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COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTE-SIXIEME SEANCE

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TRENTE-SIXIEME SEANCE
E/AC.32/SR.36

25 Septembre 1950
Présents :
Président :M. LARSEN (Danemark)
Rapporteur :M. WINTER (Canada)
Membres :
BelgiqueM. HERMENT
BrésilM. PENTEADO
ChineM. CHA
Etats-Unis d'AmériqueM. HENKIN
FranceM. JUVIGNY
IsraëlM. ROBINSON
TurquieM. NURELGIN
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du NordSir Leslie BRASS
VenezuelaM. PEREZ PEROZO
Observateurs :
ItalieM. THEODOLI
SuisseM. SCHURCH
Représentants des institutions spécialisées :
Organisation internationale du TravailM. OBLATH
Organisation internationale pour les RéfugiésM. WEIS
M. KULLMANN
Représentant des organisation non gouvernementales :
Catégorie A :
Fédération mondiale des associations pour les Nations UniesMme EVANS
Catégorie B et Registre :
Comité de liaison des organisations internationales de femmesMlle ROSSIER
Congrès juif mondialM. BIENENFELD
M. LIBAN
Conseil consultatif des organisations juivesM. KARLIKOW
Guilde internationale des coopératricesMlle ROSSIER
Ligue internationale de femmes pour la paix et la libertéMme BAER
Secrétariat :
M. GiraudDépartement juridique
M. HoganSecrétaire du Comité

1. TEXTES PROPOSES POUR UN PROJET DE CONVENTION RELATIF AU STATUT DES REFUGIES (E/1618, E/1618/Corr.1, E/AC.32/2, E/AC.32/6, E/AC.32/6/Corr.1, E/AC.32/7, E/AC.32/L.3 et E/AC.32/L.40) (suite)

Le Comité poursuit l'examen du projet de convention figurant à l'annexe I à son premier rapport (E/1618).

Article 7 : Statut personnel

M. WINTER (Canada), Rapporteur, rappelle les longues discussion qui ont eu lieu durant la première session lorsqu'on s'est efforcé de définir un certain nombre de termes tels que « domicile », « résidence », « pays de résidence », etc. Peut-être le représentant des Etats-Unis voudra-t-il définir à nouveau ces termes à l'intention du Comité.

M. HERMENT (Belgique) se demande si, pour répondre à la première objection faite par le Royaume-Uni contre l'article 7 (E/AC.32/L.40, page 37), il ne suffirait pas de remplacer au paragraphe 2 les mots « droits acquis » les mots « droits antérieurement acquis ». Il s'agit simplement d'un changement rédactionnel. Quant au deuxième point soulevé par ce même pays, il est certain qu'il se produit des cas où aucun formalité ne permettrait à l'Etat d'accueil de reconnaître les droits acquis. Dans ces cas, on pourrait lever la première objection formulé pas le Royaume-Uni en ajoutant à la fin du paragraphe 2 les mots « pour autant que le défaut d'une telle formalité constituerait l'unique empêchement à la reconnaissance des droits en question ».

Quant à la troisième observation du Gouvernement du Royaume-Uni, on pourrait préciser l'intention du rédacteur du paragraphe 2 en insérant le mot « nouveau » avant la mot « domicile ».

M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique), avant de répondre au Rapporteur, demande au représentant du Royaume-Uni s'il donnera de nouvelles explications sur les observations de son Gouvernement, la troisième observation n'étant pas claire.

Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) explique que les deux points essentiels des observations du Royaume-Uni sont ceux qui figurent sous (a) et (b)

L'article 7 touche une question technique et ne doit intéresser que le statut personnel ; le Gouvernement du Royaume-Uni toutefois que le paragraphe 2 de l'article pourrait être interprété comme dépassant les limites du statut personnel.

A propos de la deuxième observation formulée sous (b), la rédaction du paragraphe 2 de l'article 7 n'exprime pas entièrement les intentions du Comité spécial. Sir Leslie Brass proposera quelques modifications de texte qu'il soumettra à l'examen du Comité de rédaction. En dehors des points mentionnés, le Gouvernement du Royaume-Uni se rallie au texte sous sa forme présente.

M. CHA (Chine) suppose que le terme « domicile » indique le lieu où une personne désire vivre et exercer son activité tandis que « lieu de résidence » vise un endroit quelconque où lui arrive de se trouver sans que pour cela elle y réside de façon permanente.

M. Cha fait observer que ni la constitution de l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) ni la Convention relative aux personnes déplacées ne font allusion au domicile ; ces documents se réfèrent à « la résidence habituelle antérieure » et l'orateur se demande s'il est nécessaire de soulever la question du domicile dans une convention relative au statut des réfugiés. Il se ralliera à la décision de la majorité du Comité, mais il pense que la question mérite quelque attention.

M. ROBINSON (Israël) précise que le point soulevé par le représentant de la Chine, de même que les observations du Gouvernement autrichien (E/AC.32/L.40, page 37) intéressent le fond du débat, tandis que les observations du Royaume-Uni se rattachent plutôt à la rédaction. Il fait observer qu'en droit anglais, en matière de conflit de lois, il est possible qu'une personne ait perdu al nationalité d'un pays étranger, tout en y conservant son domicile. D'autre part, la jurisprudence britannique n'est pas à ce point rigide qu'elle refuse de reconnaître éventuellement plus d'un domicile.

Quant à la question fondamentale d'un choix entre les termes « domicile » et « résidence » et aux argument présentés contre l'introduction du mot « domicile » dans l'article 7, il explique que l'Acte constitutif de l'OIR n'a pas tenté de résoudre la question sur une base strictement juridique, à cause des difficultés que l'on aurait pu créer en donnant à certaines personnes le statut de réfugiés et de personnes déplacées. L'acte constitutif de l'OIR a été rédigé pour des motifs humanitaires et en vue de résoudre le problème sot par le rapatriement, soit par le réétablissement.

Le problème se pose de façon totalement différente lorsqu'il s'agit d'établir des droits et des obligations qui seront appréciés par les tribunaux. Le Comité ne peut pas maintenir le principe antérieurement adopté de fonder les droits des réfugiés et des apatrides sur leur nationalité, d'abord parce qu'il serait peur équitable d'imposer, en matière de statut personnel, une nationalité à des personnes qui, à tous autres égards, ont été obligées d'abandonner cette nationalité, et ensuite du fait des modifications législatives énormes qui se sont produites au cours des dix dernière années. C'est pour ces raisons que l'on a adopté le principe du domicile.

