Fermer sites icon close
Search form

Recherchez un site de pays.

Profil du pays

Site web du pays

CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA VINGTIEME SEANCE

CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA VINGTIEME SEANCE
A/CONF.2/SR.20

26 Novembre 1951
Président : M. LARSEN
Membres :
AustralieM. SHAW
AutricheM. FRITZER
BelgiqueM. HERMENT
BrésilM. de OLIVEIRA
CanadaM. CHANCE
ColombieM. GIRALDO-JARAMILLO
DanemarkM. HOEG
EgypteMUSTAPHA Bey
Etats-Unis d'AmériqueM. WARREN
FranceM. ROCHEFORT.
GrèceM. PHILON
IrakM. AL PACHACHI
IsraëlM. ROBINSON
ItalieM. DEL DRAGO
MonacoM. BICHERT
NorvègeM. ANKER
Pays-BasM. van BOETZELAER
République fédérale allemandeM. von TRÜTZSCHLER
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du NordM. HOARE
Saint-SiègeM. Mgr. BERNARDINI Archevêque d'Antioche de Pisidie
SuèdeM. PETREN
Suisse (et Liechtenstein)M. SCHURCH
TurquieM. MIRAS
YougoslavieM. MAKIEDO
Haut-Commissaire pour les réfugiésM. van HEUVEN GOEDHART
Représentants d'institutions spécialisées et d'autres organisations intergouvernementales :
Organisation internationale pour les réfugiésM. SCHNITZER
Conseil de l'EuropeM. TALIANI DE MARCHIO
Représentants d'organisations non gouvernementales :
Catégorie A
Confédération internationale des syndicats libresMlle SENDER
Catégorie B et Registre
Association internationale de droit pénalM. HABICHT
Caritas InternationalisM. BRAUN
M. METTERNICH
Comité consultatif mondial de la société des AmisM. BELL
Comité international d'aide aux intellectuelsM. WARBURG
Comté international d'aide aux intellectuelsMme SILBERSCHEIN
Comité des Eglises pour les affaires internationalesM. REES
Conseil consultatif d'organisations juivesM. MEYROWITZ
Conseil international des femmesMme FIECHTER
Fédération internationale des amies de la jeune filleMme FIECHTER
Ligue internationale des Droits de l'hommeMme BAER
Ligue internationale de Femmes pour la paix et la liberté.Mme BAER
Pax RomanaM. BUENSOD
Union internationale de protection de l'enfanceM. THELIN
Secrétariat :
M. HumphreySecrétaire exécutif
Mlle KitchenSecrétaire exécutive adjointe

EXAMEN DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (point 5 a) de l'ordre du jour) (A/CONF.2/1, A/CONF.2/5 et Corr.1) (suite)

Article premier - Définition du terme « réfugié » (A/CONF.2/3, A/CONF.2/13, A/CONF.2/16, A/CONF.A/17, A/CONF.2/27, A/CONF.2/73, A/CONF.2/74, A/CONF.2/75, A/CONF.276) (suite).

Le PRESIDENT invite la Conférence à poursuivre l'examen de l'article premier.

M. BELL (Comité consultatif mondial de la Société des Amis), prenant la parole sur l'invitation du PRESIDENT, indique que le Comité consultatif mondial de la Société des Amis a déjà, dans une note (A/CONF.2/NGO/7), demandé à la Conférence d'envisager la suppression de la mention d'une date limite, à savoir janvier 1951, dans le paragraphe 2 de la section A de l'article premier du projet de Convention. Si l'on s'en tient au débat qui a eu lieu au cours de la séance précédente, une telle demande serait inspirée par un idéalisme intégral tout à fait étranger à la réalité. Cependant, l'organisation que représente M. Bell a pu constater qu'une partie importante de l'opinion publique souhaitait que les gouvernements, (et chacun y fait figurer le gouvernement de son propre pays), assument certains risques en vue d'arriver à résoudre, dans le présent et pour l'avenir, le problème des réfugiés dans le monde entier.

