Grâce à ses tatouages tribaux, elle parvient à fuir la violence en RDC
Grâce à ses tatouages tribaux, elle parvient à fuir la violence en RDC
DUNDO (Angola) – Les panaches de fumée flottaient au‑dessus du village en flammes, tandis que les miliciens parcouraient les champs à la recherche de résidents pour les massacrer.
Fuyant avec les siens dans différentes directions, Elena Kita a senti une main puissante qui l’attrapait par derrière. L’homme qui l’enlevait a sorti une machette, et Elena l’a supplié de ne pas la tuer.
« C’est alors qu’une chose très surprenante s’est produite », se souvient Elena. « Il m’a dit à voix basse de l’écouter. Il a vu grâce à certaines marques traditionnelles sur mon corps que j’étais de la tribu Chokwe, qui était aussi sa tribu ».
L’homme l’a frappée sur les pieds avec le manche de sa machette, lui disant de courir vers la forêt dans une certaine direction pour échapper aux miliciens.
« Il m’a laissée partir et j’ai couru dans la direction qu’il m’a indiquée. Je n’arrivais pas à croire qu’il m’avait aidée à fuir ! »
Elle a fini par retrouver certains membres de sa famille plus loin dans la forêt. Elle fait désormais partie des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ayant fui la flambée de violence en République démocratique du Congo, ou RDC, leur patrie, pour trouver refuge en Angola, le pays voisin.
« Il m’a laissée partir et j’ai couru dans la direction qu’il m’a indiquée. Je n’arrivais pas à croire qu’il m’avait aidée à fuir ! »
Le soulèvement violent des miliciens de Kamwina Nsapu en août 2016 a marqué le début du conflit dans la province du Kasai, en RDC. La rébellion a entraîné le déplacement de plus d’un million de personnes dans le pays et détruit leurs moyens d’existence. À la fin du mois dernier, plus de 20 000 personnes avaient trouvé refuge en Angola, dans la province de Lunda Norte.
Elena, qui est arrivée en Angola la semaine dernière, fait partie d’un groupe de 5 000 réfugiés vivant depuis peu à Cacanda, un centre d’accueil temporaire que le gouvernement angolais a ouvert pour les réfugiés qui fuient l’escalade de la violence.
Le HCR, l’Agence des réfugiés pour les Nations Unies, a envoyé une équipe d’urgence, constituée de membres de son bureau régional en Afrique australe et de son siège à Genève. L’équipe collabore étroitement avec le ministère angolais de l’aide sociale pour répertorier les besoins les plus pressants des réfugiés et fournir une assistance.
Il y a de nombreux témoignages, comme celui d’Elena, d’exécutions sommaires et d’actes de violence visant des personnes soupçonnées de soutenir soit le gouvernement, soit la milice. Préoccupé par le climat persistant de violence, le HCR coordonne les efforts de réponse conjointement avec le gouvernement et les organisations humanitaires pour protéger et venir en aide aux réfugiés, en attendant que l’on négocie une solution à long terme.
La priorité absolue est de trouver et d’aménager un site pour le transfert des nouveaux arrivants.
« Le gouvernement a trouvé trois sites qui sont situés à presque 100 kilomètres de la frontière avec la RDC », dit Asis Das, le chef de l’équipe d’urgence du HCR. « Nous inspectons actuellement les sites avec le gouvernement. Ensuite, nous commencerons à travailler pour les rendre habitables le plus rapidement possible. »
Le HCR a déjà commencé à enregistrer les réfugiés qui vivent actuellement dans deux des centres d’accueil à Dundo. « Ce travail est important, car il nous permet de recueillir des données fiables sur l’origine des réfugiés et de recenser les personnes vulnérables ou ayant des besoins particuliers », explique Asis Das. « Il renforcera la fourniture de l’aide humanitaire. »
« À un moment comme celui‑ci, l’unité est la force dont les familles ont besoin pour se remettre du traumatisme et du stress qu’elles viennent de subir. »
L’opération débouchera sur la distribution de nourriture et d’articles non alimentaires dont les réfugiés ont désespérément besoin. Le nombre de réfugiés continuant d’augmenter au‑delà du chiffre de 5 000 initialement prévu, le HCR collabore étroitement avec le Programme alimentaire mondial pour poursuivre la livraison de vivres aux arrivants. D’autres organisations humanitaires, y compris l’UNICEF et Médecins Sans Frontières, continuent de fournir de l’eau, des équipements sanitaires et des soins médicaux.
« Une fois que nous aurons réussi à stabiliser la population en pourvoyant aux besoins essentiels, en particulier dans les centres d’accueil, où les réfugiés arrivent généralement épuisés, sous‑alimentés et malades, nous pourrons aborder les problèmes liés à la violence sexuelle et sexiste, à la protection de l’enfance et à certaines des séquelles psychosociales d’un traumatisme », ajoute Asis Das.
Elena s’adapte à sa nouvelle situation, mais elle souffre toujours, du point de vue tant physique qu’émotionnel. Cependant, elle arrive aujourd’hui à sourire. Elle est reconnaissante au milicien qui l’a battue pour écarter tout soupçon quant à sa façon de la traiter.
« Il m’a battue, mais je lui serai toujours reconnaissante de ne pas m’avoir tuée et de m’avoir permis de retrouver ma famille. C’est ce qui me redonne le sourire, même si mes pieds me font mal », dit‑elle.
Celeste Kasenga, son beau‑frère, est simplement soulagé qu’elle soit vivante. « Si elle n’était pas parvenue à s’échapper, sa famille nous aurait accusés de ne pas avoir su la protéger », dit‑il.
« Cela aurait détruit les relations entre les deux familles. À un moment comme celui‑ci, l’unité fait la force et c’est ce dont les familles ont besoin pour se remettre du traumatisme et du stress qu’elles viennent de subir. »