Si l'on devait adopter la suggestion du Gouvernement autrichien et abandonner le principe du domicile, aucun tribunal ne serait à même de déterminer le statut légal des réfugiés. On a considéré comme prudent, pour les même motifs, de faire figurer le mot « résidence » de façon à englober le cas de réfugiés qui ne se seraient pas créé un domicile. Mais les décisions doivent être fondées toutes les fois que la chose est possible, sur le « domicile » et de façon exceptionnelle seulement, sur la « résidence ». De l'avis de M. Robinson, le Comité doit rester fidèle au principe du texte sous la forme qu'il revêt après examen de tous les aspects du problème, y compris les modifications de rédaction proposées par le Royaume-Uni.

M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) reconnaît avec l'orateur précédent qu'il ne serait pas opportun de revenir au principe de la nationalité ou d'employer dans tous les cas le terme « résidence ».

Quant à l'emploi du mot « domicile » dans cet article, il ne faut pas oublier que, dans certains cas, un réfugiés peur avoir son domicile dans un pays autre que celui dans lequel il vit et où les lois relatives au domicile le placent dans une situation désavantagée. L'orateur souligne que le mot « domicile » doit être interprété comme signifiant le nouveau domicile qui a été acquis ou qui va l'être, et que le statut personnel doit être déterminé par la législation du pays dans lequel le réfugié s'est réinstallé.

L'article pose cependant certains problèmes, car un réfugié peut se trouver dans un camp de transit et n'avoir ni domicile ni résidence.

M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) déclare qu'il ne traitera pas du problème juridique qui se trouve soulevé. L'article veut parler de l'endroit où se centre l'existence du réfugié ; il importe de trouver une formule qui puisse s'appliquer à ceux des réfugiés qui n'ont pas encore trouvé un tel endroit.

L'orateur rappelle que le rapport élaboré pas le Secrétaire général pour la première session du Comité spécial faisait mention d'une loi en préparation en Allemagne relative à la situation juridique des personnes déplacées et des réfugiés ; depuis lors, cette loi a été promulguée par la Haute Commission alliée en Allemagne et elle peut avoir un certain rapport avec la question soumise au Comité. L'article 1er est ainsi rédigé :

« Dans tous les cas où la loi d'introduction au code civil allemand prévoit l'application de la loi nationale, le statut personnel d'une personne déplacée ou d'un réfugié sera celui prévu par la législation d l'Etat sur le territoire duquel cette personne ou ce réfugié a sa résidence habituelle ou avait sa résidence habituelle à l'époque où les faits invoqués se sont produits ; dans le cas où l'intéressé n'a pas ou n'avait pas de résidence habituelle, la législation applicable sera celle de l'Etat sur le territoire duquel il se trouve ou se trouvait à l'époque où les faits invoqués se produisent ou se sont produits. »

Cette loi est importante, car elle a reçu l'approbation des trois Puissances occupantes de l'Allemagne occidental et tient compte de la situation établie par le droit allemand.

M. ROBINSON (Israël) exprime l'opinion que ce qu'on entend en droit par résidence ordinaire s'applique au mot « domicile » dans l'article 7 du projet de convention.

Le PRESIDENT souligne que des conventions antérieurs sur le statut juridique des réfugiés contenaient un texte identique à celui qui a été suggéré pour le premier paragraphe de l'article 7 et que ce texte n'a soulevé aucune difficulté grave.

M. HERMENT (Belgique) est tenté de croire que le Comité s'engage dans une discussion purement académique. Il pense qu'il appartiendra aux pays de déterminer si le statut personnel de réfugié doit être régi par la loi du pays de son domicile ou par celle du pays de sa résidence. En tout état de cause, le réfugié aura toujours un point d'attache dans le pays où il se trouve, ce qui permettra d'établir les dispositions régissant son statut personnel. Il ne croit as que le Comité doive s'attacher à la question des définitions qu'on peut donner aux termes « domicile » et « résidence ». Cette définition appartiendra aux différents pays.

Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) répond que le texte de l'article 7 prévoit que les droits déterminés par le statut personnel d'un individu et acquis avant que cet individu devienne réfugié doivent être respectés. Sil tel ou tel droit particulier n'est reconnu par la législation belge, le simple fait qu'une personne est devenue réfugié ne suffira pas à faire reconnaître le droit en question.

M. HERMENT (Belgique) tient à répéter qu'il peut y avoir des cas où aucune formalité ne permettra de reconnaître la situation d'une personne devenue réfugié. Le paragraphe 2 de l'article 7 ne lui semble as prévoir ces cas.

Le PRESIDENT estime que tous les représentants sont d'accord quant au fond, et qu'il s'agit simplement d'une question de rédaction, qu'il y a lieu de renvoyer au Comité de rédaction.

Il en est ainsi décidé.

M. WEIS (Organisation internationale pour les Réfugiés) se demande toutefois si les observations du représentant du Royaume-Uni ne posent pas une question de fond. A son avis, le traitement exceptionnel prévu au paragraphe 2 pour les réfugiés s'étend à un domaine très restreint. La disposition qui a été empruntée aux conventions datant d'avant la guerre stipule que « les droits acquis sous l'empire d'une loi autre que celle du pays de domicile ou de la résidence d'un réfugié, notamment les droits résultant du mariage, seront respectés, sous réserve de l'accomplissement s'il y a lieu, des formalités prescrites par la loi du pays du domicile ou, en défaut de domicile, pas la loi du pays de la résidence ». L'ensemble du paragraphe ne concerne que les droits de propriété résultant du mariage, à propos desquels il serait difficile au réfugié de satisfaire aux lois du pays de son domicile. Le paragraphe 2 a pour but de prévoir des dérogations peu importantes au principe énoncé au paragraphe 1.

L'orateur se demande s'il ne serait pas possible de lever l'objection soulevée par le représentant du Royaume-Uni en subordonnant le respect de ces droits, non seulement à l'accomplissement des formalités prescrites par la loi du pays du domicile ou de la résidence d'un réfugié, mais encoure aux exigences de l'ordre public.

Article 8 : Propriété mobilière et immobilière.

Le PRESIDENT, parlant en sa qualité de représentant du Danemark, déclare avoir reçu récemment les observations de son Gouvernement sur le projet de convention.

En ce qui concerne l'article 8, le Gouvernement du Danemark partage l'opinion du Gouvernement d'Israël (E/AC.32/L.40, page 11) sur l'ensemble du document : il déplore que des observations essentielles indispensables à l'intelligence du projet de convention se trouvent uniquement dans les commentaires qui l'accompagnent. Le Gouvernement danois estime qu'il faudrait incorporer dans le texte même de la convention la définition de l'expression « dans les mêmes circonstances aux étrangers », qui se trouve dans les commentaires relatifs à l'article 8 (E/1618) et il suggère d'ajouter à l'article 8 le nouveau paragraphe suivant :

« L'expression « dans les mêmes circonstances aux étrangers » employée dans la présente Convention, désigne des étrangers jouissant du même droit de demeurer dans le pays, en ce qui concerne la durée, le lieu et l'emploi ».

