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CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES COMPTE RENDU DE LA DEUXIEME SEANCE

CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES COMPTE RENDU DE LA DEUXIEME SEANCE
A/CONF.2/SR.2

20 Juillet 1951
Présents :
Président :M. LARSEN (Danemark)
Membres :
AustralieM. SHAW
AutricheM. FRITZER
BelgiqueM. HERMENT
CanadaM. CHANCE
DanemarkM. HOEG
EgypteMOSTAFA BEY
Etats-Unis d'AmériqueM. WARREN
FranceM. ROCHEFORT
GrèceM. PHILON
IrakM. AL PACHACHI
IsraëlM. ROBINSON
ItalieM. del DRAGO
LuxembourgM. STURM
NorvègeM. ANKER
Pays-BasBaron van BOETZELAER
République fédérale d'AllemagneM. von TRÜTZSCHLER
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et Irlande du NordM. HOARE
SuèdeM. PETREN
Suisse (et Liechtenstein)M. SCHURCH
TurquieM. MIRAS
YougoslavieM. MAKIEDO
Observateur
IranM. KAFAI
Haut Commissaire pour les RéfugiésM. van HEUVEN-GOEDHART
Représentants d'institutions spécialisées et d'autres organisations intergouvernementales.
Organisation internationale du TravailM. WOLF
Organisation internationale pour les réfugiésM. STEPHENS
Conseil de l'EuropeM. von SCHMIEDEN
Représentants d'organisations non-gouvernementales : Catégorie B et Registre
Alliance universelle des Unions chrétiennes de jeunes fillesMlle ARNOLD
Caritas InternationalisM. BRAUN, M. METTERNICH
Comité de coordination d'organisations juivesM. WARBURG
Comité consultatif mondial de la Société des AmisM. BELL
Comité international de la Croix-RougeM. RUEGGER, M. COURSIER
Congrès juif mondialM. RIEGNER
Conseil consultatif d'organisations juivesM. MEYROWITZ
Fédération internationale des amis des jeunes fillesMlle van WIRVEKE
Ligue internationale des sociétés de Croix-RougeM. LEDERMANN
Union internationale des ligues féminines catholiquesMlle de ROMER
Secrétariat :
M. HumphreySecrétaire exécutif
Mlle KitchenSecrétaire exécutive adjointe

1. QUESTION DE LA PARTICIPATION DU SAINT-SIEGE A LA CONFERENCE

Le PRESIDENT demande aux représentants qui n'ont pas encore présenté leurs pouvoirs de le faire dès que possible.

M. WARREN (Etats-Unis d'Amérique)voudrait soulever la question de la participation du Saint-Siège à la Conférence. Un observateur du Vatican a suivi régulièrement les travaux de l'Organisation internationale pour les réfugiés. En outre, le Saint-Siège s'est toujours intéressé aux diverses activités entreprises en vue de résoudre le problème des réfugiés et il s'y est toujours associé.

Le PRESIDENT indique que le Secrétaire général des Nations Unies n'a pas adressé d'invitation au Saint-Siège. Il appartient à la Conférence de prendre les mesures nécessaires si elle désire que le Saint-Siège envoie un observateur.

MOSTAFA Bey (Egypte) pense que le Saint-Siège, qui a accompli en faveur des réfugiés une oeuvre humanitaire admirable pourra apporter aux travaux de la Conférence une précieuse contribution ; aussi propose-t-il que le Saint-Siège soit invité à envoyer un représentant à la Conférence. Le représentant de l'Egypte estime, de plus, que le Saint-Siège devrait être représenté, non pas par un observateur, mais par un plénipotentiaire : le traité de Latran a reconnu au Saint-Siège la qualité d'Etat ; il est donc logique qu'il soit représenté au même titre que les autres Etats participant à la Conférence.

M. ROCHEFORT (France), M. del DRAGO (Italie) et M. WARREN (Etats-Unis d'Amérique)appuient la proposition du représentant de l'Egypte.

Cette proposition est adoptée à l'unanimité.

2. ADOPTION DU REGLEMENT INTERIEUR PROVISOIRE (point 4 de l'ordre du jour (A/CONF.2/3 et Add.1, A/CONF.2/8) (reprise de l'examen de la première séance)

Le PRESIDENT invite les représentants à examiner le règlement intérieur provisoire d'après les documents A/CONF.2/3 et A/CONF.2/3/Add.1.

Les articles 1 à 22 sont adoptés sans observation

M. ROCHEFORT (France) signale que dans le texte français de l'article 23 il y a lieu de remplacer « il » par « elle ».

L'article 23 est adopté sous réserve de cette correction au texte français.

Les articles 24, 25 et 26 sont adoptés sans observation.

En réponse à une remarque de M. ROCHEFORT (France) qui s'est déclaré d'avis d'adopter l'article additionnel proposé par la délégation de la Belgique (A/CONF.2/8), M. HERMENT (Belgique) précise que le texte qu'il a proposé devrait être assimilé à l'article 27, car il tend à conférer au Conseil de l'Europe les droits que l'article 27 accorde aux institutions spécialisées et aux organisations non gouvernementales. Le Conseil de l'Europe se préoccupe vivement de la question des réfugiés ; la preuve en est que ses experts se sont récemment réunis à Strasbourg pour l'étudier. Le Conseil pourrait donc apporter aux travaux de la Conférence une contribution très constructive.

Au cas où son amendement serait adopté, le titre du chapitre XII du Règlement intérieur devrait, en conséquence, être changé en : « Institutions spécialisées et organisations intergouvernementales et non gouvernementales ».

Le PRESIDENT appelle l'attention des représentants sur la proposition du Secrétariat (A/CONF.2/3/Add.1) tendant à ajouter un paragraphe 3 à l'article 27.A supposer que la proposition du Secrétariat et la proposition de la Belgique soient adoptées l'article 27 comprendrait quatre paragraphes au lieu de deux qu'il comptait tout d'abord.

Répondant à M. WARREN (Etats-Unis d'Amérique), le SECRETAIRE EXECUTIF précise que le but de la proposition du Secrétariat est de donner un statut approprié aux organisations non-gouvernementales figurant sur le Registre mais auxquelles n'a pas été accordé le statut consultatif auprès du Conseil économique et social.

La proposition de la Belgique est adoptée

La proposition du Secrétariat (A/CONF.2/3/Add.1) est adoptée.

L'article 27 est adopté sous sa forme amendée.

L'article 28 est adopté sans observation.

Le règlement intérieur provisoire (A/CONF.2/3) est adopté à l'unanimité sous sa forme amendée.

3. PROCEDURE A SUIVRE PAR LA CONFERENCE POUR L'EXAMEN (a) DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES et (b) DU PROJET DE PROTOCOLE RELATIF AU STATUT DES APATRIDES (point 5 de l'ordre du jour)

Le PRESIDENT rappelle que certains gouvernements ont eu auparavant bien des occasions de faire connaître leur point de vue devant l'Assemblée générale, devant le Conseil économique et social et devant le Comité spécial pour les réfugiés et les apatrides. Cependant d'autres gouvernements n'ayant pas participé aux débats antérieurs tiendront certainement à définir leur attitude générale avant que la Conférence n'entreprenne dans le détail l'examen du projet de convention.

