Déclaration de M. Auguste R. Lindt, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, au Conseil économique et social (ECOSOC), le 25 juillet 1960
Déclaration de M. Auguste R. Lindt, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, au Conseil économique et social (ECOSOC), le 25 juillet 1960
Le 25 juillet 1960, le Conseil économique et social (ECOSOC), réuni sous la présidence de M. Carl W. A, Schurmann (Pays-Bas), a pris acte du rapport annuel du Haut-Commissaire, portant sur la période allant de mai 1959 à mai 1960, qui sera transmis à l'Assemblée générale.
Sur l'invitation du Président, M. A.R. Lindt, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a fait devant le Conseil la déclaration suivante :
« Le présent siècle a montré que les problèmes de réfugiés ne cessent de se modifier. Parfois, ce sont leurs causes qui changent, et des continents qui, encore récemment, ne semblaient pas devoir craindre ces problèmes ont maintenant, ou pourront avoir, à leur faire face. Tous les problèmes de réfugiés ont un aspect économique et social ; c'est là leur point commun ; quelques-uns ont, en plus, un aspect juridique. Aux termes de son mandat, le Haut-Commissaire limite son action à ces derniers et sa tâche fondamentale est la protection internationale des réfugiés ; l'Assemblée générale y a ajouté, dans certains cas, l'octroi d'une aide matérielle, reconnaissant ainsi que, quelquefois, la protection juridique n'est d'aucun secours aux réfugiés qui, pour des raisons concrètes ne peuvent, sans aide, commencer une nouvelle vie.
Du point de vue juridique, les réfugiés se répartissent en deux groupes distincts - ceux qui relèvent du mandat du Haut-Commissaire et ceux qui n'en relèvent pas - mais du point de vue des besoins, une distinction aussi rigoureuse est parfois détestable, et elle est très souvent injuste.
Bien entendu, il n'y a pas de problème lorsque l'économie du pays d'asile est assez forte pour lui permettre d'assumer la charge des réfugiés ne relevant pas du mandat du Haut-Commissaire, ou lorsque le nombre de ces réfugiés est si faible qu'il ne constitue pas un problème important.
Conformément au mandat du Haut-Commissaire, l'aide matérielle, qu'elle soit donnée par le pays de résidence ou par la communauté internationale, est acquise au réfugié aussi longtemps qu'il n'est pas réinstallé, tandis que la protection juridique va bien au-delà de la réinstallation de l'intéressé et s'exerce jusqu'au moment où celui-ci cesse juridiquement d'être un réfugié, soit qu'il se prévale de nouveau de la protection à laquelle sa nationalité lui donne droit, soit qu'il acquiert une nouvelle nationalité.
Le premier cas vise non seulement le rapatriement librement consenti, mais aussi le réfugié qui reprend son passeport national et reste à l'étranger.
Pour le Haut-Commissariat, un problème se pose lorsqu'il y a décalage entre la réinstallation du réfugié et le moment où celui-ci cesse de relever du mandat du Haut-Commissaire. Ce problème se pose par exemple depuis de nombreuses années en Autriche, où, grâce à la générosité du gouvernement de ce pays, les réfugiés ont bénéficié de facilités spéciales pour opter en faveur de la nationalité autrichienne. Ceux qui l'ont fait ne remplissent plus, aux termes du mandat, les conditions requises pour bénéficier d'une assistance, et bien qu'ils continuent à vivre dans des camps, le statut du Haut-Commissariat ne permet pas de les comprendre dans le programme d'évacuation des camps.
Au sein de l'Assemblée générale, on a eu tendance à rechercher les moyens d'atténuer la distinction très nette qui est faite pour ce qui est de l'aide matérielle, entre les groupes de réfugiés, alors qu'il ne se pose pas de problème en ce qui concerne la protection juridique. La résolution adoptée au sujet de l'Année mondiale du réfugié définit le réfugié d'un point de vue purement social et n'aborde pas la définition juridique. Cette tendance de l'Assemblée générale s'est manifestée pour la première fois à la douzième session, par l'adoption de la Résolution 1167, qui a permis au Haut-Commissaire d'user de ses bons offices pour encourager le versement de contributions en faveur des réfugiés chinois à Hong Kong ; et deux ans après, à sa quatorzième session, l'Assemblée, par sa Résolution 1988, a de nouveau autorisé le Haut-Commissaire à user de ses bons offices pour la transmission des contributions destinées à fournir une assistance aux groupes de réfugiés qui ne sont pas du ressort de l'Organisation des Nations Unies.
