CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : Compte rendu analytique de la dix-septième séance tenue au Palais des Nations, à Genève, le jeudi 12 juillet 1951, à 10 h. 30
CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : Compte rendu analytique de la dix-septième séance tenue au Palais des Nations, à Genève, le jeudi 12 juillet 1951, à 10 h. 30
A/CONF.2/SR.17
Présents :
Président : M. LARSEN
Membres : | |
Australie | M. SHAW |
Autriche | M. FRITZER |
Belgique | M. HERMENT |
Canada | M. CHANCE |
Colombie | M. GIRALDO-JARAMILLO |
Danemark | M. HOEG |
Egypte | MUSTAPHA Bey |
Etats-Unis d'Amérique | M. WARREN |
France | M. ROCHEFORT |
Grèce | M. PAPAYANNIS |
Irak | M. Al PACHACHI |
Israël | M. ROBINSON |
Italie | M. THEODOLI |
Luxembourg | M. STRUM |
Monaco | M. SOLAMITO |
Norvège | M. ARFF |
Pays-Bas | Baron van BOETZELAER |
République fédérale allemande | M. von TRÜTZSCHLER |
Royaume-Uni | M. HOARE |
Saint-Siège | Mgr. BERNARDINI archevêque d'Antioche de Pisidré |
Suède | M. PETREN |
Suisse | M. SCHURCH |
Turquie | M. MIRAS |
Venezuela | M. MONTOYA |
Yougoslavie | M. BOZOVIC |
Observateur : | |
Iran | M. KAFAI |
Haut-Commissaire pour les réfugiés | M. Van HEUVEN GOEDHART |
Représentants d'institutions spécialisées et d'autres organisations intergouvernementales | |
Organisation internationale pour les réfugiés | M. SCHNITZER |
Organisation internationale du Travail | M. WOLF |
Conseil de l'Europe | M. TALIANI de MARCHIO |
Représentants d'organisations non gouvernementales | |
Catégorie B et Registre | |
Caritas Internationalis | M. BRAUN M. METTERNICH |
Comité de coordination d'organisation juives | M. WARBURG |
Comité une église pour les affaires internationales | M. REES |
Conférence permanente des agences bénévoles | M. REES |
Congrès juif mondial | M. RIEGNER |
Conseil consultatif d'organisations juives | M. MEYROWITZ |
Conseil international des femmes | Mme FIECHTER |
Fédération internationale des amies de la jeune fille | Mme FIECHTER |
Ligue internationale des droits de l'homme | M. de MADAY |
Pax Romana | M. BUENSOD |
Union catholique internationale de service social | Mlle de ROMER |
Union internationale des ligues féminines catholiques | Mlle de ROMER |
Secrétariat : | |
M. Humphrey | Secrétaire exécutif |
Mlle Kitchen | Secrétaire exécutive adjointe |
EXAMEN DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (Point 5 a) de l'ordre du jour) (A/CONF.2/1 et Corr.1, A/CONF.2/5) (suite) :
Article 23 et Annexe - Titres de voyage (A/CONF.2/31, A/CONF.2/56, A/CONF.2/59, A/CONF.2/61, A/CONF.2/64, A/CONF.66, A/CONF.67) (reprise des délibérations de la douzième séance)
Le PRESIDENT invite les membres de la Conférence à reprendre l'examen de l'article 23 et de l'annexe qui s'y rapporte (Annexe au Projet de convention, A/CONF.2/1), en se bornant pour l'instant à étudier l'annexe dans la mesure où cela est nécessaire à la discussion des principes généraux énoncés dans l'article 23 lui-même.
M. BOZOVIC (Yougoslavie) explique que l'amendement (A/CONF.2/31) au paragraphe 1 de l'article 23 que la délégation yougoslave a présenté a pour objet de prévoir les cas où un Etat ne seait pas tenu de délivrer un titre de voyage à un réfugié. L'amendement belge, visant ce cas, M. Bozovic retire l'amendement yougoslave en sa faveur.
M. HERMENT (Belgique) remercie le représentant yougoslave de ce geste. Il lui semble que l'amendement présenté conjointement par les délégations de l'Australie et du Canada (A/CONF.2/66) s'inspire des mêmes préoccupations que l'amendement de la Belgique et il se demande si, dans ces conditions, les délégations de l'Australie et du Canada ne pourraient pas accepter de retirer, elles aussi, leur proposition.