Certains gouvernements peuvent estimer que cette manière de voir est par trop sentimentale et ne tient pas compte des conséquences que pourrait avoir cette solution libérale du problème. Certes, certains éléments du public sont mal informés, mais il existe aussi un nombre considérable de personnes que l'on ne saurait accuser de former les yeux devant les responsabilités et dont les craintes sur l'efficacité de la Convention peuvent être résumées dans les questions suivantes :

Qui décidera si c'est en raison d'« événements survenus avant le 1er janvier 1951 » qu'une personne est devenue un réfugié et qu'elle a donc le droit de bénéficier de la Convention ? Quelle serait la situation d'une personne persécutée, quittant son pays à l'heure actuelle ? Ce départ serait-il ou non la conséquence d'événements intervenus avant janvier 1951 ? Si on répondait par la négative, on créerait maintenant ou plus tard un nouveau groupe de personnes défavorisées et sans protection. Ceux-là même qui ont ou le courage moral de résister jusqu'ici à la tentation de fuir seraient pénalisés parce qu'ils n'ont pas quitté plus tôt leur pays. L'on a dit et un tel groupe venait à apparaître, les Etats membres de l'Organisation des Nations Unies pourraient prendre les mesures nécessaires pour résoudre le problème lorsqu'il se posera. Mais il est certain que c'est un problème qui ne disparaîtra jamais. En outre, il est peu probable que les instruments internationaux actuellement en vigueur puissent être assez rapidement modifiés pour répondre aux besoins urgents de certains êtres humains. Est-ce que le risque politique et économique de voir apparaître à tout moment de tels groupes et de les voir subsister jusqu'à ce que des dispositions aient pu être prises pour eux par l'intermédiaire de l'Organisation des Nations Unies n'est pas aussi grave que les risques politiques et économiques que l'on assumerait en acceptant l'obligation de s'efforcer de réintégrer immédiatement ces personnes dans la société et de réaliser cotte oeuvre aussi vite que possible ? Il faut espérer que les Gouvernements s'efforceront de répondre aux besoins des réfugiés normaux, bien qu'ils puissent être certains qu'il pourrait y avoir parmi eux des éléments indésirables susceptibles de provoquer des difficultés.

En terminent, M. Bell affirme à nouveau que de nombreuses personnes et organisations bien informées, et notamment celles qui ont une expérience directe du problème, souhaitent que les gouvernements prennent toute une série de risques calculés. Son organisation partage cette opinion, car elle est persuadée qu'une telle attitude favoriserait plutôt qu'elle n'entraverait la stabilité mondiale.

Mlle SENDER (Confédération internationale des syndicats libres), prenant la parole sur PRESIDENT, déclare que si l'on veut encourager la lutte pour la liberté et si l'on veut que la flamme de la liberté continue à briller d'un feu vif dans les démocraties, la Conférence ne doit pas permettre que les ressortissants des pays totalitaires aient le sentiment d'être abandonnés et isolés. Des mesures doivent être prises pour éviter que ces personnes ne sombrent dans la résignation, l'apathie et la soumission. D'autre part, les citoyens du monde libre n'ont pas le droit d'adresser des appels à ceux qui sont asservis s'ils ne tiennent pas compte des représailles dont les individus peuvent faire l'objet. Mlle Sender comprend que les gouvernements hésitent à prendre des engagements, particulièrement ceux qui ont l'intention de les exécuter loyalement, mais il faut éviter à tout prix de donner l'impression que les démocraties ne peuvent rien faire pour aider les victimes des régimes totalitaires ; car, lorsque cette impression aura pris la forme d'une conviction, les pays libres du monde cette impression aura pris la forme d'une conviction, les pays libres du monde perdront l'appui des peuples asservis.