Cette tendance est venue renforcer le rôle de coordination du Haut-Commissariat, dont le domaine d'intérêt a été élargi par le souci d'étudier les besoins particuliers de certains de ces groupes de réfugiés et de les faire connaître aux organisations intéressées. Si le mandat du Haut-Commissaire est toujours global, les bons offices dont il est possible d'user en étendent grandement la portée géographique.
On peut considérer, semble-t-il, que cette évolution équivaut, en quelque sorte, à une reconnaissance de toute la question des réfugiés comme un problème économique et social qui, d'un point de vue purement apolitique, intéresse la communauté internationale.
Le nombre des réfugiés non installés qui relèvent du mandat du Haut-Commissaire en Europe est en diminution mais, il faut le souligner, le nombre de ceux qui sont installés et qui continuent cependant à relever juridiquement de ce mandat reste relativement élevé. On en compte 1,500,000, dont 900,000 vivent en Europe, auxquels le mandat s'étend dans ce sens.
Je voudrais adresser aux pays un appel pressant pour qu'ils examinent la possibilité de prendre des mesures spéciales en vue de faciliter aux réfugiés l'acquisition d'une nationalité. On devrait faire en sorte que le statut de réfugié ne puisse plus se transmettre à une, deux, et même trois générations. Le problème, naturellement, ne se pose pas dans les pays qui appliquent le jus soli.
Je voudrais mentionner simplement quelques-unes des mesures de protection qui ont été prises à la faveur du climat créé par l'Année mondiale du réfugié.
Le principal instrument international de protection juridique est la Convention de 1951 relative au statut du réfugié. Pendant des années, le nombre de pays ayant ratifié cette convention était resté le même. Grées à l'Année mondiale du réfugié, trois nouveaux Etats, la Grèce, la Nouvelle-Zélande et la Yougoslavie, sont venus le grossir, et je viens d'être informé que le Parlement brésilien a approuvé la ratification de cet instrument. On compte donc maintenant 25 Etats parties à la Convention, et j'espère vivement que l'exemple donné par ces quatre pays sera suivi par d'autres Etats, qui ont déjà engagé la procédure de ratification.
En ce qui concerne l'emploi - question d'une importance capitale pour le réfugié des progrès ont été réalisés. Je signalerai à ce propos un problème qui, dans toute situation relative aux réfugiés, est l'un de ceux qui sont les plus difficiles à résoudre. Il s'agit de l'emploi des réfugiés intellectuels, dont la proportion est relativement faible. Alors qu'en général le travailleur manuel, le technicien et l'ouvrier qualifié arrivent à trouver rapidement un emploi, très souvent, l'intellectuel qui ne désire pas être rapatrié n'y parvient pas et reste très longtemps dans les camps. Il est assez ironique que des Etats eu des organisations accordent des bourses d'études à de jeunes réfugiés qui, lorsqu'ils ont obtenu leurs diplômes, sont parfois empêchés d'exercer la profession libérale pour laquelle ils se sont préparés.
Les pays scandinaves et les Pays-Bas ont bien compris cette difficulté et y ont remédié, suivis en cela par la Suisse, qui vient d'autoriser un certain groupe de réfugiés diplômés à exercer leur profession en Suisse.
Les prestations de sécurité sociale ont été largement étendues aux réfugiés, et les facilités de voyage - si importantes du point de vue psychologique - s'améliorent, en grande partie grâce aux efforts du Conseil de l'Europe.
Le Haut-Commissariat, pleinement conscient de la grande importance de la protection internationale, a élargi le dispositif qu'il avait mis en place pour l'assurer ; il a nommé dans plusieurs pays des correspondants chargés de veiller à ce que cette protection internationale ne reste pas un vain mot, et de faire en sorte que le réfugié ait réellement le sentiment qu'il lui est possible de s'adresser, dans le pays où il réside, à une autorité qui sera, objective, impartiale, et qui s'efforcera de défendre ses intérêts. En outre, il a institué en vue de cette défense de nouveaux projets d'assistance juridique, laquelle est, en quelque sorte, le corollaire de la protection juridique.