M. CHANCE (Canada) fait observer qu'en présentant leur amendement commun, les délégations de l'Australie et du Canada ont voulu prévoir le cas des pays dans lesquels il n'existe pas de réglementation législative régissant la délivrance des passeports. Il est disposé à retirer cet amendement en faveur de l'amendement belge bien que ce dernier soulève une fois de plus la notion assez délicate d'ordre public.
M. THEODOLI (Italie) retire également l'amendement italien (A/CONF.2/56) à l'article 23 en faveur de l'amendement belge. Toutefois, il croit devoir attirer l'attention sur un point qui, selon lui, mérite un examen plus approfondi ; il s'agit du fait que l'amendement italien prévoit seulement le cas de la suspension de la délivrance d'un titre de voyage tandis que l'amendement belge semble permettre aux Etats contractants de voyage tandis que l'amendement belge semble permettre aux Etats contractants de refuser la délivrance d'un tel titre.
M. HERMENT (Belgique) précise que la clause limitative que contient l'amendement belge n'implique pas que la délivrance de titres de voyage aux réfugiés serait refusée catégoriquement. Elle tend seulement à permettre de suspendre provisoirement la délivrance de ces titres ; lorsque les raisons de sécurité nationale ou d'ordre public qui ont incité les Etats à suspendre la délivrance de ces documents auront disparu, cette mesure n'aura plus de raison d'être.
M. HOARE (Royaume-Uni) admet qu'il peut y avoir des circonstances dans lesquelles il est souhaitable de laisser aux Etats une certaine latitude, Toutefois l'amendement commun de l'Australie et du Canada est préférable à l'amendement belge ; en effet, il protège mieux les réfugiés en ce sens qu'il prévoit que la délivrance aux réfugiés de titres de transports sera régie par les mêmes critères que la délivrance des passeports.
M. HOEG (Danemark) approuve les observations du représentant du Royaume-Uni et appuie l'amendement commun.
M. ARFF (Norvège) déclare que la délégation norvégienne appuiera l'amendement commun car il permettra d'adapter les règlements norvégiens relatifs à la délivrance de titres de voyage aux dispositions de la Convention. A l'heure actuelle, les autorités norvégiennes peuvent refuser de délivrer des titres de voyage à des ressortissants norvégiens s'ils sont en faillite, n'ont pas acquitté leurs impôts, etc., et il est naturellement souhaitable que les ressortissants norvégiens ne soient pas placés, pour l'obtention de passeports, dans une situation moins favorable que les réfugiés.
La délégation norvégienne peut approuver la suppression, au paragraphe I du texte original, du membre de phrase « qui... n'est pas détenteur d'un tel titre », car il n'est évidemment pas nécessaire de délivrer un titre de voyage si le réfugié en détient déjà un ; d'ailleurs si le titre dont il est détenteur n'est pas valable, les dispositions du paragraphe 6 de l'Annexe permettent de résoudre la difficulté.
M. PETREN (Suède) déclare que la délégation suédoise peut appuyer aussi bien l'amendement belge que celui de l'Australie et du Canada, mais qu'elle préfère le premier qui est plus conforme à la législation suédoise actuelle.
M. ROCHEFORT (France) appuie la déclaration du représentant de la Suède. La législation française ne permet pas de donner effet à la réserve qui figure dans l'amendement commun et, si la délégation française l'acceptait, elle ne ferait que paralyser son gouvernement dans l'octroi des titres de voyage. En outre, il ne faut pas perdre de vue que certains pays se montrent extrêmement circonspects lorsqu'il s'agit d'accorder des visas d'entrée même aux ressortissants de pays amis. Il est donc tout à fait normal que la France s'entoure des mêmes précautions lorsqu'il s'agit d'octroyer un titre de voyage à des réfugiés arrivés depuis peu de temps et qui ne sont pas encore bien connus. Pour toutes ces raisons, l'amendement de la Belgique est le seul que la délégation française puisse appuyer.
Parlant alors de l'amendement présenté par la délégation française (A/CONF.2/59), M. Rochefort indique que cette proposition a pour but de supprimer les mots « sans visa des autorités de ce pays » qui figurent au paragraphe 13 de l'Annexe. Dans la pratique, le Gouvernement de la France accorde les droits prévus par l'alinéa 1 du paragraphe 13 de l'Annexe aux étrangers qui bénéficient de la Convention de 1933, car il s'agit de personnes établies depuis longtemps en France et que le Gouvernement français connaît bien. Par contre, le Gouvernement français entend garder la possibilité d'un droit de contrôle sur les mouvements des autres réfugiés, possibilité dont il ne se servira que dans la mesure où cela lui paraîtra indispensable.