Certains représentants ont soutenu qu'il est impossible de traiter le problème des réfugiés d'une manière générale. Pourtant la Déclaration universelle des Droits de l'homme et le projet du premier Pacte international relatif aux Droits de l'homme sont d'une portée beaucoup plus vaste que la Convention envisagée. Le représentant des Etats-Unis d'Amérique a répondu aux arguments de ceux qui préconisent une solution libérale en soutenant que d'autres mesures pourraient être prises pour protéger les personnes ne pouvant se réclamer de la Convention lorsque le besoin s'en fera sentir, le cas échéant. Mais il faut reconnaître que l'adoption de lois nouvelles demande souvent beaucoup de temps et que dans de nombreux cas, ces lois sont adoptées trop tard pour répondre à des besoins urgents. Il serait à in fois illogique et inhumain de limiter la protection aux victimes des persécutions passées. Le moment est venu, pour les gouvernements, d'assumer leurs responsabilités sans réserve, avec courage et résolution.

M. HERMENT (Belgique) dit que la Conférence se trouve en présence d'une question primordiale : celle de la portée du projet de convention. Il y a, à cet égard, deux manières de voir : les uns considèrent la convention comme un instrument de portée générale devant s'appliquer à tous les réfugiés quel que soit leur pays d'origine ; d'autres considèrent que la convention n'a qu'une portée restreinte et ne doit s'appliquer qu'aux réfugiés en provenance des pays d'Europe. Le représentant de la France a dit la déception que lui a causée l'absence de certains pays à la table de la Conférence et il a indiqué que le gouvernement français n'est pas disposé à s'engager vis-à-vis de pays qui ne veulent pas prendre d'engagements correspondants. Amis ne s'agit-il pas d'obligations contractées par les Etats à l'égard des réfugiés plutôt que d'engagements et d'obligations entre Etats ?

Le projet de convention ne fait aucune mention de ce que l'on appelle le droit d'asile. Il n'impose pas aux Etats d'ouvrir leurs frontières à tous les réfugiés et il ne modifie en rien les principes qui régissent actuellement l'immigration. Elle a seulement pour objet d'assurer aux réfugiés un minimum de droits et garanties, que nos gouvernements leur accordent d'ailleurs sans convention dans la plupart des cas. La question de savoir si les événements qui ont contraint une personne à devenir réfugié sont survenus en Europe, en Asie ou en Afrique est sans importance. Le problème doit être résolu en faisant abstraction du passé et des préjugés nationaux. La question de savoir combien de réfugiés bénéficieront des dispositions de la Convention est, elle aussi, sans importance puisque la Convention n'impose aux Etats aucune obligation pour ce que est du nombre des réfugiés à admettre sur leur territoire.

Le distingué représentant de la France nous a d'ailleurs quelque peu inquiété en disant que ce n'était qu'un cas où ces mots « en Europe » seraient réinscrits que son gouvernement pourrait envisager la possibilité de signer cette Convention. Quand bien même donc ces mots seraient réinsérés, nous n'aurions pas encore la certitude de voir la France signer la Convention. Nous avons vrai ment peine à croire que la République française voudrait rester étrangère à un pareil acte humanitaire.

La Conférence a été convoquée pour atteindre un objectif noble et l'extension du bénéfice de la Convention à tous les réfugiés éventuels est certainement conforme à cet objectif. Il est regrettable que la Conférence ait parfois adopté une attitude d'auto-défense à l'égard des réfugiés. Le texte que la Conférence va adopter doit être à la hauteur de la tâche à accomplir et l'amendement de la France à l'article premier ne permettrait guère d'obtenir ce résultat.

MUSTAPHA Bey (Egypte) tient tout d'abord à rendre hommage à l'oeuvre admirable du Comité consultatif mondial de la Société des Amis en faveur des réfugiés arabes de Palestine. Le représentant de l'Egypte ne peut que s'associer aux suggestions faites par le représentant de cette organisation.

Il semble nécessaire de faire la lumière sur deux questions qui paraissent indépendantes l'une de l'autre mais entre lesquelles il existe une relation de cause à effet, car elles intéressent le champ d'application de la Convention.

