Syrien et père de huit enfants, il lutte pour donner un avenir à sa famille
Syrien et père de huit enfants, il lutte pour donner un avenir à sa famille
Sans travail dans un camp de réfugiés de Jordanie, Mahmoud Al-Bashawat, un Syrien de 39 ans père de huit enfants, savait qu’il fallait tenter quelque chose pour assurer un avenir à sa famille. Laissant derrière lui sa femme, ses sept filles et son petit garçon dans une caravane dans le désert, il est parti seul vers l’Europe.
Il n’aurait jamais imaginé que le processus de regroupement familial serait aussi semé d’embûches que son périple par terre et par mer pour rejoindre l’Autriche. « Je ne voyais aucun avenir pour eux. Notre avenir a disparu dans les ruines de Syrie. C’est pour ça que je suis venu en Europe, pour eux. Nous avons été séparés pendant deux ans et demi, » dit-il.
Le HCR prône un assouplissement des difficultés pratiques qui entravent le droit légal des réfugiés au regroupement familial. Ce droit s’applique aux familles nucléaires, dont les enfants de moins de 18 ans. Quelque 130 000 demandeurs d’asile sont arrivés en Autriche en 2016-2017 et nombre d’entre eux ont obtenu le statut de réfugié qui autorise le regroupement familial sous quelques mois.
Dans le cas de Mahmoud, le coût des documents d’identité était un obstacle en soi et il a dû lourdement s’endetter pour financer les passeports des membres de sa famille. En outre, sa fille aînée, Abeer, venait d’avoir 18 ans, ce qui l’excluait en théorie du droit au regroupement familial. Il y avait donc un vrai risque qu’elle reste seule, abandonnée en Jordanie.
« Nous avons connu un parcours chaotique du point de vue émotionnel, » confie l’épouse de Mahmoud, Hayat Elwees, 38 ans, contente d’être enfin installée avec tous ses enfants dans un quatre-pièces bien aéré de Vienne.
Avant la guerre en Syrie, la famille avait sa maison à Sayyeda Zeinab, un quartier de Damas. Mahmoud était charpentier et avait une affaire prospère de construction de fenêtres. « Nous n’aurions jamais quitté la Syrie s’il n’y avait pas eu la guerre, » dit-il. « On vivait bien là-bas. »
Les bombardements les ont d’abord contraints à fuir vers Daraa, une ville du sud-ouest de la Syrie où est né Ali, le petit dernier de la famille aujourd'hui âgé de cinq ans.
Malheureusement, Daraa s’est elle aussi retrouvée au cœur des combats et ils ont dû prendre la fuite de nouveau, cette fois vers la Jordanie où ils ont trouvé refuge dans un camp financé par les Émirats arabes unis.
« Ça allait, il y avait des caravanes dans le désert, environ 3500 personnes dans le camp. Mais il en arrivait encore des milliers. Ça ne laissait rien présager de bon, » dit Mahmoud.
En 2015, il a pris la décision d’aller en Europe et a d’abord pris un vol pour la Turquie.
« Ça a été très dur pour moi après le départ de mon mari, » dit Hayat. « J’étais toute seule au camp avec tous mes enfants. »
« On s’est parlé TOUS LES JOURS sur WhatsApp, » dit Ghadeer, la deuxième fille âgée de 17ans, en martelant ses mots.
Pour ne pas les inquiéter, Mahmoud leur a toutefois caché qu’il allait entreprendre la périlleuse traversée de Turquie en Grèce. Ce n’est qu’une fois arrivé en lieu sûr qu’il leur a envoyé une photo de Grèce. « J’étais tellement surprise et heureuse que j’en ai pleuré, » dit Hayat.
Mahmoud a poursuivi son voyage à travers les Balkans et la Hongrie pour finalement atteindre l’Autriche par train en septembre 2015. Cinq mois plus tard, il a obtenu le statut de réfugié et le processus de demande de regroupement familial a pu démarrer.
À Amman, l’ambassade autrichienne avait besoin des passeports syriens de la famille. L’ambassade syrienne exigeait 400 dollars par passeport, soit 3600 dollars pour les neuf membres de la famille et, bien sûr, Mahmoud n’avait pas l’argent nécessaire alors que l’horloge ne cessait de tourner et que leurs visas autrichiens avaient une validité de seulement quatre mois.
« J’ai emprunté de l’argent à des amis, 100 dollars ici, 200 dollars là, une multitude de petits prêts, » raconte Mahmoud. « On ne comprenait pas pourquoi on ne pouvait pas obtenir de simples laissez-passer pour voyager. Il a fallu que je donne de l’argent au gouvernement qui nous a contraints à fuir. Je suis encore en train de rembourser mes dettes aujourd'hui. »
« Il n’était pas envisageable que la famille soit séparée. La famille, c’est ce qu’il y a de plus précieux. »
Pire encore, il y avait le problème d’Abeer qui venait d’avoir 18 ans. Sa demande a d’abord été rejetée par les autorités autrichiennes. « J’avais peur de rester seule derrière après le départ de toute ma famille, » confie-t-elle.
« J’ai cru devenir fou, » dit Mahmoud. « Je ne pouvais pas abandonner Abeer ; j’aurais encore préféré retourner en Jordanie. Il n’était pas envisageable que la famille soit séparée. La famille, c’est ce qu’il y a de plus précieux. »
Fort heureusement, avec l’aide du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, Abeer, qui a désormais 20 ans, a pu bénéficier d’un autre programme de réinstallation. Elle est arrivée à Vienne sur un autre vol, deux jours avant le reste de la famille en janvier dernier. Maintenant, ils sont tous en train d’apprendre l’allemand.
« Merci Seigneur, nous sommes tous réunis pour un nouveau départ, » dit Mahmoud. « Mes enfants n’ont connu rien d’autre que la guerre et n’ont pas eu la chance d’étudier. »
Les plus jeunes vont à l’école et à la maternelle tandis qu’Abeer et Ghadeer font de nouveaux projets.
Ghadeer, qui avait espérer être dentiste, envisage de devenir infirmière. Abeer, qui rêvait d’être médecin, va plutôt devenir esthéticienne. Elle va bientôt se marier, car sa famille a annoncé ses fiançailles avec un compatriote syrien qui vit à Klagenfurt.
« Le jour du mariage, dit Mahmoud, emphatique, « nous allons faire une grande fête syrienne. »