COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTE-SEPTIEME SEANCE, Deuxième session, COMITE SPECIAL POUR LES REFUGIES ET APATRIDES
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTE-SEPTIEME SEANCE, Deuxième session, COMITE SPECIAL POUR LES REFUGIES ET APATRIDES
E/AC.32/SR.37
SOMMAIRE :
Textes proposés pour un projet de convention relative au statut des réfugiés (E/1618, E/1618/Corr.1, E/1703/Add.7, E/1818, E/AC.32/2, E/AC.32/6, E/AC.32/6/Corr.1, E/AC.32/7, E/AC.32/L.3, E/AC.32/L.40, et E/AC.32/L.41) (suite)
Président : | |
Président : | M. LARSEN (Danemark) |
Rapporteur : | M. WINTER (Canada) |
Membres : | |
Belgique | M. HERMENT |
Brésil | M. PENTEADO |
Chine | M. CHA |
Etats-Unis d'Amérique | M. HENKIN |
France | M. JUVIGNY |
Israël | M. ROBINSON |
Turquie | M. NURELGIN |
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord | Sir Leslie BRASS |
Venezuela | M. PEREZ PEROZO |
Observateurs : | |
Italie | M. MALFATTI |
Suisse | M. SCHURCH |
Représentants d'institutions spécialisées : | |
Organisation internationale du travail | M. OBLATH |
Organisation internationale pour les réfugiés | M. KULLMAN |
Représentants d'organisations non gouvernementales | |
Catégorie A | |
Fédération mondiale des Associations pour les Nations Unies | Mme EVANS |
Union interparlementaire | M. de CLERY |
Catégorie B et registre | |
Comité consultatif mondial de la Société des Amis | M. BELL |
Comité de liaison des grandes associations internationales féminines | Mlle ROSSIER |
Conseil consultatif d'Organisations juives | M. KARLIKOW |
Fédération internationale des Femmes diplômées des Universités | Mlle ROBB |
Guilde internationale des Coopératrices | Mlle ROSSIER |
Ligue internationale des Femmes pour la paix et la liberté | Mme BAER |
Union internationale des Ligues féminines catholiques | Mlle de ROMER |
Union catholique internationale de services sociale | Mlle de ROMER |
Secrétariat : | |
M. Humphrey | Directeur de la Division des droits de l'homme |
M. Giraud | Département juridique |
M. Hogan | Secrétaire du Comité |
TEXTES PROPOSES POUR UN PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (E/1618, E/1618/Corr.1, E/1703/Add.7, E/1818, E/AC.32/2, E/AC.32/6, E/AC.32/6/Corr.1, E/AC/32/7, E/AC.32/L.3, E/AC.32/L.40 et E/AC.32/L.41)
Le Comité poursuit l'examen du projet de convention contenu à l'Annexe A de son premier rapport (E/1618).
Article 10 : Droit d'association (suite)
Le PRESIDENT rouvre la discussion de l'article 10 et des observations présentées à ce sujet par l'Autriche (E/AC.32/L.40, page 39). Il rappelle au Comité qu'il n'est pas souhaitable de revenir sur un sujet traité au début de l'année à Lake Success, étant donné que l'objet de cette deuxième session est d'examiner les nouvelles idées qui se sont fait jour depuis l'élaboration du projet de Convention.
M. SCHURCH (Suisse) regrette de ne pouvoir apporter qu'un faible concours aux travaux du Comité. Son Gouvernement qui n'a reçu les documents que quelques jours avant le 1er mai, n'a pas été en mesure de communiquer ses observations sur le projet de Convention, mais il a été heureux de la possibilité qui lui a été offerte d'envoyer un observateur. L'orateur se bornera à suivre les débats pour éclairer son Gouvernement sur la portée des différents articles du projet de Convention.
Il voudrait savoir si l'article 10 vise également les associations ayant des objectifs nettement politiques et dans l'affirmative, si les Etats contractants gardent la possibilité d'interdire ces associations en se réclamant soit de l'article 2, soit peut-être de l'article générale proposé par le représentant du Royaume-Uni.
Il est naturellement prématuré de dire si le Gouvernement helvétique adhérera à la Convention actuellement à l'étude ou s'il fera des réserves. M. Schurch peut cependant donner l'assurance que la Suisse porte un grand intérêt à tous les problèmes concernant les réfugiés. Etant donné que la politique traditionnelle de la Suisse, en ce qui concerne les secours aux réfugiés, a toujours été d'offrir un asile et de collaborer sur le plan international, ce pays fera tout ce qui est en son pouvoir pour améliorer le sort des réfugiés. Cependant, en raison de sa situation particulière, de sa surpopulation et du grand nombre d'étrangers qu'elle abrite déjà, il est un principe qu'elle ne peut abandonner : C'est de ne pouvoir offrir aux réfugiés qu'un premier asile. La Suisse devra, en général, inviter les réfugiés à chercher un autre pays de refuge où les possibilités sont moins restreintes. Certes on a fait exception et, dans une certaine mesure, on fera encore exception pour les réfugiés de la dernière guerre, mais le principe ne peut pas être abandonné de façon générale. La Convention pose donc pour la Suisse des problèmes autres que pour les pays qui sont en mesure d'offrir aux réfugiés un asile permanent. C'est là un aspect particulier de la question qui peut amener la Suisse à faire des réserves sur tel ou tel article du projet de Convention.
La Suisse est désireuse de donner aux réfugiés qui sont admis à résider en permanence sur son territoire tous les avantages que leur offre le présent texte, mais il ne lui sera peut-être pas possible d'accorder les même avantages aux réfugiés qui ne sont pas admis de façon définitive. Il sera peut-être assez tôt de formuler ces réserves quand le texte final de la Convention sera soumis au Gouvernement fédéral.
Le PRESIDENT ne croit pas être tenu de donner une interprétation définitive des dispositions qui ont été acceptées ou qui seront acceptées par le Comité à ses sessions ultérieures ; il ne pense pas non plus que le représentant de la Suisse ait voulu demander une telle interprétation de l'article 10 dans ses rapports avec la nécessité de prendre des mesures de sécurité. C'est aux experts appelés à appliquer ces règles qu'il appartient de dire comment un texte doit être interprété dans un ces particulier, tel celui qu'à signalé le représentant de la Suisse. Toutefois, les comptes rendus des séances peuvent sans aucune doute fournir des indications sur les intentions du Comité en ce qui concerne l'article 10.
Bien que le sujet n'ait pas été mentionné au cours des débats, le président est certain que le Comité n'a pas oublié les problèmes particuliers qui se posent à des pays comme la Suisse, qui ont des frontières communes avec les pays d'où les réfugiés affluent. La situation géographique du Danemark n'est pas tellement différente ; c'est pourquoi le Président est assez familiarisé avec cette question.