M. ROBINSON (Israël) tient à présenter certaines propositions précises relatives à la procédure. De l'avis de sa délégation, la Conférence doit tout d'abord régler quatre questions distinctes. La première question est celle de savoir si le projet de convention que contient le document A/CONF.2/1 devrait servir de base à ses travaux ; la deuxième, celle de savoir s'il y a lieu de procéder à une discussion générale ; la troisième porte sur la méthode qui sera suivie pour l'examen du projet de convention si celui-ci est pris pour document de base ; enfin, un certain nombre de questions sont restées sans réponse dans le projet de convention, par exemple la question de l'admission des réfugiés, celle du service militaire, celle qui a trait à la clause fédérale etc... Quand et comment la Conférence s'occupera-t-elle de ces questions restées en suspens ?

Revenant à la première question, l'orateur fait remarquer que bien que l'Assemblée générale ait recommandé que la Conférence prenne le projet de convention (A/CONF.2/1) pour base de ses travaux, la Conférence est souveraine, comme le Secrétaire exécutif l'a, à juste titre, fait valoir au cours de la séance précédente, et n'est donc pas tenue par les décisions ou les recommandations de l'Assemblée générale. Il semblerait donc que la Conférence doive indiquer en bonne et due forme qu'elle désire prendre pour base de discussion ledit projet de convention.

En ce qui concerne l'opportunité d'une discussion générale, il est certainement exact que ce problème a été longuement débattu, mais il n'est certainement que justice de donner aux Etats qui n'ont pas participé aux réunions antérieures la possibilité d'exprimer leur point de vue.

Enfin, l'orateur suggère que la Conférence pourrait confier à un comité spécial la tâche de la coordination sur le plan de la rédaction du projet de convention et sur le plan juridique. Les travaux de cet organe seront grandement facilités par l'intéressant document établi par le Secrétariat (A/C0NF.2/5), où sont relevées les divergences entre les textes français et anglais du projet de convention et du projet de protocole.

M. ROCHEFORT (France) estime que la déclaration d'ordre analytique que vient faire le représentant d'Israël contient certaines propositions fort utiles et constructives. La délégation française tient à en souligner un point, qu'elle considère comme essentiel : la nécessité d'une discussion générale. Il serait utile de connaître l'attitude que prendront les différents Etats qui sont représentés en ce qui concerne la signature de la Convention ainsi que la mesure dans laquelle ils pourraient désirer formuler des réserves.

M. HERMENT (Belgique) estime que l'on ne peut encore s'attendre que les Etats fassent connaître leur position définitive, alors qu'ils ignorent encore la nature du texte qui sera adopté. A son avis, il convient de commencer par mettre au point un texte définitif.

Le représentant de la Belgique n'estime pas, non plus, qu'il serait judicieux d'établir, pour le moment, des comités de rédaction, bien que de tels comités puissent faire oeuvre utile par la suite, dans le cas où un passage donné du projet de convention soulèverait des difficultés, ou pour la mise au point définitive du texte.

M. FRITZER (Autriche) indique que le Gouvernement de l'Autriche est favorable' à l'adoption d'une Convention internationale visant à réglementer le Statut des réfugiés. L'Autriche pourra

sans difficulté, souscrire, à un instrument de ce genre, car dans la pratique, elle accorde déjà aux réfugiés la plupart des avantages prévus dans le projet de convention. Il est certain que la convention restreindra, dans une mesure limitée, la souveraineté des Etats et qu'elle entraînera pour eux certaines obligations d'ordre financier. Néanmoins, son pays, qui a déjà accueilli sur son territoire un nombre considérable de réfugiés, est disposé à signer cette Convention, avec certaines réserves.

Le PRESIDENT, répondant à une question de M. del DRAGO (Italie), indique qu'il est fait état des observations du Gouvernement de l'Italie dans le document E/1703/Add.6.

M. CHANCE (Canada) appuyé par M. WARREN (Etats-Unis d'Amérique) approuve les observations du représentant d'Israël et propose que la Conférence prenne pour base de discussion le projet de convention sous la forme qu'il a dans le document A/CONF.2/10.

M. SHAW (Australie) considère qu'il est bien entendu que l'adoption de la proposition du Canada n'exclut pas, par avance, la possibilité d'insérer dans le projet de convention des articles supplémentaires, par exemple, un article ayant trait aux territoires coloniaux et aux territoires sous dépendance, article désigné d'ordinaire sous le nom de clause fédérale.

Il en est ainsi décidé.

La proposition du représentant du Canada est adoptée à l'unanimité.

Il est de plus décidé qu'une discussion générale aura lieu.

Le PRESIDENT rappelle que le représentant de la Belgique a présenté une observation intéressante et d'ordre constructif au sujet de la proposition faite par le représentant d'Israël, de créer un comité de rédaction. Quant à lui (le Président) il est tout à fait d'accord pour que les comités ne soient créés qu'en cas de besoin, mais ce moment n'est pas encore venu, Par la suite, la Conférence tiendra sans doute à créer un comité qu'elle chargera de réviser le projet de convention du point de vue du style et de collationner les deux textes.

Il est décidé que des comités de rédaction ne seront constitués que lorsqu'il en sera besoin.

Le PRESIDENT suggère que les questions que ne tranche pas le projet de convention soient traitées de la manière suivante : toutes les questions qui se posent à propos d'articles donnés du projet de convention, devraient être examinées en même temps que ces articles. Les autres questions devraient être mises en discussion aussitôt que la Conférence aura terminé l'examen des articles essentiels et avant qu'elle n'aborde l'examen des dispositions exécutoires et transitoires que contient le chapitre VI.

Il en est ainsi décidé.

4. DISCUSSION GENERALE

M. van HEUVEN-GOEDHART (Haut-Commissaire pour les réfugiés) déclare qu'il se félicite fort de l'occasion qui lui est donnée de prendre la parole devant la première conférence qui ait été convoquée pour envisager l'adoption d'un instrument international sur le statut des réfugiés en général, au sens que donne à ce terme l'article premier du projet de convention (A/CONF.2/1). Jusqu'à présent, les accords internationaux qui ont été conclus règlent seulement le Statut de certaines catégories particulières de réfugiés. La convention envisagée, elle, a pour fin de fondre en un tout les accords et conventions en vigueur et, en outre, de déterminer le statut de ceux d'entre les réfugiés qui n'ont jusqu'ici bénéficié de la protection d'aucun instrument particulier. Ce fait a lui seul montre bien l'importance de cette conférence et des travaux qu'elle va entreprendre.

