bois de chauffage. En novembre 1994, trois sites à cinq kilomètres de Ngara avaient été complètement dévastés. Les ressources naturelles ont été mises à si rude épreuve que le point de non retour aurait pu être atteint et qu'elles pourraient ne plus jamais répondre aux besoins de la population locale. A l'heure actuelle, tous les ménages doivent parcourir à pied de longues distances pour ramasser le bois de chauffage. Les problèmes les plus probables à long terme pourraient venir de l'arrachage des arbres le long des cours d'eau dont la frondaison en forme de voûte préservait la qualité et la quantité de l'eau en temps normal. La suppression de la couverture forestière sur les terrains en pente raide causera également une érosion accrue du sol et a déjà réduit la présence de gibier.

La présence des réfugiés a eu une incidence particulièrement déstabilisante du fait de crimes violents dans les environs des camps, même si cette violence s'est surtout limitée à la population réfugiée et n'a pas concerné la population locale. La police tanzanienne a dû consacrer davantage de temps à des enquêtes sur les incidents survenus autour des camps et le nombre de détenus dans la prison de Ngara a été multiplié par cinq. De fait, les ressources administratives des gouvernements provinciaux et national ont été détournées des affaires courantes pour se consacrer aux programmes de secours.

L'arrivée des réfugiés a également déstabilisé le prix des produits de base, certains produits étant trois ou quatre fois plus cher qu'avant l'afflux. Toutefois, bien que les prix d'un certain nombre de produits de base aient beaucoup augmenté, d'autres ont chuté de façon aussi sensible (notamment le maïs, l'huile de cuisine et d'autres produits pour les réfugiés) et l'on ne sait pas si globalement la présence des réfugiés et l'opération de secours connexe a amélioré ou aggravé la sécurité alimentaire locale. Dans les zones rurales où les agriculteurs produisent traditionnellement des denrées destinées à leur propre consommation, et où la commercialisation des produits est rare, le changement du prix des denrées de base n'aura pas une incidence importante. Les consommateurs urbains seront beaucoup plus gravement touchés et il existe des preuves d'un changement radical des habitudes culinaires.

Il est important de noter que l'afflux de réfugiés n'a pas fait que des perdants et que les gagnants les plus notoires sont les ports et les chemins de fer tanzaniens. Ils ont bénéficié d'une flambée d'activité liée à la situation d'urgence, le PAM transportant l'essentiel des denrées alimentaires pour les réfugiés à Goma et à Bukavu, ainsi qu'à Ngara et Karagwe par le port de Dar es Salaam puis à l'intérieur des terres par chemin de fer.

Parmi les autres gagnants, il convient de citer les entrepôts et les magasins près des zones d'installation de réfugiés. Ils ont pu engranger d'immenses profits en louant leurs locaux aux institutions internationales participant à l'opération de secours. De nombreux emplois nouveaux ont été créés du fait de l'opération de secours, soit au sein des agences elles-mêmes, soit dans le secteur industriel leur fournissant des services. En outre, les possibilités commerciales ont beaucoup augmenté dans le voisinage des camps - l'achat des excédents de produits de base des réfugiés et la vente de tissu, de savon, de piles pour les radios, etc. Toutefois, il est également vrai que dans certaines régions, les entreprises locales ont souffert du fait de la concurrence directe d'entreprises de réfugiés nouvellement créées alors que dans d'autres régions, les résidents locaux ont rencontré davantage de difficultés à trouver de la main-d'oeuvre du fait de la présence d'un grand nombre de réfugiés prêts à travailler pour des salaires inférieurs.

L'absence de données dignes de foi a rendu impossible la quantification précise des différents gains et pertes et l'établissement d'un bilan global pour conclure à un gain ou à une perte nette pour la Tanzanie. Même si cela avait été possible, l'opération aurait été d'ordre académique dans la mesure où les mécanismes de redistribution n'existaient pas pour que les gagnants puissent compenser les perdants. Il est également important de savoir que bon nombre des avantages cesseront dès que les réfugiés rentreront chez eux ou dès que le programme de secours prendra fin alors que les coûts, particulièrement écologiques, se feront sentir pendant de nombreuses années encore.