Il espère que le représentant de la Suisse fera des observations sur d'autres articles en vue de confirmer que, même avec des réserves, le Gouvernement suisse pourra adhérer à la Convention.
M. PEREZ PEROZO (Venezuela) estime que le représentant de la Suisse a soulevé un point qu'il est bon d'élucider ; en effet, le sens de l'article, 10, comme celui de tous les autres articles du projet de convention, doit être clairement défini. Chacune sait que certains pays ne permettent pas aux réfugiés d'avoir une activité politique quelconque dans ces pays, selon l'interprétation choisie, ou bien l'article ne s'appliquera pas du tout ou bien il signifiera que les réfugiés devant recevoir le traitement le plus favorable accordé aux étrangers en général, mais les étrangers en général n'étant pas autorisés à avoir une activité politique, toute activité politique sera du même coup interdite aux réfugiés. Les associations à but non lucratif dont il est question à l'article 10 peuvent souvent avoir un caractère politique.
Le second problème que pose le point 10 concerne en particulier l'affiliation aux syndicats. Certains pays interdisent aux syndicats d'avoir une activité politique et dans ces pays tout réfugié qui devient membre d'un syndicat ayant des activités politiques et qui prend part à ces activités sera passible des sanctions prévues par la loi du pays.
En tout état de cause, il est inutile de prévoir le traitement de la nation la plus favorisée à l'article 10, puisque les privilèges octroyés en vertu de cet article ne seront que très rarement assujettis à la réciprocité et, plus rarement encore, à la réciprocité accordée par voie de traité. C'est pourquoi le représentant du Venezuela propose d'amender cet article de telle façon qu'il garantisse aux réfugiés, pour ce qui est des associations à but non lucratif et des syndicats, non pas le traitement le plus favorable accordé aux ressortissants des pays étrangers mais le même traitement que celui qui est accordé en général à ces ressortissants.
M. HERMENT (Belgique) se rallie aux vues exposées par le représentant du Venezuela. La Gouvernement belge désirerait également substituer les mots « étrangers en général » aux mots « ressortissants de pays étrangers » dans l'article 10.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) souligne que lorsque la Convention donne aux réfugiés les mêmes privilèges qu'aux étrangers en général, elle ne leur donne pas grand chose. Il se demande si, en ce qui concerne le droit d'association, la plupart des Gouvernements ne sont vraiment pas disposés à accorder aux réfugiés un traitement plus favorable qu'aux étrangers en général.
Il aimerait savoir également si, en fait, il y a une différence entre le traitement accordé en général aux étrangers et le traitement le plus favorable accordé aux étrangers. Le Comité se rappellera qu'à la séance précédente, le représentant de l'Organisation internationale du Travail a proposé, au sujet de l'affiliation aux syndicats, d'accorder aux réfugiés un traitement meilleur que celui prévu à l'article 10, et de leur octroyer en fait le même traitement qu'aux nationaux comme le prévoient les dispositions de la Convention concernant les travailleurs migrants. Les représentants du Venezuela et de la Belgique se proposent d'amender l'article dans un sens opposé. On pourra sans doute arriver à un compromis mais M. Henkin espère que l'on tiendra compte avant tout de la proposition de l'Organisation internationale du Travail.
Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) déclare que l'article 19 est précisément l'un de ceux qui ne semblent pas absolument nécessaires au Gouvernement du Royaume-Uni, Peut-être le Comité voudra-t-il examiner si le représentant du Royaume-Uni a raison de supposer que les points touchés par les dispositions de cet article sont déjà traités suffisamment par les diverses Conventions de l'Organisation internationale du Travail. Si le Comité décide que cet article est superflu, il serait évidemment inopportun de reproduire les mêmes dispositions dans plusieurs conventions. Si en revanche, il estime nécessaire d'inclure ces dispositions dans le projet de convention, il est essentiel de la faire dans les mêmes termes. L'orateur espère qu'en réponse aux observation du représentant des Etats-Unis, le représentant de l'Organisation internationale du Travail voudra bien dire si, à son avis, les conventions de l'Organisation internationale du Travail traitent déjà suffisamment les point visés à l'article 10. L'orateur ne veut cependant pas dire que l'on ne doit pas accorder aux réfugiés le traitement proposé par le représentant de l'Organisation internationale du Travail.
M. JUVIGNY (France) ne croit pas que l'on puisse s'en remettre à la seule Organisation internationale du Travail parce que son activité dans ce domaine ne couvre pas entièrement le champ d'application de l'article 10. Le droit de former un syndicat et le droit d'association sont deux choses très différentes. Le droit syndical dérive d'un droit plus général, le droit d'association, mais les buts d'un syndicat et ceux d'une association sont différents. Par exemple, les réfugiés ne sont pas tous des salariés. Or beaucoup de législations nationales réservent le nom de syndicat à des associations professionnelles. Une association de réfugiés, par contre, peut comprendre des personnes qui exercent des professions libérales ou des personnes n'ayant pas de profession. Donc, le domaine des associations et celui des syndicats ne se recourent pas ; il correspondent souvent, dans les législations nationales, à des textes légaux différents. M. Juvigny en pense pas qu'il soit superflu de mentionner spécialement le droit d'association. L'article 10 a son utilité dans la convention.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) tient à ajouter quelque chose aux observations du représentants de la France en soulignant qu'il importe d'élaborer une convention relative au statut des réfugiés qui soit aussi libérale que possible, et qui se suffise à elle-même ; il espère en effet qu'une fois approuvée par l'Assemblée générale, elle recevra un plus grand nombre de ratifications que n'en ont reçu par le passé les conventions de l'Organisation internationale du Travail. Si l'on veut que la Convention soit ratifiée par beaucoup d'Etats, il importe qu'elle traite de tous les droits à accorder aux réfugiés, y compris certains qui sont déjà traités dans d'autres conventions.
M. WEIS (Organisations internationale pour les réfugiés) estime que le droit de former des associations à but non lucratif, surtout dans le cas des réfugiés, est de la plus haute importance et qu'il doit sans aucun doute être traité dans la Convention. Il appartient au Comité de décider quel traitement particulier doit être accordé aux réfugiés à cet égard, mais l'orateur espère que les membres du Comité auront présentes à l'esprit les considération qu'il a exposées la veille.
Quant au rapport entre la Convention concernant les travailleurs migrants et la Convention en cours d'examen, la première ne vise que les travailleurs migrants. On peut dire, il est vrai, qu'elle vise les réfugiés dans la mesure où ils sont des travailleurs migrants aux termes de la Convention mais beaucoup de réfugiés ne remplissent pas cette condition ; il importe donc que la question soit réglée par la Convention relative au statut des réfugiés.