Un problème à la solution duquel le Haut-Commissariat travaille depuis très longtemps est celui de l'indemnisation des réfugiés. La loi fédérale allemande de 1956, relative à l'indemnisation des réfugiés, prévoit qu'une indemnité sera versée aux personnes qui, en raison de leur race, de leur religion ou de leurs opinions politiques, ont souffert de persécutions sous le régime national-socialiste. Elle stipule, de plus, que seront indemnisés les réfugiés qui, persécutés pour la seule raison de leur nationalité, ont été atteints de façon permanente dans leur santé. Ces dernières personnes, toutefois, ne bénéficient que d'une compensation limitée. Comme on l'a signalé dans de précédents rapports, un grand nombre de réfugiés qui ont été persécutés sous le régime national-socialiste n'ont pas été suffisamment indemnisés.
En vue de trouver une solution satisfaisante au problème de ces réfugiés, le Haut-Commissariat a engagé, avec le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, des pourparlers - qui se poursuivent actuellement - visant à la création d'une caisse spéciale d'indemnisation pour ces réfugiés. Le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne s'est déclaré prêt à créer cette caisse, et je suis heureux d'annoncer au Conseil que des négociations pratiques ont été engagées à cette fin ces jours derniers.
Quant à l'assistance matérielle, elle revêt deux aspects. Le premier concerne le soin et l'entretien des bénéficiaires. Si c'est là un devoir que l'on considère généralement comme incombant au gouvernement du pays de résidence du réfugié, il est d'usage, lorsque se produit une situation présentant un caractère d'urgence, que la communauté internationale vienne en aide au pays sur l'économie duquel l'afflux de nombreux réfugiés pèse trop lourdement.
Dans ces cas d'urgence, l'assistance internationale s'organise en général sous les auspices d'un des organes de la Croix-Rouge internationale, soit le Comité international de la Croix-Rouge, qui est très souvent le premier sur place, soit la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge.
Dans toutes les situations d'urgence où intervient l'aide internationale, il faut soigneusement éviter de donner l'impression que ce qui est alors entrepris concernant le soin et l'entretien des réfugiés sera continué sur une base permanente.
A titre d'exemple, je voudrais dire quelques mots d'un problème qui est de la compétence du Haut-Commissariat : celui des réfugiés d'Algérie en Tunisie et au Maroc.
On peut dire aujourd'hui, en ce qui concerne ces réfugiés qui, d'après les chiffres dont nous disposons, sont plus de 200,000, que la situation est bien en main et que, non seulement on a empêché que leurs conditions de vie ne se détériorent - ce qui, à un moment donné, paraissait imminent - mais encore que la santé des enfants a pu être protégée par la création de centres de distribution de lait, qui est consommé sur place par les bénéficiaires. Et les enfants représentent de 51 à 52% du nombre total de ces réfugiés.
Grâce à la générosité des gouvernements, des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, on a pu établir des plans à plus long terme. A son début, l'opération était réellement menée au jour le jour, tandis qu'il est maintenant possible d'établir des plans pour quelques mois, mais aussi longtemps que les besoins existeront, il faudra continuer à compter sur des contributions en argent ou en nature.
Il est évident que des problèmes se posent à cet égard. On peut, notamment, craindre que des êtres humains obligés de vivre de la charité internationale ne perdent petit à petit leur dignité.
Il existe donc un problème de l'emploi, et pour le résoudre, nous avons entrepris la mise en oeuvre de plusieurs projet-pilotes - tissage de toile de tente, de nattes, ateliers de couture - afin de donner aux réfugiés le sentiment qu'ils contribuent eux-mêmes à subvenir à leurs besoins.
Il existe aussi un problème d'éducation. Toutefois, il ne faut pas oublier que tous ceux qui s'intéressent à ces réfugiés partagent l'espoir qu'ils pourront rentrer chez eux, et estiment par conséquent, pensant que l'on pourra trouver au problème une solution que toute le monde souhaite, qu'il convient de ne rien faire qui puisse donner un caractère de permanence à la situation.
L'opération nord-africaine est menée en collaboration avec la Ligue des sociétés de la Croix-Rouge. Cette collaboration, très fructueuse et extrêmement utile, s'étend aux pays d'accueil qui montrent eux-mêmes une grande compréhension du problème. Je crois que cette collaboration entre la Croix-Rouge internationale et le Haut-Commissariat pourrait, le cas échéant, servir en quelque sorte de modèle pour l'action qu'exigeraient d'autres situations d'urgence.