Les perdants ont eu tendance à être relativement concentrés au plan géographique, ceux qui vivaient le plus près des zones d'installation de réfugiés et des routes de transit ayant généralement perdu le plus. Ceux qui ont perdu des terres, des têtes de bétail et des cultures ont vu leur existence se réduire à un précaire état de survie, tout comme les réfugiés. La concentration géographique de la majorité des perdants aurait dû se traduire par des efforts d'assistance rendus relativement faciles.

Evaluation des efforts déployés pour alléger l'impact

Bien que le PNUD, la FAO, l'UNICEF et d'autres institutions aient aidé le Gouvernement tanzanien à élaborer des propositions de projet pour réduire l'impact de la présence des réfugiés sur l'environnement local, la réponse globale face aux problèmes rencontrés par la population hôte s'inscrit nettement en deçà de celle qui s'est attachée à la population réfugiée. De grosses sommes d'argent ont immédiatement été débloquées pour les réfugiés, le HCR ayant pu mener à bien des travaux de construction et d'autres activités au cours des heures qui ont suivi l'afflux. Le processus d'évaluation des besoins de la population locale, de préparation de projets, d'obtention de fonds et de mise en oeuvre par les différentes institutions des Nations Unies, essentiellement le PNUD et la FAO et les services gouvernementaux a été lent et lourd. Une année après les afflux, peu de progrès avaient été accomplis à Ngara et pourtant, les sommes que cela implique ne sont pas nécessairement importantes; le coût de la réparation des dommages causés à l'infrastructure locale au cours de l'afflux à Ngara et Karagwe a été estimé à un peu plus d'un million de dollars E.-U.

S'il est vrai que le HCR a financé le détachement de fonctionnaires de police supplémentaires en Tanzanie, ainsi que pour la garde présidentielle à Goma, et a fourni des équipements de bureau à quelques services des autorités locales, ces initiatives ont eu essentiellement pour but d'appuyer les structures locales dans leur travail auprès des réfugiés et les premiers bénéficiaires n'ont pas été les communautés locales. De fait, à plusieurs reprises, le HCR semble avoir été par trop légaliste dans l'application de son mandat, les résidents locaux ayant été traités comme des citoyens de seconde classe par rapport aux réfugiés. Par exemple, un avion affrété pour la pulvérisation des camps dans le cadre de la lutte contre les vecteurs à Ngara a coupé son dispositif de pulvérisation alors qu'il survolait le village adjacent qui a, par la suite, été infesté de moustiques contrairement aux camps. Alors que l'Equipe III se trouvait dans l'un des camps au Zaïre, elle a été le témoin de coups et blessures infligées à un zaïrois à qui l'on a refusé un traitement d'urgence dans l'hôpital du camp réservé aux réfugiés. D'autres agences ont également été insensibles aux besoins de la population locale, fournissant à quelques écoles de réfugiés en Tanzanie des bureaux tout neufs alors que de nombreuses écoles locales manquaient de tels équipements.

Le déséquilibre entre le niveau de l'appui international visant à couvrir les besoins des réfugiés, le niveau d'appui conçu pour répondre aux besoins de la communauté hôte et le retard dans la fourniture réelle de ce dernier ont causé des tensions entre la population locale et les réfugiés tant en Tanzanie qu'au Zaïre. Les dirigeants politiques tanzaniens ont monté ce problème en épingle, ce qui a pu contribuer à la fermeture des frontières avec le Burundi puis avec le Rwanda à la mi-1995. Si un Fonds permettant des engagements rapides avait été disponible, il aurait pu être utilisé pour réparer rapidement les dommages initiaux et réduire les tensions entre les réfugiés et la population hôte.

Le HCR et d'autres institutions telles que l'UNICEF, CARE et GTZ n'ont pas demandé de rapports d'évaluation écologique et économique concernant les régions aux alentours des camps tant en Tanzanie qu'au Zaïre après l'arrivée des réfugiés.

