Des groupes locaux offrent une assistance vitale aux nouveaux déplacés au Myanmar
Des groupes locaux offrent une assistance vitale aux nouveaux déplacés au Myanmar
Les conflits armés n'ont malheureusement rien de nouveau pour Nway Nway Htay, 27 ans. Originaire de l'ouest de l'État de Rakhine au Myanmar, elle était habituée au bruit des tirs lorsque les forces armées du Myanmar, connues localement sous le nom de Tatmadaw, combattaient les groupes armés ethniques dans son État natal. La sécurité était un sujet qui la préoccupait constamment.
« J'ai beau être habituée au bruit des tirs, la peur est toujours là », dit-elle. « L'année dernière, j’étais revenue dans l’Etat de Rakhine pour accoucher lorsque des combats ont éclaté près de l'hôpital. Les explosions ont rendu ce moment encore plus stressant. »
Après la naissance de son fils, Nway Nway Htay est retournée dans l'État de Kachin, une région montagneuse localisée entre l'Inde et la Chine, où elle vivait avec son mari, un membre de l'ethnie kachin, depuis deux ans. Sur place, le couple travaillait la terre avec un petit groupe de villageois, cultivant des oranges comme culture de rapport dans le canton d'Injangyang pour subvenir à leurs besoins.
En 2019, Nway Nway Htay s'est installée dans une région rurale de cet Etat situé à l’extrême-nord du Myanmar dans l'espoir de vivre une vie plus paisible. Egalement empêtré dans son propre conflit armé ethnique, l’Etat de Kachin est néanmoins le théâtre d’une amélioration des perspectives de paix. Les négociations entre la Tatmadaw et l'Armée de l'indépendance kachin (KIA) ont progressé. Les hostilités majeures ont cessé fin 2018, tandis que les affrontements à plus petite échelle s'étaient largement calmés à la fin 2020.
« J'ai beau être habituée au bruit des tirs, la peur est toujours là. »
Tout a changé en 2021. Après une prise de pouvoir par les militaires le 1er février, le Myanmar a été plongé dans une crise qui a vu la propagation et l'intensification des combats dans de nombreuses régions. La violence a refait surface une fois de plus dans l'État de Kachin, avec notamment des frappes aériennes et de fréquents affrontements violents.
Nway Nway Htay compte parmi 200 000 personnes qui, dans tout le pays, ont été contraintes de fuir leurs foyers en raison de la recrudescence du conflit armé. Par une journée ensoleillée de la mi-mars, elle était à la maison avec son fils lorsque le bruit des tirs a résonné entre les collines. Ayant déjà été confrontée à des incidents similaires dans l'État de Rakhine, le premier réflexe de Nway Nway Htay a été de rester à l'intérieur, en sécurité dans sa maison. Quelques instants plus tard, son mari a franchi la porte en disant qu'ils devaient partir. Les combats se rapprochaient.
Lorsque Nway Nway Htay est sortie, le village s'était vidé et ils étaient les derniers à partir. Son anxiété a grandi au fur et à mesure qu'ils fuyaient. « Les Tatmadaw et la KIA se tiraient constamment dessus et un soldat que nous avons rencontré nous a avertis de la présence de mines terrestres dans la région. Chaque pas que nous faisions me remplissait d'effroi », se souvient-elle.
La famille a fini par atteindre les rives de la rivière Malikha, où un bateau l'a transportée jusqu'à une zone sûre située non loin. Là, ils se sont cachés avec d'autres villageois pendant cinq jours avant de se rendre en moto à Myitkyina, la capitale de l'État de Kachin. Avec à peine plus que les vêtements portés ce jour-là, la famille a fait appel à un proche qui les a accueillis.
