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Des milliers de réfugiés et de migrants en mouvement entre l'Afrique de l'Ouest et de l'Est et les côtes africaines de la Méditerranée endurent d'extrêmes violations des droits humains, selon un nouveau rapport du HCR et du MMC

Communiqués de presse

Des milliers de réfugiés et de migrants en mouvement entre l'Afrique de l'Ouest et de l'Est et les côtes africaines de la Méditerranée endurent d'extrêmes violations des droits humains, selon un nouveau rapport du HCR et du MMC

29 Juillet 2020 Egalement disponible ici :
Le demandeur d'asile soudanais Yasir a été détenu illégalement par une milice en Libye. Evacué au Niger, il consulte son téléphone dans le camp du mécanisme de transit d'urgence du HCR dans la banlieue de Niamey. Photo d'archives, mai 2019.

Des milliers de réfugiés et de migrants périssent, tandis que beaucoup d'entre eux endurent d'extrêmes violations des droits humains au cours de leurs voyages irréguliers entre l'Afrique de l'Ouest et de l'Est et les côtes africaines de la Méditerranée.

Publié ce jour par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et le Centre de recherche sur les migrations mixtes (MMC) du Conseil danois pour les réfugiés, un nouveau rapport intitulé « Personne ne se soucie de ta vie ou de ta mort en route » dénonce les indicibles brutalités et les barbaries vues ou endurées par la plupart des voyageurs durant leur périple aux mains des passeurs, des trafiquants, des milices et parfois même de fonctionnaires.

« Voilà trop longtemps que les abus effroyables qui sont infligés aux réfugiés et aux migrants en route demeurent invisibles », a déclaré Filippo Grandi, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. « Ce document expose les meurtres et les violences généralisées les plus brutales à l’encontre de personnes désespérées qui fuient les guerres, les violences et la persécution. Les États de la région doivent faire preuve d'un leadership fort et d'une action concertée, avec le soutien de la communauté internationale, pour mettre fin à ces cruautés, protéger les victimes et traduire en justice les auteurs de ces crimes. »

Il est extrêmement difficile de recueillir des données exactes sur les pertes en vies humaines dans le contexte des flux migratoires mixtes contrôlés par des passeurs et des trafiquants d'êtres humains, car nombre de ces décès surviennent dans des circonstances inconnues, loin des autorités et des systèmes officiels de gestion des données et des statistiques. Selon ce rapport qui est majoritairement fondé sur les données recueillies par les enquêteurs du programme 4Mi du MMC et selon des informations issues d'autres sources, 1750 personnes au moins auraient perdu la vie durant ces périples en 2018 et 2019, soit un minimum de 72 décès par mois, ce qui fait de cette route migratoire l'une des plus mortelles au monde pour les réfugiés et les migrants. Ces pertes en vies humaines viennent s'ajouter aux milliers d'autres personnes qui ont péri ou disparu au cours des dernières années lors de traversées désespérées de la Méditerranée pour rejoindre l'Europe depuis les côtes d'Afrique du Nord.

Environ 28% des pertes signalées en 2018 et 2019 sont intervenues durant la traversée du Sahara. Il existe d'autres lieux notables à cet égard, notamment Sabha, Kufra et Qatrun dans le sud de la Libye, Bani Walid, plaque tournante des passeurs au sud-est de Tripoli, ainsi que plusieurs autres endroits le long de la portion ouest-africaine de l’itinéraire, en particulier Bamako et Agadez.

Bien que la plupart des informations et des statistiques pour 2020 soient toujours en cours de collecte, on sait déjà qu’au moins 70 réfugiés et migrants ont péri en 2020, dont au moins 30 personnes qui ont été abattues par des passeurs à Mizdah à la fin mai.

Les survivants, hommes, femmes et enfants, souffrent fréquemment de troubles psychologiques graves et durables du fait des traumatismes qu'ils ont vécus. Pour beaucoup, l'arrivée en Libye est la dernière étape d'un voyage caractérisé par d'épouvantables abus, dont des massacres aveugles, des tortures, du travail forcé et des tabassages. D'autres continuent de témoigner avoir été soumis à des violences inouïes, notamment des brûlures avec de l’huile chaude, du plastique fondu ou des objets métalliques chauffés à blanc, des électrocutions ou de longs moments ligotés dans des postures éprouvantes.

Les femmes et les jeunes filles, de même que les hommes et les jeunes garçons, sont confrontés à un risque important de viols ainsi que de violences sexuelles et sexistes, notamment aux postes de contrôle et dans les zones frontalières ainsi que durant la traversée des déserts. Environ 31% des personnes interrogées par les enquêteurs du MMC - et qui avaient été témoins ou victimes de violences sexuelles en 2018 et 2019 - disent y avoir été confrontées dans plus d'un lieu. En Afrique du Nord et de l'Est, les passeurs étaient les principaux auteurs de violences sexuelles et représentaient respectivement 60% et 90% des statistiques sur ces deux itinéraires. En Afrique de l'Ouest toutefois, ces crimes étaient principalement le fait de membres des forces de sécurité, des forces armées et des agents de police, qui représentaient un quart des abus signalés.