L'une des principales incapacités juridiques dont souffrent des réfugiés est constituée par le caractère imprécis de leur statut : en effet, dans le cas des réfugiés, le lien qui relie l'individu au droit international n'existe pas ; les réfugiés ne jouissent pas non plus de la protection du gouvernement du pays dont ils ont la nationalité. Leur situation est à la fois précaire et malheureuse car ils sont frustrés du bénéfice du droit international qui découle normalement de la possession d'une nationalité. Une convention du genre de celle qui est envisagée donnerait aux réfugiés la situation qui leur revient en droit international et fixerait plus nettement leurs droits et leurs devoirs, non pas seulement dans leur intérêt propre, mais aussi dans l'intérêt du gouvernement des pays dans lesquels ces réfugiés résident.

L'action entreprise par les Nations Unies dans d'autres domaines a montré que les droits de l'homme et les libertés fondamentales sont une affaire dont il y a lieu de se préoccuper sur le plan international. Or, il n'existe certainement pas de groupe de personnes dont il soit plus nécessaire de définir d'urgence les droits au regard du droit international que les réfugiés. Une convention relative au statut des réfugiés formera donc un complément indispensable à tout pacte international relatif aux droits de l'homme. Une convention d'ensemble sur le statut des réfugiés pourrait fort bien devenir la charte des réfugiés. Le Haut Commissaire a l'intime conviction que des milliers de réfugiés dispersés entre bien des pays s'efforceront de se renseigner sur les débats de la Conférence et forment des voeux ardents pour son succès.

Pour que le Haut Commissaire puisse s'acquitter des tâches qui lui ont été confiées par l'Assemblée générale, il est absolument nécessaire que la Conférence réussisse dans son oeuvre. Au nombre des fonctions imparties au Haut Commissaire, il en est une qui revêt une importance particulière : celle qui consiste à veiller à l'application de certaines conventions et de certains accords ; d'après la teneur actuelle du mandat du Haut Commissaire, la convention envisagée sur le statut des réfugiés sera au nombre de ces instruments. Le Haut Commissaire ne peut que se féliciter de ce qu'un grand nombre de gouvernements aient envoyé des représentants à la Conférence, prouvant ainsi qu'ils s'intéressent au problème des réfugiés.

La Conférence vient de décider de prendre pour base de ses discussions le projet de convention et le projet de protocole qu'a préparé le Comité spécial pour les réfugiés et les apatrides. Le Comité spécial a étudié la question au cours de deux longues sessions et il importe de rendre hommage à l'oeuvre magnifique qu'il a accomplie et qui sans aucun doute facilitera beaucoup la tâche de la Conférence. De l'avis du Haut Commissaire, le Comité spécial mérite de particulières félicitations pour le sens judicieux de la mesure dont il a fait preuve. Nul ne comprend mieux que le Haut Commissaire combien il est difficile de rédiger une convention qui doit, dans toute la mesure du possible, rencontrer l'agrément de tous les gouvernements, tout en posant des normes propres à régir le statut des réfugiés. La situation varie d'un pays à l'autre, du point de vue juridique, économique et social. Ces différences dans l'organisation juridique, la situation géographique et le niveau économique et social influent forcément sur l'attitude que les divers pays adoptent à l'égard du problème des réfugiés. Le Comité spécial a été contraint d'essayer de trouver un moyen terme. Il n'a pas osé entreprendre d'établir le meilleur statut possible pour les réfugiés, car, s'il l'avait fait, la convention serait devenue inacceptable pour de nombreux pays. Cependant, bien qu'il n'ait pu obtenir la perfection, le Comité spécial ne s'est pas résigné à donner aux réfugiés le strict minimum seulement, et il s'est refusé à rédiger une convention placée sur le plan du droit et des normes juridiques qui prévalent dans tel ou tel pays particulier. Il y a entre ces normes des divergences très amples et il a fallu que le Comité se tînt à égale distance de points de vue extrêmement divergents. Comme il l'a mentionné dans son premier rapport (E/1618), le Comité, comme le Comité spécial de l'apatridie et des problèmes connexes, a choisi une voie intermédiaire. Il n'est pas douteux que le point de vue adopté par le Comité ne soit le bon, puisqu'il est à la fois humanitaire et réaliste. Le Haut Commissaire exhorte la Conférence à aborder le problème dans le même esprit. Le problème est certes avant tout d'ordre humanitaire mais c'est par l'intermédiaire du droit international qu'il faut le résoudre.

Certains gouvernements seraient certes fondés à dire que leur législation stipule d'ores et déjà tous les droits incorporés au présent projet de Convention et, parfois même, sont plus libérales que ce projet. Ces gouvernements n'auront donc pas de difficulté à signer l'instrument envisagé et il est d'une extrême importance qu'ils le fassent pour donner l'exemple. Par ailleurs, il n'échappe pas au Haut Commissaire que toutes les dispositions du projet de convention ne sont pas adaptées à la situation de tous les pays. Sans aucun doute, il y aura des gouvernements qui voudront étudier le texte de façon très minutieuse, puisqu'il renferme des articles revêtant force obligatoire pour tout Etat signataire. Un tel examen minutieux montrera peut-être qu'à certains égards, la Convention s'écarte de la législation en vigueur dans certains pays ou est même incompatible avec celle-ci. Pour pouvoir adopter certaines des dispositions envisagées, il faudra peut-être que ces pays-là consentent certains sacrifices, mais ce sont là des sacrifices qu'il vaut la peine de faire. La coopération internationale et les accords internationaux entraînent toujours certains sacrifices ; or, y a-t-il cause où l'on soit mieux fondé à demander des sacrifices que celle-là qui est dans toute l'acception du terme une cause humanitaire ?

On tombe généralement d'accord pour estimer qu'il faut commencer par améliorer la situation des réfugiés. Mais il n'y aura amélioration que si la convention est quelque chose de plus qu'une simple somme des textes de lois en vigueur dans certains pays.

Au cas où un gouvernement estimerait que telle ou telle disposition particulière n'est pas adaptée à la situation qui prévaut sur son territoire et que certaines circonstances d'ordre juridique, politique, économique ou social l'empêchent de prendre certains engagements particuliers, ce gouvernement pourra formuler une réserve. Le texte libéralement rédigé de l'article 36, relatif aux réserves, a pour fin de faciliter l'adhésion à la convention des gouvernements qui pourraient, pour des raisons diverses, estimer indispensable de formuler une réserve.

Comme, de l'avis du Haut Commissaire, le projet du Comité spécial stipule des normes appropriées pour le statut des réfugiés, il serait superflu qu'il proposât d'apporter au texte des modifications importantes. Aussi se bornera-t-il à en examiner brièvement les dispositions principales. Ces dispositions ont été discutées de façon très approfondies par les organes compétents des Nations Unies et c'est pourquoi il y aurait peut-être intérêt à exposer l'historique et l'évolution des événements qui ont abouti à l'établissement du texte dont est actuellement saisie la Conférence.

La définition du terme « réfugié » figurant à l'article premier a été discutée longuement par le Comité spécial à sa première session, par le Conseil économique et social et par l'Assemblée générale. La définition que l'on trouve dans l'annexe de la résolution 420 (V) de l'Assemblée générale - résolution en vertu de laquelle la présente conférence a été convoquée - repose sur le principe de la définition par énumération de catégories particulières. L'Assemblée générale a estimé que les gouvernements tiendraient à ne prendre l'engagement d'appliquer les dispositions juridiquement obligatoires du projet de convention qu'à l'égard de catégories de réfugiés définies de façon précise et ne consentiraient pas à donner un « blanc-seing » pour des catégories qui viendraient à se constituer à l'avenir et dont on ignore tout.