L'orateur ajoute qu'il tâchera d'améliorer le texte qu'il vient de proposer.

M. JUVIGNY (France) déclare accepter l'article 8 sous les deux réserves suivantes : 1°) les mots « les Etats contractants accorderont à tout réfugié le traitement le plus favorable possible » doivent être entendus comme constituant une recommandation ; 2°) les mots « de toutes façons un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui est accordé dans les mêmes circonstances aux étrangers en général » sont compris par le Gouvernement français comme appliquant aux réfugiés le droit commun des étrangers.

En France, la plupart des dispositions législatives concernant l'acquisition de la propriété immobilière ne comportent pas de restriction s'appliquant aux étrangers. En 1940, quelques restrictions de ce genre avaient été introduites mais elles ont été abrogées depuis. Dans ce domaine, la France veut accorder aux réfugiés le même régime qu'aux étrangers. Cependant, certains droits relatifs à la propriété mobilière et immobilière sont accordés exclusivement sous condition de réciprocité. Le Gouvernement français ne voudrait pas que le texte de cet article obligeât un pays qui aurait accordé la réciprocité à un autre Etat, à faire bénéficier tous les réfugiés de cette réciprocité. En tout état de cause, al France n'est pas disposée à accorder automatiquement le bénéfice ce la réciprocité à tout les réfugiés. L'orateur rappelle les réserves qu'il a formulées à propos de l'article 4 et qui sont identiques, quant au fond, à celles qu'il vient d'énoncer au sujet de l'article 8. Mais sous ces réserves, le Gouvernement français peut souscrire à l'article 8.

Selon M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) le Comité s'engage dans l'étude d'une question qui non seulement sur l'article 8, mais sur bon nombre d'autres articles du projet de convention. Au Comité social du Conseil économique et social, les délégation de l'Inde et de Chili ont demandé si les réfugiés doivent être mieux traités que les étrangers en général. Il a constaté que le Comité a été d'accord pour admettre que les réfugiés doivent jouir au minimum du même traitement que les autres étrangers ce qui est important surtout dans les pays qui n'accordent pas de statut aux personnes sans nationalité. On a compris qu'à certains points de vue, un réfugiés doit jouir d'un avantage supplémentaire, à savoir du régime accordé en vertu de la clause de la clause de la nation la plus favorisée. En certaines matières, les représentants voudraient que les réfugiés soient traités de la même manière que les nationaux, afin qu'ils puissent être assimilés plus rapidement à la communauté. Il importe tout d'abord de décide si le Comité désire maintenir ces distinctions entre le régime des étrangers et celui des réfugiés. La délégation des Etats-Unis a al conviction que les réfugiés doivent, à certains égards être mieux traités que les autres étrangers ; mais les disposition du projet de convention qui accordent aux réfugiés un meilleur traitement qu'aux étrangers ne présentent pas une importance tellement considérable qu'elles puissent poser de graves problèmes à bien des pays. C'est pourquoi si l'on arrive à admettre qu'en général les réfugiés doivent bénéficier d'un traitement minimum qui ne doit pas être moins favorable que celui qui est accordé aux étrangers en général et qu'à certains égards, on doit même leur reconnaître quelques avantages, on peut sans crainte laisser au Comité de rédaction le soin de remanier l'article.

M. Henkin interprète la proposition de l'OIR (E/AC.32/L.40, page 38) comme signifiant que les réfugiés recevront le même traitement que les nationaux en ce qui concerne les droits mentionnés à l'article 8. Il croit que la plupart des pays ne seront pas en mesure d'accepter ce principe.

C'est pourquoi il propose de s'en tenir à l'attitude générale adoptée lors de la dernière session et de s'efforcer de trouver, pour décrire cette position, une formule qui puisse être acceptée par l'ensemble du Comité.

M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) croit qu'il s'agit là à la fois de questions de fond et de questions de rédaction.

Pour ce qui est du fond de la question, il a fait l'objet de débats prolongés à Lake Success, et l'orateur croit que plusieurs des droits mentionnés à l'article 8 devraient être étudiés séparément. Dans l'état actuel de la jurisprudence, le droit d'acquérir des biens est souvent reconnu aux étrangers dans les mêmes conditions qu'aux nationaux. Toutefois, depuis 1914, des lois spéciales ont été mises au point, aux termes desquelles les droits sont soumis à des restrictions en cas de crise, et qui établissent une distinction entre les nationaux et les étrangers, en matière de contrôle des loyers, par exemple. Il vaudrait la peine d'examiner si les mêmes dispositions doivent s'appliquer à tous ces droits ou si l'on doit faire une distinction pour le traitement qui doit être réservé aux étrangers en ce qui concerne certains droits.

C'est parce qu'elle désire protéger les intérêts des réfugiés que l'OIR a appuyé l'idée de réserver aux réfugiés le même traitement qu'aux nationaux en ce qui concerne les droits mentionnés à l'article 8. Bien entendu, c'est au Comité qu'il appartient de décider si cette façon de voir se justifie.

L'orateur attire l'attention des représentants sur les observation du Gouvernement du Royaume-Uni à propos de l'article 9 (EAC. 32/L. 40, page 39) ; à son avis ces observations suggèrent une formule heureuse, à savoir la possibilité d'accorder aux réfugiés les mêmes droits qu'aux nationaux des pays dans lesquels ils résident. Une difficulté se pose toutefois : les réfugiés trouveront pénible l'application du principe de la nationalité. Le Comité de rédaction pourrait étudier la proposition du Royaume-Uni relative à l'article 9 en même temps qu'il remaniera l'article 8.

A propos de la rédaction, M. Weis trouve que l'expression « traitement accordé aux étrangers en général » est ambiguë et peut prêtre à des malentendus. Il a parlé hier de l'attitude de pays dont les lois se fondent sur le code Napoléon et sur la réciprocité. Il faudra que le Comité de rédaction se prononce sur un texte qui soit clair.

M. JUVIGNY (France) remercie le représentant des Etats-Unis pour les éclaircissements qu'il vient de donner. Il est d'accord avec lui et pense qu'il convient d'accorder aux réfugiés le régime appliqué aux étrangers en général. Pour préciser cette idée, il propose de remplacer, à l'article 8, les mots « que celui qui est accordé dans les mêmes circonstances aux étrangers en général », par les mots « le droit commun des étrangers ». Par ailleurs, la France est prête à accorder, dans certains cas, aux réfugiés, des plus étendus que ceux qu'elle accorde aux étrangers en général. La preuve en est que la France ne fait pas d'objection à l'article 9 ; elle se borne à déclarer, dans ses observations, (EAC. 32/L. 40, page 39), que cet article « est moins généreux que le projet français qui avait accepté le traitement national ». L'article 8 vise un cas particulier. Sur ce point, la France accepte le principe des droits égaux mais elle ne saurait accepter l'automatisme de la réciprocité.

