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CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : Compte Rendu Analytique de la Septième Séance

CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : Compte Rendu Analytique de la Septième Séance
A/CONF.2/SR.7

20 Novembre 1951
Présents :
Président : M. LARSEN
Membres :
AustralieM. SHAW
AutricheM. FRITZER
BelgiqueM. HERMENT
BrésilM. OLINTO de OLIVEIRA
CanadaM. CHANCE
ColombieM. GIRALDO-JARAMILLO
DanemarkM. HOEG
EgypteMUSTAPHA Bey
Etats-Unis d'AmériqueM. WARREN
FranceM. ROCHEFORT
GrèceM. PAPAYANNIS
IrakM. AL PACHACHI
IsraëlM. ROBINSON
ItalieM. del DRAGO
M. THEODOLI
LuxembourgM. STURM
MonacoM. SOLAMITO
NorvègeM. ARFF
Pays-BasBARON van BOETZELAER
République fédérale d'AllemagneM. VON TRÜTZSCHLER
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du NordM. HOARE
SuèdeM. PETREN
Suisse (et Liechtenstein)M. SCHURCH
TurquieM. MIRAS
YougoslavieM. MAKIEDO
M. BOZOVIC
Observateurs :
CubaM. DUSSAG-FISHER
IranM. KAFAI
Haut-commissaire pour les RéfugiésM. van HEUVEN GOEDHART
Représentants d'institutions spécialisées et autres organisations intergouvernementales
Organisation internationale pour les réfugiésM. STEPHENS
Représentants d'organisations non gouvernementales :
Catégorie B et Registre :
Caritas InternationalisAbbé HAAS
M. METTERNICH
M. BRAUN
Comité consultatif mondial de la Société des AmisM. BELL
Comité de coordination d'organisations juivesM. WARBURG
Commission des Eglises pour les affaires internationalesM. REES
Congrès juif mondialM. RIEGNER
Conseil consultatif d'organisations juivesM. MEYROWITZ
Conseil internationale des femmesMme FIECHTER
Fédération internationale des amies de la jeune filleMme FIECHTER
Ligue internationale des Droits de l'hommeMme BAER
Ligue internationale de Femmes pour la paix et la libertéMme RIEGNER
Union catholique internationale de service socialMlle de ROMER
Union internationale des Ligues féminines catholiquesMlle de ROMER
Secrétariat :
M. HumphreySecrétaire exécutif
Mlle KitchenSecrétaire exécutive adjointe

1. EXAMEN DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (point 5 de l'ordre du jour) (A/CONF.2/1 et Corr.1, A/CONF.2/5), (suite de la discussion)

(i) Article 5 - Dispense des mesures exceptionnelles (suite)

Le PRESIDENT fait remarquer que, lorsque la Conférence a décidé à la séance précédente d'adopter l'amendement du Royaume-Uni au paragraphe 2 de l'article 5, elle n'a pas décidé de l'endroit où il convenait d'insérer le nouveau texte. Il propose que le nouvel article soit inséré avant l'article 6 et qu'il soit provisoirement numéroté article 5 (A).

Il en est ainsi décidé.

Le PRESIDENT invite ensuite la Conférence à examiner le paragraphe 1 de l'article 5. Il croit savoir que le représentant du Royaume-Uni a un amendement à présenter.

M. HOARE (Royaume-Uni) déclare qu'il n'a pas encore rédigé le texte de façon satisfaisante, aussi demande-t-il que toute nouvelle discussion sur le paragraphe 1 de l'article 5 soit ajournée jusqu'à ce qu'il ait fait distribuer son amendement.

Il en est ainsi décidé.

(ii) Article 6 - Continuité de résidence (A/CONF.2/24)

M. MAKIEDO (Yougoslavie), en présentant l'amendement de la Yougoslavie (A/CONF.2/24) à l'article 6, déclare qu'il ne s'oppose pas à l'objet de cet article, mais il estime qu'il convient de fixer une limite de temps en ce qui concerne le retour des réfugiés, afin de pouvoir calculer leur période de résidence.

Le PRESIDENT fait remarquer qu'en rédigeant l'article 6, le Comité spécial pour les réfugiés et les apatrides s'est préoccupé d'éviter aux réfugiés lorsqu'on calcule leur période de résidence, d'être désavantagés parce qu'ils ont été déportés d'un pays. Cette question présente une importance particulière dans les pays qui exigent des conditions de résidence pour la naturalisation. Bien que l'amendement du représentant de la Yougoslavie semble conforme à cette intention, le Président juge cet amendement superflu puisque plusieurs années se sont écoulées depuis la fin de la guerre et puisqu'il est déjà dit à l'article 6, « et y est retourné pour y établir sa résidence ».

M. CHANCE (Canada) et M. HERMENT (Belgique) sont d'avis que la rédaction de l'amendement yougoslave serait plus claire si les mots « avant » remplaçaient le mot « jusqu'à ».

M. MAKIEDO (Yougoslavie) accepte cette modification.

Le PRESIDENT met aux voix la proposition yougoslave d'insérer les mots « avant l'entrée en vigueur de cette convention » après les mots « et y est retourné pour y établir sa résidence » au paragraphe 2 de l'article 6.

A l'unanimité l'amendement yougoslave, ainsi amendé, est adopté.

(iii) Article 7 - Statut personnel (A/CONF.2/30, A/CONF.2/31, A/CONF.2/33, A/CONF.2/34, A/CONF.2/36).

