Rapport de la réunion du groupe d'experts chargé d'examiner la question du refuge temporaire en cas d'arrivees massives de réfugiés (Genève, 21-24 avril 1981)
Rapport de la réunion du groupe d'experts chargé d'examiner la question du refuge temporaire en cas d'arrivees massives de réfugiés (Genève, 21-24 avril 1981)
EC/SCP/16
Introduction
1. A sa trente et unième session, en octobre 1960, la Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire a prié le Haut Commissaire de réunir un groupe d'experts qui examinerait la question du refuge temporaire, sous tous ses aspects, dans le cadre des problèmes posés par les arrivées massives de réfugiés.
2. Pour répondre à cette demande, le Haut Commissaire a réuni un groupe d'experts de pays membres du Comité exécutif représentant différentes régions du monde. Le groupe s'est réuni au Palais des Nations à Genève du 21 au 24 avril 1981 (la liste des participants est reproduite à l'annexe 1).
3. La réunion était saisi, d'un document d'information rédigé par le Haut Commissariat et d'un document de travail présenté par l'expert australien.1
Déclaration liminaire du Haut Commissaire.2
4. Un réfugié a avant tout besoin d'être admis dans un pays d'asile. Nul ne doit être renvoyé dans un pays où il craint d'être persécuté. Toutefois, les arrivées massives de personnes en quête d'asile ont créé de graves problèmes et le Comité exécutif a souligné, à plusieurs reprises, la nécessité d'accorder au moins le refuge temporaire. Par ailleurs, la réinstallation de ces populations dans d'autres pays n'a pas toujours donné de bons résultats et le caractère temporaire de leur séjour dans les pays de premier asile présente de graves inconvénients, tant sur le plan matériel que juridique. Lorsqu'on examine les différents problèmes qui se posent en cas d'arrivées massives de réfugiés, il importe de veiller à ce que les principes élémentaires de la protection des réfugiés et des personnes en quête d'asile soient respectés.
Le Directeur de la protection internationale a pris la présidence.
5. L'ordre du jour ci-après a été adopté à l'unanimité :
1) Brèves déclarations liminaires des experts sur la pratique du refuge temporaire en cas d'arrivées massives de réfugiés.
2) Le refuge temporaire et l'asile.
3) Le refuge temporaire et le principe du non-refoulement.
4) Le refuge temporaire et la protection des personnes en quête d'asile en cas d'arrivées massives
a) dispositions relatives à l'admission;
b) traitement et statut juridique des personnes auxquelles le refuge temporaire est accordé;
c) mesures permettant de sauvegarder la sécurité personnelle des intéressés.
5) La solidarité internationale et le partage des charges dans leurs rapports avec le refuge temporaire et les solutions durables.
6) Questions diverses.
7) Adoption du rapport.
Brèves déclarations liminaires des experts sur la pratique du refuge temporaire en cas d'arrivées massives (point 1 de l'ordre du jour)
6. L'expert australien, lorsqu'il a présenté le document de travail dont il est l'auteur, en a brièvement souligné les points essentiels. Conscient des graves problèmes que posent les arrivées massives de réfugiés dans certaines régions du mande, le Comité exécutif du Programme avait demandé au Haut Commissaire de convoquer cette réunion d'experts pour qu'ils examinent les différents aspects du concept de refuge temporaire. Le refuge temporaire, ou asile temporaire, comme on l'appelait quelquefois, avait été pratiqué couramment par les Etats à différentes époques et dans différents pays. Le refuge, au asile, temporaire, était une notion et un type de protection que prévoyaient divers instruments et commentaires internationaux et que l'on connaissait aussi dans la pratique des Etats. Il fallait l'aborder du point de vue de sa nature juridique, de sa fonction, du principe général du non-refoulement et du concept d'asile, du statut de réfugié, de l'offre de solutions durables et de la solidarité internationale dans la recherche de ces solutions.