M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) estime que l'on pourrait fort bien lier l'examen de l'article 8 auquel le Comité est en train de procéder à celui de la proposition du Royaume-Uni relative à l'article 9 à laquelle le représentant de l'OIR s'est rallié. Il lui a semblé que cette proposition tendait à accorder aux réfugiés le « traitement national » dans le pays où ils ont leur résidence habituelle tandis que dans les autres pays, ils bénéficieraient du traitement qui est accordé aux ressortissants du pays où ils ont leur résidence. Est-ce bien sur cette base que l'OIR appuie la proposition du Royaume-Uni ? Il semble que le Royaume-Uni se contenterait pour établir le traitement minimum des dispositions de l'article 8 et qu'il ne propose une formule différente que pour les cas où l'octroi du traitement de la nation la plus favorisée est prévu. La proposition de l'OIR d'autre part, semble avoir pour objet d'accorder au minimum au réfugié dans le pays où celui-ci a sa résidence, un traitement semblable à celui qui est prévu pour les nationaux.

Il est impossible de prime abord de dire si la proposition de Royaume-Uni est acceptable en ce qui concerne l'article 9. Quant à la proposition de l'OIR qui vise à étendre à tous les articles les disposition de la proposition du Royaume-Uni de telle sorte qu'un réfugié se trouvant dans le pays de sa résidence - ce qui vise la presque totalité des cas - bénéficierait au minimum du « traitement national », elle paraîtra certainement inacceptable à la plupart des délégations. Toutefois, le représentant de l'OIR pourra peut-être dire si sa proposition à été correctement interprétée.

Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) souligne que les observations faites par le Royaume-Uni sur l'article 9 portent seulement sur le point très particulier de la législation sur les patentes et les droits d'auteur qui fait l'objet de nombreuses conventions internationales. Le représentant du Royaume-Uni se déclare satisfait de l'article 8 sous sa forme actuelle, qu'il juge suffisamment claire, mais il étudiera avec intérêt toute rédaction nouvelle qui serait proposée en vue de donner plus de précision au texte.

Il reconnaît avec le représentant des Etats-Unis d'Amérique que beaucoup de délégations ne pourraient pas accepter l'article 8 s'il accorde « le traitement national » aux réfugiés dans tous les cas. En ce qui concerne la propriété immobilière, par exemple, bien des difficultés peuvent se présenter, sas que ce soit d'ailleurs le cas dans le Royaume-Uni.

M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) aimerait savoir si les observations du Royaume-Uni sur l'article 9 s'appliquent également à d'autres articles où il est question du traitement de la nation la plus favorisée. L'article 10, par exemple, envisage aussi le traitement de la nation la plus favorisée, mais le Royaume-Uni n'a pas présenté d'observations sur cet article. Il semble donc ne pas y voir d'objections.

M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) souligne, à propos de la remarque faite par le représentant des Etats-Unis, que l'OIR n'a pas qualité pour proposer l'octroi de tel ou tel traitement aux réfugiés : cette question est du ressort du Comité. M. Weis n'avait rappelé les observations du Royaume-Uni sur l'article 9 que parce que leur rédaction semblait offrir une solution conforme aux intentions de plusieurs membres du Comité à l'égard des droits de propriété.

Les remarques du représentant de la France traduisent à la fois les vues de l'OIR et les intentions que le comité a exprimées à sa première session, mais on ne peut soutenir que, dans sa rédaction actuelle, l'article tienne entièrement compte de ces remarques. Il existe une différence entre la rédaction de l'article 8 et celle des articles qui mentionnent expressément le traitement de la nation la plus favorisée. Dans l'article considéré, ce n'est pas le traitement de la nation la plus favorisée qui est prévu, mais le traitement accordé aux étrangers en général, l'article recommandant en outre l'octroi éventuel d'un régime plus favorable. Aussi, l'article pourrait-il être interprété autrement que l'a fait le représentant de la France. Puisque, après tout, la convention doit avoir force exécutoire, il serait bon que le comité de rédaction trouvât une formule qui permette d'éviter que certains gouvernements, désireux pourtant d'accorder un traitement plus favorable, n'en soient empêchés pour des raisons juridiques.

M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) demande si l'OIR admet que pour la plupart des droits et privilèges, il n'est pas possible d'accepter que les réfugiés se voient accorder un traitement plus favorable que le traitement minimum prévu pour les étrangers en général. Si l'OIR est de cet avis, une deuxième question se pose en ce qui concerne la matière traitée à l'article 8. Au sujet des droits de propriété, l'OIR considère-t-elle que les réfugiés doivent bénéficier d'un régime plus favorable que celui auquel sont soumis les étrangers en général ?

M. HERMENT (Belgique) croit que le Comité est unanime à vouloir donner aux réfugiés le traitement accordé aux « étrangers en général ». Les observations présentées par l'OIR visent cette expression, et prennent pour base la rédaction de l'article 4. Cet article commande un peu l'interprétation à donner au régime accordé aux réfugiés en général. Il lui semble possible de retenir la suggestion faite par le représentant des Etats-Unis et d'examiner, premièrement, s'il y a lieu d'accorder aux réfugiés le régime des étrangers en général et, deuxièmement, s'il y a lieu d'accorder dans certains cas un régime préférentiel aux réfugiés. Ce sont les deux premiers points que le Comité doit examiner. Après cela, il sera en mesure d'examiner l'interprétation à donner à l'expression « étrangers en général » que le Comité retrouvera en étudiant le texte qui lui sera soumis pas le Comité de rédaction.

Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) fait remarque qu'en ce qui concerne chacun des articles de la Convention, le Comité devra choisir entre trois catégories de traitements : le traitement accordé aux étrangers en général, le traitement découlant de la clause de la nation la plus favorisée, et le « traitement national ».

M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) estime que dans ses observation sur l'article 9, le Royaume-Uni propose une quatrième sorte de traitement ; si un étranger est traité comme un ressortissant du pays dans lequel il a sa résidence, dans la pratique, il ne se verra accorder la traitement national que lorsqu'il se trouve dans le pays dont il s'agit.

Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) déclare que, dans le cas du Royaume-Uni, le traitement accordé aux étrangers en ce qui concerne les droits d'auteur et les patentes est différent selon que l'oeuvre a été publié pour la première fois au Royaume-Uni ou dans un autre pays et selon que le Royaume-Uni protège ou non sur son territoire des oeuvres publiées pour la première fois dans le pays étranger dont il s'agit. En un sens, on peur donc bien dire qu'un quatrième traitement est possible.

M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) estime que l'on pourrait considérer ce quatrième traitement comme une variante du troisième.