M. HERMENT (Belgique) insiste sur le fait que la réserve de son Gouvernement vise précisément les associations à but non lucratif autres que les syndicats. S'il s'agissait uniquement des syndicats, il est évident que la délégation belge approuverait cette disposition, mais il s'agit d'autres associations dont l'activité pourrait devenir inquiétante.
Le PRESIDENT craint que le Comité ne soit en train de rouvrir la discussion sur des questions qui ont déjà été débattues à la première session ; à ce moment, en effet une propositions de la délégation française tendant à prévoir, dans les dispositions relatives à la liberté d'association, la possibilité d'interdire aux réfugiés toute activité politique, avait reçu un accueil assez peu favorable car le Comité avait été d'avis que ce point était traité de façon suffisante dans l'article 2. En outre, se rappelant que la Déclaration universelle des droits de l'homme n'impose aucune condition au droit d'association, un grand nombre de délégations ont estimé que, dans certains pays, et notamment dans ceux qui sont fiers de leurs institutions démocratiques, on risquerait de soupçonner le Comité de vouloir restreindre une activité qui est certainement légale et peut-être même souhaitable, sous prétexte que, pour être assimilés, les réfugiés doivent, dans le plus bref délai possible, devenir pleinement membres de la communauté politique.
Les observations formulées depuis le moment où le Comité a adopté cet article n'ont pas convaincu le Président de la nécessité d'en modifier la rédaction. Il faudra cependant prendre en considération les vues des représentants du Venezuela et de la Suisse, mais l'orateur espère que cette discussion ne se prolongera pas outre mesure.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) croit qu'à la suite des observations du représentant de l'Organisation internationale pour les réfugiés du représentant de la Belgique, le Président pourrait demander au Comité de faire connaître son avis sur les droits qu'il y a lieu d'accorder aux réfugiés en ce qui concerne, d'une part, l'adhésion aux syndicats professionnels, et, d'autre part, les autres associations à but non lucratif, les deux questions étant traitées séparément.
Le PRESIDENT approuve la suggestion du représentant des Etats-Unis et propose de voter tout d'abord sur la question de savoir s'il convient d'accorder aux réfugiés qui résident régulièrement sur un territoire quelconque, le traitement le plus favorable accordé aux ressortissants de pays étrangers, en ce qui concerne les associations à but non lucratif. Si le scrutin révèle que le Comité n'est pas d'avis d'accorder ce traitement aux réfugiés, un deuxième vote aura lieu sur la question de savoir s'il convient de leur accorder le traitement accordé aux étrangers en général. Enfin, deux scrutins analogues auront lieu pour les syndicats professionnels.
En conséquence, le Président met aux voix la proposition aux termes de laquelle, pour l'article 10, le Comité devrait adopter un texte garantissant aux réfugiés dans tout pays le traitement le plus favorable accordé aux ressortissants de pays étrangers, en ce qui concerne les associations à but non lucratif.
La proposition est adoptée par 7 voix contre 4, sans abstention.
Le PRESIDENT met aux voix la proposition aux termes de laquelle, pour l'article 10, le Comité devait adopter un texte garantissant aux réfugiés dans tout pays, le traitement le plus favorable accordé aux ressortissants de pays étrangers en ce qui concerne les syndicats professionnels.
La proposition est adoptée par 7 voix sans opposition, avec 4 abstentions.
Le PRESIDENT conclut que, dans sa rédaction actuelle, l'article a été approuvé.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) interprète les votes qui viennent d'avoir lieu comme indiquant que le Comité ne partage pas l'opinion du représentant de l'Organisation internationale du Travail, à savoir qu'en ce qui concerne le droit d'association, les réfugiés doivent recevoir le même traitement que les ressortissants de leur pays de résidence. Si une délégation exprimait cette opinion dans une proposition formelle, l'orateur s'y rallierait, mais il estime que c'est à d'autres pays plus directement intéressés qu'il appartient de jouer le rôle principal dans la décision. Il espère que, si certains gouvernements sont désireux de restreindre davantage les privilèges des réfugiés en ce qui concerne les autres autorisations à but non lucratif qu'en ce qui concerne les syndicats professionnels, ces gouvernements limiteront leurs réserves au strict minimum.
Le PRESIDENT, développant les dernières observations du représentant des Etats-Unis à l'intention des membres du Comité qui n'ont pas assisté à la réunion précédente, explique que le Comité avait généralement été d'avis que les pays qui désiraient faire des réserves à propos d'un article quelconque, ne devraient pas le faire pour l'article tout entier, lorsqu'une réserve portant sur une partie de l'article suffirait à préciser leurs intentions.
Le Président estime que l'on pourrait clore la discussion de l'article 10.
Il en est ainsi décidé.
Article 11 : Droit d'ester en justice
Le PRESIDENT ouvre la discussion sur l'article 11 et les observations présentées à ce sujet par le Gouvernement autrichien (E/AC.32/L.40, page 40). S'étant assuré qu'aucune ordre ne désire prendre la parole au sujet de l'article 11, il propose au Comité d'aborder la discussion de l'article 12.
Il en est ainsi décidé.
Article 12 : Professions salariées
Le PRESIDENT signale que les Gouvernement de l'Autriche, de la France, de l'Italie et du Royaume-Uni ont présenté des observations au sujet de l'article 12 (E/AC.32/L.40, pages 40, 41 et 42) ainsi que le Gouvernement de l'Australie (E/1703/Add.7). Ces observations rappellent les discussions qui ont eu lieu à Lake Success où le Comité s'était montré fort désireux de ne pas accepter comme norme les conditions assez peu avantageuses pour être généralement acceptables. On s'est rendu compte, bien entendu, qu'en adoptant des dispositions qui, sans représenter un idéal à conquérir, étaient cependant encore trop libérales aux yeux de certains gouvernements, ces derniers seraient obligés de faire des réserves, mais on a pensé qu'en fin de compte cette manière de procéder donnerait satisfaction même aux gouvernements qui ne se sentiraient pas en mesure d'accorder, immédiatement après la signature de la convention, le traitement prévu dans celle-ci. On a vu dans le passé d'autres cas où les réfugiés et ceux qui avaient à coeur les intérêts des réfugiés se sont adressés aux gouvernements qui appliquaient des conditions rigoureuses et ont peu à peu réussi à leur faire assouplir leur politique générale en leur signalant le traitement plus favorable accordé par d'autres gouvernements.
En ce qui concerne les ressources naturelles, le Danemark se trouve dans une situation à peu près analogue à celle de l'Autriche et de la France puisqu'il ne possède que son sol, déjà soumis à une culture intensive, et n'a ni pétrole ni fer ni charbon. Il serait impossible de mettre en train de nouvelles industries. Néanmoins, le Président préférerait voir le Danemark signer l'article 12 en formulant des réserves plutôt que de le voir recommander d'abaisser le niveau du traitement accordé.