7. Les situations actuelles touchant les réfugiés montraient clairement que, dans certains cas, les Etats d'accueil n'étaient pas à même, au moment de l'admission, d'offrir l'asile permanent. Dans l'intervalle qui s'écoulait entre l'admission et l'offre d'une solution durable, il fallait définir des normes de base minimales propres à garantir la protection des réfugiés et des principes régissant l'octroi de solutions durables appropriées.
8. Au cours du débat qui a suivi cet exposé, des experts ont fait état des situations de réfugiés qui se sont présentées en Europe et en Afrique, dans bien des cas, il y a plus de 20 ans. Les Etats avaient accordé l'asile sur leur territoire en cas d'arrivées massives sans recourir à aucun autre concept. On a dit que, jusqu'à présent, la nation de « refuge temporaire » n'avait pas été jugée nécessaire et qu'elle pouvait avoir des effets fâcheux. On a fait observer aussi que la solution des problèmes résultant d'arrivées massives de réfugiés dépendait de l'application effective des principes de solidarité et de coopération internationales et non du sens donné au terme asile. Au surplus, en examinant l'opportunité d'adopter un nouveau concept, il fallait également tenir compte de ses incidences sur la personne en quête d'asile.
9. On a dit aussi que l'asile n'était pas nécessairement lié à l'octroi d'une solution durable et que, par conséquent, il n'y avait pas lieu de définir un nouveau concept applicable aux situations où une solution durable pouvait n'être pas trouvée immédiatement.
10. Des experts ont estimé que, dans certaines régions, les arrivées massives avaient changé la nature de l'asile ou de la protection que l'on pouvait offrir, bien que le principe du non-refoulement doive, indiscutablement, être maintenu. Il fallait donc savoir si un nouveau concept s'imposait ou si les problèmes dus aux arrivées massives pouvaient être résolus en utilisant les concepts existants et en les élargissant.
Le refus temporaire et l'asile (point 2 de l'ordre du jour.)
11. En présentant cette question, le Président a souligné qu'il était de la plus haute importance que les réfugiés se voient accorder l'asile permanent dans les délais les plus brefs. On a reconnu cependant qu'en cas d'arrivées massives, il pouvait n'être possible d'accorder que l'asile temporaire. Il fallait savoir si l'expression « refuge temporaire » convenait en pareil cas et si l'on pouvait tirer des conséquences juridiques de cette notion.
12. On a relevé, au cours du débat, que, quelle que soit l'expression utilisée pour désigner la nature du séjour temporaire des personnes en quête d'asile en cas d'arrivées massives, il fallait toujours leur garantir la protection contre le refoulement et la protection de l'intégrité physique et des droits fondamentaux de la personne humaine, notamment le droit à la nourriture et au logement. Le point de vue humanitaire ne pouvait être négligé.
13. On a toutefois déclaré également que si, selon la doctrine classique, l'octroi de l'asile était la prérogative des Etats, le droit individuel à l'asile avait déjà pris corps dans un certain nombre d'Etats. Il était désormais généralement admis en outre que, lorsque la vie était en danger, les Etats devaient offrir au moins l'asile temporaire. C'était là aux yeux d'un expert, une étape importante sur la voie de la reconnaissance universelle d'un droit individuel d'asile.
14. Un autre expert a cité l'exemple des « Etats de première ligne » en Afrique, où il arrivait bien sauvent, pour certaines catégories de réfugiés, que l'on ne trouve aucune solution convenable et qu'il faille recourir ultérieurement au placement dans d'autres pays d'Afrique. En pareil cas, il ne serait concevable de désigner cette pratique par le terme de « refuge temporaire » ou de « résidence temporaire » que si l'on avait la certitude que les réfugiés pourraient se rendre ensuite dans un autre pays.