La nécessité de combustible a été le facteur le plus critique de dommages à l'environnement. Des aliments à cuisson facile auraient dû être distribués aux réfugiés de Ngara (par exemple farine de maïs plutôt que grains entiers) et les réfugiés auraient dû être encouragés à utiliser des dispositifs permettant d'économiser le combustible (par exemple faire tremper les haricots avant de les cuisiner, utiliser des couvercles sur les casseroles, etc.). Toutefois, il est possible qu'une grande partie du bois ramassé par les réfugiés soit utilisée pour des feux à vocation sociale le soir - pour la lumière, la convivialité, la chaleur et la protection contre les piqûres de moustiques. Tout combustible non indispensable pour la cuisine n'a pu conduire qu'à une plus large utilisation à des fins sociales. Enfin, seule la dispersion des réfugiés dans des camps plus petits, mieux séparés, offre une solution viable à long terme et en Tanzanie et au Zaïre cela n'a pas été jugé acceptable par les autorités locales et nationales.

Le HCR s'est efforcé de préserver les arbres près des camps en les marquant de peinture blanche - une bonne idée tant que les autres sources de combustible sont relativement abondantes. A court terme, toutefois, le combustible de chauffage doit être acheminé par camion non seulement aux réfugiés mais également aux résidents locaux qui se trouvent maintenant dans la même situation que les réfugiés. Certaines institutions, avec le concours d'entrepreneurs privés, se sont déjà lancés dans de telles activités. Les ONG doivent également être conscientes de l'impact de leurs opérations; à Ngara, des dizaines de milliers de piquets ont été coupés à une distance des camps facile à couvrir par des camions pour construire des latrines à fosse, des dispensaires médicaux, etc.

Outre le fait que la présence des réfugiés ait eu un impact sur la communauté locale, les programmes de secours n'ont pas été sans conséquences. Par exemple, les salaires élevés versés par des ONG internationales ont attiré les agents de santé locaux qui ont quitté le service public pour travailler dans les structures sanitaires des camps de réfugiés. Les autorités à l'est du Zaïre ont affirmé que l'établissement d'un système de remboursement des soins de santé a été hypothéqué par la perte de personnel expérimenté et la réticence des patients à payer les honoraires de traitements qui auraient été gratuits s'ils s'étaient adressés à des dispensaires pour réfugiés. Il n'existe pas de solution facile à ce problème et la question d'une meilleure gestion des liens entre les structures d'urgence et les structures nationales doit être approfondie. Une politique salariale est nécessaire avant le lancement d'un programme de secours pour éviter d'affaiblir les structures locales. Les autorités sanitaires zaïroises ont suggéré qu'à tout le moins il devrait y avoir un roulement du personnel local travaillant pour les ONG internationales afin que davantage de personnes aient la chance de percevoir les salaires importants versés et bénéficier d'une expérience de travail auprès de personnels expatriés sans être perdus pour le système local. Ce système réduirait le sentiment de mécontentement qu'éprouvent certains des laissés-pour-compte dans les structures nationales.

Annexe II : PRINCIPES D'ACTION DANS LES PAYS EN DEVELOPPEMENT (A/AC.96/645)

NOTE LIMINAIRE

Sous leur forme finale, ces principes s'inspirent, entre autres, non seulement des commentaires du Comité exécutif (1983) mais des observations émanant de deux réunions spéciales convoquées par le HCR pour discuter du rapport de la réunion d'experts.

a) une réunion des ONG, 24-25 novembre 1983;

b) une réunion des organisations intergouvernementales (PNUD, OMS, FIDA, Banque mondiale, etc.), 5-6 décembre 1983.

présentée à la trente-cinquième session du Comité exécutif (1984).

(A/AC.96/645) présenté par le Haut Commissaire à la trente-cinquième session.

La trente-sixième session du Comité exécutif (1985) (A/AC.96/673, par. 136 c)) invite les Gouvernements à « appeler l'attention de leurs représentants au sein des conseils exécutifs de ces institutions sur les principes d'action dans les pays en développement ».