Le représentant de la France a fort justement rappelé que l'exclusion des réfugiés arabes de Palestine du mandat du Haut-Commissaire pour les réfugiés était due à l'initiative des délégations de pays arabes à la Cinquième session de l'Assemblée générale. C'est sur le conseil de l'Egypte que les pays arabes ont pris cette initiative. On ne saurait cependant faire aucune comparaison entre le problème des réfugiés en général et celui des réfugiés de Palestine. Le premier, en effet, est dû à des événements d'ordre national propres à chaque pays, persécutions raciales, politiques ou religieuses par exemple. Ce n'est donc pas du point de vue juridique un problème qui intéresse les Nations Unies ; elles s'y sont cependant intéressées pour des raisons d'humanité. Le problème des réfugiés arabes de Palestine a, au contraire, son origine même dans l'action des Nations Unies dont divers organismes et institutions fournissent à ces réfugiés protection et assistance depuis 1948. C'est pourquoi les délégations des pays arabes à l'Assemblée générale des nations Unies ont demandé et obtenu l'exclusion temporaire des réfugiés du Palestine du mandat du Haut-Commissaire pour les réfugiés. Mais lorsque le problème palestinien sera résolu et que ces réfugiés ne jouiront plus de l'assistance et de la protection des Nations Unies, il sera tout à fait normal et équitable qu'ils bénéficient de la convention relative au statut des réfugiés. C'est pourquoi la délégation de l'Egypte a présenté son amendement (A/CONF.2/13) à l'article premier du projet de convention.

A propos de la définition du terme « réfugié », le représentant de la France a dit que son pays ne peut signer un chèque en blanc et qu'il ne peut prendre d'engagements illimités et indéterminés à l'égard de tous les réfugiés. Or la tâche de la Conférence ne consiste pas à étendre les obligations des divers Etats, mais à donner un statut juridique aux réfugiés qui se trouvent déjà sur le territoire des Etats contractants. Le respect du principe de la solidarité internationale exige que la portée de la convention soit étendue et qu'elle s'applique à tous les réfugiés d'où qu'ils viennent. La Conférence tient son mandat de l'Assemblée générale. Le champ d'activité de la Conférence est défini par la résolution 429 (V) de l'Assemblée générale, et il est maintenant trop tard pour le restreindre.

M. ROCHEFORT (France) proteste contre toute interprétation qui pourrait créer des doutes sur le caractère des instructions qu'il a reçues du Gouvernement français. La position de la France qui est d'ailleurs analogue à colle des Etats-Unis, ne semble pas moralement aussi embarrassante que le pense le représentant de la Belgique. Que la France adhère ou non à la Convention, il n'est pas dans les intentions des autorités françaises de former les frontières de la France. La France demeure fidèle à la politique généreuse et bienveillante qu'elle a toujours adoptée à l'égard des réfugiés.

Le représentant de la France ne saisit pas très bien l'importance que l'on attache à la date du 1er janvier 1951 puisque, d'après l'interprétation que certains pays ont donnée au projet de convention, rien dans le texte de ce projet ne saurait empêcher l'admission des réfugiés sur le territoire des Etats contractants. Ceux qui sont devenus des réfugiés à la suite d'événements survenus postérieurement du 1er janvier 1951 ne rentreront pas moins dans le cadre du mandat du Haut-Commissariat pour les réfugiés puisque ce mandat ne comporte pas de limitation de date. Le Haut-Commissaire aura le devoir de faire en sorts que le plus grand nombre possible de réfugiés qui ne sont pas protégés par des conventions antérieures bénéficient des dispositions de la convention que la Conférence examine actuellement.