M. HENDIN (Etats-Unis d'Amérique) reconnaît que pour son pays les problèmes sont différents de ceux qui se posent aux pays, qui pour des raison sans doute justifiées, exigent des travailleurs étrangers un permis de travail, mais il tient à faire ressortir, que sans le droit au travail, tous les autres droits perdent leur valeur. S'il n'a pas le droit de travailler, aucun réfugié ne pourra jamais être assimilé dans son pays de résidence. C'est pourquoi l'orateur estime que les dispositions de l'article 12 ne vont peut-être pas tout à fait assez loin. Il espère que le Comité n'oubliera pas le caractère fondamental du droit au travail, lorsque se posera la question de donner à l'article une nouvelle rédaction et de formuler des réserves éventuelles. Comme il l'a déjà dit, il connaît la situation particulière des pays qui ont présenté des observations au sujet de cet article, mais en dehors de ces cas, il a la certitude que le traitement proposé dans l'article n'a pas un caractère tellement idéaliste qu'il ne puisse être accordé par la plupart des Etats.
Le paragraphe 2 de l'article 12 ne concerne après tout que les réfugiés qui ont déjà certains liens avec un pays donné. Si l'on prévoit des conditions encore plus rigoureuses, le réfugiés n'aura aucune droit, car c'est à cela qu'équivaut fréquemment le traitement accordé aux étrangers en général en ce qui concerne le droit au travail. L'orateur espère que le Comité restera fidèle aux principes qui l'ont guidé lorsqu'il a élaboré l'article pour la première fois, et que la plupart des pays, même l'Autriche, seront en mesure d'appliquer dans une large mesure les dispositions prévues.
Quant aux diverses questions soulevées dans les observations, celle du Royaume-Uni n'a pas, autant qu'on pourrait le croire tout d'abord, le caractère d'un réserve. Peut-être que le représentant du Royaume-Uni voudra bien expliquer pourquoi l'application du principe prévu à l'alinéa c) du paragraphe 2 serait : « tout à fait aléatoire » dans les pays où les lois sur la nationalité sont fondées sur le « jus soli ». Les dispositions prévues dans ce paragraphe reposent sur l'idée qu'un réfugié doit avoir des attaches qui le retiennent dans un pays de quelque manière que les lois du pays en question en question en matière de nationalité puissent définir ces attaches.
En ce qui concerne les observations présentées par l'Australie, l'orateur estime que l'alinéa a) du paragraphe 2, tel qu'il est énoncé, ne pose pas de problème du fait que l'Australie accorde normalement, croit-il, le traitement prévu dans l'article après l'expiration du contrat de travail de deux ans, condition préalable de l'entrée dans le pays. Quant aux alinéas b) t c) du paragraphe 2, il n'est pas certains qu'ils posent véritablement un problème. Il est bien peu de réfugiés se rendant en Australie qui soient susceptibles d'avoir des épouses et des enfants possédant la nationalité australienne au moment de leur arrivée, et, s'ils se marient dans le pays, leur droit sera généralement garanti par le contrat de travail de deux dans, et la liberté de chercher du travail leur sera accordée une fois le contrat expiré.
Quant à la question soulevée dans les observations présentées par l'Italie sur la définition du terme « régulier », l'orateur croit que le Comité a voulu que le terme fût pris dans son sens normal et qu'il ne saurait s'appliquer aux cas cités dans les observations de l'Italie.
M. JUVIGNY (France) désire ajouter quelques observations pour compléter celles que sa délégation a présentées et qui se trouvent reproduites dans le document que le Comité a sous les yeux. Il voudrait donner des apaisements au représentant des Etats-Unis. Si l'article 12 reste dans l'état où il est, la France devra faire une réserve en ce qui concerne une partie de l'alinéa 2, à savoir la partie qui commence par les mots : « ou qui remplissent une des conditions suivantes », à cause des textes qui réglementent le marché du travail. D'abord, la loi de 1932 qui per met de fixer un pourcentage maximum d'étrangers par branche d'activité, et ensuite une réglementation assez souple datant de 1946 relative à l'existence de cartes temporaires, ordinaires ou permanentes, selon les conditions que remplissent ces étrangers, les diverses cartes donnant des possibilités de travail différentes. Cette réglementation édictée en 1932 en raison des circonstances économiques et, en 1946, pour diriger le marché du travail, n'a pas pour résultat de refuser aux réfugiés le droit au travail. L'orateur convient que, si cette convention devait comprendre un seul article, ce devrait être l'article relatif aux professions salariées, car c'est celui qui est applicable au plus grand nombre de personnes. La France n'entend pas du tout pas cette réglementation et par les réserves qu'elles serait amenée à apporter au moment de la signature de la Convention, dénier aux réfugiés le droit au travail. Ce qu'elle veut, c'est pouvoir contrôler le mouvement de la main-d'oeuvre et ce n'est pas nier le droit au travail que de refuser à un réfugié d'exercer une profession dans un branche d'activité déjà très encombrée et dans laquelle existent des milliers de chômeurs nationaux. C'est simplement une invitation que le Gouvernement français adresse aux réfugiés d'essayer de se reclasser dans un secteur moins pléthorique.
Des observations formulées par le Président, il retient que le Danemark a des préoccupations analogues à celles qu'ont exprimées l'Autriche et la France. Elles sont moins aiguës, mais elles existent néanmoins. Le Comité n'a pas voulu qu'on prenne comme texte de travail le traitement minimum qui pouvait être accordé par tout le monde et la délégation française partage cette façon de voir. Sur ce point particulier, la seule question qui se pose est de savoir si le Comité a l'impression que la majorité des Etats qui pourront adhérer à la Convention ont une réglementation sur le marché du travail ou s'ils n'en ont pas. Si l'on pense que x Etats adhéreront et que x - 2 Etats feront des réserves sur l'alinéa 2, il serait préférable de modifier celui-ci. Si, au contraire, la majorité des Etats doit accepter l'article 12 et son alinéa 2 sans faire de réserves, il vaudrait mieux maintenir cet article. Chacun des Etats qui le voudrait pourrait alors faire des réserves. C'est évidemment une distinction difficile à faire. L'orateur aimerait connaître le sentiment du Comité sur ce point.
Faut-il maintenir l'alinéa 2 de l'article 12 et risquer ainsi d'avoir un nombre élevé de réserves ou faut-il supprimer cet alinéa en laissant aux Etats qui sont dans une situation meilleure la possibilité d'aller au delà de la Convention ?
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) est d'accord avec le représentant de la France pour penser qu'un article au sujet duquel la totalité ou la plupart des pays feraient des réserves serait sans valeur. Toutefois, si quelques pays seulement, fussent-ils même quatre ou cinq, faisaient des réserves, celles-ci ne seraient pas toutes de caractère ni de portée identiques. Il faudrait chercher à déterminer si la plupart des pays jugent l'article acceptable en principe.
