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Note sur la protection internationale (présentée par le Haut Commissaire)

Réunions du Comité exécutif

Note sur la protection internationale (présentée par le Haut Commissaire)
A/AC.96/623

31 Août 1983

Introduction

1. Cette note tente de fournir une évaluation des problèmes actuels dans le domaine de la protection internationale. La solidarité et la coopération internationales constituent les composantes essentielles de la protection internationale dans la mesure où tous les Etats qui font partie de la communauté internationale ont intérêt à s'assurer que les réfugiés, où qu'ils se trouvent, soient traités conformément aux principes humanitaires reconnus. Elles sont également l'expression du désir de la communauté internationale de venir en aide aux Etats qui sont le plus directement touchés par les problèmes des réfugiés. Cette aide est essentielle, pour permettre au Haut Commissaire de remplir ses tâches et, en particulier, d'étendre la protection internationale aux réfugiés.

2. Le souci que partagent les Etats de s'assurer que les réfugiés soient traités conformément aux principes humanitaires reconnus constitue le ressort principal de l'action du Haut Commissaire dans le domaine de la protection internationale. Dans les activités qu'il déploie pour protéger les réfugiés, il se peut, en fait, que le Haut Commissaire soit appelé à mettre en question les mesures prises ou envisagées par les autorités gouvernementales à l'égard des réfugiés. Cependant, en dernière analyse, le rôle clé du Haut Commissaire en matière de protection internationale est d'encourager l'application des normes juridiques et humanitaires établies par la communauté internationale en faveur des réfugiés. Ce faisant, le Haut Commissaire ne peut agir que par l'intermédiaire des Gouvernements, dont la bonne volonté et la coopération sont d'une importance primordiale.

3. Bon nombre de questions qui surgissent en matière de protection internationale ne peuvent être examinées indépendamment du contexte général et des problèmes que posent aux Etats les situations de réfugiés, tant sur le plan national qu'à l'échelle mondiale. Eu égard à leur ampleur et à leur complexité ainsi qu'à leur impact sur la protection internationale, ces problèmes doivent rester bien présents à l'esprit. Dans les paragraphes qui suivent une tentative est faite de mettre face à face les problèmes des Etats et les difficultés des réfugiés et des personnes en quête d'asile. Les conclusions que nous tirons de cet examen sont sources de préoccupations car elles révèlent une nette détérioration de la situation des réfugiés et des personnes en quête d'asile dans bien des régions du monde; elles révèlent, en outre, une conscience moins aiguë de la situation particulière du réfugié et de la nécessité de s'assurer que les normes fixées à leur intention ne soient pas affaiblies. Toutefois cet aspect troublant du tableau général ne doit pas nous faire oublier qu'un grand nombre de réfugiés dans différentes régions, du monde continuent de trouver asile et d'être traités conformément aux normes acceptées par la communauté internationale.

Problèmes confrontés par les Etats intéressant particulièrement la protection internationale des réfugiés

4. Avant de décrire les diverses difficultés auxquelles se heurtent actuellement les réfugiés et les personnes en quête d'asile en ce qui concerne la protection de leurs droits fondamentaux, il est suggéré d'esquisser une série ce problèmes qui, au sens du Haut Commissariat, se posent actuellement aux Etats dans le domaine des réfugiés.

5. Dans la Note sur la protection internationale soumise au Comité exécutif à sa trente-troisième session, il a été fait mention de quelques tendances et de leurs répercussions sur le protection internationale des réfugiés et des personnes en quête d'asile.1 Ces tendances sont les suivantes : la persistance des arrivées massives de personnes en quête d'asile tant dans les pays développés que dans les pays un voie de développement; les mouvements massifs en provenance de régions moins développées, de personnes quittant volontairement leur pays d'origine attirées par la perspective de conditions économiques plus favorables; une diminution de la capacité des pays d'absorber de nouvelles arrivées massives, un ressentiment perceptible à l'égard des étrangers en général et une tendance à confondre les réfugiés avec les étrangers ordinaires, ce qui a conduit, dans une large mesure, à une perception moins aiguë de la situation particulière des réfugiés.