Le représentant de la France tient à souligner que le problème auquel le représentant de la Belgique a fait allusion n'est pas né seulement de l'amende ment de la France ; il est dû aussi à l'attitude adoptés par les délégations du Royaume-Uni et de l'Egypte. Il est intéressant à cet égard de se reporter à la convention de 1933 relative au statut international des réfugiés. On pourrait penser que si un petit nombre de pays seulement ont adhéré à cette convention, c'est parce que le texte en était trop étroit quant à la définition du terme « réfugié » et quant aux droits qui leur étaient assurés. La définition donnés dans la convention de 1033 n'est pas nue définition générale, puisqu'elle ne concerne que les réfugiés russes, arméniens et assimilés et l'on pouvait peut-être penser qu'elle ne ferait pas l'objet de réserves. Cependant, un gouvernement qui a signé mais qui n'a pas ratifié la convention, a fait des réserves sur la définition et sur la date qui, bien qu'elle ne figure pas dans le texte de la convention, peut être considérée comme figurant dans certaines réserves. Le Royaume-Uni a ratifié la convention en faisant certaines réserves. La Belgique a signé la convention en faisant des réserves sur l'article 14. D'autre part, on a reproché à la France d'interpréter trop largement la notion d'ordre public. Or, cette notion a été considéré comme trop étroite par le Gouvernement du Royaume-Uni puisqu'il a fait des réserves sur l'article 3 de la convention de 1933.

Ce que la France désire, c'est que la convention soit adoptée, signés et ratifiée avec le moins de réserves possibles. Il est inutile en effet d'adopter un texte d'apparence généreuse si cette générosité est démentie par des réserves et par un nombre limité d'adhésions.

Certains pays souhaitent une définition plus générale du terme « réfugié ». Mais un coup n'a-t-il pas déjà été porté à ce principe par l'exception faite pour les réfugiés de Palestine et en faveur des pays de l'Amérique du sud, qui accordent déjà le droit d'asile d'une manière très libérale et qui signeront d'autant plus facilement une convention concernant les réfugiés d'Europe qu'ils ne seront pas obligés de contracter de nouvelles obligations à l'égard de leurs voisins.

Il faut éviter que la convention relative au statut des réfugiés rejoigne les précédentes conventions dans le linceul de pourpre où dorment les textes morts.

Le texte de la convention doit tenir compte des réalités et s'appuyer sur les pays où se pose effectivement le problème des réfugiés.

Nul pays plus que la France ne désire voir élaborer une convention qui protège les droits des réfugiés et leur accorde une protection efficace et réelle.

M. Rochefort est surpris que l'on puisse accuser la France d'égoïsme.

Un échange de déclarations a lieu à ce moment entre M. ROCHEFORT (France) et M. HERMENT (Belgique). Ces derniers sont convenus, d'accord avec le PRESIDENT que ces déclarations ne figureraient pas au compte rendu analytique de la séance.

M. AL PACHACHI (Irak) tient à s'associer sans réserve aux observations du représentant de l'Egypte. Il félicite également le représentant de la Belgique de son éloquents déclaration.

On a laissé entendre à M. Al Pachachi que la Convention devait s'appliquer à tous les réfugiés indistinctement ; il a donc été à la donc été à la fois surpris et déconcerté d'entendre certaines délégations affirmer qu'elle devrait s'appliquer seulement aux réfugiés d'Europe. Il comprend la position adoptés par le représentant de la France : elle traduit le désir bien légitime de ne pas signer un chèque en blanc au nom du Gouvernement français et blâme les non européens qui n'ont pas cru utile de se faire représenter à la Conférence. Il se peut que le problème des réfugiés laisse indifférents certains des pays absents ; l'Irak, quant à lui, s'y intéresse vivement et désire que l'on aboutisse à une convention dont les dispositions soient applicables à tous les réfugiés.

Il pense donc que le représentant de la France pourrait se contenter de formuler une réserve à l'article premier conçue dans le même sens que son amendement.

Le PRESIDENT exprime l'espoir que tous les représentants voudront bien reconnaître qu'il s'est efforcé de garder aux débats un caractère amical et il se déclare convaincu que tous continueront à lui apporter leur concours pour y parvenir. Aucun de ceux qui participent aux travaux de la Conférence n'ignore les traditions de bienveillance des autres pays lorsqu'il s'agit des réfugiés ; le Président est persuadé que nul ne souhaite mettre en doute l'action humanitaire de l'un quel, conque des pays représentés à la Conférence.