Le second aspect, fort important, de l'assistance matérielle, est l'aide donnée aux réfugiés dans la recherche d'une solution permanente à leurs problèmes, et là, nous abordons la question des réfugiés non installés.
J'ai déjà dit que le nombre de ces réfugiés diminue en Europe, et il semble qu'au cours du premier semestre de l'année - encore que les chiffres dont on dispose ne soient pas très précis - cette diminution se soit accentuée. Ce progrès est dû en grande partie à l'amélioration de la situation économique de certains pays d'asile qui facilite beaucoup l'intégration des réfugiés, que celle-ci soit due aux efforts du Haut-Commissariat ou à l'initiative des intéressés. Il est dû aussi dans une certaine mesure au rapatriement librement consenti, et surtout, à l'Année mondiale du réfugié grâce à laquelle le Haut-Commissariat, les organisations bénévoles et certains gouvernements ont pu disposer de fonds plus importants et de nouvelles possibilités d'émigration.
Je parlerai tout d'abord du programme d'évacuation des camps. Au 1er avril, on comptait dans les camps d'Europe 20,000 réfugiés (c'est là le dernier chiffre exact dont je dispose) relevant de mon mandat. Nous savons que, depuis cette date, ce nombre a beaucoup diminué, et je serais en mesure de fournir un chiffre précis à l'Assemblée générale.
Sur ces 20.000 réfugiés, 5.350 sont de nouveaux réfugiés qui sont pour la plupart dans des centres d'accueil et espèrent trouver à leur problème une solution qui s'accorde avec le mandat dont ils relèvent et avec leur libre choix.
Les 14.650 autres réfugiés remplissent les conditions requises pour bénéficier du programme d'évacuation des camps du Haut-Commissariat. Ce sont, pour la plupart, des réfugiés de longue date, auxquels sont venus s'ajouter quelques nouveaux réfugiés appartenant à une catégorie pour laquelle il n'a pas été trouvé de solution et que l'on a inclus dans le programme d'évacuation des camps afin d'empêcher la constitution d'un nouveau groupe résiduel.
Ainsi, bien que le groupe de réfugiés qui rentrent dans le cadre du programme d'évacuation des camps et qui sont encore dans ceux-ci se réduise de plus en plus à des cas difficiles, les progrès et le rythme de l'émigration à partir des camps ont pu être maintenus.
Nous avons eu recours aux techniques modernes la sociologie et de la psychiatrie pour traiter les problèmes de ces réfugiés, dont le nombre est relativement minime si l'on tient compte du temps qu'ils ont passé dans les camps, pour réadapter les intéressés et leur donner ainsi une nouvelle possibilité d'envisager la vie de façon plus constructive.
La Haut-Commissariat est assisté d'un conseiller en hygiène mentale qui nous a permis d'appliquer de nouvelles méthodes, et auprès duquel nous avons puisé non seulement des idées, mais aussi, je suis heureux de la dire, de l'optimisme.
Au début du programme d'évacuation des camps, il était relativement facile d'établir des plans car, dans le grand nombre des réfugiés, il s'en trouvait toujours quelques-uns à qui les solutions proposées convenaient. Mais aujourd'hui, la situation est totalement différente. le petit nombre de ceux qui restent rend impossible une planification d'ensemble. Chaque famille est maintenant connue du Haut-Commissariat, des orienteurs et des institutions spécialisées, et chaque solution est une solution individuelle plus ou moins « faite sur mesure » pour telle ou telle famille particulière. L'expérience a appris au Haut-Commissariat que lorsqu'il s'agit de réfugiés, il n'existe pas de solution applicable à tous et que des êtres humains ne peuvent s'accommoder que de solutions individuelles.
Si l'on a pu faire des progrès en abordant le problème sous l'angle individuel, c'est grâce, en grande partie, aux orienteurs des organisations bénévoles qui ont accepté de bon coeur le surcroît de travail que leur imposait cette façon de procéder.