6. Ces tendances, qui n'ont cessé de se manifester depuis la trente-troisième session du Comité exécutif, ont rendu plus difficile la tâche d'identification de solutions durables aux problèmes des réfugiés. Du temps où il était plus facile de trouver des solutions durables, le problème des réfugiés dans le monde ne se posait pas de façon aussi critique. Dans de nombreuses régions, les réfugiés ont pu être intégrés clans des pays de premier asile et lorsque cette intégration n'a pas été passable pour diverses raisons, la réinstallation dans des pays tiers a souvent constitué une solution de rechange viable. En autre, au cours de la période post coloniale, le rapatriement librement consenti a souvent a été une solution réaliste et importante. Pour précaire qu'il soit, un équilibre a aussi été atteint entre l'émergence de problèmes de réfugiés et l'identification de solutions durables, ce qui a facilité l'application des principes de protection internationale.

7. Dons un certain nombre de situations de réfugiés plus récentes, l'installation sur place est devenue une solution moins praticable en raison de l'énorme fardeau imposé aux pays accueillant des réfugiés; de plus, la possibilité de la réinstallation comme solution de rechange est plus limitée qu'auparavant. Enfin, vu la nature et le contexte politique de bien des problèmes de réfugiés, la solution du rapatriement librement consenti, si elle est possible, ne peut être qu'une perspective à plus long terme.

8. Le fait qu'il soit devenu beaucoup plus difficile de trouver ces solutions durables, aggravé les tensions résultant des problèmes des réfugiés et rend ainsi plus délicate la fonction de protection internationale du Haut Commissariat. Dans de telles circonstances, il est de la plus haute importance pour les Etats les plus touchés de pouvoir compter sans réserve sur la coopération de la communauté internationale dans la recherche de solutions aux problèmes des réfugiés. Cette coopération doit garantir la fourniture d'une assistance matérielle et financière, lorsque le besoin s'en fait sentir, de façon à faciliter l'intégration des réfugiés dans les pays d'asile. Elle doit aussi viser à créer le climat politique nécessaire à l'application de la solution du rapatriement librement consenti, de façon à ce que les réfugiés puissent retourner chez eux en toute sécurité et dignité. A ce stade critique, il est également indispensable que le communauté internationale examine les aspects les plus fondamentaux des situations des réfugiés, c'est-à-dire les causes des problèmes des réfugiés et la nécessité, pour les Gouvernements, d'éviter de prendre des mesures susceptibles de créer des mouvements de réfugiés qui sont actuellement caractérisées par la violation des droits de l'homme et ne plus en plus, par l'activité militaire ou armée. Cet examen doit être effectué sur l'initiative des états ou par l'entremise des organes politiques compétents des Nations Unies et soit constituer le prolongement des relations amicales et pacifiques entre Etats. Il doit former le pendant essentiel de l'action humanitaire déployée pour résoudre les problèmes de réfugiés lorsqu'ils surviennent.

9. Une efficace coopération internationale dans le sens indiqué plus haut contribuera à garantir que les principes acceptes de protection internationale ne soient pas sapés, que les pays de premier asile continuent de respecter le principe du non-refoulement, qu'ils suivent des pratiques libérales en matière d'admission de demandeurs d'asile et qu'ils traitent les réfugiés et les personnes en quête d'asile conformément aux normes humanitaires reconnues. Dans les conclusions adoptées à sa trente-deuxième session,2 le Comité exécutif a défini des normes minima quant au traitement des personnes en quête d'asile en cas d'arrivées massive.

Difficultés actuellement rencontrées par les réfugiés et les personnes en quête d'asile dans le contexte de la protection internationale.

10. Comme nous, l'avons dit dans l'introduction, différentes régions du monde ont été le théâtre d'une détérioration prononcée de la situation des réfugiés et des personnes en quête d'asile. Cette détérioration concerne surtout l'admission et le traitement des personnes en quête d'asile et des réfugiés ainsi que la persistance des menaces ou atteintes à leur sécurité physique.

11. Dans un certain nombre de pays l'admission, même temporaire, a été refusée aux réfugiés ce qui les a contraints à rester dans les régions frontalières où leur sécurité physique et même leur vie, ont été gravement menacées. Lorsque l'asile temporaire est accordé, les réfugiés sont fréquemment assignés dans des camps pendant de longues périodes sans une solution durable un vue et avec toutes les épreuves que cette situation ne peut manquer d'entraîner.

12. En outre, les Gouvernements ont de plus en plus tendance à considérer l'agile comme purement temporaire au détriment du besoin urgent pour les réfugiés de trouver une solution durable.

13. Dans un certain nombre de cas, les réfugiés ont été exploités à des fins politiques et militaires et n'ont pas eu accès à une solution humanitaire que leur situation exige d'urgence.