Le PRESIDENT appelle l'attention de la Conférence sur les amendements à l'article 7 présentés par les délégations de l'Autriche, de la Yougoslavie, des Pays-Bas et de la Suisse (A/CONF.2/30, A/CONF.2/31, A/CONF.2/33 et A/CONF.2/34 respectivement). Un amendement de la délégation du Royaume-Uni sera aussi distribué prochainement.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) présente son amendement (A/CONF.2/33) à l'article 7. Sans doute est-il souhaitable, comme l'a dit le Haut-Commissaire pour les réfugiés, que la Conférence adopte les dispositions de l'article 7 qui concerne le statut personnel des réfugiés. Toutefois, il y a lieu d'observer que le sens du mot « domicile » n'est pas le même dans le droit anglo-saxon et dans le droit continental. C'est pourquoi il serait préférable de substituer à ce mot l'expression « résidence habituelle » dont la traduction en anglais (habitual residence) n'offre aucune possibilité de malentendu.

D'autre part, aux termes du Traité de La Haye, relatif au droit international privé, le statut des étrangers est régi par la loi du pays dont il possède la nationalité. De nombreux pays ont ratifié ce traité ce si l'on adopte l'article 7, il faudra considérer la convention comme une dérogation à ce traité. Cela pose une difficulté car certains pays qui n'adhéreront pas à la convention, mais sont parties au traité de La Haye, restent soumis aux obligations du traité de La Haye. Il y a là une question à examiner qui, à vrai dire, n'est pas d'une extrême importance, car il est évident que les réfugiés fixés dans les pays qui deviendront partie à la Convention ne retourneront pas dans les pays qui n'adhéreront pas à la convention.

M. FRITZER (Autriche), en présentant son amendement (A/CONF.2/30) déclare que les dispositions de l'article 7 modifieraient le droit international privé puisque, jusqu'à maintenant, le statut personnel des étrangers a été régi par la loi du pays dont ils possèdent la nationalité. Le Gouvernement autrichien est disposé à accepter l'article 7, mais pense que son application serait simplifiée et serait plus avantageuse pour les réfugiés si le mot « domicile » était remplacé, dans tout le corps de l'article, par les mots « résidence habituelle ». Cet amendement mettrait l'article 7 en accord avec la rédaction au paragraphe 2 de l'article 11.

Le PRESIDENT fait remarquer que l'amendement de la délégation de l'Autriche est en fait identique à la première partie de l'amendement de la délégation des Pays-Bas (A/CONF.2/33).

M. MAKIEDO (Yougoslavie) indique que la législation yougoslave prévoit que le statut personnel d'un étranger est régi par la loi du pays dont il possède la nationalité. La Yougoslavie aurait donc quelques difficultés à appliquer les dispositions de l'article 7 tel qu'il figure actuellement dans le projet de convention.

En réalité, la plupart des pays européens reconnaissent pour principe général que c'est la loi nationale qu'il faut appliquer pour déterminer le statut personnel d'un étranger. C'est pourquoi la Yougoslavie désire vivement voir modifier dans ce sens l'article 7. Toutefois, elle ne rend tout à fait compte des difficultés que pose la situation des réfugiés ne possédant pas de nationalité. Désireuse de collaborer pleinement à l'élaboration d'une convention qui puisse recueillir le plus grand nombre d'adhésions possible, la délégation yougoslave présente une solution de compromis (A/CONF.2/31) qui permettra à chaque Etat contractant, et aux réfugiés qui sont des apatrides un statut régi par la loi du pays de leur domicile ou, à défaut de celui-ci, par la loi du pays de leur résidence.

En ce qui concerne le paragraphe 2 de l'article 7, relatif au respect par les Etats contractants des droits des réfugiés découlant de leur statut personnel, l'amendement yougoslave assurerait non seulement le respect de ces droits, mais aussi celui des obligations précédemment contractées par le réfugié, soit à l'égard de ses proches, soit à l'égard d'autres personnes, Comment pourrait-on, en effet, protéger les droits d'une catégorie d'individus, en portant atteinte aux droits d'une autre catégorie de personnes ? il y a là une question humanitaire qui ne peut échapper à l'attention de la Conférence.

M. SCHURCH (Suisse) déclare que les dispositions prévues au paragraphe 1 de l'article 7 sont déjà appliquées, en Suisse, aux étrangers dont la nationalité n'a pu être établie. Mais, le statut des étrangers possédant une nationalité déterminée, est régi par la législation de leur pays d'origine. L'adhésion de la Suisse à la convention aurait donc pour effet de modifier la politique qu'elle a jusqu'ici suivie en matière de statut personnel des étrangers. En principe, le gouvernement helvétique est prêt à faire une telle exception en faveur des réfugiés et ne conteste donc pas le principe qui est à la base de l'article 7. En examinant l'article 31 qui a trait aux mesures d'application du projet de convention, le gouvernement fédéral s'est demandé toutefois si cette modification interviendrait du fait même de son adhésion à la convention étant donné que l'article 7 énonce une règle matérielle précise ou s'il sera nécessaire d'adopter une nouvelle législation et, dans ce cas, s'il conviendrait qu'il fît des réserves sur ce point. Les experts suisses consultés à cet effet ont exprimé l'avis que le gouvernement fédéral pouvait renoncer à formuler ces réserves. Le représentant de la Suisse se borne à limiter pour le moment ses remarques au paragraphe 1 de l'article 7, se réservant le droit de revenir plus tard sur le paragraphe 2 du même article. Il estime, en effet, que la conférence ne discute pour le moment que l'article 7 (1).