Nous ne disposons pas encore de tous les fonds nécessaires à la réalisation du programme d'évacuation des camps. Des comités pour l'Année mondiale du réfugié ont déjà versé des contributions, d'autres ont promis d'en verser, mais la majeure partie des fonds est encore dans les poches du public. Cependant, si, grâce à l'Année mondiale du réfugié, les promesses de contributions peuvent être tenues, et si les efforts ne se relâchent pas, nous serons cette année même en possession des moyens qu'il nous faut pour vider les camps, et le Haut-Commissariat pourra alors prendre, d'ici la fin de l'année, toutes les dispositions financières à cette fin, encore que dans certains pays où les camps sont nombreux il est possible que l'émigration des réfugiés n'ait effectivement lieu qu'en 1961.
Une fois terminé le programme d'évacuation des camps, ceux-ci ne disparaîtront pas complètement, Il en restera où seront logés les nouveaux réfugiés, mais il convient toutefois de signaler que l'afflux de ceux qui relèvent du mandat du Haut-Commissaire est faible en Europe, et qu'il a tendance à diminuer.
Mon espoir est que le programme d'évacuation des camps, outre la possibilité qu'il a donnée aux intéressés de refaire leur vie, aura démontré que le maintien des réfugiés dans des camps n'est pas une solution. Cette démonstration a déjà eu un effet stimulant sur plusieurs pays.
L'Allemagne a mis en oeuvre un programme d'évacuation des camps en faveur des réfugiés allemands qui ont passé de nombreuses années dans des camps, si bien que ceux-ci, dans ce pays, également, finiront par disparaître.
L'Autriche a élaboré un programme général d'évacuation des camps. J'ai déjà parlé du problème qui se pose dans ce pays du fait que des réfugiés naturalisés vivent encore dans des camps. L'Autriche se propose de liquider ceux-ci dans un délai déterminé et de procurer un logement à ces réfugiés qui, pour la plupart, ont déjà un emploi. Elle fournira 85% des fonds nécessaires à l'exécution de ce programme, et la communauté internationale donnera les 15% restants, ce qui constitue un renversement de la formule habituelle de contre-partie. Ces 15% représentent environ 1,800,000 dollars, somme dont une partie a déjà été souscrite par plusieurs comités pour l'Année mondiale du réfugié. J'espère vivement que l'Autriche pourra recevoir la totalité de ce montant.
Je me demande si, grâce à tous ces efforts, un jour viendra où nul enfant ne pourra dire, comme cette fillette de 15 ans qui, avant que ne commence le programme de télévision au cours duquel je devais lui poser des questions, m'a dit : « S'il vous plaît, ne dites pas que je suis née dans un camp ; ce n'est pas ma faute si les choses se sont passées comme ça. »
La solution du problème des réfugiés vivant hors des camps, que par suite du manque de fonds le Haut-Commissariat a dû longtemps négliger, a fait quelques progrès. L'Année mondiale du réfugié - et c'est peut-être là une des réalisations les plus intéressantes qu'elle ait rendu possible - a permis d'élaborer un premier programme d'une certaine envergure destiné principalement, d'une façon générale, aux réfugiés handicapés. Dans les pays dont la situation économique est satisfaisante et où les réfugiés valides trouvent facilement un emploi, le programme est destiné uniquement aux réfugiés handicapés.
Là encore, nous travaillons de concert avec les institutions intéressées, qui parfois, grâce aux fonds recueillis au titre de l'Année mondiale du réfugié, peuvent entreprendre un propre programme qui leur est propre. Tirant les leçons de l'expérience acquise au cours de la mise en oeuvre du programme d'évacuation des camps, nous ne mettons un programme sur pied qu'après avoir bien défini le problème à résoudre.
On constate déjà qu'avec de l'imagination et de l'esprit de suite on peut arriver à des résultats remarquables ; mais il reste encore un très gros problème qui, j'en suis certain, pourra être résolu si les efforts se poursuivent au-delà de l'Année mondiale du réfugié.
On sait le rôle qu'a joué l'émigration dans la réduction du nombre des réfugiés non installés. Pour toutes les questions d'émigration, nous collaborons étroitement avec le Comité intergouvernemental pour les migrations européennes, car le Haut-Commissariat n'est pas un agent d'exécution, et je ne peux que ne féliciter du concours que nous apporte cette organisation.
L'Année mondiale du réfugié a un caractère essentiellement spectaculaire, et si ses effets se prolongent encore un peu de temps après sa fin, la nation du réfugié à qui l'émigration est interdite pourrait disparaître peu à peu. Dans chaque pays de premier asile, dans chaque camps, il y avait des réfugiés qui, selon les règlements en vigueur, n'avaient aucune chance d'émigrer ou de rejoindre leur famille que se trouvait à l'étranger.