Dans le document A/Conf.2/4, l'article premier du projet de convention a été placé en regard des dispositions correspondantes du statut du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. De la sorte, les divergences entre les deux textes ressortent clairement. Le Haut Commissaire pourra plus facilement s'acquitter de sa mission si ces deux textes sont mis en harmonie.

Le Comité spécial a eu l'heureuse idée d'énumérer, dès le début du projet de convention, à l'article 2, les obligations d'ordre général qui incombent aux réfugiés. Les réfugiés, en effet, n'ont pas seulement des droits, ils ont aussi des obligations : ils doivent observer les lois qui sont en vigueur dans le pays où ils résident et s'adapter de leur mieux au nouveau milieu dans lequel ils vivent.

Le principe de non-discrimination, que pose l'article 3, rencontrera, estime le Haut Commissaire, l'approbation générale, quoique les avis prissent différer sur la rédaction la meilleure à donner à une telle disposition.

Le principe de la dispense de réciprocité que pose l'article 4 revêt pour les réfugiés une importance primordiale. Le principe de réciprocité joue un rôle de premier plan dans les relations internationales ainsi que dans le traitement qui est actuellement accordé aux ressortissants étrangers résidant en un pays donné. Les réfugiés qui, par définition, ne bénéficient pas de la protection diplomatique de leur pays d'origine se trouvent désormais soustraits à l'application du principe de l'identité de traitement qui est à la base des traités invoquant le principe de réciprocité. L'on peut se servir de leur situation comme d'une « monnaie d'échange » et, dans leur cas, le principe de réciprocité se trouve vidé de son essence même. L'article 4 du projet de convention stipule que les réfugiés seront soustraits à l'application du principe de réciprocité à de certaines conditions. Ce principe a certes été jugé acceptable en lui-même, mais on a eu du mal à mettre au point une formule en vertu de laquelle les réfugiés seraient admis au bénéfice des droits qui sont normalement accordés aux ressortissants étrangers en vertu du principe de réciprocité, sans être automatiquement admis au bénéfice des droits qui sont accordés à des ressortissants étrangers à titre préférentiel. L'article 4, dans sa forme actuelle, a été adopté par le Comité spécial après des débats approfondis et avec l'approbation des représentants des Etats pour lesquels, du fait de leur système juridique, cette question présentait une importance particulière. La seconde guerre mondiale a montré que le principe de nationalité, qui jouait un rôle si décisif au 19ème siècle, n'est plus aujourd'hui le seul élément déterminant qui décide de l'attitude d'un individu en cas de conflit entre Etats. De 1939 à 1945, des milliers de personnes de toutes sortes de nationalités ont rejoint le camp des Alliés parce qu'elles avaient foi dans la cause de ceux-ci. Beaucoup de personnes, qui avaient échappé à l'oppression nazi ou fasciste et qui conservaient officiellement la nationalité de leur pays d'origine, se sont distinguées dans la lutte menée pour la cause de la liberté. L'article 5, rédigé sur le modèle de l'article 44 de la Convention pour la protection des personnes civiles en temps de guerre, tient compte de ce fait, lorsqu'il stipule que les Etats contractants n'appliqueront pas de mesures exceptionnelles à un réfugié uniquement en raison de sa nationalité.

Le principe qui est posé au premier alinéa de l'article 7, à savoir que le statut personnel d'un réfugié sera régi par la loi du pays de son domicile ou de sa résidence, constitue peut-être une innovation dans certains pays, notamment dans ceux où le statut d'une personne est régi par la loi du pays dont elle possède la nationalité. Mais le maintien de cette façon de procéder créerait une distinction artificielle entre les réfugiés qui sont apatrides et ceux qui ont de jure conservé leur nationalité première. Le principe posé au paragraphe 1 figure déjà dans la Convention de 1933 relative au statut des réfugiés titulaires du passeport Nansen et, en ce qui concerne ces derniers, a été appliqué avec succès par un grand nombre de pays. Il serait de l'intérêt des réfugiés qu'il fût universellement adopté ; ainsi pourrait-on plus facilement résoudre les difficultés d'ordre juridique qui ont surgi dans le passé.

L'article 12, concernant les professions salariées, présente, de toute évidence, une importance extrême, car le droit du réfugié à gagner sa vie ni le cède qu'au droit de vivre et à la possibilité de trouver refuge. Mais en ce qui concerne cette question, la situation varie fort d'un pays à l'autre. Dans les pays d'immigration, les immigrants en général sont admis, dès leur arrivée, au bénéfice du même droit au travail dont jouissent les ressortissants du pays ; il se peut qu'une attitude aussi généreuse ne puisse être adoptée dans les pays qui accordent un refuge temporaire et dans lesquels le nombre des ressortissants privés d'emploi peut être important. Il y a des pays, par exemple, où l'emploi de la main-d'oeuvre étrangère est réglementée par un système de contingentement. De l'avis du Haut Commissaire, toutefois, cet article pose une norme moyenne judicieuse ; quant aux cas particuliers, ils peuvent toujours faire l'objet de réserves.

L'Article 18 dispose que les réfugiés seront assimilés aux ressortissants dans le domaine de l'assistance et des secours publics. Il est conforme aux recommandations du Conseil économique et social, qui a demandé que, dans ce domaine, les étrangers fussent traités de la même façon que les ressortissants.

L'Article 19 dispose que les réfugiés seront traités de la même façon que les ressortissants, c'est-à-dire auront le « traitement dit national », en matière de législation du travail et de sécurité sociale. Ce principe est conforme à la Convention concernant les travailleurs migrants, adoptée en 1949 par la Conférence internationale du Travail. Le paragraphe 3 de l'Article 19 dispose que les réfugiés seront admis au bénéfice des accords relatifs au maintien de droits acquis ou en cours d'acquisition en matière de sécurité sociale ; c'est là une question importante pour les réfugiés car ceux-ci se déplacent fréquemment d'un pays à l'autre. La question de ce que l'on appelle la totalisation des périodes d'affiliation et des prestations est régie par un grand nombre d'accords bilatéraux et multilatéraux. La disposition figurant dans le projet de convention, si elle est adoptée, sera surtout applicable aux accords qui se concluront à l'avenir en la matière, mais peut-être la Conférence pourrait-elle envisager d'adopter à l'adresse des Gouvernements une recommandation priant ceux-ci d'admettre au bénéfice des accords de ce genre actuellement en vigueur les réfugiés qui résident sur le territoire des Etats contractants.