M. Henkin reconnaît que la règle à laquelle le représentant de la France a fait allusion est une règle généralement appliquée, mais il tient à réaffirmer ce qu'il a déjà dit à la première session, à savoir : le simple fait que les dispositions d'une convention exigent une modification de la législation existant dans un pays quelconque n'est pas un argument valable à invoquer contre elles. Si toutes les législation nationales devaient rester inchangées, quel besoin aurait-on d'une convention ?
Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) rappelle au Comité que le Gouvernement du Royaume-Uni dans ses observations, s'est déclaré disposé à envisager la possibilité d'adoucir les conditions d'admission de réfugiés sur son territoire ; et puisque, entre temps, cet adoucissement est devenu une réalité, la bonne volonté de ce Gouvernement est manifeste. Peut-être de nouveaux adoucissements à ces conditions pourront-ils être apportés, mais l'ensemble de l'article ne peut pas encore être accepté sans réserve.
Un ces récent répondre à la question du représentant des Etats-Unis. Une femme qui était entrée dans le Royaume-Uni avec l'autorisation de se livrer à un genre déterminé de travail a mis un enfant au monde deux jours après son arrivée. Si le Royaume-Uni acceptait l'article 12 sans faire de réserves, cette femme se trouverait dégagée de toutes les restrictions que lui impose son permis de travail, puisque son enfant serait citoyen du Royaume-Uni. C'est pourquoi l'on est fondé à dire que, dans les pays où les lois sur la nationalité repensent sur le jus soli, le principe établi par l'alinéa c) du paragraphe 2 aurait des répercussions plutôt étranges.
Le PRESIDENT se demande si la faute en est au projet de convention ou au jus soli.
Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) dit qu'il s'attendait à cette question.
M. HERMENT (Belgique) se demande si l'exemple cité par le représentant du Royaume-Uni est bien choisi. Cette personne avait un contrat de travail et, après la naissance de l'enfant, on aurait pu exiger le respect de contrat.
Le Gouvernement belge estime que le droit au travail est un des droits primordiaux qu'on doit accorder aux réfugiés et en dépit de la crise de chômage qui sévit en Belgique, il adhère à l'article 12 mais l'orateur demandera de pouvoir faire, au sujet du premier alinéa une réserve visant les pays signataires d'un union régionale.
Le PRESIDENT estime qu'il n'est plus besoin de discuter longtemps sur l'article 12. Le plupart des observations formulées à cette séance avaient déjà été présentées à la première session, ce qui n'empêche qu'un majorité de membres du Comité a jugé acceptable le projet dont le Comité était saisi. Les rares gouvernements qui ont formulé des observations depuis la rédaction de l'article n'ont pas réussi à établir la nécessité d'une modification quelconque. Si le Comité pouvait entendre les points de vue des quarante et quelques gouvernements qui n'ont pas transmis d'observations, peut-être jugerait-il que le libellé actuel est le meilleur. De l'avis du Président, l'article 12 est identique aux articles correspondants des conventions de 1933 et 1938, et le Comité doit veiller à ne pas accepter de normes inférieures à celles qui ont été adoptée dans les conventions antérieures.
M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) croit que bien des pays qui hésiteraient à s'engager en ce qui concerne d'éventuels afflux de réfugiés à l'avenir, seraient peut-être néanmoins en mesure d'accorder le traitement spécifié à l'article 12 aux réfugiés qui se trouvent déjà sur leur territoire. Il espère, comme le représentant des Etats-Unis, que toutes les réserves que ces pays croiraient devoir faire porteront sur des points précis et ne s'appliqueront pas à l'ensemble de l'article.
Le PRESIDENT se demande si les pays qui n'ont pas adopté le jus soli seraient disposés à accorder aux personnes nées sur leur territoire et même aux parents de ces personnes, un statut spécial qui n'est pas consenti à d'autres étrangers ; quant à lui, il en doute.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) fait observer, puisque la question a été soulevée, que l'une des conséquences du jus soli est que toute personne née dans un pays où de telles loi sur la nationalité sont en vigueur est citoyen du pays en question quelle que soit la nationalité des parents. Toutefois, le hasard n'a pas une part aussi grande qu'on pourrait le croire dans l'application de cette disposition, car, aux Etats-Unis du moins, on applique le même principe à des questions autres que le droit au travail. C'est ainsi qu'une femme qui a mis au monde un enfant aux Etats-Unis d'Amérique jouit d'un statut particulièrement favorable en ce qui concerne l'immigration, quant au droit au travail lui-même, il est évident que l'intérêt national exige que la mère d'un citoyen du pays dispose de certains moyens d'existence.
Sir Leslie DRASS (Royaume-Uni) répète que, si l'alinéa c) du paragraphe 2 n'est pas supprimé, le Royaume-Uni se verra dans l'obligation de faire des réserves à son sujet. Il est superflu de souligner que si une femme qui est entrée dans le pays et qui plus tard a mis un enfant au monde se voyait dégager de toute restriction en matière d'emploi, cela pourrait constituer un encouragement à cette pratique.
M. CHA (Chine) déclare que, puisque la législation chinoise est fondée sur le jus sanguinis, il serait difficile à la Chine d'accepter toutes dispositions du projet de convention qui entraveraient sa liberté d'action en ce qui concerne les avantages accordés à ses ressortissants. Il préférerait voir le texte actuel de l'article 12 amendé ; toutefois, si la majorité du Comité tien à le conserver, le Gouvernement chinois devra peut-être faire des réserves à son sujet.
Le PRESIDENT résume le débat. Ce qu'il s'agit de savoir, c'est si l'on doit conserver l'article 12 tel qu'il est actuellement, en risquant de ce fait de nombreuses réserves, ou si, pour parer à ces réserves, on doit tenter de limiter au minimum les dispositions concernant le travail salarié.
M. HERMENT (Belgique) opine pour la première de ces solutions.
M. ROBINSON (Israël) estime que, puisque le Comité actuel, qui ne se compose que des représentants de onze pays, n'est pas en mesure de déterminer quelle sera la réaction d'environ quarante-six Membres de l'Organisation des Nations Unies, il serait plus judicieux de laisser le texte dans son état actuel. Présenter un texte moins libéral n'améliorerait en rien le statut des réfugiés et il vaudrait mieux laisser à la prochaine Assemblée générale le soin de trancher la question.
M. JUVIGNY (France) pense que le problème ne se pose pas tout à fait comme l'a dit le représentant d'Israël. Le paragraphe 2 ne vise pas les Etats qui appliquent aux salariés un régime très libéral. Ces Etats ne sont visée qu'aux alinéas 1 et 3. Pour l'alinéa 2, la question importante est de savoir si la majorité des Etats où es mesures de protection de la main-d'oeuvre nationale sont en vigueur, est favorable au maintien de l'alinéa 2.