M. HERMENT (Belgique) regrette de ne pouvoir donner satisfaction au représentant du Royaume-Uni en retirant l'amendement belge. En effet, la délégation belge est convaincue que son amendement est plus favorable aux intérêts des réfugiés que l'amendement commun. Le représentant de la Norvège a cité le cas de gouvernements qui refusent de délivrer un passeport aux personnes qui n'ont pas acquitté leurs impôts. C'est là l'une des « circonstances » dans lesquelles un Etat refuse de délivrer un passeport à ses propres ressortissants et, si l'on adoptait l'amendement commun, on pourrait, pour une raison analogue, refuser de délivrer un passeport à un réfugié. De même si un ressortissant d'un Etat n'a pas fait son service militaire, il se voit d'habitude refuser le passeport qu'il a demandé. Logiquement, ce passeport devrait donc également être refusé à un réfugié se trouvant dans la même situation. L'on voit donc que le texte de l'amendement commun peut faire l'objet d'une interprétation très extensive. La délégation belge préfère donc son propre texte.
M. ROCHEFORT (France) souligne qu'il importe de ne se faire aucune illusion sur la portée de l'article 23. La valeur des titres de voyage est nulle si ces titres ne sont pas accompagnés d'un visa d'entrée dans un autre pays. Les réfugiés auxquels le Gouvernement français estimerait nécessaire de refuser un titre de voyage sont précisément ceux auxquels aucun des pays représentés à la Conférence ne consentirait à accorder un visa d'entrée. Le point important n'est donc pas l'octroi d'un titre de voyage, mais l'octroi d'un visa et c'est sous cet angle qu'il convient d'envisager le problème.
M. SCHURCH (Suisse) pense que les objections du représentant du Royaume-Uni sont essentiellement inspirées par la notion « d'ordre public » que l'on trouve dans l'amendement de la Belgique. On pourrait donc supprimer les mots « ordre public » de manière que la proposition belge puisse être acceptée par toutes les délégations.
M. HERMENT (Belgique) regrette de ne pouvoir accepter la proposition du représentant de la Suisse. L'intention de la délégation belge est de prévoir le cas d'un réfugié qui ferait l'objet de poursuites pour un délit de droit commun. Ce réfugié se verrait refuser un passeport, non pas pour des raisons de sécurité nationale, mais pour des raisons d'ordre public.
M. ROCHEFORT (France) appuie sans réserve les observations du représentant de la Belgique.
M. SHAW (Australie) explique que le but de l'amendement commun de l'Australie et du Canada est de réduire les exceptions au minimum. En Australie, le refus d'un passeport est une mesure très exceptionnelle, et ne saurait être considéré comme pouvant influer gravement sur la situation des réfugiés en ce qui touche la délivrance de titres de voyage. La délégation australienne préfère la formule large de l'amendement commun ; elle admet toutefois que le problème se trouve réglé bien que de façon plus étroite, par l'amendement de la délégation belge.
M. ROCHEFORT (France) précise que, même si un réfugié était jugé indésirable en France pour des raisons d'ordre public, le Gouvernement français ne lui refuserait certainement pas un titre de voyage s'il était assuré de recevoir un visa d'entrée dans des pays comme l'Australie ou le Canada.
M. HOARE (Royaume-Uni) ne méconnaît pas l'importance des motifs qui ont inspiré les propositions restrictives soumises par les délégations de l'Australie, du Canada, de la Belgique et de la Yougoslavie. Il se déclare toutefois quelque peu inquiet dans la mesure où elles impliquent une dérogation aux dispositions permanentes relatives à l'octroi aux réfugiés de titres leur permettant de voyager.
La Convention de Londres du 15 octobre 1946, qui avait bénéficié d'une approbation générale, ne comportait aucune restriction de ce genre. Or, bien que les conditions aient changé et qu'une modification de cette convention se justifie, on doit s'écarter le moins possible des dispositions en vigueur. L'amendement belge risque de diminuer la valeur du statut des réfugiés vis-à-vis des autorités nationales.