Le problème consiste à trouver une rédaction grâce à laquelle le traitement prévu aux articles 8, 13, 14 et 16, dépendra moins de l'interprétation qu'on pourra leur donner.

M. CHA (Chine) estime que, sous sa forme actuelle, l'article 8 est suffisamment élastique pour permettre aux Etats signataires d'accorder le traitement de leur choix, traitement de la nation la plus favorisée ou « traitement national », selon leurs préférences, leur politique et les circonstances du moment. Dans la pratique, le gouvernement chinois s'est montré plus libéral pour les réfugiés que pour ses propres ressortissants. Par exemple, un certain nombre de réfugiés qui avaient échappé à l'oppression nazie n'avaient pu trouver à se loger à Changhaî. On leur a alors réservé exclusivement des baraques Qu'on set que l'UNRRA avait montées en un point de la ville, alors que des ressortissants chinois, également sans abri, n'y avaient pas droit. Le gouvernement chinois préférerait donc signer une convention contenant une formule souple qui permettrait d'aller, dans certains cas, au delà du « traitement national ».

M. JUVIGNY (France) revient sur quelques points soulevés par le représentant de l'OIR que a cité certains articles, et en particulier l'article 14, qui ne rentreraient pas dans les trois catégories indiquées par le représentant du Royaume-Uni, à savoir le traitement accordé aux étrangers en général, le traitement de la clause de la nation la plus favorisée et le « traitement national ». Il croit que l'article 13 rentre sans difficulté dans la première de ces trois catégories. Les Etats seront en mesure d'accorder aux réfugiés le traitement le plus favorable. L'obligation juridique créée par l'article 13 tend à accorder aux réfugiés un traitement au moins aussi favorable que celui dont bénéficient les étrangers en général. Il estime que la première partie de la phrase de l'article 13 aux termes de laquelle « les Etats contractants accorderont aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire le traitement le plus favorable possible » constitue simplement une recommandation qui va au dal à des normes établies par le régime des étranges en général mais ne crée pas une obligation juridique étroite. Dans de tels cas, il y aurait une infinité de traitements qui pourraient être accordés aux réfugiés selon l'interprétation donnée à ce passage par les différents Etats signataires de la Convention. Chaque Etat interprétera la disposition à sa façon et pourra, s'il le désire, accorder un régime plus favorable. Sur le plan des obligations juridiques de la Convention, Les articles comme l'article 13 rentrent dans la catégorie du premier type et prévoient l'octroi aux réfugiés du traitement des étranges en général, c'est-à-dire, ce qu'il appelle le « traitement de droit commun des étrangers ».

M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) se rallie à l'interprétation proposée par le représentant de la France.

Il semble qu'en général les membres du Comité soient d'accord pour conserver le principe d'après lequel les réfugiés se verraient accorder un traitement au moins équivalent à celui qui est prévu pour les étrangers en général. Dans certains cas, cependant, les réfugiés seraient traités comme les nationaux, et dans d'autres cas, comme les ressortissants de la nation la plus favorisée. Il reste à déterminer le traitement à prévoir à l'article 8 et à trouver une formule garantissant que le traitement minimum prévu sera réel et non illusoire. Le représentant de l'OIR a dit qu'à l'heure actuelle, les étrangers reçoivent normalement le même traitement que les nationaux en ce qui concerne les droits de propriété et qu'il n'y aurait pas d'objections à prévoir ce traitement dans l'article dont il s'agit. D'autres membres du Comité partagent-ils manière de voir ?

M. GIRAUD (Secrétariat) précise, pour éclairer le débat, que les articles 7 à 19 se rattachent tous à l'une des trois catégories de traitement. Les cas qui ne sont pas couverts pas ces articles sont régis par les dispositions de l'article 4, ce qui implique au moins que, dans les pas qui ne sont pas prévus ailleurs, on devrait appliquer le régime de droit commun des étrangers.

M. JUVIGNY (France) demande s'il peut interpréter les article 7 à 19 comme ne posant pas la question de réciprocités. Si tel est le cas, la question de réciprocité ne constitue pas un obstacle à l'interprétation de ces articles et ne rend pas leur modification nécessaire. En d'autres termes, s'il est stipulé dans un article q quelconque que le traitement accordé aux réfugiés est celui qui est accordé aux étranges en général, il faut entendre par là que ce traitement s'applique dans les cas où la législation nationale prévoit, pour les réfugiés, les mêmes droits que pour les étrangers. Si la loi stipule au contraire que les étrangers ne peuvent être mis au bénéfice de telle ou telle disposition que sous certaines réserves, il faut admettre que ces disposition ne s'appliquent pas aux réfugiés.

M. GIRAUD (Secrétariat) explique que le question de la réciprocité ne se pose plus et qu'elle n'entre pus en ligne de compte. Elle a été réglée par l'article 4. La réciprocité ne saurait être exigée du réfugié, parce que cela reviendrait à lui retirer d'une main ce qu'on lui accorde de l'autre. Là où il existe un droit commun pour les étrangers, ce droit s'applique également aux réfugiés, bien que ceux-ci ne soient pas en mesure de fournir une prestation de réciprocité. Cependant, dans les cas où un traité spécial conclu entre deux Etats prévoit des disposition en faveur de certaine étranges, ce traité ne s'appliquerait pas aux réfugiés qui sont soumis au régime de droit commun des étrangers.

M. JUVIGNY (France) souligne que l'article 8 stipule expressément que les Etats doivent accorder aux réfugiés un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui est accordé aux étrangers en général. Ceci signifie qu'en l'absence de restrictions législatives en matière d'acquisition de propriété mobilière ou immobilière, les réfugiés jouissent du même statut que les étranges. Si la législation d'un pays en matière de droit d'acquisition de propriété immobilière stipule que les étrangers ne peuvent exercer ce droit que lorsqu'il y a réciprocité, cela signifie que l'exercice de ce droit-là n'est pas davantage accordé aux réfugiés.

M. HERMENT (Belgique) fait observer que la question de la réciprocité a été soulevée la veille. Il se demande de quelle réciprocité il s'agit exactement. Est-ce la réciprocité diplomatique, de la réciprocité législative ou de la réciprocité de fait ? Il lui semble qu'aucune réponse n'a été donnée jusqu'ici à cette question.

Le PRESIDENT, parlant en tant que représentant du Danemark, voudrait revenir sur la question de la réciprocité qui a été discuté al veille et formuler quelques observations à ce sujet. Sil la législation du Danemark stipule, en ce qui concerne un droit particulier quelconque, qu'il sera accordé aux étrangers dont les gouvernements reconnaissent ce droit aux citoyens du Danemark, il n'appartient pas au Gouvernement danois de décider si un tel droits doit être accordé à un étranger en particulier, puisque cela dépend entièrement de ce que fait le gouvernement du pays de cet étranger à l'égard des citoyens danois. Dans un tel cas, peu importe que les pays qui accordent tels droits soient rares ou nombreux. Le Danemark utilise le réciprocité uniquement pur assurer à ses ressortissants qui se trouvent en pays étrangers la jouissance des privilèges qui sont accordés, au Danemark, aux ressortissants de ces pays. L'orateur estime que, dans de tels cas, il convient d'accorder aux réfugiés les mêmes privilège bien qu'un ce qui les concerne, il ne puisse être question de réciprocité.