Le PRESIDENT répond qu'en effet seul le paragraphe 1 de l'article 7 est actuellement en discussion.

M. HERMENT (Belgique) hésite quelque peu à accepter l'amendement des Pays-Bas. Le paragraphe 1 de l'article 7 est directement inspiré de la Convention relative au statut des réfugiés du 28 octobre 1933 ratifiée par le Royaume-Uni ; or, le Royaume-Uni ne semble pas faire d'objection à employer, dans le texte de la convention, les deux mots « domicile » et « résidence ».

Par contre, il faut éviter d'opposer le concept de « résidence » à celui de « résidence habituelle », car dans ce cas le premier concept pourrait comprendre un séjour de quelques jours seulement et cela serait assez dangereux. Au Royaume-Uni, chaque personne acquiert à sa naissance un d'origine qu'elle conserve jusqu'à ce qu'elle se soit fixée dans un domicile de son choix et c'est alors ce dernier qui est constitutif du domicile légal.

M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) estime que le texte primitif du paragraphe 1 est meilleur, du point de vue de la technique juridique, que celui des amendements présentés par les Pays-Bas et par l'Autriche. En effet, le concept du domicile comporte une relation de droit entre une personne et son domicile, alors que celui de la résidence implique un simple fait de séjour, sans relation de droit entre la personne et ce lieu de séjour. Il serait très dangereux d'introduire dans le projet de convention la nouvelle notion de « résidence habituelle » et c'est pourquoi la délégation de la Colombie votera contre les amendements de l'Autriche et des Pays-Bas.

D'autre part, le chapitre II du projet de convention qui a trait à la condition juridique représente une innovation en ce sens qu'il n'établit pas de différence entre les réfugiés apatrides et les réfugiés possédant une nationalité. Ce fait entraînera des difficultés assez graves pour certains pays et leur imposera peut-être de modifier leur législation. C'est pour cette raison que la délégation de la Colombie est prête à appuyer l'amendement yougoslave, bien que la rédaction de la première phrase de cet amendement ne lui paraisse pas très satisfaisante.

M. HOARE (Royaume-Uni), confirme que les observations présentées par le représentant de la Belgique à propos de la législation britannique relative au domicile sont parfaitement exactes. Il existe deux concepts dans le droit anglo-saxon : le domicile d'origine et le domicile d'élection. Le premier peut être ou non le lieu de naissance, le deuxième est choisi par la personne intéressée. Le représentant du Royaume-Uni considère que les difficultés d'ordre technique, qui seraient soulevées par l'application de l'article 7, ont été exagérées. Il sera très rare qu'un réfugié ayant fui son pays d'origine n'adopte pas comme domicile le pays où il a cherché refuge. D'autre part, si l'on introduit le concept de la « résidence habituelle », certains pays pourront se trouver en difficulté, ce concept n'ayant pas, jusqu'ici fait partie de leur système juridique, et cela nécessiterait une interprétation par les tribunaux. Par ailleurs, le concept du domicile est bien connu. C'est pour quoi le représentant du Royaume-Uni préfère la rédaction originale du paragraphe 1.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) fait observer que l'article 11 fait déjà mention de la résidence habituelle. L'amendement néerlandais n'introduit donc pas une notion nouvelle dans le projet de convention. Toutefois, puisqu'il semble que tout le monde, y compris le représentant du Royaume-Uni, soit d'accord sur le sens du mot anglais « domicile », il n'insistera pas sur son amendement et le retire.

M. PETREN (Suède) accepte le principe énoncé à l'article 7 et espère que la Suède pourra éviter d'exprimer des réserves à son égard lorsqu'elle signera la Convention.

M. ROCHEFORT (France) fait observer qu'il est parfois difficile de déterminer si un réfugié possède une nationalité ou s'il est apatride. Cela dépend de décisions prises par les pays d'origine, décisions qui peuvent souvent être arbitraires, notamment lorsqu'il s'agit de déchéances de nationalité.

D'autre part, les statuts personnels dans certains pays peuvent être incompatibles avec la dignité humaine et on peut considérer que ces statuts sont un des éléments qui ont amené une personne à fuir sa patrie. Il ne serait pas juste que les Etats contractants les appliquent. C'est pourquoi le France ne pourra appuyer l'amendement yougoslave au paragraphe 1 de l'article 7.

L'amendement helvétique au paragraphe 2 de l'article 7 peut néanmoins répondre à certains soucis légitimes.

Enfin, pour ce qui est de l'amendement yougoslave au paragraphe 2 de l'article 7, la délégation française ne voit aucun inconvénient à l'insertion des mots « et les obligations » qui, en droit civil, accompagne généralement la mention des droits.

M. FRITZER (Autriche) déclare qu'il retire son amendement (A/CONF.2/30) en raison des arguments qui ont été avancés au cours de la séance.

Le PRESIDENT constate que dans ce cas l'amendement yougoslave est le seul amendement au paragraphe 1 de l'article 7 qui reste à examiner.

MUSTAPHA Bey (Egypte) désirerait exposer le régime appliqué en Egypte en ce qui concerne le statut personnel, car de la connaissance de ce régime peut dépendre l'attitude de certaines délégations à l'égard de cette question.