Le délégué du Royaume-Uni ne peut comprendre pourquoi le représentant de la France attache plus d'importance à la question du visa qu'à celle de la délivrance du titre de voyage. En effet, de l'avis de M. Hoare, si le réfugié n'est pas muni d'un titre de voyage, il ne pourra guère solliciter un visa d'entrée dans un autre pays. Le consul étranger intéressé lui demanderait s'il possède un titre de voyage. Comme sa réponse serait nécessairement négative, la demande serait repoussée pour cette seule raison. Le réfugié se trouverait donc enfermé dans un cercle vicieux.
M. ROCHEFORT (France) précise que ce que la délégation française s'est efforcée de faire ressortir, c'est le fait qu'un titre de voyage constitue une sorte de chèque sans provision qui n'a de valeur que s'il est accompagné d'un visa d'entrée, visa qu'il ne saurait recevoir que s'il comporte le droit de retour. Les cas dans lesquels le Gouvernement français se verrait dans l'obligation de refuser un titre de voyage seraient exactement les mêmes que ceux dans lesquels les pays représentés à la Conférence refuseraient d'accorder un visa.
M. HOEG (Danemark) fait remarquer que les titres de voyage ne servent pas uniquement à l'immigration, mais qu'ils permettent également de faire des voyages d'affaires ou d'agrément. Il peut fort bien arriver que, s'il possède un titre de voyage, un réfugié soupçonné d'avoir commis un crime dans un pays donné puisse obtenir un visa du consul d'un autre pays, sans que le consul soit au courant des faits. Il ne serait donc pas souhaitable de délivrer un titre de voyage à un tel individu avant qu'une enquête complète ait pu être menée sur le délit imputé.
L'amendement belge prévoit, semble-t-il, ces cas, mais il paraît aller beaucoup plus loin qu'il n'est nécessaire dans la pratique.
M. ROCHEFORT (France) signale au représentant du Danemark que le fait de professer des opinions extrémistes n'empêche pas un ressortissant français de disposer d'un passeport. Il peut être nécessaire d'agir différemment à l'égard des réfugiés dans certaines hypothèses.
M. HOARE (Royaume-Uni) estime que les remarques formulées par le représentant de la France illustrent la grande liberté d'appréciation dont jouiraient les Etats contractants si la délivrance de titres de voyage devait être subordonnée aux exigences de la sécurité nationale ou de l'ordre public. Il estime que les Etats ne devraient pas avoir le droit de refuser de délivrer un titre pour les raisons invoquées par le représentant de la France, car une telle mesure constituerait une discrimination fondée sur les opinions politiques.
M. ROCHEFORT (France) cite le cas récent d'un étranger citoyen français refoulé d'un pays, non parce qu'il était suspect à un titre quelconque, mais parce qu'il n'était pas considéré comme disposant de moyens suffisants d'existence.
L'intéressé était muni d'un passeport français et d'un visa d'entrée. Cet incident illustre la différence qui existe entre les pays insulaires et les pays continentaux où les réfugiés peuvent entrer clandestinement, sans être soumis à un filtrage préalable. Les réfugiés qui professent des opinions politiques extrémistes ne pourraient certainement pas obtenir un visa d'entrée dans aucun des pays représentés à la Conférence. Il est donc évident que le titre de voyage qui leur serait délivré par le Gouvernement français ne pourrait leur servir qu'à se rendre dans des pays autres que ces derniers, et c'est précisément ce que le Gouvernement français est soucieux de pouvoir éviter.
M. HOARE (Royaume-Uni) n'avait pas connaissance du cas particulier dont le représentant de la France vient de parler, mais il pense que les circonstances telles que l'intéressé les a expliquées au fonctionnaire compétent pour obtenir le visa n'ont pas été corroborées pas les faits à son arrivée.
Le délégué du Royaume-Uni se préoccupe surtout de la question de principe. Si le fait de professer des opinions extrémistes constituait une raison suffisante pour refuser l'octroi de titres de voyage, certains Etats pourraient en profiter pour entraver les déplacements légitimes des réfugiés et le statut des réfugiés serait moins satisfaisant qu'en vertu de l'accord de Londres de 1946.
M. ROCHEFORT (France) fait observer que des Etats peuvent refuser un visa d'entrée pour de multiples raisons autres que celles fondées sur les opinions politiques des personnes qui les demandent. La délégation française ne voit donc pas pourquoi le Gouvernement français devrait s'engager à accorder des titres de voyage aux réfugiés par un instrument international qui le lierait à l'égard d'Etats qui, en aucun cas, ne s'engageraient à accorder des visas d'entrée. C'est là un problème concret qu'il importe de résoudre en tenant compte de la réalité.