Demander de l'aide à des proches est souvent le choix préféré des personnes déplacées internes au Myanmar, un pays qui a une forte tradition de soutien de la famille élargie et de solidarité communautaire. L'appartenance religieuse détermine souvent aussi la manière dont l'aide est recherchée. Les bouddhistes préfèrent s'adresser aux organisations caritatives bouddhistes et s'abriter dans les monastères, tandis que les chrétiens reçoivent souvent l'aide d'organisations chrétiennes et se réfugient dans les enceintes des églises.
Les familles et les communautés d'accueil jouent donc un rôle crucial de premiers répondants, en offrant une aide matérielle telle qu'un abri et de la nourriture, ainsi qu'un soutien psychologique sous forme de sécurité émotionnelle et spirituelle.
Dans le cas de Nway Nway Htay, l'affiliation religieuse de son mari, qui est baptiste, a conduit la famille à demander l'aide de la Convention baptiste kachin (KBC). L'ethnie kachin est majoritairement chrétienne et les organisations confessionnelles comme la KBC jouent un rôle de premier plan dans le soutien aux personnes déplacées dans l'État de Kachin. Beaucoup d'entre elles facilitent le fonctionnement quotidien des camps de déplacés et mobilisent des ressources pour aider les nouveaux arrivants.
« Où qu’ils soient, nous devons les trouver pour que personne ne soit laissé pour compte. »
« Ces organisations sont le fer de lance des réponses humanitaires et notre rôle est de renforcer leurs capacités, d'introduire les meilleures pratiques et de compléter leurs interventions », explique Cliff Alvarico, chef du bureau du HCR à Myitkyina. Depuis 2012, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, aide KBC et d'autres organisations confessionnelles à optimiser les ressources pour aider les populations déplacées et assurer une réponse rapide.
« Nous veillons également à ce que les personnes qui se trouvent en périphérie des camps de déplacés reçoivent le même niveau d'assistance que ceux qui sont à l'intérieur », a-t-il ajouté. « Où qu'ils soient, nous devons les trouver afin que personne ne soit laissé pour compte. »
L'accent mis sur l'assistance aux personnes déplacées qui se trouvent en périphérie des camps est particulièrement pertinent dans l'État de Kachin. De nombreux camps existants et localisés en milieu urbain sont confrontés à des contraintes d'espace car ils accueillaient déjà des milliers de personnes déplacées depuis près d’une décennie avant la récente reprise du conflit armé. Les nouveaux arrivants ont donc parfois été invités à rechercher un hébergement temporaire ailleurs.
« Reconstruire notre vie ne sera pas facile. »
Bien qu'hébergés par un proche, Nway Nway Htay et sa famille ont droit au même niveau d'assistance que les déplacés qui vivent dans les camps. Le HCR s'en assure en les faisant enregistrer en tant que membres d'un camp de déplacés situé à proximité. Une coalition d'agences humanitaires fournit régulièrement de la nourriture et d'autres aides à la population. Pour sa part, le HCR distribue des articles domestiques de première nécessité tels que des couvertures, des nattes de couchage et des moustiquaires aux nouveaux arrivants ainsi qu'au reste de la population enregistrée.
Nway Nway est soulagée après la prise en charge de ses besoins matériels immédiats mais elle est inquiète pour l’avenir. Quatre mois après leur arrivée à Myitkyina, la famille n'a pas pu retourner dans son village en raison de l'insécurité persistante. Les finances restent serrées alors qu'ils cherchent des moyens alternatifs pour joindre les deux bouts.
« Mon mari est parti travailler dans une mine. Ce n'est pas un emploi stable et, lorsque des combats ont lieu à proximité, il doit arrêter le travail et fuir », a-t-elle déclaré. « Reconstruire notre vie ne sera pas facile. Nous avons déjà perdu une récolte et devons attendre la fin de la saison des pluies. »
En attendant, la priorité de Nway Nway Htay reste de prendre soin de son enfant. « Ma priorité, c’est mon fils. Je veux qu'il soit fort et en bonne santé avant notre retour, au cas où nous devrions à nouveau fuir en courant. »