En raison de sa position géographique et de la diversité des éléments de sa population, le problème du statut personnel pose de sérieuses difficultés pour l'Egypte. La majorité de la population égyptienne est musulmane et son statut personnel est régi par la loi coranique, alors que le statut personnel d'autres éléments de la population est régi par la loi de leurs religions ou de leurs rites respectifs. Ce qui plus est, dans chacun de ces systèmes, les éléments constitutifs du statut personnel sont considérés d'une façon différente. D'autre part, le statut des étrangers (autres que les étrangers musulmans) est en Egypte régi par leur statut personnel conformément a leur loi nationale, que mentionne la loi égyptienne. Si les réfugiés sont régis par le statut personnel du pays de domicile ou, à défaut de domicile, de résidence, il y aura difficulté, s'ils sont fixés en Egypte, à déterminer lequel parmi les divers types de statuts personnels du domicile ou de la résidence doit leur être appliqué puisqu'il y en a plusieurs, comme vient de le montrer le représentant de Egypte.

Il serait donc utile que la convention définît ce qu'on entend par statut personnel. Certes cette question est fort complexe et risque d'entraîner la Conférence dans de longs débats. C'est pourquoi la délégation de l'Egypte se bornera pour l'instant à la signaler à l'attention de la Conférence et demande aux représentants d'y réfléchir sérieusement.

M. ROBINSON (Israël) insiste auprès du représentant de la Yougoslavie pour qu'il examine à nouveau cette question en tenant compte des opinions qui ont été exprimées par la majorité des représentants.

M. MAKIEDO (Yougoslavie) souligne à nouveau que la Yougoslavie éprouvera des difficultés à adhérer à la convention si l'article 7 est conservé sous sa forme actuelle et cela pour les raisons qu'il a déjà indiquées. Sur ce point, le représentant de la Yougoslavie devra, dans ce cas, réserver la position de son Gouvernement.

Le texte de l'amendement yougoslave n'impose aucune règle rigide. Il est inspiré de la convention de 1983 concernant le statut des réfugiés provenant d'Allemagne. En fait, il ne semble pas si difficile de déterminer la nationalité des réfugiés. Pour ceux dont on n'aura pu déterminer la nationalité, les dispositions prévues par l'amendement yougoslave sont identiques à celles du paragraphe 1 de l'article 7 lui-même.

M. ROCHEFORT (France) dit que le texte de l'amendement yougoslave ne laisse pas choix aux Etats contractants. C'est seulement pour les réfugiés dont il n'aura pas été possible de déterminer la nationalité, que le statut personnel sera régi par la loi du pays de leur domicile. Or, contrairement à ce que pense le représentant de la Yougoslavie, il est souvent bien difficile, comme M. Rochefort l'a déjà démontré, de savoir si un réfugié particulier a encore une nationalité.

La règle que propose l'article 7 du projet de convention est plus simple que celle proposée par l'amendement yougoslave. C'est celle qui a été élaborée par le Comité spécial après de longues discussions et il est souhaitable de s'y tenir.

M. von TRÜTZSCHLER (République fédérale d'Allemagne) s'associe aux remarques du représentant de la France. L'application de la loi du pays d'origine soulèverait de graves objections du point de vue technique.

M. ROBINSON (Israël) fait observer que, du point de vue moral, ce serait commettre une grave erreur que de décider que les réfugiés seront régis par les lois d'un pays qu'ils ont répudié. Le droit pour une personne de choisir librement sa propre nationalité est une considération d'une extrême importance. De plus, une telle manière de faire soulèverait de sérieuses objections d'ordre pratique ; si l'on prend par exemple le cas d'une personne dont le lieu d'origine est Vilna, et qui a cherché refuge dans un pays où, en matière de droit international privé, les tribunaux appliquent la loi du pays d'origine, ceux-ci devront d'abord déterminer s'ils doivent appliquer le droit civil polonais, ou celui de la Lituanie avant son annexion par l'Union soviétique, ou encore, le code civil soviétique applicable dans toutes les républiques composant l'Union soviétique. Une telle décision implique des considérations d'ordre politique et, dans certains pays, les tribunaux peuvent refuser d'entrer dans de telles considérations. En outre, si ces tribunaux ont besoin de se renseigner sur l'interprétation de la loi d'un pays particulier, ils devront parfois faire appel aux experts juridiques de ce pays. D'où pourraient surgir des complications sans nombre. M. Robinson considère que la procédure proposée dans l'amendement yougoslave serait, à tous égards, impossible à appliquer et aurait pour conséquence d'imposer aux réfugiés des procédures juridiques interminables.

Le représentant de la Suisse a soulevé l'importante question des relations qui existent entre l'article 7 et l'article 31 au projet de convention mais, c'est peut-être à l'occasion de l'article 31 que l'on pourra examiner si les dispositions de l'article 7 devront être introduites dans la législation nationale des Etats contractants, afin de rendre cet article automatiquement applicable.

M. MAKIEDO (Yougoslavie) indique que, pour simplifier la question, il retire son amendement, tout en réservant la position de son Gouvernement sur ce point.

Le PRESIDENT déclare que tous les amendements au paragraphe 1 de l'article 7 ayant été retirés, il va mettre aux voix ce paragraphe tel qu'il se présente dans le document A/CONF.2/1.

Par 20 voix contre zéro, avec 3 abstentions, le paragraphe 1 de l'article 7 est adopté.

Le PRESIDENT appelle l'attention des représentants sur les amendements au paragraphe 2 de l'article 7 déposés par la délégation du Royaume-Uni et celle de la Suisse (A/CONF.2/36 et A/CONF.2/34).