Parlant en sa qualité de représentant du Danemark, il est en mesure de dire que le pays dont il vient d'être question jouit au Danemark d'une très haute estime pour son attitude à l'égard de problèmes qu'il appartient à la Conférence de résoudre.

Le Président espère donc que tous s'abstiendront de parler des autres pays en termes inamicaux et qu'il pourra ainsi, lorsque l'heure sera venue de quitter la conférence, emporter intact le souvenir agréable qu'il a gardé des travaux du Comité spécial.

M. FRITZER (Autriche) déclare que si certaines des clauses de la Convention peuvent n'être pas acceptables ou n'être que difficilement acceptables pour de grands Etats, le texte de la convention est dans l'ensemble tout à fait acceptable pour de petits pays tels que l'Autriche.

Il n'est pas entièrement favorable à l'amendement de la France, parce qu'il nuirait aux statuts des réfugiés. Toutefois, il votera probablement pour cet amendement parce qu'il est convaincu que la France donnera son adhésion à la Convention et parce qu'il tient à ce que la convention soit signée par le plus grand nombre possible d'Etats.

Les représentants qui ont pris la parole au sujet de l'article premier à la séance précédents, ont formulé des remarques de fond portant sur l'ensemble de la convention. M. Fritzer rappelle qu'il a annoncé, lors de la deuxième séance, que le gouvernement fédéral autrichien avait l'intention de signer la Convention. Rien dans les débats qui se sont déroulés depuis lors n'a amené le Gouvernement autrichien à modifier sa position.

M. Fritzer approuve dans l'ensemble la définition du terme « réfugié » donnée à l'article premier, réserve faite toutefois du paragraphe 3 de la section B, lequel prévoit que la convention cessera d'être applicable à toute personne visée par les dispositions de la section A si elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a acquis une nouvelle nationalité . C'est là une disposition logique et compréhensible puisque la convention tend à assurer aux réfugiés des droits aussi voisins que possible de ceux dont jouissent les ressortissants des divers pays. Toutefois M. Fritzer est opposé à l'adoption de ce texte parce qu'il priverait les réfugiés naturalisés de droits dont ils ont eu le bénéfice avant leur naturalisation.

En vertu de l'article 6 du projet de Convention, un réfugié déporté au cours de la deuxième guerre mondiale jouit de certaines avantages importants du fait que la durée de ce séjour forcé sur le territoire de l'un des Etats Contractants compte comme résidence régulière sur ce territoire et du fait également que si, après avoir été déporté du territoire d'un Etat contractant, il y est ensuite retourné, la période de résidence antérieure à la déportation st celle qui suit cette déportation doivent être considérées comme ne constituant qu'une seule période ininterrompue. Il peut se faire qu'un pays où il y a pénurie de logements exige que les candidats à un logement aient résidé cinq ans au moins sur son territoire. L'application du paragraphe 3 de la section B, sous sa forme initiale, ferait perdre à un réfugié naturalisé le bénéfice d'une partie de la période de résidence nécessaire. De même, un réfugié naturalisé se trouverait privé des documents dont il est fait mention à l'article 20. D'une manière générale, les réfugiés naturalisés se verraient refuser le bénéfice des mesures d'assistance internationale prévues par la Convention.

Le représentant de l'Autriche demande donc à la Conférence, et plus particulièrement au Haut Commissaire pour les réfugiés, d'appuyer son amendement (A/CONF.2/17) qui répond au désir profond de dizaines de milliers de réfugiés, convaincus que si l'on devait maintenir le texte initial du paragraphe 3 de la section B de l'article premier, ils perdraient bon nombre d'avantages dont ils ont eu le bénéfice jusqu'ici.

M. SCHURCH (Suisse) rappelle que la Suisse n'étant pas membre de l'Organisation des Nations Unies, n'a pas pris part aux discussions sur la définition du terme « réfugié » qui ont eu lieu tant au Comité spécial qu'à l'Assemblée générale. C'est pourquoi il voudrait exposer l'attitude du gouvernement fédéral helvétique à cet égard.