Le Gouvernement français, qui n'a d'ailleurs pas signé l'accord de Londres, doit faire face à un ensemble de problèmes si complexes qu'il ne peut accepter la proposition de l'Australie et du Canada, qui lui retirerait toute liberté d'action dans ce domaine.
Le PRESIDENT fait remarquer qu'il existe depuis vingt ans des dispositions réglementant la délivrance de titres de voyage aux réfugiés. Il est convaincu que tous les Etats en ont délivré et que, lorsque des cas exceptionnels se sont présentés, les autorités compétentes ont su prendre la décision qui convenait.
Il lui déplairait que la Conférence donne à l'opinion publique mondiale l'impression qu'elle cherche à priver les réfugiés de certaines facilités qui leur ont été accordées par tous les accords antérieurs, et il se demande en conséquence si un amendement au paragraphe 1 de l'article 23 est nécessaire.
M. HOARE (Royaume-Uni) tient à préciser que la délégation du Royaume-Uni cet parfaitement consciente des difficultés auxquelles fait allusion le représentant de la France, et de la nécessité de faire quelque chose pour y remédier. Afin d'éviter néanmoins que la formule finalement adoptée puisse donner lieu à des abus, il propose de remplacer l'expression « sous réserve de raisons de sécurité nationale ou d'ordre public » figurant dans l'amendement belge, par les mots : « à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public ne s'y opposent ».
M. HERMENT (Belgique) accepte la proposition du représentant du Royaume-Uni.
M. SHAW (Australie) et M. CHANCE (Canada) acceptent la proposition du représentant du Royaume-Uni et retirent leur amendement commun (A/CONF.2/66) en faveur de l'amendement belge, ainsi modifié.
M. ROCHEFORT (France) accepte à son tour la modification suggérée par le Royaume-Uni. Il fait remarquer qu'il ne peut voter sur le paragraphe 1 de l'article 23, qui renvoie à l'Annexe, sans connaître le sort de l'amendement au paragraphe 13 de cette Annexe proposé par la délégation française. Il s'abstiendra donc de voter.
Après un nouvel échange de vues sur la rédaction du paragraphe, le PRESIDENT met aux voix le paragraphe 1 de l'article 23, modifié en tenant compte de l'amendement belge révisé (A/CONF.2/61). Ce texte est le suivant :
« Les Etats contractants délivreront aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire, des titres de voyage destinés à leur permettre de voyager hors de ce territoire, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public ne s'y opposent ; les dispositions de l'Annexe à cette Convention s'appliqueront à ces documents. Les Etats contractants pourront délivrer un tel titre de voyage à tout autre réfugié se trouvant sur leur territoire ; ils accorderont une attention particulière aux cas de réfugiés se trouvant sur leur territoire et qui ne sont pas en mesure d'obtenir un titre de voyage du pays de leur résidence régulière. »
Par 22 voix contre zéro, avec 3 abstentions, le paragraphe 1 de l'article 23, dans la forme ci-dessus, est adopté.
Le PRESIDENT appelle l'attention de la Conférence sur l'amendement yougoslave (A/CONF.2/31), page 2, au paragraphe 2 de l'article 23.
M. BOZOVIC (Yougoslavie) voudrait, avant de commenter son amendement, avoir certains éclaircissements sur le texte initial du paragraphe 2. Implique-t-il qu'un Etat qui n'est pas partie aux accords internationaux antérieurs sera tenu de reconnaître des documents de voyage délivrés aux termes de ces accords ? Il rappelle que le Gouvernement yougoslave n'est partie à aucun d'entre eux.
En présentant son amendement, la délégation de la Yougoslavie a été inspirée par l'idée qu'une fois entrées en vigueur les dispositions de la présente Convention, tous les titres de voyage seraient délivrés en vertu de cette seule Convention, et non en vertu d'accords internationaux antérieurs.
Le PRESIDENT attire l'attention de la Conférence sur les paragraphes 1 et 2 de l'article 32 où se trouve prévue la situation qui sera créée par l'entrée en vigueur de la Convention. Dans le cas où deux Etats contractants se trouveraient être également parties à des accords antérieurs, ceux-ci seront remplacés par le nouvel instrument. Dans le cas où l'un des deux Etats parties à des accords antérieurs ne serait pas partie à la présente Convention, ces accords antérieurs resteraient en vigueur. Ainsi les anciens titres de voyage seraient nuls et non avenus, sitôt leur validité expirée, pour les Parties à la Convention.