M. SCHURCH (Suisse) déclare que le droit helvétique reconnaît les droits acquis mais sous réserve des dispositions concernant l'ordre public. Le Gouvernement fédéral ne pourrait donc accepter le paragraphe 2 de l'article 7 sans que cette réserve y figurât. C'est pourquoi la délégation helvétique présente son amendement (A/CONF.2/34). Si cet amendement devait rencontrer de l'opposition, la délégation helvétique est disposée à le retirer, mais elle devra alors faire les réserves appropriées. M. Schurch croit savoir que le représentant du Royaume-Uni a l'intention de présenter un amendement qui n'a pas encore été distribué en français. Peut-être cet amendement répondra-t-il aux préoccupations de la délégation helvétique. Dans ce cas, le représentant de la Suisse retirera peut-être son amendement en faveur de l'amendement du Royaume-Uni.

M. HOARE (Royaume-Uni), présentant son amendement au paragraphe 2 de l'article 7 (A/CONF.2/36) fait observer qu'il comporte deux éléments distincts qui pour raient être mis aux voix séparément. En proposant de remplacer les mots « du pays du domicile ou, si le réfugié n'a pas de domicile, par la législation du pays de résidence », per les mots « dudit Etat », il a voulu indiquer de façon précise que les formalités à entreprendre pour déterminer les droits découlant du statut personnel doivent être celles qui sont prescrites par la loi du pays où ces droits doivent s'exercer. Par exemple, un réfugié qui est domicilié en Italie peut se trouver momentanément en France et désirer y faire valoir certains droits. Il peut même vouloir exercer ces mêmes droits en France sans se trouver personnellement dans le pays, par exemple en prenant des dispositions testamentaires ; de toute évidence, on ne pourrait alors penser que, dans ce cas, les formalités doivent être celles qui sont prescrites par la loi italienne, comme peut le laisser supposer la rédaction originale du paragraphe 2.

La deuxième partie de l'amendement du Royaume-Uni, dans laquelle il est proposé d'ajouter les mots « étant entendu, toutefois, que les droits en cause doivent être de ceux qui auraient été reconnus par la législation dudit Etat si l'intéressé n'était devenu un réfugié » est destinée à répondre à la question soulevée par le représentant de la Suisse, à savoir que l'on ne peut demander aux Etats de respecter des droits acquis précédemment par un réfugié, lorsque ces droits sont contraires à la législation nationale. Un Etat ne peut protéger un droit qui est contraire à son ordre public comme l'a dit le représentant de la Suisse. Le représentant du Royaume-Uni est prêt à examiner attentivement toute rédaction plus satisfaisante qui pourrait être proposée.

M. l'Abbé HAAS (Caritas Internationalis) prenant la parole sur l'invitation du Président demande à ce dernier s'il pourrait préciser l'interprétation qu'il convient de donner aux mots « découlant du statut personnel » et au mot « notamment », qui figurent dans le texte original du paragraphe 2 de l'article 7. Les droits en question comprennent-ils ceux qui découlent du statut familial ?

Le PRESIDENT regrette de ne pouvoir répondre à cette question. Pour cela il faudrait avoir une connaissance du droit international privé qu'il ne prétend pas posséder. C'est à la Cour internationale de Justice qu'il appartiendra en définitive de donner une réponse à cette question.

M. CHANCE (Canada) déclare qu'il a tout à fait présents à l'esprit les débats que le Comité spécial a consacrés à l'article 7. A son avis, l'amendement au paragraphe 2 du représentant du Royaume-Uni rendrait la rédaction plus conforme à l'intention des auteurs du projet ; aussi lui donnera-t-il son appui.

M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) se rallie à la thèse exposée par le représentant du Royaume-Uni et appuiera son amendement.

M. SCHURCH (Suisse) prendra la même position et retire son amendement au paragraphe 2.

M. ROCHEFORT (France) demande au représentant du Royaume-Uni quelques éclaircissements sur son amendement. Il semble résulter de ce qui a été dit précédemment que le mot « domicile » comporte en anglais une acception différente de celle généralement admise par les participants à la Conférence. L'amendement du Royaume-Uni signifie-t-il en fait que le Royaume-Uni appliquera aux réfugiés certains éléments du statut personnel découlant de la loi de leur pays d'origine ? Dans ce cas, ne serait-il pas préférable d'abandonner la notion de domicile pour revenir à celle de la résidence habituelle ? La question lui semble assez complexe pour qu'elle doive être attentivement étudiée.

M. HOARE (Royaume-Uni) fait observer que le paragraphe 2 a trait aux formalités qu'entraîne la reconnaissance de droits découlant du statut personnel, le statut personnel lui-même étant défini au premier paragraphe. L'amendement du Royaume-Uni a pour objet de faire disparaître l'anomalie que lui semble présenter le paragraphe 2.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) appuie le point de vue du représentant de la France. Jusqu'ici, le statut d'un étranger était régi par la loi de son pays d'origine. On a voulu donner aux réfugiés le statut du pays de leur domicile. Si l'on veut maintenant leur donner le statut du pays de leur résidence, on va provoquer une grande confusion. Il serait bon que la question fût étudiée à tête reposée.

Le PRESIDENT relève que les mots essentiels sont : « précédemment acquis ». Il importe de prévoir certaines dispositions garantissant que ces droits (précédemment acquis) ne seront pas en contradiction avec la législation du pays où le réfugié aura son domicile.

M. ROCHEFORT (France) demande que soit renvoyée la suite de l'examen de l'amendement du Royaume-Uni afin de permettre aux représentants de consulter des experts sur les conséquences juridiques de l'amendement.

Il en est ainsi décidé.