15. Plusieurs orateurs ont estimé que l'une des principales difficultés venait de l'absence d'une définition précise de l'« asile ». L'un d'eux a fait observer que, jusqu'à présent, ces définitions ne distinguaient pas entre l'asile temporaire et l'asile permanent. Un autre orateur a à nouveau mis en question l'utilité de rechercher un nouveau concept - celui du refuge - qui ne pourrait que porter atteinte à la nation et à la pratique actuelles de l'asile ainsi qu'à l'application du principe de non-refoulement.
16. D'autres participants ont réaffirmé qu'il fallait considérer le problème d'un point de vue humanitaire et non du point de vue de l'Etat.
Le refuge temporaire et le principe du non-refoulement (point 3 de l'ordre du jour)
Le refuge temporaire et la protection des personnes en quête d'asile en cas d'arrivées massives (point 4 de l'ordre du jour)
17. En présentant les points 3 et 4, le Président a fait ressortir que le respect du principe de non-refoulement constituait un élément essentiel de la conception de temporaire ou durable. Il a exprimé l'espoir que les débats du Groupe mettraient en lumière l'importance primordiale de ce principe dans lequel on voyait une règle péremptoire du droit international. Les normes de traitement à réserver à une personne en quête d'asile qui, une fois admise, se voyait octroyer l'asile temporaire étaient toutefois moins bien définies et il a suggéré que le Groupe examine cet aspect particulier de la question.
18. Au cours du débat qui a suivi, les experts se sont accordés à reconnaître l'importance qui s'attachait au respect du principe du non-refoulement. Plusieurs orateurs ont déclaré que ce principe devait être scrupuleusement respecté envers toute personne en quête d'asile, même en cas d'arrivées massives. Plusieurs experts ont insisté sur le caractère obligatoire du principe du non-refoulement. Toutefois, à propos du statut des personnes admises à titre temporaire, l'avis général a été que pour définir des normes régissant leur traitement, il n'y avait pas lieu de faire appel à une notion juridique distincte.
19. A l'appui de la notion de refuge temporaire, un expert a fait observer que la Convention de 1951 opérait déjà une distinction entre les droits des personnes dont la présence était « légale » (article 32) et les droits de celles qui avaient pénétré illégalement dans le pays d'asile (article 31). Les personnes appartenant à la première catégorie pouvaient se voir octroyer par l'Etat, dans l'exercice de sa souveraineté, une gamme de droits plus étendue que les personnes dont la présence dans le pays d'asile était jugée illégale. Un autre expert a estimé que cette distinction ne s'appliquait pas en l'occurrence puisqu'un réfugié; qu'il se trouve légalement au illégalement sur le territoire, était protégé contre le refoulement. Il a fait observer également qu'en tout état de cause la plupart des réfugiés pénétraient « illégalement » dans un pays, en ce sens qu'ils étaient admis sans avoir les documents nécessaires jusqu'à ce que leur situation soit régularisée à la suite d'une série de formalités. Cet avis a été appuyé par un autre expert qui a dit qu'en cas d'arrivées massives, il était pratiquement impassible qu'un réfugié pénètre dans un pays autrement qu'irrégulièrement.
20. La plupart des orateurs se sont accordés à reconnaître que si la Convention de 1951 distinguait entre les normes de traitement à respecter envers les réfugiés qui se trouvaient légalement dans un pays et ceux qui y étaient entrés illégalement, cette distinction n'entraînait pas la reconnaissance implicite d'un type particulier de refuge temporaire. Un expert a fait observer en outre que les droits énumérés dans la Convention représentaient des normes minimums et complétaient d'autres droits énoncés dans d'autres instruments internationaux et applicables à toute personne, que sa situation sur le territoire soit régulière ou non.
21. Plusieurs experts ont toutefois été d'avis que les normes de traitement à respecter envers une personne dans la phase intermédiaire entre son admission et l'offre d'une solution durable appelaient plus de précisions. Les normes minimales de base définies dans le document de travail constituaient selon plusieurs experts un très bon point de départ. A cet égard, on s'est généralement accordé à reconnaître que le pays d'asile devrait être tenu de régulariser la situation d'une personne en quête d'asile si l'on tardait trop à trouver une solution durable. Un expert a mentionné à ce propos la pratique de son pays selon laquelle, en l'absence d'une décision négative, un réfugié était censé avoir le droit de résidence au bout de 3 mois. En cas de décision négative, il n'était pas renvoyé dans son propre pays, mais prié de chercher asile dans un pays tiers.