Pour la première fois dans leur histoire, de nombreux pays ont, à l'occasion de l'Année mondiale du réfugié, mis sur pied des programmes d'immigration en faveur des réfugiés handicapés. Jusqu'ici, 2,200 réfugiés de cette catégorie, ainsi que leur famille, en ont bénéficié. Du point de vue du nombre de ces réfugiés, l'importance de ce chiffre est peut-être faible ; mais du point de vue psychologique, elle est considérable. Si cette tendance, que d'ailleurs s'était déjà manifestée avant l'Année mondiale du réfugié, pouvait s'accentuer, la solidarité internationale à l'égard du réfugié sortirait du domaine des intentions pour entrer dans celui des faits. Le résultat serait que les réfugiés les moins productifs, au lieu d'être rassemblés dans le pays de premier asile, seraient répartis entre divers pays.
Il n'est pas sans intérêt de signaler que de nombreux gouvernements, qui ont entrepris ces programmes et ont accueilli des réfugiés handicapés, m'ont fait savoir qu'ils étaient étonnés de la bonne volonté avec laquelle ces réfugiés s'adaptent à leur nouveau milieu ; et je suis persuadé que la gratitude d'un être humain est toujours un excellent encouragement à faire le bien.
Je voudrais maintenant donner un bref aperçu de la situation financière du Haut-Commissariat.
D'une façon générale, on peut déjà dire - et des renseignements complets seront donnés par le Secrétaire général lui-même - que l'Année mondiale du réfugié a permis à la communauté internationale de porter l'assistance aux réfugiés à un niveau qui correspond mieux aux besoins, et cet aspect financier intéresse non seulement le Haut-Commissariat, mais aussi l'UNRWA et un grand nombre d'organisations bénévoles.
Pour cette année, l'objectif du Haut-Commissariat, pour son programme ordinaire, est de 12 millions de dollars : sur ce montant, les annonces et promesses de contributions représentent actuellement 8,780,000 dollars. L'écart est encore grand.
Il est intéressant de constater que les contributions privées entrent pour presque 50% dans ce dernier chiffre, et les contributions gouvernementales pour 50% également. Auparavant, ces dernières contributions représentaient de loin la part la plus importante - parfois 90% - de l'ensemble des fonds.
Au titre de l'Année mondiale du réfugié, le Haut-Commissariat a reçu pour l'assistance aux réfugiés en Afrique du Nord, une somme de 1,727.000 dollars à laquelle s'ajoutent toutes les très importantes contributions versées à la Ligue des sociétés de la Croix-Rouge par les sociétés membres.
Pour d'autres programmes, nous avons reçu, en partie dans l'exercice de nos bons offices, 1,230,000 dollars. En majorité, ces fonds sont allés aux réfugiés chinois à Hong Kong - 650.000 dollars par l'intermédiaire du Haut-Commissariat - qui ont dû recevoir au total, y compris les sommes versées directement, environ 1.700.000 dollars ; et cette part continue de s'accroître.
Je suis heureux que ce groupe de réfugiés ait bénéficié sur un plan purement humanitaire, d'une attention accrue de la part du public.
Nous recevons également des contributions pour le compte du Comité intergouvernemental pour les migrations européennes, et nous sommes toujours très heureux d'aider cette organisation dans sa tâche en ce qui concerne le transport des réfugiés.
Connaissant le grand intérêt que le Conseil porte aux questions de coordination, je tiens à indiquer que nous coopérons très étroitement et très harmonieusement avec le Bureau international du travail, avec l'UNESCO, dont les avis dans de nombreux domaines nous sont très précieux, avec le FISE, avec l'OMS, et, cette année, avec le Secrétariat du Représentant spécial du Secrétaire général pour l'Année mondiale du réfugié.
Qu'il me sot permis, à cet égard de remercier M. de Kemoularia, dont les efforts énergiques appuyés par une grande compétence, beaucoup d'imagination et d'esprit d'initiative ont donné dans de nombreux pays un magnifique élan à l'Année mondiale du réfugié, pour la collaboration qu'il nous a apportée.
J'ai pu constater que la coordination est chose facile quand elle s'exerce dans un domaine bien défini et que toutes les organisations ont un objectif commun.