Le Gouvernement de la Yougoslavie, qui n'est pas partie aux accords antérieurs, n'a actuellement aucune obligation envers d'autres Etats en ce qui concerne les titres de voyage. Dès lors qu'il signera et ratifiera la présente Convention, il assumera les obligations énoncées à l'article 23. Il s'ensuit donc que le Gouvernement de la Yougoslavie sera tenu de reconnaître la validité de titres de voyage délivrés, par exemple, par le Gouvernement danois aux termes d'accords internationaux antérieurs.
M. HERMENT (Belgique) pense que pour répondre aux préoccupations du représentant de la Yougoslavie, on pourrait inspirer au paragraphe 2 de l'article 23 le mot « antérieurement » après les mots « les documents de voyage délivrés ». On préciserait ainsi qu'un Etat contractant ne continuera pas à remettre aux réfugiés des titres de voyage établis en vertu d'accords antérieurs. Néanmoins, il convient de remarquer qu'en tout état de cause, les réfugiés pourront continuer à utiliser les titres de voyage délivrés en vertu d'accords antérieurs afin d'éviter des difficultés d'ordre pratique. En effet, un réfugié peut demander un titre de voyage pour se rendre dans divers Etats dont certains peuvent être signataires de la Convention et d'autres peuvent ne pas l'être. Dans ce cas, ou bien le réfugié devra avoir deux titres de voyage différents, ou bien il devra continuer à utiliser les titres de voyage délivrés en vertu d'accords antérieurs à la présente Convention.
Le PRESIDENT reconnaît qu'il est essentiel de ne pas perdre de vue la possibilité qu'il faille continuer à délivrer des titres de voyage en vertu des accords antérieurs. Ainsi, si un réfugié domicilié dans un pays X désire se rendre dans les pays A, B, et C, les pays X et A étant seuls parties à la Convention, il devra se servir de son ancien titre de voyage pour pénétrer dans les pays B et C.
MUSTAPHA (Egypte) pense que le paragraphe 2 de l'article 23 soulève une série de problèmes d'ordre juridique comme par exemple celui de valeur relative des traités antérieurs. En fait, les membres de la Conférence sont priés de signer un chèque en blanc et, pour sa part, la délégation égyptienne ne pourra voter en faveur du paragraphe 2, car le Gouvernement égyptien n'est pas en mesure de reconnaître des titres de voyage délivrés en vertu d'accords auxquels il n'est pas partie.
M. HOARE (Royaume-Uni) ne partage pas les craintes du délégué de l'Egypte et il assure que les documents délivrés aux termes d'accords antérieurs sont bien connus et aisément identifiables.
Le sens du paragraphe 2 est parfaitement clair et établit sans conteste que les Parties à la convention s'engagent à reconnaître tous les documents de voyage délivrés, aux termes d'accords internationaux antérieurs, par les parties à ces accords.
Le PRESIDENT rappelle qu'en insérant les dispositions du paragraphe 2, le Comité spécial a eu le souci d'éviter le travail d'ordre administratif qu'entraînerait le renouvellement de tous les documents délivrés, quelle que soit la durée de leur validité. Bien que les membres du Comité n'aient pas attaché une grande importance à ce point particulier, il y a avantage, dans l'ensemble, à ne pas se montrer trop rigide en matière administrative, et à autoriser l'emploi d'anciens documents de voyage.
M. WARREN (Etats-Unis d'Amérique) invite le délégué de la Yougoslavie à se reporter au paragraphe 5 de l'Annexe au projet de convention où il est dit que la validité des titres de voyage sera de durée limitée. Il y a tout lieu de présumer que les Etats parties à la Convention délivreront de nouveaux titres de voyage du type prescrit dans l'Annexe à l'expiration de la validité des anciens documents. Ainsi, la difficulté soulevée par le délégué de la Yougoslavie se trouvera certainement résolue dans la pratique.
M. ROCHEFORT (France) dit que le paragraphe 2 de l'article 23 a été essentiellement inspiré par une préoccupation matérielle ; en effet, on a voulu, par ce texte, éviter que tous les réfugiés soient dans l'obligation de renouveler leur passeport. D'une part, cette mesure aurait entraîné nombre de formalités inutiles et, d'autre part, elle ne pourrait être appliquée que progressivement.