22. Plusieurs experts, tout en soulignant la nécessité d'appliquer le principe du non-refoulement, ont relevé la difficulté de définir le degré de protection à accorder en cas d'arrivées massives de personnes en quête d'asile. Un orateur a estimé que si les personnes se trouvant dans cette situation n'étaient peut-être pas strictement visées par la définition de la Convention de 1951, elles relevaient sans doute de la définition plus large du terme « réfugié » contenue dans la Convention de l'OUA. Il a également émis l'avis que l'application des normes définies dans la Convention de 1951 en cas d'arrivées massives serait, à plus long terme, facilitée par le principe de la solidarité internationale et du partage des charges.
La solidarité internationale et le partage des charmes dans leurs rapports avec le refuge temporaire et les solutions durables (point 5 de l'ordre du jour)
23. En présentant ce point, le Président a déclaré que le problème essentiel consistait à définir concrètement les incidences de la solidarité internationale, de manière que les pays de premier asile soient assurés du soutien de la communauté internationale en cas d'arrivées massives de réfugiés.
24. Au cours de la discussion qui a suivi, un expert a dit qu'il pourrait être nécessaire de définir l'expression « arrivées massives » ou d'en préciser le sens attendu que les répercussions de ces arrivées sur les ressources et l'infrastructure des pays étaient variables. Un expert a estimé que le principe du partage des charges était déjà respecté, même si son application n'était pas toujours immédiate. Il lui semblait donc que les mécanismes de secours devaient être renforcés de façon à garantir le soutien rapide et efficace de la communauté internationales Il a souligné toutefois que ces mesures de secours ne devaient pas être la condition nécessaire du respect absolu du principe du non-refoulement : elles devaient avoir pour rôle d'aider les Etats concernés à secourir les personnes en détresse et ne devaient pas aboutir à des déplacements injustifiés de personnes.
25. Un autre expert a souligné l'importance qui s'attache à développer le principe de la solidarité internationale. L'organisation de la présente réunion témoignait de l'attention croissante qu'accordait la communauté internationale aux grands déplacements de personnes auxquels on avait assisté. Il serait intéressant d'étudier les expériences de chaque région dans ce domaine. Il importait d'examiner les problèmes de protection que posaient ces mouvements de populations. L'orateur a exprimé l'espoir qu'une déclaration sincère et ferme sur la solidarité internationale serait formulée dans le contexte de la recherche de solutions durables.
26. Un expert a estimé que l'idée maîtresse du document de travail présenté par l'expert australien était que si les Etats avaient l'assurance que le système du partage des charges fonctionnerait bien, ils accepteraient plus facilement d'accueillir de nombreuses personnes en quête d'asile. Il a souligné que les arrivées massives étaient une réalité qui appelait une solution appropriée. Les experts juridiques ne pouvaient guère résoudre pareilles situations en élaborant des règles universellement applicables, car les causes en étaient souvent étroitement liées aux situations politiques et sociales propres à une région donnée. Le problème exigeait en réalité une solution politique et financière. On pouvait toutefois améliorer le cadre juridique nécessaire à la bonne administration de l'assistance octroyée au titre de la solidarité internationale et garantir le respect de normes humanitaires élémentaires pour le traitement des personnes en détresse. Il fallait notamment simplifier encore le mécanisme d'aide internationale, peut-être au moyen d'un système d'annonces de contributions financières, matérielles et techniques anticipées de la part des Etats. En autre, si l'on pouvait envisager des solutions qui tiennent dûment compte de la nécessité de réinstaller les personnes en quête d'asile de préférence dans la même région, ou au moins dans un environnement culturel favorable à leur bien-être, comme on l'avait fait en Afrique, il serait peut-être plus facile d'obtenir un engagement global.