14. Dans la Note sur la protection internationale soumise au Comité exécutif à sa trente-troisième session,3 et dans le Rapport du Haut Commissaire à la trente-huitième session de l'Assemblée générale,4 il est fait mention de la pratique d'un certain nombre de pays qui, face à un grand nombre de personnes en quête d'asile, ont recours à des mesures impliquant plusieurs formes de « dissuasion ». Parmi ces mesures, on note la détention de personnes en quête d'asile et l'instauration d'un régime de subsistance dans les camps, temporaires de façon à décourager les arrivées futures. Dans d'autres pays, les demandeurs d'asile n'ont pas le droit de gagner leur vie ou ne reçoivent plus l'assistance qui leur était offerte auparavant.

15. La détention de réfugiés et de personnes en quête d'asile qui n'ont contre eux que le fait d'être considérés comme des immigrants clandestins constitue toujours un problème grave. Dans ces pays, une personne en quête d'asile peut être relâchée une fois que la caractère bona fine de sa demande est établi. Ailleurs, les personnes en quête d'asile sont automatiquement détenues pour une durée indéterminée sans tenir compte du caractère bien-fondé ou non de la demande.

16. Il semble que dans bon nombre de pays il soit de plus en plus difficile aux réfugiés d'obtenir la reconnaissance de leur statut. Certains pays ont recours à une interprétation très stricte des critères pertinents pour le statut de réfugié ou à une sévérité excessive des moyens de preuves exigés. Dans les pays où la législation nationale le permet, on a également eu tendance à accorder un statut moins avantageux - assorti en conséquence d'un éventail de droits plus étroit - à des personnes qui, moyennant une interprétation équitable des critères pertinents, auraient dû recevoir le statut de réfugié à part entière.

17. La persistance des menaces ou des atteintes à la sécurité personnelle des réfugiés exige une action urgente de la part des Etats. Les causes profondes de ce phénomène sont multiples et complexes. Il est indéniable qu'elles sont, du moins partiellement, le produit de la situation spécialement vulnérable où les réfugiés et les demandeurs d'asile se trouvent dans différentes régions du monde. Cette situation vulnérable résultant en particulier du fait qu'ils sont obligés de rester trop longtemps dans des camps, dans un climat général d'hostilité, sans que leur caractère de réfugié soit pleinement compris. Dans de telles circonstances, les réfugiés peuvent devenir la proie facile de traitements brutaux et dégradants ou d'enlèvements.

18. Les réfugiés et les personnes en quête d'asile résident dans des camps ou des zones d'installation au intégrés au sein de la communauté locale, ont fait l'objet de bombardements aveugles et d'incursions perpétrées par les forces armées de leur pays d'origine qui semblent considérer que ces attaques peuvent être lancées impunément. Il est arrivé qu'un pays d'asile, se trouvant dans une situation particulièrement précaire, ait reçu des demandes exigeant le retour forcé des réfugiés ou leur départ du territoire.

19. En ce qui concerne les actes de piraterie contre les demandeurs d'asile dans des bateaux dans la Mer de Chine méridionale il se peut que la situation se soit quelque peu améliorée depuis le début du programme de lutte contre la piraterie du HCR et du Gouvernement royal thaïlandais. Toutefois, une large fraction de bateaux transportant des demandeurs d'asile continue d'être attaquée - nombre d'entre eux à maintes reprises - et les viols multiples, le meurtre ainsi que l'enlèvement se produisent constamment. Le tableau général de la situation continue donc de donner lieu aux plus graves préoccupations.

Responsabilités respectives de la communauté internationale et du Haut Commissaire face aux problèmes actuels en matière de protection internationale

20. La nature critique des difficultés auxquelles doivent faire face les réfugiés et les personnes en quête d'asile telles qu'elles sont décrites plus haut, laisse à penser que les principes élaborés par les Etats pour la protection des réfugiés et des personnes en quête d'asile courent un danger réel d'érosion. Les efforts visant à opérer un renversement de cette tendance constituent une tâche prioritaire du Haut Commissariat dans le domaine de la protection internationale. Il faut toutefois relever que bien des problèmes actuels des réfugiés diffèrent sensiblement à la fois par leur portée et leur nature de ceux qui prévalaient lorsque le Haut Commissariat a été établi il y a une trentaine d'années. Il en découle l'impossibilité de compter exclusivement sur des solutions traditionnelles et la nécessité d'envisager des approches nouvelles et imaginatives qui, par ailleurs, faciliteraient l'exercice pour le Haut Commissaire de sa fonction de protection internationale.