Pour ce qui est du fond même des préoccupations du représentant de la Yougoslavie, M. Rochefort illustre d'un exemple concret les conséquences qu'entraînerait l'application du paragraphe 2 : si l'on envisage les rapports entre un Etat X et la Yougoslavie, deux cas peuvent se présenter. Si l'Etat X n'est pas signataire de la convention, la Yougoslavie n'aura d'obligation à son égard qu'en vertu d'accords antérieurs auxquels elle serait partie. Si l'Etat X est signataire de la convention, en délivrant les titres de voyage conformément à l'article 23, il fera ce qu'il faisait déjà en vertu d'accords antérieurs. Pratiquement, le résultat sera donc le même. Dans un cas, on pourra considérer que les titres de transport antérieurement délivrés au réfugié seront valables jusqu'à leur expiration, pour éviter d'imposer au réfugié l'obligation de le renouveler, dans l'autre, le réfugié recevra le nouveau titre, qui ne différera de l'ancien que dans des détails de présentation matérielle ou typographique.
M. BOZOVIC (Yougoslavie) accepte les explications du représentant de la France et se déclare disposé à retirer son amendement et à voter en faveur du paragraphe 2, à condition que l'amendement proposé par le représentant de la Belgique soit adopté.
Le PRESIDENT appelle l'attention de la Conférence sur le fait que tous les réfugiés visés par les accords internationaux antérieurs le seront également par la présente convention si l'article 1 est adopté. Les nouveaux titres de voyage seraient semblables, dans la pratique, à ceux en usage en vertu des conventions Nansen, de l'accord de Londres de 1946 et l'autres instruments analogues, si bien qu'à ne considérer que l'aspect pratique du problème, il pourrait sembler inutile d'imposer aux Etats l'obligation de délivrer de nouveaux titres. Ce qui importe toutefois du point de vue des gouvernements, c'est le fait, que, durant un certain temps tout au moins, certains Etats signataires des accords antérieurs ne seront pas Parties à la Convention actuelle et qu'il est toujours préférable qu'un même individu ne dispose que d'un seul titre de voyage et non de plusieurs, car ce peut être là pour lui un moyen d'échapper aux contrôles de police.
Le Président est prêt à admettre que d'un point de vue strictement juridique, il est peu orthodoxe qu'un réfugié puisse pénétrer dans un pays à l'aide d'un document faisant état d'un instrument international que ce pays n'a pas signé.
Mais il considère que dans d'ensemble, les avantages des dispositions du paragraphe 2 l'emportent sur les légers inconvénients d'ordre juridique. Le Président prononce la clôture de la discussion sur le paragraphe 2.
Par 23 voix contre une, le paragraphe 2 est adopté.
M. WOLF (Organisation internationale du travail) rappelle qu'à la suite de la déclaration faite, lors de la douzième séance de la Conférence, le 9 juillet 1951, par le représentant du Bureau international du travail, un texte relatif à la situation des marins réfugiés de bonne foi avait été suggéré à propos de l'examen par la Conférence de l'article 23 (A/CONF.2/67).Cette suggestion avait été présentée comme suite aux décisions prises en la matière par le Conseil d'administration du BIT et était destinée à ce que la Conférence prenne en considération ce problème, en insérant, éventuellement, le texte en question dans l'article 23, ou à défaut, en adoptant, lors de la conclusion de ses travaux, une recommandation en vue d'autoriser, dans la mesure du possible, les réfugiés qui se trouvent être des marins de bonne foi à faire compter, comme durée de leur séjour sur le territoire d'un Etat contractant, la période passée comme membre d'équipage à bord d'un bateau battant pavillon dudit Etat.
Le PRESIDENT déclare que la Conférence ne peut se prononcer sur cette suggestion tant qu'une délégation ne l'aura pas reprise à son compte. Il est d'avis que la question n'entre pas dans le cadre du problème traité dans l'article 23 et qu'elle pourrait faire l'objet d'un article distinct.
Parlant en sa qualité de représentant du Danemark, le Président ajoute que le Gouvernement danois applique déjà, quant à lui, des dispositions de cette nature.
M. ROCHEFORT (France) pense que la question soulevée par le représentant de l'Organisation internationale du travail est beaucoup trop générale pour figurer à bon escient dans l'article 23. A son avis, c'est dans l'article 6, qui concerne la continuité de résidence, qu'il conviendrait d'insérer le texte suggéré par l'OIT.