Solutions durables

a) Les problèmes de réfugiés exigent des solutions durables. Une solution authentiquement durable signifie l'intégration des réfugiés dans une société : soit la réintégration dans le pays d'origine, après rapatriement librement consenti, soit l'intégration dans le pays d'asile ou le pays de réinstallation.

b) La réinstallation dans des pays tiers, qui est nécessaire dans certaines circonstances, est la solution la moins désirable et la plus coûteuse; aussi, dans la plupart des cas, faut-il chercher une solution durable en rapatriant les réfugiés vers leur pays d'origine, ce qui constitue la meilleure option lorsque le rapatriement est librement consenti, ou en les installant dans le pays d'asile.

c) Dans l'un ou l'autre cas, la solution ne sera durable que si elle permet aux réfugiés ou aux rapatriés de subvenir à leurs besoins et participer à la vie sociale et économique de la communauté sur un pied d'égalité avec la population environnante; cette condition devrait donc constituer l'objectif ultime de l'assistance aux réfugiés.

Mesures temporaires en attendant une solution durable

d) Lorsque le rapatriement librement consenti n'est pas immédiatement réalisable, il faut créer dans le pays d'asile des conditions favorables à l'installation temporaire des réfugiés et à leur participation à la vie sociale et économique de la communauté, afin qu'ils puissent contribuer à son développement. Pour les réfugiés, il est essentiel de se libérer de la dépendance à l'égard des secours et parvenir à se prendre en charge le plus rapidement possible.

e) Il faut donc dès le début encourager les réfugiés à se lancer dans des activités d'auto-assistance ou dans la production alimentaire ou agricole, et à participer à des travaux locaux destinés à améliorer l'infrastructure économique et sociale ou à des projets de formation pratique.

f) Dans les régions à faible revenu, les besoins de la population locale devraient également être pris en considération; dans ces régions, il peut donc être nécessaire de prendre des initiatives qui permettent tant aux réfugiés qu'à la population locale de se lancer dans des activités économiquement productives, capables de leur assurer une vie décente. Ces initiatives n'impliquent pas nécessairement l'adoption définitive d'une solution plutôt qu'une autre.

Installation dans le pays d'asile

g) Des initiatives de cet ordre seront nécessaires dans des régions à faible revenu où un nombre important de réfugiés (par comparaison avec la population locale) ont besoin de situations qui leur permettent de gagner un revenu : dans ces régions, des projets axés sur le développement sont nécessaires pour créer des possibilités de travail et - lorsque l'intégration des réfugiés est réalisable - des moyens d'existence pour les réfugiés et la population locale se trouvant dans une situation comparable, par des activités créant des biens de valeur économique durable avec une bonne rentabilité, afin de contribuer au développement général de la région.

h) Ces projets doivent être compatibles avec les activités de développement en cours et en préparation pour la région. Chaque fois que c'est possible, ces activités devraient être élargies de manière à inclure les réfugiés. De tels projets ou activités élargies devraient s'ajouter aux programmes de développement actuels du pays et ne leur porter aucun préjudice.

Rôles des partenaires

i) Tout en étant le point central pour la recherche de solutions durables, le HCR ne devrait pas assumer le rôle d'une institution de développement, et lorsque des initiatives de développement sont nécessaires pour aider les réfugiés à subvenir à leurs besoins, le rôle du Haut Commissaire devrait être essentiellement celui d'un catalyseur et d'un coordonnateur : il devrait prendre l'initiative de projets adéquats, encourager leur mise au point par une organisation compétente et le pays hôte, puis en promouvoir le financement et suivre les résultats pour les réfugiés.

k) Dans le cadre de ses programmes normaux, le HCR devrait continuer, en étroite coopération avec d'autres organisations du système des Nations Unies, des organisations gouvernementales et des ONG, à rechercher des solutions durables au moyen de projets conçus spécifiquement pour les réfugiés, même si la population locale peut éventuellement bénéficier de certains d'entre eux.