Dans le passé, la question des pièces d'identité à délivrer aux réfugiés, qui est traitée à l'Article 20, a été résolue de différentes manières dans les divers pays, selon leur système juridique interne et les usages internationaux qui en sont issus. Il y a des Etats où ce rôle est rempli par les représentants des institutions spécialisées qui s'occupent des réfugiés, il y en a où incombe aux autorités du pays et d'autres enfin où le problème ne présente pas de gravité, parce que la loi permet de substituer aux documents qui font défaut une déclaration sous serment ou d'autres moyens analogues. L'Article 20, dans sa teneur actuelle, se borne à disposer que les documents personnels et papiers qui sont nécessaires aux réfugiés seront délivrés par une autorité déterminée, nationale ou internationale.

Le principe de la liberté de circulation, dont traite l'Article 21, est, lui aussi, d'une importance vitale pour les réfugiés. Le texte de cet article n'accorde pas aux réfugiés une situation privilégiée car leurs déplacements peuvent toujours être limités lorsque les déplacements des étrangers en général le sont.

Tous ceux qui se sont occupés du problème des réfugiés savent combien il importe qu'un réfugié possède des pièces d'identité. Il suffit qu'une personne soit démunie de pièces d'identité pour qu'elle soit réputée suspecte. L'Article 22 est donc important et il faut que l'on comprenne bien que le devoir qu'il impose aux Etats ne diminuera en rien le droit qu'ont ceux-ci de réglementer l'entrée et le séjour des réfugiés sur leur territoire.

Il est évident que les réfugiés ont absolument besoin de posséder un titre de voyage du genre de celui que prévoient l'Article 23 et l'Annexe à la Convention. Il est également de l'intérêt des Etats que les réfugiés soient à même de se rendre dans des pays étrangers pour y vaquer à leurs affaires, y veiller à leurs intérêts ou y chercher une possibilité de mieux gagner leur vie. Un tel titre de voyage est indispensable à l'oeuvre de la réinstallation des réfugiés dans les pays d'accueil. L'Article 23 a pour fin de codifier les divers accords en vigueur en matière de titres de voyage délivrés aux réfugiés et de substituer aux documents délivrés en vertu desdits accords un titre de voyage uniforme pour les réfugiés. Parmi les documents de ce genre se range celui qui a été créé en vertu de l'accord de Londres du 15 octobre 1946 et qui a été reconnu en un grand nombre de pays. Le Haut Commissaire croit que la Conférence voudra peut-être envisager de permettre que, en attendant qu'un assez grand nombre de pays aient adhéré à la nouvelle Convention, l'on continue à délivrer ce titre de voyage et qu'on le délivre à tous les réfugiés auxquels s'applique la Convention et non pas seulement aux réfugiés auxquels s'étend le mandat de l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR), comme on faisait jusqu'ici.

L'Article 26 tient compte du fait qu'il arrive souvent que des réfugiés franchissent une frontière dans des conditions illégales sous une contrainte qui leur fait une obligation morale de partir, et il semble que ce soit pure justice que de reconnaître le fait en s'abstenant de leur infliger les sanctions pénales prévues pour ces entrées irrégulières.

L'expulsion, dont il est question à l'Article 27, s'accompagne d'épreuves particulièrement lourdes, quand elle frappe un réfugié, qui n'a pas, comme les autres étrangers, de pays où il puisse retourner de plein droit. Le premier projet de Pacte international relatif aux droits de l'homme dispose qu'aucun étranger admis sur le territoire d'un Etat ne peut en être expulsé sans raisons juridiques valables et suivant la procédure et avec les garanties que, dans tous les cas, la loi doit prévoir. Si l'on se rappelle que dans tous les pays civilisés l'individu s'est vu accorder de nombreuses garanties en matière de poursuites au criminel et si l'on considère d'autre part que, pour un réfugié, l'expulsion peut être encore plus grave qu'une condamnation à la prison, on voit que les sauvegardes contre l'expulsion que stipule l'Article 27 sont de tous points justifiées.

Il est un droit qui, pour le réfugié, présente une importance vitale : c'est le droit de n'être pas renvoyé dans un pays où sa vie ou sa liberté seraient menacées. Les Nations Unies ont reconnu à plusieurs reprises le principe en vertu duquel un réfugié ne peut être rapatrié que de plein gré. Tel est le principe que pose l'Article 28 qui, par bonheur, est généralement appliqué dans la plupart des pays.

Le statut des réfugiés n'est pas appelé à devenir permanent. La solution définitive du problème des réfugiés consiste à rapatrier ceux-ci ou à les installer dans un pays qui deviendra leur résidence permanente. Pour qu'un réfugié s'assimile complètement à la population du pays qui lui offre un refuge permanent, il est indispensable que ce réfugié devienne le plus tôt possible citoyen dudit pays. Mais, comme, dans la plupart des pays, la naturalisation n'est pas un droit mais une faveur, le Comité spécial a estimé qu'il ne pouvait faire plus que d'incorporer au projet de Convention (Article 29) une recommandation demandant aux Etats de faciliter, dans la mesure du possible, l'assimilation et la naturalisation des réfugiés.

A la différence des accords et conventions antérieurs, l'instrument à l'étude établit, en son article 30, un lien entre cette Convention et l'institution à laquelle les Nations Unies ont confié le soin d'assurer la protection internationale des réfugiés. Le lien étroit ainsi établi sera particulièrement précieux pour favoriser l'application uniforme de la Convention.

L'Article 32 découle tout naturellement de la nature même de la Convention qui a pour fin de codifier en un instrument international unique les accords et conventions antérieurs relatifs aux réfugiés auxquels la Convention se substitue.

Le Comité spécial n'a adopté les clauses finales (Chapitre VII - articles 33-40) qu'à titre provisoire, car il est des questions, comme celle de la clause d'application aux territoires coloniaux par exemple, qui n'entraient pas dans son mandat et qu'il appartiendra donc à la Conférence elle-même de trancher.

Quant au projet de protocole relatif au statut des apatrides, il est évident que le Haut Commissariat ne peut s'occuper que de ceux d'entre les apatrides qui, aux termes du statut du Haut Commissariat, sont des réfugiés. Mais, d'une façon générale, la situation des personnes qui sont ou qui sont devenues apatrides du fait de l'application pure et simple de la loi est souvent très précaire. En rédigeant ce projet de protocole, le Comité spécial s'est contenté de faire bénéficier les apatrides de ceux d'entre les droits inscrits dans le projet de convention relative au statut des réfugiés qui peuvent être réputés indispensables et qui ne prévoient nullement l'octroi d'un traitement particulier qui, justifié dans le cas des réfugiés dans certaines situations particulières, ne serait pas justifié dans le cas des apatrides en général. De l'avis du Haut Commissaire, il y aurait intérêt à ce que le Protocole fît l'objet d'une application générale et cela aussi bien pour les Etats eux-mêmes que pour les apatrides, en raison du fait qu'ainsi se trouveraient posées des normes minima uniformes.