Il se demande si on ne pourrait pas sortir de la difficulté en modifiant quelque peu l'alinéa 2. On laisserait subsister la première idée et on mettrait un point après les mots « pour l'Etat contractant intéressé ». En effet, les réfugiés visés par ces dispositions de la Convention auraient, pour ainsi dire, des droits acquis. La délégation française serait prête à admettre l'obligation qui figure dans cette première partie. Ensuite, ou pourrait dire : « Les Etats contractants examineront la possibilité de faire bénéficier du même régime » c'est-à-dire du régime d'exemption « les réfugiés qui remplissent les conditions suivantes : » ; le reste de l'alinéa serait sans changement.
On transformerait donc ainsi la deuxième partie de l'alinéa 2 en une recommandation. C'est simplement une suggestion qu'il présente. Cet amendement permettrait à la France de ne pas faire de réserve sur l'article 12, lors de la signature de la Convention.
M. ROBINSON (Israël) soutient que le Comité n'est ni compétent ni suffisamment renseigné pour pouvoir répondre à la question fondamentale qu'à soulevée le précédent orateur. Il demande instamment au représentant de la France de ne pas insister en ce moment pur que le texte soit modifié, mais de faire abstraction de ses objections au paragraphe 2 de l'article 12 jusqu'après la prochaine Assemblée générale, car on disposera alors de tous les éléments d'appréciation permettant de juger la situation. Rien n'empêche la délégation française de faire des réserves basées sur la situation particulière qui règne en France.
M. JUVIGNY (France) n'a présenté cette rédaction que pour trouver un terrain d'entente. Il se rallie volontiers à la suggestion du représentant d'Israël. Comme le dit ce dernier, les débats de l'Assemblée générale permettront de savoir exactement quels sont les Etats qui sont intéressés par ces dispositions et quels sont ceux qui, tout en étant intéressés par elles, ne peuvent aller jusqu'au bout des obligations qu'elles créent.
M. PEREZ PEROZO (Venezuela) indique que l'article 12 n'intéresse pas directement le Venezuela, qui pratique une politique extrêmement libérale en ce qui concerne le droit des étrangers au travail, et où les réfugiés peuvent, comme les immigrants, se faire inscrire dans les bureaux de placement au titre de leurs diverses professions. La seule restriction en vigueur consiste en ce que certaines branches de la production doivent utiliser une proportion déterminée de main-d'oeuvre nationale. La délégation du Venezuela, tout en étant disposée à voter en faveur de l'article 12, s'inspirera en la matière des points de vue d'autres délégations.
Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) a l'impression, d'après l'allure générale du débat, que l'article 12 ne sera pas modifié. Cependant, la délégation du Royaume-Uni ne saurait accepter l'alinéa c) du paragraphe 2, qui offrirait un moyen trop simple de se soustraire aux restrictions concernant le travail. Il propose formellement de supprimer la phrase « avoir un ou plusieurs enfants possédant la nationalité du pays de résidence ».
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) déclare que sa délégation sera certainement d'avis qu'il convient d'accorder aux ascendants d'un citoyen américain certains privilèges quant au droit au travail. Le représentant du Royaume-Uni pourra faire des réserves au ces où son amendement serait rejeté.
Le Président met aux voix la proposition du Royaume-Uni visant à supprimer l'alinéa c) du paragraphe 2 de l'article 12, c'est-à-dire les mots « avoir un ou plusieurs enfants possédant la nationalité du pays de résidence ». Par 6 voix contre 2, avec 3 abstentions, cet amendement est rejeté.
Le PRESIDENT estime que l'on peut vraiment laisser au Comité de rédaction le soin de définir des expressions figurant dans l'article 12, telles que « ressortissants d'un pays étranger » ; « dans les mêmes circonstances », etc. ; on pourrait même, le cas échéant, introduire dans le projet de convention un article de portée générale contenant la définition de ces expressions.
Il en est ainsi décidé.
Article 13 : Professions non salariées
M. JUVIGNY (France) voudrait se référer, pour les remarques de la délégation française en ce qui concerne les articles 13 et 14, aux développements qu'il a lui-même présentés à propos des articles 4 et 8.
Le Gouvernement français est tout à fait disposé à accepter le texte des articles 13 et 14 dans la mesure ou on donne à l'expression « aux étrangers en général » le sens de « régime de droit commun es étrangers », mais pas dans la mesure où, par le jeu d'une clause de réciprocité, on pourrait être amené à considérer comme régime des étrangers en général, un régime dans lequel un ou plusieurs pays ayant accordé la réciprocité à la France sur un point, celle-ci serait obligée automatiquement d'étendre ces dispositions à l'ensemble des réfugiés. Donc, pour la délégation française, les mots « traitement ... accordé ... aux étrangers en général » signifient le régime e droit commun des étrangers.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) suggère que, si personne ne tient à proposer d'augmenter la protection minima accordée par l'article 13 en ce qui concerne le droit de se livrer à l'agriculture, de fonder une industrie, etc., le Comité devrait passer à l'examen de l'article suivant.
Il en est ainsi décidé.
M. THEODOLI (Italie) tient à répéter les observations présentées et les réserves faites par le Gouvernement italien en ce qui concerne l'octroi de l'autorisation d'exercer une profession, aux réfugiés résidant régulièrement sur le territoire italien. Le Gouvernement italien ne peut accepter une clause qui aggrave la situation actuelle du pays provoquée par le surpeuplement et le chômage. Le Gouvernement italien doit faire face aux problèmes que constituent l'excédent annuel des naissances sur les décès et le nombre des chômeurs qui atteint 2 millions et il me saurait accepter de recommandations à ce sujet. La situation économique et démographique de l'Italie est connue des pays membres de l'OECE. On vient de jeter, à Paris, les bases d'un projet permettant aux pays surpeuplés d'Europe, dont l'Italie, d'acheminer leur excédent de main-d'oeuvre vers des pays d'accueil définitif. Si un tel projet est couronné de succès, on le devra à l'ECA, dans ces conditions, il serait illogique que, d'un côté, on fasse des efforts aussi remarquables pour diminuer le chômage en Italie et que, de l'autre, en raison de l'obligation résultant du Chapitre III de la Convention relative au statut des réfugiés on vienne ajouter au chômage.
Dans les conditions actuelles, le Gouvernement italien ne peut pas accepter les dispositions en question. Toutefois, il pourrait accepter une clause permettant d'appliquer le droit au travail dès que le chômage descendra au niveau moyen qu'il atteignait avant la deuxième guerre mondiale, pendant, un certain nombre d'années à préciser.
Le PRESIDENT relève que les observations sur l'article 14 sont semblables à celles qui se rapportent aux articles 12 et 13. Il est possible que certains gouvernements aient des réserves à faire, mais ce n'est pas une raison pour refondre l'article qui, de toute manière, n'accorde aux réfugiés qu'une minimum de protection.