M. MAKIEDO (Yougoslave) défend son amendement (A/CONF.2/31) au paragraphe 2 de l'article 7. Cet article parle des droits des réfugiés. Certes, le but visé par la Conférence est de protéger les intérêts des réfugiés. Mais, il y a un autre aspect du problème. Il s'agit aussi de protéger les droits des personnes envers lesquelles un réfugié a contracté des obligations résultant de son statut personnel. Il convient donc d'ajouter au paragraphe 2, après les mots « les droits », les mots « et les obligations ».

M. HERMENT (Belgique) voudrait que le représentant de la Yougoslavie cite un cas concret à l'appui de sa thèse. Comment une obligation contractée par un réfugié peut-elle être respectée par un Etat contractant ? En ce qui concerne particulièrement les droits résultant du mariage, un conjoint qui s'estime lésé peut s'adresser aux tribunaux compétents. Il n'appartient pas à un Etat contractant d'assurer le respect d'obligations contractées par un réfugié.

M. ROCHEFORT (France) pense que l'on pourrait résoudre la difficulté en introduisant l'idée d'obligation dans une autre partie de l'article, par exemple après les mots « des formalités prévues par la législation du pays du domicile » et sous la forme suivante : « et du respect des obligations découlant de ce statut personnel ». On donnerait ainsi satisfaction au représentant de la Yougoslavie tout en répondant à l'objection formulée par le représentant de la Belgique.

M. MAKIEDO (Yougoslavie) pense que la suggestion du représentant de la France est de nature à apaiser les préoccupations du représentant de la Belgique en ce qui concerne particulièrement les obligations résultant du mariage.

M. HERMENT (Belgique) ne voit pas comment la reconnaissance d'un droit peut être subordonnée à la reconnaissance d'une obligation. Les deux choses sont juridiquement indépendantes.

M. ROCHEFORT (France) pense que l'on pourrait lever la difficulté en introduisant l'idée d'obligation, non pas dans le paragraphe 2 de l'article 7, mais dans le paragraphe 1, en donnant par exemple à ce paragraphe la forme suivante :

« Le statut personnel de tout réfugié, avec les droits et obligations qui en découlent, sera régi par la loi du pays de son domicile ou, à défaut de domicile, par la loi du pays de sa résidence. »

M. MIRAS (Turquie) juge cette addition peut-être inutile, car le statut personnel n'implique-t-il pas de lui-même des droits et des obligations ?

M. ROCHEFORT (France) le pense en effet. Mais l'introduction dans le paragraphe 1 des mots en question donnerait satisfaction au représentant de la Yougoslavie et n'offre aucun inconvénient.

M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) estime que la rédaction originale de l'article est préférable du point de vue technique. Il semble inutile de mentionner expressément dans cet article les obligations contractées par le réfugié car il est évident que les droits découlant du statut personnel entraînent des obligations. On pourrait sans doute trouver une formule plus satisfaisante.

De l'avis de M. MAKIEDO (Yougoslavie) il n'y a là qu'une question de style ; le représentant de la Yougoslavie serait heureux que les membres des délégations de langue française veuillent bien l'aider à résoudre cette difficulté. L'essentiel est que le texte du projet de convention consacre la reconnaissance des obligations du réfugié et que l'Etat contractant sur le territoire duquel il réside puisse les faire respecter.

M. ROCHEFORT (France) pense que, si du point de vue juridique, il n'apparaît pas indispensable d'introduire dans le texte la notion d'obligation, il n'en reste pas moins vrai qu'on peut, ce faisant, donner satisfaction au représentant de la Yougoslavie. Il faut faire certaines concessions pour faciliter l'adhésion des Etats à la Convention pourvu que l'on ne porte pas atteinte aux droits des réfugiés.

M. ROBINSON (Israël) déclare que le voeu général, dont le représentant de la France s'est fait l'écho, étant de permettre à un aussi grand nombre d'Etats que possible d'accéder à la Convention et le représentant de la Yougoslavie attachant de l'importance à son amendement, la Conférence doit s'efforcer de l'accepter.

Le PRESIDENT fait observer que, sous la forme nouvelle suggérée par le représentant de la France, l'amendement porte sur le paragraphe 1 qui a déjà fait l'objet d'un vote. Il propose néanmoins que la Conférence revienne au premier paragraphe pour résoudre la difficulté ; le représentant de la Yougoslavie s'estimerait-il satisfait si, après les mots : « le statut personnel de tout réfugié », l'on insérait les mots « avec les droits et obligations qui en découlent ».

M. BOZOVIC (Yougoslavie) fait observer qu'il s'agit là de droits déjà acquis.

Le représentant yougoslave accepte d'introduire dans le paragraphe 1 de l'article 7 l'amendement que la délégation yougoslave avait présenté au paragraphe 2 de cet article, mais est nécessaire de préciser qu'il s'agit des droits précédemment acquis et des obligations antérieurement contractées.

Le PRESIDENT déclare qu'il est fort malaisé de déterminer ce qui constitue un droit et ce qui constitue une obligation. Pour revenir à l'exemple des obligations familiales cité par le représentant de la Yougoslavie, on peut se demander si l'obligation qui incombe à un père de subvenir à l'entretien de ses enfants implique pour les enfants le droit à cet entretien, au cas où le statut personnel du père se modifierait. En Norvège, par exemple, d'après ce qu'il sait, le père est tenu de subvenir à l'entretien de ses enfants jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de 21 ans alors qu'au Danemark l'âge fixé est 18 ans. Il se demande donc si, dans le cas d'un père norvégien transférant sa résidence de Norvège au Danemark, il serait juste de parler d'un droit acquis des enfants à être entretenus après 18 ans. La réponse dépend de diverses circonstances, notamment de la législation nationale, et soulève plusieurs points de droit. Puisque le texte a déjà été adopté par un certain nombre d'Etats dans des Conventions antérieures et l'on n'a pas prétendu que ces conventions eussent donné lieu à ces difficultés, les représentants devraient examiner attentivement la question avant de décider de modifier la rédaction primitive de l'article 7. Il rappelle aussi que ce texte a été établi par des juristes du Secrétariat des Nations Unies et qu'il a été adopté par le Comité spécial à ses deux sessions. Le Président demande aux délégations de réfléchir à ce sujet et puisque les difficultés ont surgi à propos des amendements présentés tant par la Yougoslavie que par le Royaume-Uni, il propose que la Conférence ajourne sa décision sur l'article 7 et aborde entre temps l'examen de l'article 8.