En conclusion, le Haut Commissaire demande instamment à la Conférence d'aborder l'étude du projet de Convention dans le même esprit d'humanité et avec le même sens des réalités que le Comité spécial, en d'autres termes, de ne pas prétendre à la perfection mais de considérer les dispositions de la Convention d'un point de vue universel et non pas d'un point de vue individuel. Il estime qu'il y a une importance égale à ce que la Convention, d'une part, pose des normes appropriées pour les réfugiés et, d'autre part, à ce que ces normes deviennent universelles. Il est donc essentiel que cette convention rencontre l'agrément du plus grand nombre de pays possible, si l'on ne veut pas qu'elle reste lettre morte. Si cette Convention est ratifiée par un grand nombre de pays, la Conférence aura réussi dans la noble tâche qui lui incombe d'établir la charte des droits d'un groupe d'êtres humains particulièrement dignes d'intérêt.

M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale d'Allemagne) tient à exposer brièvement l'attitude générale de son Gouvernement à l'égard du projet de convention. A la fin de la guerre, un nombre considérable de personnes déplacées se trouvaient en territoire allemand. L'Administration des Nations Unies pour le secours et la reconstruction (UNRRA) et l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) - aux efforts desquelles le représentant de la République fédérale d'Allemagne désire rendre hommage - ont rapatrié et réinstallé la grande majorité de ces personnes. L'oeuvre accomplie par ces deux Organisations a été d'autant plus admirable que l'afflux de réfugiés non allemands, déracinés des pays de l'Europe orientale, a continué, même après 1945. Il était d'autant plus nécessaire de rapatrier et de réinstaller ces réfugiés qu'à la même époque quelque 9 millions de réfugiés allemands et de personnes expulsées sont arrivées en même temps sur le territoire de la République fédérale. Les Autorités fédérales examinent depuis quelque temps déjà la question du statut qu'il conviendra de donner, à l'avenir, aux réfugiés non allemands se trouvant encore dans le pays.

Tant que ceux-ci sont restés en Allemagne, leur statut juridique a été garanti par la Constitution de l'OIR ; mais, une fois réinstallés, ils perdent naturellement leur droit à un traitement préférentiel. Pour autant qu'ils n'acquièrent pas la nationalité du pays où ils ont choisi de s'établir, ils sont traités comme des étrangers en vertu de la législation nationale de ce pays. C'est là une des raisons pour lesquelles il apparaît à la délégation de la République fédérale d'Allemagne qu'il convient d'établir un ensemble de règles internationales minima.

Bien que presque tous les réfugiés non allemands aient quitté la République fédérale, il semble qu'il n'y ait à présent aucun espoir de réinstaller dans d'autres parties du monde quelque cent ou deux cent mille d'entre eux se trouvant encore dans ce pays.

A la suite de pourparlers engagés avec la Haute Commission alliée, les Autorités fédérales ont décidé de fonder leur législation nationale sur les principes posés dans le projet de convention actuellement en discussion. Elles ont, toutefois, estimé opportun d'aller plus loin encore que ce projet, afin de permettre à ces réfugiés de s'intégrer rapidement à la communauté nationale, persuadées que ce serait là la meilleure façon de servir les intérêts des réfugiés et de la communauté allemande. En conséquence, le 25 avril 1951, une loi a été promulguée sur le statut juridique des apatrides, en vertu de laquelle ils jouissent du même traitement juridique que les ressortissants allemands, exception faite pour les droits purement politiques et ont droit à la protection de la loi. Les Autorités allemandes espèrent qu'en garantissant ainsi la protection des réfugiés, elles pourront bénéficier du concours du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Aux termes de cette même loi, les réfugiés jouissent des mêmes droits que les ressortissants allemands pour ce qui est des conditions de travail, et ils peuvent aussi ester en justice devant tous les tribunaux - deux avantages que l'on juge d'importance fondamentale. Cette loi donne également aux réfugiés le droit d'avoir accès aux mêmes établissements d'enseignement que les ressortissants allemands et dans les mêmes conditions, et ils peuvent même espérer préserver dans une certaine mesure leur autonomie culturelle, s'ils le désirent.

On comprendra dès lors aisément que le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne serait heureux de voir intervenir, sur le plan international, une solution qui conférerait aux réfugiés autant de droits que l'ensemble des nations peut juger possible de leur accorder. Tout en reconnaissant qu'il sera peut-être difficile d'élaborer une convention mondiale contenant des dispositions d'une aussi grande portée que celles qu'il a été estimé possible et opportun d'adopter dans son propre pays, le représentant de la République fédérale d'Allemagne considère qu'il faut au moins accorder un ensemble de droits minima aux réfugiés de tous les pays. Il espère qu'un tel ensemble de droits sera mis au point par la Conférence et que la convention, telle qu'elle sera adoptée dans sa forme définitive, pourra être considérée comme acceptable par le plus grand nombre d'Etats.

Au cours de la discussion, sa délégation aura quelques amendements à proposer sur des points de détail. Le Gouvernement fédéral a déjà déclaré qu'il était disposé, en principe, à signer une convention relative au Statut des réfugiés, aussitôt que ce serait techniquement possible. La délégation de la République fédérale est autorisée à reproduire cette déclaration devant la Conférence.

M. SHAW (Australie) déclare que l'attitude du Gouvernement australien vis-à-vis du projet de convention est un peu différente de celle d'autres gouvernements, étant donné qu'il considère cette question du point de vue d'un pays d'immigration, qui, de ce fait, a des problèmes particuliers à résoudre. Il tient néanmoins à dire que son Gouvernement accorde son appui à l'idée d'une convention destinée à garantir aux réfugiés et aux personnes déplacées des droits précis dans leur pays d'adoption. Deux cent mille personnes au moins, parmi les immigrants venus en Australie depuis la fin de la guerre, peuvent être considérées comme des réfugiés ; 164 000 de ces personnes ont été réinstallées on Australie par l'Organisation internationale pour les réfugiés. Ce chiffre absolu n'a été dépassé que par les Etats-Unis d'Amérique, mais proportionnellement à la population australienne, il représente un chiffre vingt fois plus important que celui des Etats-Unis. On comprendra donc que l'Australie se trouve en face d'un véritable problème à résoudre. En ce qui concerne l'accueil et l'aide réservés par le Gouvernement australien aux réfugiés, il suffira de dire qu'à une date aussi tardive que juillet 1950, l'Australie a accepté de recevoir 30 000 réfugiés supplémentaires et que l'OIR s'est déclarée plus que satisfaite du traitement dont ont bénéficié les personnes qu'elle avait déjà réinstallées dans ce pays.

Toutefois, si l'on tient compte du nombre de personnes qui sont déjà arrivées en Australie, et de l'afflux continuel qui y est attendu, on comprendra que l'acceptation du projet de convention tel qu'il est actuellement rédigé pourrait entraîner pour le Gouvernement australien certaines difficultés dans le domaine de l'administration et de la surveillance. Par exemple, pour protéger plus facilement ces immigrants contre l'exploitation, pour faciliter absorption dans la vie économique du pays et pour leur assurer des conditions de traitement égales à celles dont bénéficie le travailleur australien moyen, l'on a estimé opportun d'exiger des immigrants qu'ils occupent pendant deux ans l'emploi qui leur est attribué d'office. Sous sa forme actuelle, le projet de convention ne semble pas contenir de disposition relative à des emplois ainsi imposés, et la délégation australienne se trouvera dans l'obligation de suggérer un amendement dans ce sens. Elle considérera également nécessaire de proposer d'autres amendements qui seront, dans une très large mesure, de forme. D'autre part, sa délégation attache de l'importance à l'insertion d'une clause fédérale dans ce projet de convention.