27. On a dit que le concept de solidarité internationale s'appliquait à tous les Etats : les pays d'origine, les pays voisins, les pays de refuge temporaire et les Etats offrant des possibilités de réinstallation et une aide technique et financière. Plusieurs orateurs ont fait ressortir que les pays d'origine devaient s'employer à éliminer les causes de l'exode et à préparer les conditions au retour. Les Etats qui accordaient l'asile temporaire devraient aussi s'efforcer d'accepter le plus grand nombre de réfugiés possible à titre permanent.
28. Si, en cas d'arrivées massives, la solution la plus efficace était bien souvent le rapatriement, il était rendu difficile lorsque les réfugiés étaient autorisés à former des factions politiques militantes et lorsque l'aide aux réfugiés était accordée pour des motifs politiques. On avait des exemples récents où pareille situation rendait illusoire le rapatriement des réfugiés dans l'avenir immédiat. Il fallait parvenir à une mesure d'entente, à l'échelon local et régional, pour que la solidarité internationale permette d'assurer l'aide complémentaire qu'exige cette solution. Quant aux offres de réinstallation, la nécessité ne s'en était pas fait autant sentir en Afrique que dans d'autres régions. Toutes les régions devraient cependant envisager d'appliquer des solutions durables, et non pas seulement temporaires, car les programmes internationaux de réinstallation étaient parfois très sélectifs. Un expert a fait observer que certaines situations de réfugiés dépassaient les limites régionales, ce qui rendait difficile la mise en oeuvre de solutions durables. Pour cette raison, il demeurait nécessaire dans bien des cas d'aborder la question sous l'angle mondial.
29. Puisqu'on reconnaissait la nécessité de concrétiser la solidarité internationale, on pourrait peut-être trouver, dans l'examen minutieux d'instruments internationaux comme la Déclaration des Nations Unies sur l'asile territorial au la Convention de l'OUA sur les réfugiés la base de nouvelles mesures de coopération plus officielles grâce auxquelles le Haut Commissariat ou d'autres institutions appropriées pourrait obtenir l'assistance voulue en cas d'arrivées massives de réfugiés
30. A cet égard, un expert a évoqué les conclusions adoptées à ce sujet par le Groupe d'experts constitué à la Table ronde de Manille sur les problèmes actuels concernant la protection internationale des réfugiés et des personnes déplacées en Asie à sa session de San Remo, tenue en janvier 1981 paragraphes 65 et 66 du Rapport).
31. Un participant a fait observer qu'il existait toutefois des limites aux recours que les textes juridiques pouvaient offrir. Si le Groupe d'experts devait souligner que l'application du principe de la solidarité internationale était de première importance en cas d'arrivées massives, la solution restait d'ordre politique. D'autres orateurs ont toutefois estimé que le système du « fonds extraordinaire » devrait être mieux exploité. Le Président a indiqué le mécanisme du fonds extraordinaire actuel du HCR et ses limites et a précisé qu'il serait difficile d'obtenir des améliorations à ce niveau. On a alors proposé, pour résoudre le problème des plafonds financiers, d'appliquer une meilleure méthode d'annonces de contributions.
32. Des experts ont à nouveau souligné que les pays d'origine devaient s'attacher à supprimer les causes de l'exode. Ce devoir des Etats était aussi important que l'obligation de respecter le principe du non-refoulement.
33. En conclusion, le Président a souligné l'utilité des différentes suggestions tendant à renforcer les mécanismes actuels d'aide internationale. Il ne fallait cependant pas perdre de vue l'aspect politique ni les limites de la pression morale et des moyens de dissuasion qui pouvaient s'exercer pour inciter les pays d'origine à supprimer les causes de l'exode des populations. L'admission temporaire des personnes en quête d'asile ne devait pas être subordonnée à l'octroi d'une assistance internationale et les rapports entre les recours régionaux et mondiaux étaient un élément non négligeable. Il fallait toutefois conserver la souplesse voulue dans l'approche à l'égard de cette question.