21. Il faut reconnaître que le Haut Commissaire ne peut agir efficacement qu'avec la bonne volonté et la coopération des Gouvernements à qui il incombe en priorité de résoudre les problèmes des réfugiés. Il est donc important que les Gouvernements prennent les initiatives nécessaires sur le plan politique, notamment en s'efforçant de supprimer les causes premières des problèmes particuliers des réfugiés ou en créant les conditions propices au rapatriement librement consenti ou, dans le contexte de l'assistance, en permettant aux pays d'asile de porter le fardeau des problèmes de réfugiés et en assurant la disponibilité de solutions durables.

22. Dans ce contexte de coopération internationale, le Haut Commissaire a un rôle important à jouer, qui n'est limité que par le caractère humanitaire et apolitique de son mandat. Ses efforts doivent avoir pour but d'encourager la création d'un climat international permettant que des mesures destinées à résoudre les problèmes des réfugiés puissent être initiées et coordonnées de façon efficace. Pour jouer ce rôle de catalyseur, le Haut Commissaire doit utiliser tous les moyens à sa disposition pour favoriser une plus large prise de conscience de la nature et de l'ampleur des problèmes des réfugiés et le développement d'idées constructives pour les résoudre, non seulement au niveau gouvernemental mais aussi non gouvernemental et universitaire.

23. Les questions clés causes premières des problèmes de réfugiés et des mesures à prendre pour les résoudre doivent également être examinées. Considérant leur nature politique, ces tâches n'incombent pas directement au Haut Commissaire, mais elles font toutefois partie intégrante d'une approche globale du problème.

24. Dans le cadre d'une telle coopération internationale constructive, le Haut Commissaire doit continuer à poursuivre ses objectifs de protection internationale en encourageant la réaffirmation des principes de protection internationale et leur mise en oeuvre. Il doit aussi chercher à s'assurer que ces principes continuent d'êtres développés afin de couvrir les aspects des problèmes des réfugiés qui ne font pas encore l'objet de normes juridiques appropriées.

25. Les principes et les normes des instruments internationaux relatifs aux réfugiés contiennent une lacune dans la mesure où ils ne traitent pas directement de l'admission des demandeurs d'asile et qu'ils n'abordent que de façon partielle la question du traitement applicable en attendant la détermination de leur statut. Ces question ont été examinés par le Comité exécutif dans le contexte d'arrivées massives et les conclusions adoptées à sa trente-deuxième session fournissent une excellente base de départ pour la réalisation de nouveaux progrès juridiques dans ce domaine.5

26. Les différents problèmes des réfugiés et des personnes en quête d'asile relatifs à leur sécurité physique montrent que cette question n'est pas suffisamment couverte par les principes existants de droit international et sont indicatifs du besoin éventuel de définir plus clairement les responsabilités des différentes parties concernées. Dans ce contexte, il faut accorder une attention toute particulière aux mesures préventives prises pour s'assurer que les réfugiés et les personnes en quête d'asile ne soient pas exposés aux risques d'atteintes à leur sécurité personnelle. Il faut en outre définir de façon plus explicite les obligations de la communauté internationale à l'égard des réfugiés et des personnes en quête d'asile, victimes de telles atteintes.

Conclusions

27. Une analyse des tendances actuelles dans le domaine de la protection internationale montre à l'évidence que l'exercice de cette fonction essentielle du Haut Commissariat est entre clans une phase critique. Il est donc urgent que le Haut Commissaire mais aussi la communauté internationale fassent un nouvel effort pour surmonter l'épreuve. Les Etats ont la responsabilité première d'assurer que le Haut Commissaire puisse assumer sa fonction de protection internationale de la façon la plus efficace en établissant un cadre complet de coopération internationale. Pour sa part, le Haut Commissaire doit s'assurer que les principes de protection internationale soient réaffirmés avec force, pleinement appliqués et, développée suivant les nécessités. Hormis ce devoir, le Haut Commissaire a un rôle important à jouer encourager les tentatives visant à renforcer la coopération internationale et promouvoir une approche humanitaire globale du problème des réfugiés tendant à faciliter l'exercice de sa fonction de protection internationale.


1 A/AC.96/609, paragraphe 10.

2 A/36/12/Add.1, paragraphe 57(2).

3 A/AC.96/609, paragraphe 11.

4 A/38/12.

5 A/36/12/Add.1, paragraphe 3 57(2).