Le débat sur l'article 14 est clos.
Article 15 : Rationnement
M. ROBINSON (Israël) explique que les observations de son gouvernement (E/AC.32/L.40, pp. 10-11) concernant les modifications de rédaction qui s'imposent pour mettre en harmonie l'article 5 et les observations du Comité. Il demande l'autorisation de soulever directement la question au Comité de rédaction.
Il en est ainsi décidé.
Article 16 : Logement
M. JUVIGNY (France) attire l'attention sur la traduction française du document E/AC.32/L.40 qui contient une erreur assez importante de traduction, qui entraîne une erreur de fond : le texte française dit « le traitement le plus favorable accordé aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire ». L'orateur ne pense pas que ce soit l'idée dont il s'agit. Il croit que pour traduire : « shall accord the refugees lawfully in their territory treatment as favourable as possible », il faut dire « accorderont aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire un traitement aussi favorable que possible ». Il faut reprendre la formule qui figure au début de l'article 13 et la substituer, dans le texte français, à la formule qui figurer à l'article 16.
Tel qu'il est rédigé actuellement, l'article ne veut rien dire.
Le PRESIDENT déclare que c'est là une question qui regarde le Comité de rédaction. Il faut faire disparaître toute différence dans le texte français de l'article 16, de manière à le mettre en harmonie avec le texte anglais.
M. JUVIGNY (France) constate qu'il reste cependant un problème de fond. L'article 16 au texte française et l'article 16 du texte anglais n'ayant pas le même sens, il s'agit de savoir quel est celui d'entre eux qui est proposé comme instrument de travail par le Secrétariat. On doit pouvoir le déduire des comptes rendus de la session précédente. Il maintient qu'il y a une différence de fond importante entre les deux textes.
Le PRESIDENT déclare que c'est le texte anglaise qui est le texte de base.
M. JUVIGNY (France) dit que, dans ces conditions, il voit qu'il ne s'agit plus que d'un problème d'adaptation du texte française, problème qui relève du Comité de rédaction.
L'article 16 est renvoyé au Comité de rédaction.
Article 17 : Education publique
Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) déclare que son Gouvernement ne saurait prendre l'engagement que tous les réfugiés recevront le traitement le plus favorable accordé aux étrangers en ce qui concerne l'enseignement supérieur, qui fait l'objet du paragraphe 2. L'accès à l'enseignement supérieur a déjà été facilité pour les nationaux polonais et il est possible que, dans un proche avenir, des arrangements spéciaux soient pris pour permettre aux nationaux de certains Etats étrangers d'obtenir des facilités spéciales en matière d'enseignement, sous forme de bourses d'étude dans le Royaume-Uni.
M. HERMENT (Belgique) doit présenter des remarques du même genre que celles du représentant du Royaume-Uni. En ce qui concerne l'enseignement secondaire et l'enseignement universitaire, le Gouvernement belge en peut pas accorder aux réfugiés le traitement le plus favorable accordé aux étrangers. Il s'agit de l'accès à des études qui nécessitent des études antérieures ; celles-ci doivent être vérifiées pour que l'intéressé puisse être admis dans certains établissements d'enseignement secondaire ou universitaire.
A cet effet, le Gouvernement belge signera des conventions avec certains pays mais il ne lui est p as possible d'accorder ce traitement aux réfugiés en général.
M. CHA (Chine) appelle l'attention du Comité sur un détail de rédaction ; au paragraphe 2 de l'article 17, les mots « ressortissants d'un pays étrangers » ne coïncident pas avec le mot « étranges » utilisé dans tout le texte du projet de convention.
Pour M. PEREZ PEROZO (Venezuela), il importe de décider du genre de traitement qui sera accordé aux réfugiés. Il ne saurait, pour sa part, consentir à ce que le traitement le plus favorable leur soit accordé en matière d'enseignement supérieur et de diplômes. Le Venezuela accorde certaines facilités dans ce domaine à un groupe de pays voisins, appelés « bolivarianos », auxquels il est lié par des liens historiques et de sang, mais il ne pourrait étendre ces facilités aux réfugiés.
Le PRESIDENT fait observer que le Royaume-Uni, la Belgique, et le Venezuela devront faire des réserves ; il demande si l'article appelle encore d'autres observations.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) perse que le texte devrait demeurer inchangé au moins pour le moment. Le Gouvernement des Etats-Unis se conformera au désir de la majorité des pays dans lesquels se trouvent le plus grand nombre de réfugiés ayant besoin de protection.
M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) estime que le traitement dont le représentant du Venezuela a parlé constitue un traitement préférentiel, à savoir celui qui est accordé aux ressortissants de pays qui ont le même système d'enseignement ou avec lesquels il existe des liens particulièrement étroits. Il va sans dire qu'une telle réserve pourrait être faite afin d'indiquer nettement que la clause du traitement le plus favorable ne doit pas inclure le traitement préférentiel.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) conteste l'interprétation qui a été donnée de la clause du traitement le plus favorable. Il a été reconnu que des réserves pourront être acceptées, surtout si elles se basent sur le régime préférentiel. Mais il ne pense pas que le régime préférentiel ait été exclu de la clause du traitement le plus favorable et il ne voudrait pas que cette interprétation fût adoptée. Si les pays du Benelux, par exemple, ne sont pas disposées à accorder aux réfugiés le régime spécial qu'ils font réciproquement à leurs ressortissants, il préférerait que cela fût déclaré sous forme de réserve.
Le PRESIDENT se rallie au point de vue exprimé par le représentant des Etats-Unis. La deuxième lecture, ajoute-t-il, fournira mainte occasion de débats complémentaires et permettra d'amender le texte le cas échéant.
M. JUVIGNY (France) approuve les remarques du représentant des Etats-Unis. Il ajoute, pour apaiser certaines craintes excessives, que lorsqu'on parle du traitement le plus favorable en matière d'attribution de bourses d'études notamment cela ne signifie pas que tous les enfants de réfugiés vont recevoir une bourse. L'attribution des bourses, même pour les nationaux, est subordonnée à un certain contrôle. Il ne faut pas exagérer le caractère automatique des charges financières qui résultent de cette clause. Bien entendu, il n'a pas l'intention de retirer d'un main ce qu'il donne de l'autre.
M. HERMENT (Belgique), en réponse au représentant de la France, fait remarquer que la réserve qu'il a lui-même formulée ne vise pas la question des bourses, mais la question de l'accès aux études. En Belgique, on se montre très strict pour l'accès aux études secondaires ou universitaires. C'est surtout ce qui l'engage à faire une réserve générale.
Le PRESIDENT demande si, en Belgique, les universités admettent des ressortissants étrangers qui ont fait, à l'étranger, des études équivalentes aux cours donnés par les universités belges.