34. Au cours du débat consacré aux conclusions provisoires, de nouvelles considérations ont été expressément mentionnées. S'agissant de l'obligation faite aux Etats de respecter le principe du non-refoulement, un expert a déclaré que cette protection restait subordonnée aux obligations contractées par les Etats en vertu des traités d'extradition. A ce propos, on a fait allusion à la discussion exhaustive de cette question à la cinquième réunion du Sous-Comité plénier sur la protection internationale.
35. Plusieurs experts ont évoqué les problèmes qui peuvent se poser lorsque les réfugiés ont des activités politiques dans le pays d'accueil. Tout en reconnaissant que les réfugiés ne devaient évidemment pas s'engager dans des activités subversives, un expert a déclaré que son pays garantissait à chacun la liberté de conscience et d'expression, et qu'il était très difficile de restreindre ces droits lorsqu'ils étaient exercés légalement.
36. Sur la question des différents types d'assistance qui devaient être accordés par la communauté internationale, en particulier en cas d'arrivées massives, plusieurs experts ont estimé que cette assistance devait comporter une aide technique sous la forme notamment de soins et de personnel médicaux. Un expert a été d'avis que cette assistance devait aussi incluse l'octroi de bourses et d'autres moyens d'éducation.
CONCLUSIONS
A l'issue de ce débat, le Groupe est parvenu aux conclusions ci-après :
I. PRINCIPES GENERAUX
37. Le problème des réfugiés est devenu particulièrement difficile en raison du nombre croissant de cas d'arrivées massives dans les différentes régions du monde. Les personnes en quête d'asile qui font partie de ces groupes comprennent des réfugiés au sens de la Convention des Nations Unies de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés ou des personnes qui, en raison d'une agression extérieure, de l'occupation, de la domination étrangère ou d'événements mettant gravement en péril l'ordre public dans tout ou partie de leur pays d'origine ou de nationalité, sont contraintes de chercher refuge hors de ce pays.
38. Les personnes en quête d'asile appartenant à ces groupes ont souvent des difficultés à trouver des solutions durables par le rapatriement librement consenti, l'installation sur place ou le transfert dans un pays tiers. Les arrivées massives posent sauvent de gros problèmes aux Etats, ce qui fait que certains, bien qu'ils se soient engagés à trouver des solutions durables, n'ont été en mesure que d'admettre les personnes en quête d'asile sans s'engager au moment de l'admission à assurer l'installation permanente de ces personnes sur leur territoire.
39. Il est donc indispensable, pour faire en sorte que les personnes en quête d'asile soient bien protégées en cas d'arrivées massives, de réaffirmer les normes minimales de base applicables à leur traitement en attendant qu'une solution durable soit trouvée, et de mettre au point des dispositions efficaces dans le contexte de la solidarité internationale et du partage des charges pour venir en aide aux pays qui reçoivent des personnes en quête d'asile et grand nombre.
II. PROTECTION DES PERSONNES EN QUETE D'ASILE EN CAS D'ARRIVEES MASSIVES
A. Admission et non-refoulement
40.
i) En cas d'arrivées massives, les personnes en quête d'asile doivent être admises par l'Etat où elles recherchent d'abord refuge et, si cet Etat ne peut leur accorder l'asile à titre durable, il doit au moins le leur offrir à titre temporaire. Ces personnes doivent être admises sans distinction fondée sur la race, la religion, la nationalité, l'opinion politique au l'incapacité physique.
ii) Dans tous les cas, le principe fondamental du non-refoulement doit être scrupuleusement respecté et le refus d'admission à la frontière doit être exclu.