Le gouvernement fédéral considère comme réfugiés tous les étrangers dont la vie est menacée pour des motifs politiques et qui, pour se soustraire à cette menace, sont obligés de se réfugier en Suisse. La Suisse s'est également intéressée aux autres catégories de réfugiés. Elle a adhéré à l'Organisation internationale pour les réfugiés et souscrit à la définition du terme « réfugié » qui figure dans la Convention de l'OIR. D'autre part, elle a maintes fois manifesté son intérêt pour le sort des réfugiés auxquels la convention de l'OIR ne s'applique pas et elle les a souvent assistés. C'est ainsi que les chambres fédérales ont décidé de mettre des sommes considérables à la disposition des oeuvres en faveur des réfugiés fonctionnant en Autriche et en Allemagne. Le sens large que la Suisse a donné au terme « réfugié » ne lui permet pas aujourd'hui d'appuyer un amendement qui tend à rendre cette définition plus étroite. La Suisse comprend bien toutefois les préoccupations de la France dont le libéralisme à l'égard des réfugiés est bien connu. La Suisse pense que, tout en ne modifiant pas le texte actuel de l'article premier, il serait peut-être possible de répondre aux objections de la France et des pays dont la position est analogue en permettant aux Etats contractants de faire des réserves sur cet article. Malgré les hésitations que peuvent éprouver certaines délégations à l'égard de cette proposition, il y aurait moins d'inconvénients à adopter cette procédure qu'à limiter, en maintenant le texte actuel du paragraphe 2 de la section A de l'article premier, le nombre des signatures et des ratifications de la convention et des adhésions ultérieures à cette convention. En ce qui la concerne, la Suisse n'est pas elle-même appelée à formuler de telles réserves et, en présentant sa proposition, elle désire seulement faire preuve d'esprit de conciliation.

Le PRESIDENT estime que la suggestion du représentant de la Suisse ouvre la voie à la solution du problème très difficile que la Conférence examine. Bien qu'il semble prématuré d'essayer de parvenir à une décision immédiate, il serait cependant utile do donner toute l'attention voulue à la suggestion suisse.

En vertu du paragraphe 1 de l'article 36 du projet de Convention, les Etats contractants peuvent, au moment de la signature, de la ratification ou de l'adhésion, formuler des réserves aux articles de la Convention autres que les articles 1, 3, 11 (1), 28, et que les chapitres VI et VII ; mais ce texte n'est pas sacro-saint et en fait, n'a même pas fait l'objet d'une discussion ou d'un vote. Afin de résoudre la difficulté, cet article pourrait être amendé afin de permettre aux signataires de formuler une réserve appropriée au lieu d'insister sur l'insertion des mots « en Europe » au paragraphe 2 de la section A de l'article premier.

La difficulté réside dans le fait qu'un réfugié vivant dans un pays qui applique la définition la plus large de ce paragraphe pourrait se voir refuser l'admission dans un autre pays, qui aurait adopté une définition plus limitée, sous prétexte que sa condition de réfugié résulte d'événements ayant eu lieu hors d'Europe.

Le Président ne s'inquiète pas beaucoup du fait que quelques Etats sont absents de la Conférence. Certains d'entre eux ont pu s'abstenir parce qu'ils n'ont pas l'intention de signer un instrument tel que celui qui est projeté ; d'autres sont peut-être absents parce qu'ils pensaient que tous les aspects du problème seraient évoqués en détail ici, et que, en d'autres termes, ils attendent le résultat. On doit se rappeler également que certaines Conventions précédentes relatives aux réfugiés n'ont reçu des adhésions que plusieurs années après avoir été terminées. Certaines d'antre elles ont même été acceptées par des Etats qui n'étaient pas représentés lors de leur rédaction. Par exemple, le gouvernement danois aurait pu décider, par mesure d'économie, de ne pas envoyer de délégation et d'accepter ce que les délégations de la Norvège et de la Suède auraient elles-mêmes approuvé. Tel est peut-être le cas pour certains pays de l'Amérique latine dont la position est peut-être très semblable à celle du Brésil ou du Venezuela. La conférence ne devrait pas se borner à considérer ce qui peut être généralement accepté à un moment donné, et le Président demande aux délégations de chercher une solution de compromis dans cet esprit.