En revanche, si un autre Etat n'est pas disposé, d'une manière générale, à accorder un privilège donné, sauf dans le cas où ses ressortissants bénéficient d'un traitement analogue au Danemark, et si la législation de cet Etat est différente de celle du Danemark, l'Etat en question doit, pour chaque cas d'espèce, décider s'il est disposé à conclure un accord de réciprocité. S'il tient à ce que ses ressortissants jouissent au Danemark des privilèges en question, il pourra soit essayer de conclure un accord avec le Danemark, soit modifier sa propre législation. Dans les deux cas, du point de vue du Danemark, la situation est la même puisque c'est à l'autre Etat uniquement qu'il appartient de décider s'il veut accorder la réciprocité. Il est vrai, comme cela a été dit, que ces accords pourraient être si nombreux que presque tous les étrangers jouiraient des même droits ; en ce cas, il est peu vraisemblable que ces droits seraient refusés aux réfugiés.

Le problème n'est pas aussi compliqué que certains représentants semblent le croire ; en effet, les pays qui suivent une politique libérale en ce qui concerne l'octroi des droits les accorderont, de toute façon, aux réfugiés, alors que les autres pays refuseront de signer une convention ou, s'ils la signent, trouveront une échappatoire.

M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) partage l'opinion du Président et fait observer que le Comité a remis en discussion le libellé exact de l'article 4, sur lequel il croyait qu'un accord effectif était intervenu lors de la trente-quatrième séance. Il persiste à croire qu'il est possible de trouver, pour l'article 4, une rédaction qui soit acceptable tout en conservant de la valeur. Dans l'espoir que le Comité de rédaction pourra mettre au point une telle rédaction, le Comité pourrait maintenant décider lequel des trois types de traitements énumérés précédemment devrait être prévu dans l'article 8.

Le PRESIDENT fait observer que les mots « qui réside régulièrement sur leur territoire » figurent aux articles 10, 12 et 13, alors que l'article 8 ne fait apparemment aucune distinction entre les réfugiés qui résident dans les pays parties à la convention et les réfugiés qui résident ailleurs. La législation danoise ne fait aucune distinction entre les étrangers et les ressortissants du Danemark à cet égard, mais le Président comprend que certains pays, dont la législation impose des restrictions en matière de droit de propriété aux étrangers, posent craindre que l'article 8 donne aux réfugiés vivant dans d'autres pays les mêmes droits qu'aux étrangers résidant dans le pays où se trouvent leurs biens.

Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) considère que la possibilité d'accorder un traitement différent aux réfugiés résidents et aux réfugiés non résidents est prévue par les mots « dans les mêmes circonstances ». Un réfugié à l'étranger jouirait probablement du même traitement qu'un citoyen se trouvant dans un autre pays que le sien.

Le PRESIDENT pense que le représentant du Royaume-Uni a répondu à l'objection qu'il avait soulevée ; il estime toutefois qu'il est indispensable de définir de façon plus précise le sens des mots « dans les mêmes circonstances ».

M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) croit qu'à ce stade de la discussion, le Comité peut renvoyer l'article 8 au Comité de rédaction.

Le Comité décide de renvoyer l'article 8 au Comité de rédaction.

Article 9 : Propriété intellectuelle et industrielle

Le PRESIDENT appelle l'attention du Comité sur l'article 9 et sur les observations dont il a fait l'objet (E/AC.32/L.40, page 39). Il indique à ce propos qu'il a reçu récemment un traité fait par un expert sur la propriété littéraire, d'où il ressort que le projet du Comité n'est pas conforme aux conventions existantes, notamment à la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, dont les dispositions sont fonction de la nationalité de l'auteur et de l'endroit où le livre a été publié pour la première fois. Ce traité signale quatre situations possibles. Prenant le Danemark à titre d'exemple, le Président indique que tout Danois qui écrit un livre jouit du copyright au Danemark, quel que sot le pays où l'ouvrage puisse être publié. Il en est de même pur tout auteur ressortissant d'un pays partie à la Convention de Berne. Si l'auteur est un ressortissant d'un pays non partie à la Convention, ses droits ne seront protégés au Danemark que si le livre y est publié pour la première fois enfin, les droits d'un apatride ne sont protégés nulle part. En ce qui concerne la dernière de ces situations, il est évident que certaines modifications s'imposent ; mais, dans le cas d'un ressortissant d'un pays non partie à la Convention de Berne, que est devenu réfugié et s'est enfui dans un autre pays qui n'est pas non plus partie à cette Convention, il ne serait pas juste que cet individu, uniquement parce qu'il est devenu réfugié, bénéficie d'un traitement plus favorable que celui dont jouit un citoyen du refuge. Ce point, entre autres, a été traité par le représentant du Royaume-Uni au cours de la discussion du l'article 8. Il s'agit de savoir si un réfugié résidant dans un tiers pays doit recevoir le même traitement qu'un réfugié résidant dans un pays signataire de la Convention.

M. HERMENT (Belgique) rappelle au Comité que la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques a été modifiée en 1948 par la Conférence de Bruxelles. En outre, des négociations sont actuellement en cours pour réunir cet automne une nouvelle Conférence à Washington, afin d'arriver, si possible, à une convention unique en la matière, visant les deux continents. L'orateur ne connaît pas la nature des modifications apportées à la Convention en 1948, mais il se pourrait que certaines d'entre elles s'appliquassent au cas visé par le Président.

M. THEODOLI (Italie) estime que l'interprétation de l'article 9 dépend du sens donné à l'expression « qui résident régulièrement sur leur territoire ». Les réfugiés qui sont en possession des cartes délivrées par l'OIR, par le Haut-Commissariat ou par toute autorité qui pourra être constituée, jouissent ou pourront jouir des mêmes privilèges que tous les autres étrangers résidant en Italie ; toutefois, les mots : « le plus favorable » ne devraient pas s'appliquer à un tel traitement.

Le représentant de l'Italie considère comme particulièrement heureuse la formule utilisée dans l'article 8 et pense qu'elle devrait être employée également à l'article 9, et dans les articles 10 et 11 et peut-être même dans un certain nombre d'autres articles.

Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) dit qui, comme le Président, il a reçu un traité d'où il a déduit qu'il y a lieu, pour le Gouvernement du Royaume-Uni, d'envisager deux éventualités distinctes. Si un livre paraît pour la première fois au Royaume-Uni, l'auteur, quel qu'il soit, peut obtenir le copyright dans le Royaume-Uni ; si l'ouvrage est publié dans un pays partie à la Convention de Berne, l'auteur peut également obtenir le copyright d'une façon qui n'apparaît pas très clairement au représentant du Royaume-Uni. Sa délégation propose donc que les réfugiés reçoivent, dans leur pays de résidence, les droits normalement accordés aux ressortissants de ce pays et, dans le Royaume-Uni, les droits accordés aux citoyens du Royaume-Uni. Les droits qu'il recevraient pour des livres publiés pour la première fois dans d'autres pays varieraient selon que ces pays seraient ou non signataires de la Convention.

M. HERMENT (Belgique) pense qu'il serait peut-être possible d'éviter les difficultés dont on a parlé en accordant aux réfugiés le même traitement que celui qu'on accorde aux ressortissants du pays dans lequel ces réfugiés se trouvent (« traitement national »).

En réponse à une question PRESIDENT, M. HERMENT déclare que le « traitement national » ne doit pas s'appliquer, à son avis, aux réfugiés qui vivent dans un pays qui n'aurait pas signé le Convention.

Le PRESIDENT admet que le représentant de la Belgique a raison sur ce point, mais il fait observer que les dispositions de la Convention de Berne ont été établies pour protéger le droits des éditeurs aussi bien que ceux des auteurs. Si un réfugié résidant dans un Etat qui n'a pas adhéré à la Convention de Berne publie un ouvrage, rien n'empêche un éditeur britannique de reproduire cet ouvrage s'il le désire, au cas où il aurait eu un gros succès de librairie, mais si le livre a été édité pour la première fois au Royaume-Uni, le droit de l'éditeur britannique ne sera pas sauvegardé. Le solution la plus équitable consisterait à prévoir l'application du « traitement national » dans le pays de résidence de l'éditeur, tandis que, dans les autres pays, le traitement appliqué serait celui-là même qui est fait aux ressortissants de ce pays ; il faudrait prévoir également la protection du copyright dans tout pays où paraîtrait la première édition de l'ouvrage.

M. ROBINSON (Israël) se demande si le traité auquel le Président a emprunté ses citations concerne seulement la propriété littéraire ou s'il concerne toutes les autres catégories de propriété dont il est questions à l'article 9 et qui font l'objet de tout un système articulé d'accords divers. S'il est vrai que les apatrides ne bénéficient pas de la protection de l'un des accords de ce système articulé, on créera deux statuts différents, l'un pour les réfugiés qui sont apatrides et l'autre pour ceux qui ne le sont pas. Si l'article 9 a pour but d'établir un traitement unique pour tous les réfugiés, il faudrait obtenir de plus amples renseignements sur les questions suivantes ; premièrement, quille est actuellement la situation juridique en ce qui concerne toutes ces catégories de propriété intellectuelle ? deuxièmement, quelle est la situation particulière dans laquelle l'article 9 place tous les réfugiés, apatrides ou non ? et, troisièmement, qu'adviendra-t-il des titres ou droits d'un individu, en matière de propriété intellectuelle, au cas où cet individu serait privé de sa nationalité ou ne voudrait pas s'en réclamer pour protéger ses droits ? S'il n'est pas donné de réponse à ces questions, l'article 9 ne peut que créer un nouveau système d'accords qui entreraient en conflit avec les autres. C'est pourquoi le représentant d'Israël signale que le représentant du Département juridique, qui peut facilement prendre contact avec Berne, pourrait consacrer un jour ou deux à l'examen de ces trois questions et tâcher de fournir des réponses qui permettraient au Comité de ne pas légiférer absolument dans le vide.

Le PRESIDENT accueille favorablement la suggestion du représentant d'Israël.

La suggestion du représentant d'Israël est adoptée et la suite de l'examen de l'article 9 ajournée en conséquence.

M. JUVIGNY (France) demande que l'observation du Gouvernement français sur la terminologie à employer à l'article 9 soit prise en considération.

Article 10 - Droit d'association

Le PRESIDENT signale à l'attention du Comité l'article 10 et l'observation présentée à ce sujet par le Gouvernement de l'Autriche (E/AC.32/L.40, pages 39-40).

M. HERMENT (Belgique) dit que le Gouvernement belge aimerait voir remplacer les mots « ressortissants de pays étrangers » par les mots » étrangers en général ».

M. OBLATH (Organisation internationale du Travail) présente ses excuse pour le retard avec lequel ont été communiquées les observations du Directeur général du Bureau international du Travail (E/AC.32/7) qui viennent d'être distribuées au Comité.

Le paragraphe 4 de ces observations signale que, bien que le paragraphe 1er de l'article 19 du projet de Convention reprenne la plupart des dispositions du paragraphe 1er de l'article 6 de la Convention sur les travailleurs migrants, ce dernier texte traite aussi de la question de l'affiliation aux syndicats.

Dans la Convention sur les travailleurs migrants, cette question a été résolue par l'octroi aux travailleurs migrants de l'égalité de traitement avec les travailleurs du pays. Mais, dans le projet de Convention relative au statut des réfugiés, le question de l'affiliation à des syndicats est traitée à l'article 10, où il et stipulé que les réfugiés doivent recevoir le traitement le plus favorable accordé aux ressortissants de pays étrangers. Désirant éviter toute contradiction entre le projet de Convention et les Conventions internationales en vigueur, notamment avec la Convention sur les travailleurs migrants, le Directeur général du bureau international du Travail a tenu à attirer l'attention du Comité spécial sur ce point.

M. Oblath ajoute que les débats de la première session ont montré que le Comité spécial a établi un lien entre le droit d'affiliation à des syndicats et le droit de prendre une part active à leur gestion et à leur organisation. A l'article 6 de la Convention sur les travailleurs migrants, il et uniquement question de l'affiliation à des syndicats et le principe de l'égalité de traitement s'applique également a la constitution et à la gestion de telles organisation. C'est pourquoi l'orateur tient à attirer l'attention du Comité sur le fait qu'il est très souhaitable, du point de vue de l'Organisation internationale du Travail, que le problème de l'affiliation aux organisations syndicales soit traité à l'article 19 du projet de Convention, sur la base de l'égalité de traitement avec les travailleurs nationaux.

M. ROBINSON (Israël) constate qu'il existe une divergence importante entre l'article 10 et l'observation formulée par le Comité à la page 45 du document E/1681. Si cette observation commente correctement l'intention de l'article, les mots « en ce qui concerne les associations à but non lucratif » devraient être remplacés par les mots « en ce qui concerne leur droit de créer des associations à but non lucratif ou d'adhérer à de telles associations ».