B. Traitement des personnes en quête d'asile qui ont été admises à titre temporaire dans un pays en attendant qu'une solution durable soit trouvée
41.
i) L'article 31 de la Convention de 1951 des Nations Unies relative au statut des réfugiés contient des dispositions relatives au traitement des réfugiés qui sont entrés dans un pays sans autorisation et dont la situation n'a pas encore été régularisée. Toutefois, les normes définies dans cet article ne couvrent pas tous les aspects du traitement des personnes en quête d'asile en cas d'arrivées massives.
ii) il est donc essentiel que les personnes en quête d'asile qui ont été admises à titre temporaire en attendant qu'une solution durable soit trouvée soient traitées selon les normes humanitaires minimales de base énumérées ci-après :
a) elles ne doivent pas être pénalisées ou exposées à un traitement défavorable uniquement parce que leur présence dans le pays est jugée irrégulière, et leur liberté de mouvement ne doit être restreinte que dans la mesure où l'intérêt de la santé et de l'ordre publics l'exige;
b) elles doivent pouvoir exercer les droits fondamentaux internationalement reconnus, notamment ceux qui sont énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme;
c) elles doivent être traitées comme des personnes dont le sort tragique demande une compréhension et une sympathie particulières. Elles doivent recevoir toute l'assistance nécessaire et elles ne doivent pas être exposées à des traitements cruels, inhumains ou dégradants;
d) aucune discrimination ne doit être exercée à leur encontre pour des motifs fondés sur la race, la religion, l'opinion politique, la nationalité au le pays d'origine;
e) elles sont des personnes au regard de la loi et ont donc librement accès aux tribunaux et autres autorités administratives compétentes;
f) le lieu de résidence des personnes en quête d'asile doit être déterminé par leur sécurité et leur bien-être ainsi que par le souci de sécurité de l'Etat d'accueil. Les personnes en quête d'asile doivent, dans la mesure du possible, être installées à une distance raisonnable de la frontière de leur pays d'origine. Elles ne doivent pas s'engager dans des activités subversives contre leur pays d'origine ou un autre Etat;
g) elles doivent pouvoir disposer des produits de première nécessité : vivres, abri et services sanitaires et médicaux de base, notamment;
h) la cohésion de la famille doit être respectée;
i) toute l'aide possible doit être apportée à la recherche des parents;
j) toute l'attention voulue doit être accordée à la protection des mineurs et des enfants non accompagnés;
k) l'envoi et la réception de correspondance doivent être autorisés;
l) l'assistance matérielle d'amis ou de parents doit être autorisée;
m) les dispositions nécessaires doivent être prises, dans la mesure du possible, pour l'enregistrement des naissances, des décès et des mariages;
n) les personnes en quête d'asile doivent bénéficier de tous les services nécessaires pour parvenir à trouver une bonne solution durable;
o) elles doivent être autorisées à transférer les avoirs qu'elles ont apportés dans le pays où elles vont s'installer définitivement; et
p) toutes les mesures doivent être prises pour faciliter le rapatriement librement consenti.
III. COOPERATION AVEC LE HAUT COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES POUR LES REFUGIES
42. Les personnes en quête d'asile doivent être autorisées à contacter le Haut Commissariat pour les réfugiés. Le HCR doit également pouvoir s'entretenir avec les personnes en quête d'asile. Il doit aussi pouvoir exercer sa fonction de protection internationale et veiller au bien-être des personnes qui arrivent dans centres d'accueil ou autres centres de réfugiés.