Il en est ainsi décidé.

(iv) Article 8 - Propriété mobilière et immobilière

Le PRESIDENT annonce qu'il n'a pas été présenté d'amendement à l'article 8.

A l'unanimité, l'article 8 est adopté, sans observations.

M. van BOETZELAER (Pays-Bas) explique que, s'il a voté pour l'article 8, il ne s'ensuit pas qu'il accepte sans réserve les mots « dans les mêmes circonstances ».

Le PRESIDENT précise qu'à propos des divers articles, y compris l'article 8, il reste certains points de caractère général à régler. Il propose donc que la Conférence procède ultérieurement à une seconde lecture de l'ensemble du texte du projet de convention.

Il en est ainsi décidé.

(v) Article 9 - Propriété intellectuelle et industrielle (A/CONF.2/38, A/CONF.2/39)

M. FRITZER (Autriche) estime qu'il est de simple justice d'accorder aux réfugiés qui résident dans un pays donné la même protection qu'aux nationaux de ce pays en ce qui concerne la propriété industrielle et les droits en matière de propriété littéraire, scientifique et artistique ; il lui semble toutefois que, dans sa rédaction actuelle, l'article 9 a une portée un peu trop vaste. D'après ce texte, un réfugié aurait le droit de bénéficier de cette protection même s'il ne séjournait que quelques jours dans le pays en question. De l'avis de la délégation autrichienne, il faudrait spécifier dans l'article que le réfugié ne doit pas se trouver dans le pays pour un court séjour seulement. L'orateur propose de remplacer les mots : « où ils résident » par les mots suivants : « où ils ont leur résidence habituelle, et, en l'absence d'une résidence habituelle, où ils résident ». (A/CONF.2/38).

Le PRESIDENT fait savoir que la délégation suédoise désire présenter un amendement à l'article 9 dont le texte français sera distribué au cours de l'après-midi.

M. PETREN (Suède) présente son amendement (A/CONF.2/39) à l'article 9 du projet de convention. Cet amendement est à peu près semblable à celui de l'Autriche, si ce n'est que la notion de « résidence habituelle » est remplacée par celle de « domicile ». Cette différence est importante. C'est pourquoi le représentant de la Suède insiste sur son amendement.

M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) rappelle les observations qu'il a déjà faites sur la notion nouvelle de « résidence habituelle », qu'il lui semble dangereux d'introduire dans la Convention. Quelle durée de séjour implique en effet cette notion ? La législation colombienne assure aux étrangers les mêmes droits qu'aux ressortissants de la Colombie, sans fixer de restrictions fondées sur la durée du séjour. Le texte primitif de l'article 9 est conforme à cette pratique. C'est pourquoi la délégation de la Colombie votera en faveur de ce texte

M. ROCHEFORT (France) craint que l'amendement de la délégation de l'Autriche n'aille à l'encontre du but visé par cette délégation. En effet, s'il est adopté, le réfugié résidant dans un pays, même pour quelques jours, bénéficiera des dispositions de cet amendement comme s'il y avait sa résidence habituelle. D'autre part, il est difficile d'introduire maintenant, comme le fait l'amendement suédois, le concept du domicile qui offre certains inconvénients du point de vue juridique. Peut-être le représentant de l'Autriche aurait-il satisfaction si l'on gardait le texte primitif de l'article 9, étant entendu que par « résidence » on entend « résidence habituelle ou si l'on ajoutait au mot « résidence » le mot « habituelle ».

M. PETREN (Suède) fait observer que, si l'on admet dans une autre partie du projet de convention le mot « domicile », on peut l'accepter également dans l'article 9.

M. FRITZER (Autriche) signale que, dans le deuxième paragraphe de l'article 11, on emploie déjà les mots « résidence habituelle ».

M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) fait remarquer que l'article 11 n'a pas encore été adopté. Si l'on a accepté le mot « domicile » dans certains articles du projet de Convention, cela ne veut pas dire qu'il faille l'accepter partout. Il y a une différence entre les droits découlant du statut personnel et les autres droits civils par exemple les droits patrimoniaux comme ceux dont on discute. Dans le premier cas, le concept du « domicile » peut convenir, mais on ce qui concerne la propriété intellectuelle et industrielle, le concept de la « résidence » est préférable.

Les réfugiés et les apatrides se trouvent toujours dans une situation de fait avant de se trouver dans une situation de droit, ainsi que l'a fait justement observer le représentant de la France.