Le Comité doit prêter attention aux observations du Gouvernement de l'Autriche.

Le PRESIDENT déclare que le proposition du représentant d'Israël fait en quelque sorte écho à ce qu'il a dit lui-même à la première session. Cette proposition n'avait pas été favorablement accueillie par le Comité, qui y avait vu une sorte d'encouragement donné aux réfugiés à créer des syndicats spéciaux au lieu de s'affilier aux syndicats existant normalement dans le pays de leur résidence.

M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique), à propos des observations du Président, rappelle qu'en cours des mêmes discussions, le représentant de l'Organisation internationale du Travail - à moins que ce ne fût celui de l'American Federation of Labor - avait dit qu'un texte ainsi rédigé pourrit faire du tort à la cause des réfugiés en donnant de la publicité au fait que ceux-ci pourraient se grouper en des syndicats qui feraient concurrence aux syndicats déjà existants. C'est pourquoi, de l'avis du représentant des Etats-Unis, bien qu'il soit sans aucun doute vrai que les réfugiés doivent bénéficier du même traitement que les ressortissants de la nation la plus favorisée, pour ce qui est de l'affiliation à des syndicats et de la création de syndicats, il n'est pas à conseiller de modifier le texte de l'article, lequel, de toute façon, prévoit les deux genres d'activités syndicale.

Le représentant des Etats-Unis constate qu'alors que le Gouvernement de l'Autriche préférerait qu'il ne fût pas fait mention dans le Convention du droit d'association, l'observateur italien a précisé, dans la déclaration qu'il a faite au cours de la discussion de l'article 9, que son Gouvernement incline pour ce que la délégation des Etats-Unis appellerait volontiers une formule minimum. En ce qui concerne du mois l'affiliation à des associations, l'Organisation internationale du Travail souhaite que l'on s'oriente dans le sens opposé et propose de supprimer, à l'article 10, le droit d'affiliation à un syndicat - considéré comme distinct des autres associations à but non lucratif - pour en faire état à l'article 19. Ce sont des propositions qui méritent examen. Sur des questions de ce genre, il sied de prêtre grande attention aux vues des pays qui, comme l'Autriche, la Belgique et l'Italie, abritent un grand nombre de réfugiés. Néanmoins, s'il apparaissait à l'examen que la plupart des pays consentent à accorder aux réfugiés un traitement préférentiel, le texte actuel devrait être maintenu et les pays qui estimeraient n'être pas en mesure d'aller aussi loin devraient formuler des réserves spéciales ; cela vaudrait mieux que d'abaisser le niveau général.

La proposition de l'Organisation internationale du Travail sera soigneusement examinée par la délégation des Etats-Unis, qui serait également heureuse de connaître les vues des autres représentants.

M. HERMENT (Belgique) déclare, en réponse aux observations du représentant des Etats-Unis, que la Belgique est toujours prête à accorder aux réfugiés tout ce qu'elle peut raisonnablement leur accorder. Mais le gouvernement de la Belgique a contracté des engagements à l'égard de certains pays, par exemple à l'égard des autres pays du Benelux, et il ne saurait accorder aux réfugiés le traitement préférentiel dont il fait bénéficier les ressortissants des pays du Benelux.

M. GIRAUD (Secrétariat) fait observer que l'article 10 du projet de convention prévoit que les Etats contractants accorderont aux réfugiés le traitement le plus favorable accordé aux ressortissants de pays étrangers, Sil un Etat et partie à la Convention concernant les travailleurs migrants, certains étrangers tomberont sous le coup des dispositions de cette Convention. Si cet Etat n'est par partie à la Convention, il est évident que la Convention ne s'appliquera pas. Il semble au représentant du Secrétariat que la question est résolue par l'article 10.

M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) croit comprendre que le représentant du département juridique a voulu dire qu'un gouvernement qui a signé la Convention concernant les travailleurs migrants accordera, en vertu de l'article 10, le même traitement aux réfugiés et à ses propres ressortissants. Il a l'impression que ce n'est pas là ce que le Comité entendait par le « traitement le plus favorable accordé aux ressortissants étrangers ».

Le PRESIDENT partage l'avis du représentant des Etats-Unis.

M. JUVIGNY (France) fait remarquer qu'il ne faut pas confondre la question des travailleurs migrants et le question des réfugiés. Ces deux groupes de personnes ne sont pas identiques ; il y a des travailleurs migrants qui ne sont pas des réfugiés et il y a des réfugiés qui ne sont pas des travailleurs. Il n'y a pas lieur d'établir un autre lien juridique entre les deux conventions. Le texte de l'article 10 est assez clair et le représentant de la France se félicite d'y trouver l'expression « syndicats professionnels ». La formule très générale qui a été employée laisse ouverte la question de savoir s'il s'agit d'affiliation à un syndicat ou de création d'un syndicat et permet à chaque pays de choisir l'interprétation que convient à sa législation.

M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) déclare que la réserve mentionnée par le représentant de la Belgique est exactement du genre de celles qu'à l'avis du Comité, certains pays estimeraient peut-être nécessaire de formuler, notamment à l'égard des autres pays avec lesquels les premiers pays auraient noué des relations particulièrement étroites. On a même donné l'exemple du Benelux.

Le représentant de la France a dit que les travailleurs migrants ne doivent as être confondus avec les réfugiés. Il est exact que ces deux catégories de personnes ne sont pas identiques dans tout les cas ; mais la question suivante sue pose : au cas où une organisation internationale affiliée aux Nations Unies déciderait d'accorder un traitement spécial aux travailleurs migrants, le Comité ne devrait-il pas examiner si les réfugiés n'ont pas un plus grand besoin encoure de ce traitement spécial ?

M. THEODOLI (Italie) dit que, en ce qui concerne l'article 10 comme en ce qui concerne l'article 9, le Gouvernement de l'Italie a le sentiment que les réfugiés doivent recevoir non pas un traitement préférentiel, mais le même traitement qui est normalement accordé aux étrangers en général.

Il serait bon d'ajouter quelques mots pur préciser que l'article 10 est subordonné aux dispositions de l'article 2.

La discussion de l'article 10 est ajournée.

2. CONSTITUTION D'UN COMITE DE REDACTION

Le PRESIDENT propose qu'avant de s'ajourner, le Comité constitue un comité de rédaction ; celui-ci se réunirait dans la matinée du lendemain pour examiner les articles que le Comité a décidé de lui renvoyer. Il propose que le comité de rédaction se compose, comme à la première session, des représentants de la France, d'Israël, du Royaume-Uni et des Etats-Unis d'Amérique, ainsi que du Président et du Rapporteur. Tous les membres du Comité et les observateurs des Etats non Membres seront les bienvenus.

Il en est ainsi décidé.

La séance est levée à 17 h. 40.