M. HERMENT (Belgique) expose qu'en Belgique on fait une distinction en ce sens que les études effectuées en pays étrangers ne donnent accès à un certain degré d'enseignement que si un comité d'examen les déclare équivalentes aux études primaires ou secondaires belges.
Le PRESIDENT observe qu'en ce cas il ne s'agit pas de nationalité, mais plutôt de titres.
M. HERMENT (Belgique) répond que le régime est le même pour les Belges dans certaines branches d'enseignement mais pas dans d'autres.
Le PRESIDENT déclare que l'article 17 répond à la question soulevée par le représentant de la Belgique.
Après un nouvel échange de vues, le PRESIDENT constate qu'aucun amendement n'a été proposé ; à son avis, si des délégations ont des réserves à formuler, il vaudrait mieux qu'elles le fissent plutôt que de modifier tout le texte de l'article.
M. HERMENT (Belgique) fait observer qu'il y a évidemment deux conceptions. Il conviendrait d'éviter les réserves, quitte à adopter un régime moins favorable, mais constituant néanmoins un statut de base pour les réfugiés. Si l'on adopte un texte qui va plus loin, les réserves seront si nombreuses que, finalement, le statut ne sera pas unique. L'orateur craint que, finalement, par le jeu des réserves, on n'accorde moins que le régime minimum prévu par les articles de la Convention. Il se demande s'il est bon de prévoir dans la Convention un régime maximum en permettant aux Etats de faire des réserves. C'est une question d'appréciation. Il se demande s'il est bon de prévoir dans la Convention un régime maximum en permettant aux Etats de faire des réserves. C'est une question d'appréciation. Si on avait dit : « accordé aux étrangers en général » il n'y aurait pas eu de réserves.
M. JUVIGNY (France) ne veut pas discuter, en ce moment, le problème très général que le représentant de la Belgique a évoqué et qui préoccupe beaucoup les gouvernements. Dans le cas particulier de l'article 17, les exemples signalés par le représentant de la Belgique sont d'ordre secondaire et une réserve très explicite n'aurait en aucune façon un caractère déshonorant pour le pays qui la fait. Il a cru comprendre qu'il s'agissait parfois d'un problème d'équivalences. Or il existe dans tous les règlements de faculté des équivalences qui ne découlent pas nécessairement d'accords internationaux. Les conseils de faculté des équivalences qui ne découlent pas nécessairement d'accords internationaux. Les conseils de faculté peuvent admettre un étudiant qui a obtenu tel diplôme de telle faculté dans tel pays à continuer ses études. En France, il y a en général deux catégories de diplômes dont certains, qui n'ont pas la même valeur, il le reconnaît, sont réservés aux possesseurs de diplômes étranges dont la liste est dressée.
La réserve de la Belgique est légère et pour sa part la France est prête à accepter l'article 17 dans sa rédaction actuelle :
M. HERMENT (Belgique) ne voit pas d'inconvénient à garder l'article 17 avec des réserves. Il estime que ce que disait le représentant de la France n'est pas tout à fait exact en ce sens qu'un conseil académique peut bien reconnaître à un étudiant étranger le droit d'accéder à l'enseignement universitaire, mais que cet étranger recevra un diplôme qui ne lui permettra pas d'exercer sa profession.
M. JUVIGNY (France) considère qu'il ne faut pas lier les deux questions. L'exercice d'une profession est prévu par d'autres articles. En l'occurrence, il convient de se placer sur un terrain scientifique. Le problème professionnel doit recevoir des solutions inspirées par des préoccupations autres que scientifiques. L'idée qui est à la base de l'article 17 est d'éviter que le file de réfugiés se trouve en face de l'interdiction d'entrer dans une faculté déterminée. Il faut permettre à l'étudiant qui s'enfuit après deux années d'études de médecine, par exemple, de poursuivre ses études.
M. PEREZ PEROZO (Venezuela) déclare que les diplômes reconnus dans les pays de l'Amérique latine qu'il a mentionnés antérieurement confèrent le droit d'exercer une profession libérale dans l'un quelconque de ces pays. Par contre, pour l'exercice de ces professions par les réfugiés, le Venezuela exigeait probablement l'accomplissement des formalités imposées par la législation en la matière.
Le PRESIDENT déclare que la question soulevée par le représentant du Venezuela relève de l'article 14, l'article 17 ne traitant que de la question de l'éducation publique.
M. HERMENT (Belgique) déclare que ces deux articles sont étroitement liés. On a parlé de « diplômes reconnus », mais si on admet un réfugié à une université sans avoir constaté que ses études antérieures lui permettent de tirer le parti maximum des études supérieures, ce réfugié aura bien un diplôme, mais il ne pourra pas exercer sa profession. Le plus souvent, un réfugié poursuit des études supérieures pour se créer une situation dans le pays où il se trouve. Or c'est précisément pour cela que cet alinéa 2 de l'article 17 est si important. Il s'agit d'admettre le réfugié à tous les droits d'une ressortissant du pays au point de vue du résultat des études supérieures, et non pas de lui permettre d'acquérir un titre qui ne lui donnera pas le droit d'exercer sa profession.
Le PRESIDENT fait observer qu'il y a lieu d'établir une distinction entre le droit d'accéder à l'instruction et d'obtenir un diplôme, d'une part, et le droit d'exercer la profession pour laquelle ce diplôme est requis, d'autre part. Dans le cas mentionnée par le représentant de la Belgique, il semble que l'Etat où le réfugié a sa résidence n'adopterait une bonne solution en refusant à celui-ci le droit de suivre des cours et d'obtenir un diplôme, sous le seul prétexte qu'en sa qualité d'étranger, il lui sera impossible d'exercer sa profession. Le réfugié peut désirer s'instruire pour sa satisfaction personnelle ou il peut vouloir émigrer dans un autre pays afin d'y exercer sa profession. Il se peut également qu'une personne qui étudie une branche quelconque des sciences ne remplisse pas, pendant qu'il fait ses études, les conditions requises pour devenir citoyen du pays de sa résidence, étant, par exemple, dans l'impossibilité subvenir à ses besoins, mais il peut fort bien vouloir s'instruire et obtenir un diplôme dans l'espoir d'être naturalisé un jour, ce qui lui permettrait de se servir de servir de son diplôme. De toute manière, on ne doit pas lier la question de l'accès aux études et aux diplômes qui fait l'objet de l'article 17 à celle de l'exercice des professions libérales qui est réglée à l'article 14.
M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) maintient qu'en tout cas il vaut mieux accorder à un réfugié la possibilité de faire des études même si, par la suite, il ne peut exercer une profession libérale, plutôt que de lui interdire absolument d'accéder aux bienfaits de cette instruction.
La séance est levée à 17 h. 50.