Le PRESIDENT prenant la parole en qualité de représentant du Danemark, explique que le texte actuel de l'article 9 a été établi d'après une proposition danoise présentée au Comité spécial et qui a reçu l'appui de la délégation du Royaume-Uni. Ce texte, toutefois, ne traduit pas fidèlement l'intention primitive. La question de nationalité entre en jeu puisque la reconnaissance des droits d'une personne en matière de propriété littéraire, artistique, scientifique, par exemple, varie selon que le pays dont cette personne est ressortissant ou dans lequel elle réside a signé la convention internationale adoptée à cet égard ou ne l'a pas fait. Pour citer un exemple, on pourrait raisonnablement demander pourquoi un réfugié, venant d'un pays qui n'a pas accédé à cette convention et résidant dans un pays d'accueil qui n'a pas non plus signé cette convention, devrait bénéficier, lorsqu'il est de passage en Suisse pour quelques jours, de la même protection à cet égard qu'un ressortissant suisse.

L'orateur comprend donc toute la valeur de l'argument avancé par les représentants de l'Autriche et de la Suède lorsque ceux-ci déclarent que le réfugié doit avoir avec le pays dans lequel il désire faire reconnaître ses droits des liens plus étroits que ceux que prévoir l'article 9. L'orateur ajoute que la délégation du Danemark a l'intention de présenter ultérieurement un amendement approprié.

2. VERIFICATION DES POUVOIRS DES REPRESENTANTS

Le PRESIDENT appelle l'attention de la Conférence sur l'article 2 du règlement intérieur relatif aux pouvoirs des représentants. Il rappelle que la Conférence est une conférence de plénipotentiaires qui a été convoquée en application de la résolution 429 (V) de l'Assemblée générale pour signer les instruments qu'elle aura élaborés.

Il faut se rappeler que non seulement pour pouvoir signer des instruments diplomatiques, mais aussi pour participer à une conférence de plénipotentiaires les représentants doivent être munis de pouvoirs validés à cet effet soit par un chef d'Etat soit par un chef de gouvernement soit encore par un Ministre des Affaires étrangères. Si le plénipotentiaire est habilité non seulement à participer à la conférence, mais aussi à signer les documents élaborés, il doit être spécifié expressément dans ces pouvoirs, que le représentant est habilité à apposer sa signature au nom du pays qu'il représente.

Jusqu'ici, les représentants de cinq Etats seulement, à savoir l'Autriche, la Belgique, le Danemark, le Luxembourg et la Norvège, ont présenté des pouvoirs les autorisant à participer aux délibérations de la Conférence et à signer les instruments diplomatiques élaborés par celle-ci. Les pouvoirs des représentants d'Israël et de la Suisse les autorisent à participer à la Conférence sans qu'il y soit fait mention du droit de signer les instruments qui résulteront de ses travaux. Les pouvoirs présentés par la délégation suisse l'autorisent également à représenter la Principauté du Liechtenstein et à signer en son nom les décisions et protocoles élaborés par la Conférence.

Les autres délégations n'ont pas encore présenté les pouvoirs requis. Conformément à l'article 3 du règlement intérieur, ils ont le droit de siéger à la Conférence à titre provisoire. Toutefois les membres du Bureau de la Conférence se proposent de rédiger dans quelques jours le rapport définitif à la Conférence sur les pouvoirs des participants et il est indispensable que les représentants qui ne l'ont pas encore fait présentent, avant le 14 juillet, leurs pouvoirs en bonne et due forme au Secrétariat de la Conférence.

M. CHANCE (Canada) fait observer qu'il a remis ses pouvoirs à la Secrétaire exécutive adjointe le matin même de l'ouverture de la Conférence.

MUSTAPHA Bey (Egypte) dit qu'il se trouve dans la même situation que le représentant du Canada. Les pouvoirs l'autorisant à siéger à la Conférence, mais non pas à signer la Convention, ont été communiqués au Secrétaire général des Nations Unies il y a deux mois.

M. ROCHEFORT (France) déclare que si l'on exige des pouvoirs particuliers pour signer l'instrument et non pas seulement des pouvoirs pour participer aux travaux de la Conférence, il semble que cinq Etats seulement se soient conformée à cette règle et, dans ces conditions, les représentants des autres Etats ne siégeraient à la Conférence qu'en qualité d'observateurs.

Le PRESIDENT fait remarquer qu'il s'agit là d'une question de procédure diplomatique internationale officielle. Il ne fait aucune critique sur le titre auquel un membre quelconque participe aux travaux de la Conférence ; il fait simplement allusion au fait que les représentants doivent présenter les pouvoirs signés par une autorité compétente. Comme il l'a déjà signalé, les pouvoirs des représentants d'Israël et de la Suisse sont également en ordre en ce qui concerne la participation à la Conférence puisqu'ils ont été signés soit par le Ministre des Affaires étrangères, soit par le chef de l'Etat bien qu'ils ne donnent pas le droit de signer les instruments qui auront été préparés.

M. THEODOLI (Italie) dit que la délégation italienne est habilitée pour participer aux travaux de la Conférence, mais que les pleins pouvoirs requis sont encore actuellement à la signature du Chef de l'Etat.

MUSTAPHA Bey (Egypte) voudrait qu'on lui précise si la communication faite au nom du gouvernement égyptien au Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies est suffisante.

M. ROCHEFORT (France) demande s'il n'existe pas, pour régler cette question, une commission de vérification des pouvoirs.

M. CHANCE (Canada) suggère que le Secrétariat examine à fond la question et il propose de lever la séance.

La motion d'ajournement est adoptée

Le PRESIDENT ajoute que les représentants qui ne sont pas sûrs que leurs pouvoirs soient établis dans la forme réglementaire devront le consulter ou consulter les membres du Secrétariat qui sont très au courant de cette question.

La séance est levée à 13 h. 10.