De nombreuses personnes ont signalé avoir été contraintes à la prostitution ou à d'autres formes d'exploitation sexuelle par des passeurs. Entre janvier 2017 et décembre 2019, le HCR a enregistré plus de 630 cas de traite de réfugiés dans l'est du Soudan, dont près de 200 femmes et jeunes filles qui disent avoir survécu à des violences sexuelles et sexistes.         

Une fois arrivés en Libye, les réfugiés et les migrants risquent d'être victimes de nouveaux abus, le conflit persistant et les défaillances de l'état de droit permettant souvent aux passeurs, aux trafiquants et aux milices d’agir en toute impunité. Le HCR se félicite des mesures récemment adoptées par les autorités libyennes contre les groupes armés et les trafiquants, notamment l'opération menée contre un réseau de passeurs et le gel des avoirs de différents trafiquants. L'Agence appelle la communauté internationale à apporter davantage de soutien aux autorités dans leur lutte contre les réseaux de traite d'êtres humains.

Bon nombre des personnes qui entreprennent la traversée de la Méditerranée vers l'Europe sont interceptées par les garde-côtes libyens et ramenées vers les côtes libyennes. Plus de 6200 réfugiés et migrants ont déjà été débarqués en Libye en 2020, laissant présager un dépassement probable des 9035 débarquements en 2019. Ces personnes sont souvent arrêtées et arbitrairement détenues dans des centres de détention officiels où elles sont soumises à des abus quotidiens et à des conditions déplorables. D'autres se retrouvent dans des « centres ou entrepôts clandestins » contrôlés par les passeurs et les trafiquants qui leur infligent des sévices corporels pour leur soutirer de l'argent.

« Le traitement inconsidéré des réfugiés et des migrants que nous constatons le long de ces routes migratoires est inacceptable », a déclaré Bram Frouws, directeur du Centre de recherche sur les migrations mixtes. « En outre, les données que nous présentons montrent à nouveau que la Libye n'est pas un lieu de débarquement sûr pour ces personnes. Ce rapport pourrait hélas ne pas être le dernier à signaler ces violations, mais il vient grossir un cumul de preuves que nul ne peut continuer d'ignorer. »

Des progrès ponctuels ont été accomplis au cours des dernières années pour corriger cette situation, certains criminels responsables d’abus et de meurtres ayant été sanctionnés ou arrêtés. On constate parallèlement une baisse du nombre de personnes maintenues dans des centres de détention officiels en Libye. Le HCR a maintes fois demandé qu'il soit mis fin à la détention arbitraire de réfugiés et de demandeurs d'asile et se déclare prêt à aider les autorités libyennes à trouver et appliquer d'autres mesures que la détention.

Il faut globalement intensifier les efforts menés pour renforcer la protection des personnes en mouvement sur ces routes et instaurer des solutions crédibles et légales à ces voyages périlleux et désespérés. Les États doivent renforcer leur coopération pour identifier et traduire en justice les criminels responsables de ces atroces abus en différents points de ces itinéraires, partager des informations essentielles avec les organes de répression compétents, démanteler les réseaux de passeurs et de trafiquants et geler leurs avoirs financiers. Les autorités nationales doivent en outre prendre des mesures résolues pour enquêter sur les signalements d'abus perpétrés par leurs fonctionnaires. 

Ces mesures doivent aller de pair avec les efforts engagés pour lutter contre les causes profondes de ces déplacements et avec un engagement sans faille afin qu'aucune des personnes secourues en mer ne soit renvoyée vers d'autres dangers en Libye.

Le rapport et le dossier multimédia, comprenant des photos, des témoignages et des séquences vidéo, sont disponibles à l'url ci-après: https://www.unhcr.org/5f1ab91a7

 

Pour de plus amples informations à ce sujet, veuillez svp contacter :

Centre de recherche sur les migrations mixtes

À Genève, Bram Frouws, [email protected], +41 79 889 54 39 

HCR

Une réunion-débat à l'intention des journalistes sera organisée pour marquer le lancement du rapport à 13H45 CEST le 29 juillet, avec notamment :

  • Vincent Cochetel, Envoyé spécial du HCR pour la situation en Méditerranée centrale
  • Ayla Erin Bonfiglio, Coordinatrice régionale du Centre de recherche sur les migrations mixtes en Afrique du Nord (en ligne)
  • Mme le Professeur Maya Sahli-Fadel, Commissaire de l'Union africaine et Rapporteur spécial sur la question des réfugiés, des demandeurs d'asile, des déplacés internes et des migrants en Afrique (en ligne depuis l'Algérie)
  • Othman Belbeis, Conseiller régional principal du Directeur général de l'OIM pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord

Les journalistes peuvent demander une invitation pour participer à la réunion-débat via Zoom en contactant Charlie Yaxley à l'adresse [email protected]. Cette manifestation sera également diffusée en direct sur http://webtv.un.org/

Les Nations Unies ont institué le 30 juillet en tant que Journée mondiale de la lutte contre la traite d’êtres humains.