Déclaration faite par M. Poul Hartling, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la Conférence internationale sur l'assistance aux réfugiés en Afrique, le 9 avril 1981
Déclaration faite par M. Poul Hartling, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la Conférence internationale sur l'assistance aux réfugiés en Afrique, le 9 avril 1981
Le 9 avril 1981
Monsieur le Secrétaire général,
Je vous remercie de m'avoir donné la parole. Permettez-moi tout d'abord de me joindre à vous pour souhaiter la bienvenue aux délégués participant à cette Conférence. Nous sommes particulièrement honorés de la présence de Son Excellence le Président Siake Stevens, Président en exercice de l'Organisation de l'unité africaine. Permettez-moi de, dire également combien je suis heureux d'être ici avec vous, Monsieur le Secrétaire général, et avec Son Excellence M. Edem Kodjo, Secrétaire général de l'Organisation de l'unitéafricaine. Des délégations de haut niveau sont venues ici du monde entier, et il est extrêmement encourageant de constater que la cause des réfugiés en Afrique suscite un intérêt universel.
C'est un fait qu'il y a plus de réfugiés en Afrique que sur tout autre continent. Ces réfugiés ont été accueillis avec beaucoup de générosité et de compréhension. Les pays africains leur ont donné refuge et ils ont partagé leurs ressources avec ceux qui étaient démunis. Ils ont donné aux réfugiés des terres et du travail pour qu'ils puissent subvenir à leurs besoins. Ils ont aussi offert leur hospitalité et leur compassion. Je n'ai pas oublié avec quelle force Son Excellence le Président Nyerere a exprimé cet état d'esprit, il y a de cela près de deux ans. Dans la déclaration d'ouverture qu'il a faite à la Conférence sur la situation des réfugiés en Afrique, tenue à Arusha en mai 1979, il a dit ceci : « Je ne crois pas qu'il soit impossible, pour 46 nations de 350 millions d'habitants, de s'occuper de 3,5 millions de personnes et de leur accorder une chance de rétablir leur dignité et de refaire leur vie. »
Depuis lors, le nombre des réfugiés est devenu incommensurable, et leurs besoins également. Il n'y a apparemment aucun répit. Le problème, à bien des égards, est devenu encore plus complexe. Les réfugiés ont, dans la plupart des cas, cherché asile dans des pays où les problèmes de développement sont particulièrement critiques. L'hospitalité africaine traditionnelle est sollicitée à l'extrême limite, puisqu'une multitude de réfugiés prélèvent leur part de ressources limitées. Les efforts des pays africains doivent susciter une réaction énergique de la communauté internationale et, ces jours-ci, une occasion unique nous est donnée de conjuguer nos efforts.
La situation est peut-être critique, mais elle n'est nullement désespérée. Une situation est rarement sans espoir, sauf peut-être quand on la considère comme telle. Les solutions qui ont été apportées aux problèmes du passé nous permettent d'avoir confiance en l'avenir
A vrai dire, depuis vingt ans que le HCR collabore étroitement avec les gouvernements des pays africains, de très nombreux réfugiés trouvé une solution à leur problème, après avoir été secourus dans un premier temps.
Plus d'un million et demi de réfugiés sont rentrés dans leur pays d'origine de leur propre gré. Ils ont tous cessé d'être des réfugiés : ce sont aujourd'hui des citoyens et des dirigeants libres. Le rapatriement librement consenti est une source de satisfaction profonde pour le réfugié, et pour le Haut Commissariat c'est une tâche des plus agréables.
Lorsque le rapatriement n'était pas possible, nous avons cherché des solutions durables fondées sur l'intégration du réfugié dans le pays d'accueil. Des programmes ont été créés pour les réfugiés provenant des villes, auxquels on a donné une instruction et une formation et qu'on a aidés à trouver du travail. En outre, on est parvenu à créer dans de nombreux pays des établissements ruraux pour des groupes importants de réfugiés, ce qui leur a permis de devenir autonomes.
C'est ainsi que l'on a procédé jusqu'à présent. La communauté internationale a investi dans un effort collectif qui a pris peu à peu une ampleur encourageante. Le soutien des pays membres de l'OUA, et la coopération remarquable que nous avons reçue de cette organisation - notamment de son Bureau de placement et d'éducation des réfugiés africains - ont été l'une des pierres angulaires sur lesquelles s'est appuyée l'activité du Haut Commissariat. Notre ligne de conduite a été inspirée par la Convention de l'OUA de 1969 sur les réfugiés, qui est le complément régional de la Convention de 1951, et sur le Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés. Nous avons fait appel aux compétences spécialisées que peuvent nous offrir un nombre de plus en plus grand d'institutions spécialisées des Nations Unies, ainsi qu'au dynamisme et à l'expérience pratique de nombreuses organisations non gouvernementales. Notre action en Afrique est désormais fondée sur une stratégie élaborée lors de la Conférence d'Arusha, qui a été une réussite, et mise en oeuvre sous la responsabilité commune de l'OUA et du HCR.
Un bon nombre des activités entreprises ces dernières années doivent être poursuivies et développées. Il est nécessaire, et même indispensable, de lancer de vastes opérations de secours. Cette action fait toute la différence entre la vie et la mort, entre l'espoir et le désespoir. Mais l'assistance n'est pas une solution compatible avec la dignité du réfugié, dont les aspirations individuelles vont bien au-delà de cet état de dépendance. L'objectif fondamental est l'intégration satisfaisante du réfugié. Il n'est pas facile à atteindre et exige des efforts considérables. En vertu de son statut, le HCR est une organisation qui a pour vocation de résoudre des problèmes, et il a un rôle important à jouer dans les efforts faits pour aider les réfugiés à subvenir à leurs propres besoins. Il appartient à d'autres organisations de prendre des mesures complémentaires en leur faveur, en harmonisant ces mesures avec les programmes nationaux de développement.
Quand il faut apporter des solutions à court terme et à long terme aux problèmes des réfugiés, le facteur temps est un élément des plus précieux. Régler rapidement les problèmes des réfugiés, c'est renforcer les perspectives de paix. Au contraire, si l'on n'y parvient pas, les tensions augmenteront inévitablement. La paix et la possibilité d'un progrès sans entraves sont des facteurs d'importance capitale pour les projets d'avenir de l'Afrique. Nous sommes tous réunis ici pour joindre nos forces, pour appeler l'attention de l'opinion mondiale, pour mobiliser des ressources. L'appel que nous lançons au monde tire sa force de sa simplicité: donnons aux réfugiés une nouvelle vie et une dignité nouvelle ; donnons aux pays d'asile, pour appuyer et reconnaître leurs efforts, des ressources à la mesure de la charge considérable qu'ils doivent porter.
Pour terminer, je voudrais vous assurer que le Haut Commissariat est résolu à s'acquitter de sa mission hautement humanitaire en faveur des réfugiés, qui attendent anxieusement un avenir meilleur pour eux-mêmes et pour leurs enfants. En outre, je tiens à souligner une fois de plus que je comprends pleinement les difficultés supplémentaires qu'éprouvent les pays d'asile du fait de la présence d'un grand nombre de réfugiés sur leur territoire. Tout en rendant un hommage chaleureux à tous les gouvernements et organisations qui ont donné généreusement pour les réfugiés en Afrique, je voudrais demander à tous ceux que ce problème concerne de faire encore un effort. Avec de l'expérience, de l'imagination et des ressources suffisantes, nous devons gagner cette bataille.
Je vous remercie, Monsieur le Secrétaire général.