l) Quand se révèlent nécessaires des projets de développement conçus en faveur de réfugiés et d'une proportion importante de la population locale ayant des besoins similaires, le HCR devrait, en consultation avec le gouvernement hôte, inviter une organisation compétente en matière de développement - intergouvernementale, gouvernementale ou non gouvernementale - à offrir ses services pour la formulation, l'appréciation, la négociation et la supervision des projets appropriés. Ces projets devraient normalement être mis en oeuvre par le gouvernement hôte ou sous sa responsabilité, si nécessaire avec l'assistance d'agents d'exécution qui pourraient être des ONG; ces agences devraient alors participer à l'action dès que possible. Le HCR pourrait user de ses bons offices pour le financement de ces projets, et devrait les suivre pour s'assurer que les réfugiés en bénéficient comme prévu.

m) Des projets de développement visant essentiellement à remettre en état ou améliorer l'infrastructure sociale ou économique d'un pays hôte pour l'aider à faire face à la présence de réfugiés, mais qui ne bénéficient pas directement à un nombre notable de réfugiés, devraient en règle générale être pris en charge par le PNUD et/ou d'autres organisations compétentes en matière de développement, y compris les ONG. Lorsque de tels projets offrent des possibilités d'activités génératrices de revenus durables pour les réfugiés, le HCR pourrait contribuer à leur financement au prorata du nombre des réfugiés parmi les bénéficiaires.

n) Lorsque la réintégration réussie des rapatriés volontaires dans un pays à faible revenu nécessite des investissements de développement au-delà des programmes du HCR, au bénéfice tant des rapatriés que de leurs compatriotes dans les régions concernées, le PNUD et/ou d'autres organisations compétentes en matière de développement ainsi que des ONG devraient participer dès que possible à la planification et à la mise en oeuvre d'autres mesures adéquates d'assistance à la réadaptation.

o) A tous les stades d'un problème de réfugiés, il est important que les bénéficiaires des projets participent à leur planification, leur gestion et leur exécution dans toute la mesure du possible, et dès que c'est possible.

Mesures de coordination

p) Les organes directeurs d'institutions chargées du développement devraient considérer la présence dans un pays d'un nombre important de réfugiés ou de rapatriés comme l'un des facteurs pertinents dans la planification de leurs programmes.

q) La complémentarité entre l'assistance aux réfugiés et l'aide au développement, c'est-à-dire le lien étroit entre ce dont les réfugiés ont besoin pour se prendre en charge et ce dont la population locale défavorisée a besoin, devrait être reflétée dans les structures et/ou les procédures de coordination pour le traitement de ces problèmes au niveau national, tant dans les pays hôtes que dans les pays qui offrent une assistance, ainsi qu'au sein des organisations internationales intéressées et entre elles.

r) Une coordination adéquate des projets de développement intéressant les réfugiés avec d'autres projets de développement, dans le contexte de la stratégie de développement du pays hôte, devrait avoir lieu sur le plan national, au moyen de mécanismes de consultation tels que les groupes consultatifs, consortiums ou tables rondes là où il en existe; lorsqu'un pays accueille un grand nombre de réfugiés, de sorte que leur présence affecte son développement, l'aide au développement intéressant les réfugiés serait passée en revue comme une composante régulière de ces processus consultatifs.

Annexe III : Projet de décision : Impact social et économique d'importantes populations réfugiées sur les pays hôtes en développement

Le Comité permanent,

D1 Note avec préoccupation l'impact d'importantes populations réfugiées sur les pays d'asile, en particulier les pays en développement dotés de ressources limitées;

D2 Exhorte le HCR, conformément à son mandat, à élaborer des stratégies préventives pour alléger cet impact et contribuer à compenser les retombées néfastes de la présence massive de réfugiés par le biais de projets mis en oeuvre avec l'appui des gouvernements hôtes, des institutions financières et de développement et de la communauté donatrice, et à jouer le rôle de catalyseur vis à vis des institutions financières et de développement pour la préparation et le financement d'importants projets de réadaptation;

D3 Exhorte les Etats membres du Comité exécutif à veiller à ce que leurs délégués auprès des différentes institutions financières et de développement usent de leurs bons offices pour promouvoir l'adoption de politiques et l'établissement de mécanismes, tant institutionnels que financiers, qui permettront la mise en oeuvre coordonnée et rapide des initiatives de développement et de relèvement orientées vers les réfugiés/rapatriés.


1 Version électronique mise à jour au 31 janvier 1997 incorporant les rectificatifs.