IV. SOLIDARITE INTERNATIONALE, PARTAGE DES CHARGES ET DEVOIRS DES ETATS
43.
a) Au titre de la solidarité internationale et du partage des charges, les Etats doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour aider, sur demande, les Etats qui ont admis des personnes en quête d'asile en cas d'arrivées massives.
b) Ces mesures doivent être adoptées sur une base bilatérale ou multilatérale, à l'échelon régional ou mondial et en collaboration avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le cas échéant. Les efforts doivent porter avant tout sur la recherche de solutions appropriées dans le contexte régional.
c) Les mesures prises en vue du partage des charges doivent viser à faciliter le rapatriement librement consenti, à promouvoir l'installation sur place dans, le pays d'accueil au à fournir des possibilités de réinstallation dans les pays tiers, selon le cas.
d) Les mesures prises au titre du partage des charges doivent être adaptées à la situation particulière. Elles doivent porter, notamment, sur les points suivants : assistance financière et technique d'urgence; assistance en nature et annonce anticipée de contributions financières supplémentaires au autres types d'assistance destinée à couvrir les besoins au-delà de la phase d'urgence, jusqu'à ce que des solutions durables soient trouvées, et lorsque le rapatriement librement consenti ou l'installation sur place ne peuvent être envisagés, offre aux intéressés de possibilités de réinstallation dans un environnement culturel adapté à leur bien-être.
e) les efforts doivent porter sur le renforcement des mécanismes existants et, selon le cas, sur l'élaboration de nouvelles dispositions, si possible à titre permanent, propres à faire en sorte que les fonds nécessaires et toute autre forme d'assistance matérielle et technique soient immédiatement disponibles
f) Dans un esprit de solidarité internationale, les gouvernements doivent aussi veiller à éliminer autant que possible les causes des arrivées massives de personnes en quête d'asile et, devant des situations de ce type, à faire en sorte que des conditions favorables au rapatriement librement consenti soient créées.
ANNEXE 1 REUNION DU GROUPE D'EXPERTS CHARGE D'EXAMINER LA QUESTION DU REFUGE TEMPORAIRE EN CAS D'ARRIVEES MASSIVES (Genève, 21 avril 1981)
LISTE DES PARTICIPANTS
Professeur C. Dunshee de ABRANCHES, Professeur de droit international public Université d'Etat de Rio de Janeiro (Brésil)
Dr A. AGUILAR, Membre de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (Venezuela)
M. K. BELL, Directeur exécutif adjoint, Commission de l'emploi et de l'immigration (Canada)
Professeur M. BENNOUNA, Professeur agrégé à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat (Maroc)
M. G. J. L. COLES, Deputy Legal Adviser, Ministère des Affaires étrangères (Australie)
Professeur H. GAMMELTOFT-HANSEN, Président du Conseil danois pour les réfugiés (Danemark)
M. GU Shirong, Adjoint du chef de la Division, Département des lois et traités, Ministère des affaires étrangères (Chine)
M. H. HOMMA, Directeur de recherche à là Bibliothèque de la Diète nationale, maître-assistant à la Faculté de droit de l'Université Hosei (Japon)
Professeur G. KOJANEC, Professeur de droit international, Conseiller juridique, Ministère des affaires étrangères (Italie)
M. D. MARTIN, Assistant Professor of Law, University of Virginia, Charlotteville (Etats-Unis d'Amérique)
Mme R. O. OLOMOJOBI, Principal State Counsel, Ministère fédéral de la Justice (Nigéria)
Sayed Natale OLWAX Akolawin, Avocat et commissaire aux serments (Soudan)
Dr P. PHIPATANAKUL, Doyen de la Faculté de droit, Université Thammasat (Thaïlande)
M. M. J. VAN EMDE BOAS, Chef du Département de Justice et police, Ministère de la Justice (Pays-Bas)
M. J. S. WAROBIA, Procureur général, Ministère de la Justice (Tanzanie)
Dr P. WEIS (Royaume-Uni)
DIVISION DE LA PROTECTION DU HCR
M. P.M. HOUSSALLI, Directeur de la protection internationale
M. K. JACKSON, Directeur adjoint
M. J. PATRNOGIC, Directeur adjoint
M. F. E. KRENZ, Chef de la Section juridique générale
M. M. FARTASH, Conseiller juridique principal
Mlle B. GRAINGER, Juriste
1 Ces documents peuvent être obtenus sur demande.
2 Ces documents peuvent être obtenus sur demande.