Il ajoute que rien n'empêche un Etat d'accorder à un réfugié des avantages plus étendus que ceux que prévoit la Convention ; de même, rien n'empêche un Etat d'aider des réfugiés qui, techniquement, ne sont pas visés par la Convention.

M. CHANCE (Canada) déclare qu'il est, lui aussi, extrêmement désireux de voir intervenir un compromis inspiré par la proposition du représentant de la Suisse. Au cours de toutes les discussions, aussi bien au sein du Comité spécial qu'ailleurs, la délégation canadienne a adopté l'attitude la plus large. Par conséquent, il regretterait que la Conférence rédigeât un instrument qui limite le champ d'application du projet de convention tel qu'il a été soumis à la Conférence.

Certains pays semblent avoir l'impression qu'aucun des pays du Nouveau Monde n'a l'intention de signer la convention. L'orateur rappelle qu'il a exposé en toute franchise les difficultés que le gouvernement canadien a décelées dans le texte du projet de Convention, tel qu'il figure dans le document A/CONF.2/1. Mais, depuis l'ouverture de la Conférence, il y a eu bien des changements apportés au texte et le gouvernement canadien est prêt à revoir son attitude à l'égard de l'adhésion, en tenant compte de l'instrument auquel les débats donneront finalement naissance. Sur ce point, M. Chance se demande si la position de sa délégation diffère beaucoup peut-être de celle d'un certain nombre d'autres délégations.

MUSTAPHA Bey (Egypte) n'a pas d'objection à présenter conter la proposition présentée par le représentant de la Suisse. Il doute, toutefois, de la valeur juridique de l'instrument envisagé car si la pratique du droit international admet les réserves, lors de la signature d'une traité ou d'un accord, la possibilité de faire de telles réserves au moment de l'adhésion est généralement exclue. Si l'on permettait aux Etats de formuler des réserves en adhérant à la Convention, plusieurs années peut-être après sa rédaction, les autres parties contractantes seraient ainsi obligées d'accepter ces réserves qu'elles ne pouvaient prévoir. L'orateur aimerait, par conséquent, qu'un expert juridique du Secrétariat donne des précisions sur la situation.

Le PRESIDENT répond que le Secrétariat donnera les éclaircissements demandés.

Il attire l'attention du représentant de l'Egypte sur deux instruments antérieurs relatifs aux réfugiés. Aux termes de l'article 22 de la convention relative au statut international des réfugiés, signée à Genève le 28 octobre 1933 :

« Chacune des parties contractantes peut déclarer, au moment de la signature, de la ratification ou de l'adhésion, que, par son acceptation de la présente Convention, elle n'entend assumer aucune obligation ... »

De même, aux termes de l'article 25 de la Convention concernant le statut des réfugiés provenant d'Allemagne, signée à Genève le 10 février 1983 :

« Les Hautes parties contractantes devront, au moment de la signature de la ratification, de l'adhésion ou de la déclaration prévue au paragraphe 2 de l'article 24, indiquer que leur signature, ratification, adhésion ou déclaration s'appliquera soit seulement à l'ensemble des chapitres. ».

Par conséquent, ceux qui rédigent et adoptent la Convention ont le devoir et le privilège d'introduire les réserves qu'ils jugent nécessaires. Le Président espère que la Conférence ne se laissera pas indûment influencer par ce qui a été fait dans d'autres réunions ; en effet, la conférence est maîtresse absolue de ses décisions. Il pourrait être utile par exemple, d'indiquer dans la Convention que les Etats contractants auront le droit, au moment de la signature, de la ratification ou de l'adhésion, d'inclure une réserve indiquant qu'à leur égard, le paragraphe 2 de la section A de l'article premier ne concerne que les événements se produisant en Europe.

La séance est levée à 18 heures