En terminant, le représentant de l'Australie exprime sa conviction que la Conférence parviendra à mettre au point des solutions adéquates qui assureront aux réfugiés le traitement qu'ils méritent.

M. PETREN (Suède) dit que son Gouvernement, qui n'a pas participé aux travaux préparatoires relatifs à l'élaboration du projet de Convention, est néanmoins disposé à accepter ce projet de texte dans ses grandes lignes. Toutefois, avant de prendre définitivement position, le Gouvernement suédois croit devoir poser certaines questions et, le cas échéant, formuler des réserves or présenter des amendements appropriés. Au stade actuel des travaux, la délégation suédoise se bornera à souligner que la Convention doit être la traduction concrète d'un effort de solidarité internationale ; c'est pourquoi son entrée en vigueur doit être subordonnée à un nombre considérable de ratifications et non pas au dépôt de deux instruments de ratification ou d'adhésion seulement, comme il est prévu à l'article 37.

MOSTAFA Bey (Egypte) souligne tout l'intérêt que l'Egypte porte au problème des réfugiés. En 1920, l'Egypte, qui connaît pourtant de graves problèmes démographiques, (la surface cultivable est très restreinte et la population s'est accrue très rapidement grâce à l'amélioration des conditions d'hygiène et de la situation sociale d'une façon générale) avait accueilli sur son sol un certain nombre de réfugiés russes blancs et arméniens. Ces réfugiés dont le nombre se montait à environ 30 000 entre 1927 et 1933, par la suite, ont obtenu la nationalité égyptienne, et la vie économique du pays les a pleinement assimilés.

A l'heure actuelle, l'Egypte doit faire face au grave problème des réfugiés arabes de Palestine, conséquence tragique de la guerre dans cette partie du monde. L'on sait qu'un certain nombre d'organes de l'Organisation des Nations Unies fournissent d'assistance à ces réfugiés ; aussi, le Gouvernement égyptien estime-t-il qu'aussi longtemps que le problème des réfugiés de Palestine incombera à l'Organisation des Nations Unies, la Convention ne leur sera pas applicable. Lorsque cessera l'aide des Nations Unies, les réfugiés de Palestine pourront automatiquement bénéficier des dispositions de la Convention. Le Gouvernement égyptien ne doute pas que l'Article 1 ne leur soit applicable.

La séance est suspendue à 17 h.05 et reprend à 17 h.30.

Prenant la parole à la demande du PRESIDENT, M. RUEGGER (Comité international de la Croix-Rouge) rappelle les principes essentiels dont s'est inspirée l'action du Comité international de la Croix-Rouge en faveur des réfugiés. Le projet de convention pour la protection des civils en temps de guerre, présenté en 1948 à la 17ème conférence internationale de la Croix-Rouge, contenait une disposition (article 127) aux termes de laquelle les signataires de la Convention devaient s'efforcer à la fin des hostilités ou de l'occupation, de favoriser le retour à leur domicile ou l'établissement dans un nouveau pays de résidence de toutes les personnes qui, du fait des hostilités ou de l'occupation étaient dans l'impossibilité de mener une existence normale à l'endroit où elles se trouvaient. Les signataires étaient aussi invités à veiller à ce que ces personnes pussent, si elles le désiraient, se rendre dans d'autres pays et fussent munies à cet effet des passeports nécessaires ou de documents en tenant lieu. Cette disposition donnait du terme « réfugié », qu'elle ne mentionnait pas expressément, une définition empirique, mais humaine. Approuvée par la Conférence de la Croix-Rouge, elle fut incorporée au texte qui devait servir de base aux travaux de la Conférence diplomatique tenue à Genève, en 1949. Pourtant la Convention de Genève No 4, n'en fait nulle mention car il s'agit là d'une des rares dispositions du projet qui n'aient pas été reprises sous une forme ou sous une autre dans le texte définitif de la Convention.

Il ne faut pas en déduire, toutefois, que les principes dont s'inspirait l'Article 127 n'aient pas recueilli le plein accord des diverses délégations envoyées à la Conférence diplomatique. S'ils n'ont pas été retenus on définitive c'est parce qu'une délégation fit observer que le problème des réfugiés était trop vaste pour être si brièvement réglé dans une convention qui traitait au surplus d'un autre domaine. D'autre part, le Conseil économique et social avait déjà à cette époque fortement avancé l'étude d'ensemble du problème des réfugiés et des apatrides et un projet de convention internationale comportant un statut des réfugiés, celui que la présente Conférence va examiner, devait être quelques mois plus tard établi par le Conseil et soumis par lui à l'Assemblée générale.

Le Comité international de la Croix-Rouge ne peut que rendre hommage à l'esprit dans lequel le texte de la Convention a été conçu : il codifie l'essentiel de diverses conventions antérieures qui n'ont pas été ratifiées et formule des obligations précises pour tenter de remédier à l'un des maux les plus graves dont souffre encore l'humanité. On peut se demander toutefois si ce texte répond entièrement au but visé par l'article 127 du projet de Convention de 1948, et qui était d'apporter au problème une solution humaine, en dehors de toute discrimination non fondée. Certes, il est incontestable qu'une convention destinée à mettre en oeuvre des principes d'ordre aussi général entraîne des conséquences d'ordre politique, économique et social que les Etats signataires devront examiner avec le souci de leurs responsabilités ; cependant le Comité international souhaiterait que l'accord général réalisé à Genève en 1949 pût être confirmé et, dans la mesure du possible, traduit par des textes. Le Comité international de la Croix-Rouge, qui envisage le problème des réfugiés d'un point de vue strictement humanitaire estime qu'il convient de s'inspirer des principes suivants : toute personne que des événements graves auront contrainte à chercher asile en dehors du pays de sa résidence habituelle a droit à l'accueil : il va de soi que cette déclaration appelle des réserves analogues à celles qui sont formulées à l'Article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme afin de retirer le bénéfice de cette disposition aux criminels de droit commun. En outre, si cette personne ne peut mener une existence normale là où elle se trouve, elle a droit à l'assistance de la part de l'autorité du territoire intéressé, Si la charge qui en résulte dépasse les moyens de l'autorité intéressée, la communauté internationale doit, au nom de la solidarité humaine, assumer une certaine responsabilité en la matière. Cette responsabilité s'exerce par l'entremise des instances politiques compétentes. Enfin, les institutions humanitaires sont fondées à seconder, selon leurs moyens, l'action des pouvoirs publics. Tels sont les principes dont s'est inspiré le Comité international de la Croix-Rouge lorsque, par son appel du 1er mai 1950, il a attiré l'attention des gouvernements et institutions responsables sur « l'importance primordiale que le Statut des réfugiés soit non pas limité par des définitions étroites quant à ses bénéficiaires, mais qu'au contraire, on adopte des définitions larges et universelles, en tenant compte de la triste condition de tous les êtres humains qui aujourd'hui comme demain pourront avoir à s'en prévaloir. »