M. WOLF (Organisation internationale du travail) déclare que cette solution serait entièrement satisfaisante.
Le PRESIDENT prononce la clôture de la discussion sur l'article 23.
Par 28 voix contre zéro, avec 3 abstentions, l'ensemble de l'article 23, ainsi amendé, est adopté. Le PRESIDENT prie les représentants de se reporter à l'Annexe relative aux titres de voyage à laquelle il est fait allusion dans l'article 23 (A/CONF.2/1, pages 23-25).
Il estime préférable de procéder à l'examen de l'Annexe paragraphe par paragraphe.
Par 23 voix contre zéro, avec une abstention, le paragraphe 1 est adopté sans discussion.
M. HERMENT (Belgique) pense que l'amendement présenté par la délégation italienne (A/CONF.2/64) et visant le texte de titre de voyage figurant à l'Annexe, devrait être reproduit dans le paragraphe 2 de cette Annexe, les deux dispositions étant liées.
M. THEODOLI (Italie) se rallie à cette opinion. Il précise que le but de l'amendement italien est de permettre aux Etats contractant de se réserver le droit d'accorder exceptionnellement à un adulte la faculté de faire inscrire sur son passeport les enfants qui l'accompagnent, mais qui ne sont pas ses propres enfants. La limite d'âge à fixer à cet égard est de 16 ans en Italie ; toutefois les mots « sous réserve des règlements du pays de délivrance » qui figurent au paragraphe 2 laissent aux Etats contractants une certaine latitude à cet égard.
M. MONTOYA (Venezuela) estime qu'il vaut mieux fixer une limite d'âge : en effet, si la loi du pays de délivrance fixe cette limite à 16 ans et la loi du pays d'accueil à moins de 16 ans, le réfugié peut se voir refuser un visa.
M. HERMENT (Belgique) propose de donner au paragraphe 2 la rédaction suivante :
« Sous réserve des règlements du pays de délivrance, les enfants du réfugié pourront être mentionnés sur le titre d'un réfugié adulte à condition qu'ils aient moins de 16 ans ».
M. HOEG (Danemark) est d'avis qu'il serait sage que la Conférence adoptât une attitude libérale en la matière. Les familles de réfugiés sont souvent dispersées et il peut parfaitement se faire qu'un enfant doive voyager en compagnie d'un de ses grands-parents ou même de parents plus éloignés. Pour ce qui est de l'âge, les autorités du Danemark délivrent des titres individuels de voyage aux enfants de plus de 15 ans.
M. SHAW (Australie) appuie la déclaration du délégué du Danemark.
M. CHANCE (Canada) est lui aussi d'avis qu'il ne serait pas juste de fixer des règles trop rigoureuses. Il propose donc d'amender le paragraphe 2 de façon à lui donner la teneur suivante :
« Sous réserve des règlements du pays de délivrance, les enfants pourront être mentionnés dans le titre d'un parent, ou, dans des circonstances exceptionnelles, d'un autre réfugié adulte. »
M. THEODOLI (Italie) appuie l'amendement du Canada, en ajoutant qu'il importe peu que cela soit précisé dans le paragraphe 2 de l'Annexe ou dans le document de voyage lui-même.
A l'unanimité, l'amendement du Canada au paragraphe 2 est adopté.
A l'unanimité, le paragraphe 2, ainsi amendé, est adopté.
Le PRESIDENT signale que le paragraphe 3 devra faire l'objet d'une modification importante, le paragraphe 3 de l'article 24 auquel il se réfère ayant été supprimé.
A l'unanimité, sous réserve de la modification de rédaction mentionnée par le Président, le paragraphe 3 est adopté.
Le PRESIDENT fait connaître aux membres de la Conférence qu'il serait heureux au stade actuel de la discussion, de connaître leur avis sur la question des textes officiels et authentiques de la Convention. Aux termes de l'article 40 du projet de Convention, les textes anglais, chinois, espagnol, français et russe feraient foi également. Mais cette disposition soulève certaines difficultés. Pour certaines des langues officielles, les textes ne pourraient être authentifiés, en l'absence de délégations des pays où ces langues sont parlées.
D'autre part, l'élaboration de textes faisant foi en cinq langues entraînerait des dépenses considérables pour l'Organisation des Nations Unies et pourrait retarder la signature des instruments.
La séance est levée à 13 h. 10.