Prenant la parole à l'invitation du PRESIDENT, M. LEDERMANN (Ligue des sociétés de Croix-Rouge) souligne que la Ligue des sociétés de Croix-Rouge, fédération mondiale des Sociétés nationales de Croix-Rouge et du Croissant rouge existant actuellement dans 68 pays, groupe plus de cent millions de membres individuels, tous dévoués au même idéal humanitaire : servir l'humanité souffrante dans l'esprit de la Croix-Rouge. La Croix-Rouge est en temps de guerre l'auxiliaire des forces armées pour le secours aux blessés, aux malades, aux prisonniers de guerre et aux civils, victimes des hostilités, et en temps de paix, elle s'applique à soulager les souffrances humaines dans les périodes de détresse où l'urgence des secours rend son concours effectif indispensable. Pour les seules dernières années, le montant des secours versés par la Croix-Rouge s'élève à des centaines de millions de francs suisses.

La Ligue et ses sociétés ne pouvaient donc rester indifférentes à l'angoissant problème humanitaire que pose l'existence de dizaines de millions de réfugiés apatrides ou exilés. Les résolutions de ses organes directeurs se font l'écho de ses préoccupations dans ce domaine et les sociétés nationales de Croix-Rouge répondant à l'appel que la Fédération leur a lancé le 10 mai 1950 ont généreusement contribué à alléger dans toute la mesure de leurs possibilités les souffrances des réfugiés. En particulier, avec le concours d'une équipe internationale que les sociétés nationales de Croix-Rouge et du Croissant rouge de 19 pays différents avaient mise à sa disposition, la Ligue a assuré la distribution de secours à plus de 300 000 réfugiés de Palestine pendant dix-huit mois. Les sociétés nationales de la Croix-Rouge de nombreux pays ont également secouru des réfugiés turcs venus de Bulgarie, des réfugiés de Birmanie, de l'Inde et du Pakistan et les réfugiés de Corée. Elles ont même apporté une aide active aux émigrants. Certes, c'est aux autorités officielles compétentes qu'il appartient de prendre les décisions de fond en ce qui concerne les problèmes de l'émigration ou de l'immigration ; toutefois, la Croix-Rouge estime qu'elle peut et doit jouer un rôle auxiliaire important en fournissant une aide humanitaire et sociale aux émigrés. Par l'aide qu'elle peut leur apporter avant leur départ, pendant leur voyage et au premier stade de leur établissement dans un nouveau pays, la Croix-Rouge peut utilement compléter les mesures prises en faveur des émigrants par les autorités administratives. Ses premiers efforts sont dirigés vers l'amélioration de la situation des mères et des enfants, des vieillards et des malades et des jeunes réfugiés. Diverses mesures concrètes telles que l'accueil des enfants dans les familles, l'hospitalisation des malades, les dons en nature, l'échange de correspondances entre les réfugiés et les familles à l'étranger, l'envoi de colis dans des camps, et enfin la fourniture de matériel destiné aux ateliers et aux ouvroirs, de livres, de jeux et de matériel d'enseignement des premiers secours ont été prises pour soulager le sort des réfugiés.

Enfin, la Ligue des sociétés de Croix-Rouge a convoqué en Allemagne une conférence internationale des sociétés de Croix-Rouge qui a pour objet d'étudier le problème des secours des réfugiés en Allemagne occidentale et en Autriche et dont les recommandations sont soumises à la présente conférence. En particulier, la Conférence des sociétés de Croix-Rouge a exprimé le désir que les Nations Unies élargissent leur action en faveur des réfugiés, et fassent bénéficier des secours qu'elles leur accordent des catégories de personnes qui jusqu'à présent n'ont pas joui d'une protection légale.

En conclusion, M. LEDERMANN tient à s'associer aux déclarations faites au nom du Comité international de la Croix-Rouge et à souligner que la Ligue des Sociétés de Croix-Rouge continuera comme par le passé à apporter aux réfugiés son secours matériel et moral. Elle tient enfin à adresser aux gouvernements représentés à la Conférence de plénipotentiaires sur le Statut des réfugiés un appel pressant pour qu'ils adoptent une convention conçue dans l'esprit le plus large et permettant à tous les réfugiés sans distinction de pouvoir à nouveau jouir d'une vie vraiment digne d'un homme.

5. PROGRAMME DE TRAVAIL FUTUR

Le PRESIDENT estime que pour choisir l'ordre dans lequel la Conférence examinera les sections du projet de convention, il vaudra mieux étudier le préambule et l'article 1 après les autres articles et après le Protocole ; de cette manière les représentants auront une idée plus nette de l'état d'esprit général de leurs collègues avant d'aborder ces deux points importants et difficiles.

M. BOETZELAER (Pays-Bas) pense qu'il serait difficile d'étudier, quant à leur fond, les divers articles du projet de convention, sans connaître les catégories de réfugiés auxquelles cette convention serait applicable. Pour ces raisons, la délégation des Pays-Bas est disposée à accepter la proposition du Président, étant bien entendu que, après l'adoption de l'article premier, la Conférence pourra éventuellement revenir à l'examen des autres articles.

M. HERMENT (Belgique) pense, pour sa part, que les délégations ont déjà arrêté leur attitude quant aux catégories de réfugiés auxquelles elles souhaiteraient voir accorder le bénéfice des dispositions de la convention. L'adoption de la méthode de travail suggérée par le Président ne saurait donc entraver l'examen des articles ultérieurs.

M. ROCHEFORT (France) n'est pas tout à fait de cet avis. Si l'on ne précise pas dès l'abord les catégories de réfugiés dont il s'agit, on risque de travailler dans une incertitude préjudiciable. Il faut noter que, sous sa forme actuelle, le projet de définition conférerait à l'Organisation des Nations Unies le pouvoir d'augmenter les engagements contractuels des Etats signataires. Encore faut-il que ces Etats sachent par avance quelles sont les catégories de réfugiés auxquelles seraient étendus les bénéfices des dispositions de cette convention. C'est ainsi, Par exemple, que, comme le signalait le représentant de l'Egypte, les réfugiés arabes de Palestine pourraient bénéficier de la convention aussitôt que prendrait fin l'aide que leur accordent actuellement divers organes des Nations Unies. Or, s'il est possible que le Gouvernement français envisage éventuellement un texte concédant à ces réfugiés un certain nombre de droits, il ne peut, à l'heure actuelle, engager sa responsabilité à ce sujet sans avoir étudié la question.

Toutefois, bien que la délégation française préfère voir préciser dès à présent quelles sont les catégories de réfugiés auxquelles on envisage d'étendre le bénéfice de la convention, elle ne s'opposera pas pour sa part à la suggestion présentée par le Président.

M. CHANCE (Canada) fait observer qu'il sera temps d'examiner le point soulevé par le Président après que les déclarations de caractère général seront terminées.

Il en est ainsi décidé.

La séance est levée à 18 h. 00.