Les Rohingyas arrivés au Bangladesh vivent dans la précarité
Les Rohingyas arrivés au Bangladesh vivent dans la précarité
COX’S BAZAR (Bangladesh) – Dans un paisible village du sud‑est du Bangladesh, un bébé, Mukoroma, dort profondément. Il ignore tout de l’inquiétude qui assombrit le visage de sa mère, Rojia, ou de ce qu’elle a dû souffrir pour qu’il puisse dormir en paix aujourd’hui.
Dans un quartier voisin, Iliyas, 16 ans, boite en s’appuyant sur sa bonne jambe. Il grimace. La longue cicatrice sur sa jambe gauche guérit bien, mais il a encore besoin de ses béquilles.
Iliyas et Rojia font partie des quelque 66 000 Rohingyas ayant trouvé refuge au Bangladesh depuis le mois d’octobre. Ils ont quitté leur foyer dans le nord de l’État de Rakhine, au Myanmar, lorsque des attaques de militants contre plusieurs postes de police ont déclenché une opération de sécurité, qui a elle-même entraîné la destruction de maisons par le feu, le déplacement de civils et, apparemment, la violation des droits de la personne.
« J’ai entendu des coups de feu et tout le monde s’est mis à courir. »
« C’était un dimanche et j’étais parti au marché pour aider mon père à vendre des légumes », dit Iliyas, se souvenant du jour où sa vie a changé en octobre dernier. « J’ai entendu des coups de feu et tout le monde s’est mis à courir. J’ai été atteint à la jambe et je suis tombé dans une rizière. »
Dans le village de Rojia, la plupart des hommes avaient pris la fuite par prévention, laissant les femmes à la maison. Après que des hommes ont pillé sa maison l’arme au poing, Rojia, 29 ans, a décidé qu’il était trop dangereux de rester. Même si elle était enceinte de neuf mois, elle a rejoint un groupe avec ses quatre enfants dans l’idée de gagner la frontière avec le Bangladesh. Le groupe a marché plus de 10 kilomètres, empruntant de petites routes pour éviter d’attirer l’attention.
« J’étais épuisée et je ne pouvais plus bouger. Mes jambes étaient gonflées et ma tension était élevée », dit‑elle.
À grand‑peine, Iliyas et la famille de Rojia ont fini par traverser le fleuve Naf pour entrer au Bangladesh, où ils ont retrouvé des parents arrivés plus tôt.
« Mon mari était déjà à Cox’s Bazar et en contact avec le HCR, dit Rojia. Le HCR a envoyé une ambulance pour m’amener à l’hôpital. Neuf jours plus tard, mon bébé naissait. »
Iliyas n’était pas en grande forme non plus. Il n’avait pas pu être soigné comme il faillait au Myanmar. On avait pansé sa blessure avec quelques feuilles locales et des bandes de tissu. L’infection avait entraîné le gonflement de sa jambe et de ses mains. Au Bangladesh, le HCR et ses partenaires l’ont amené à un hôpital local, où on a constaté que la balle lui avait fracturé le fémur. On l’a opéré pour lui sauver la vie et l’on a inséré une tige métallique dans sa jambe pour la stabiliser.
Aujourd’hui, Iliyas récupère près des siens. Le HCR lui a donné quelques vêtements et une chaise avec une lunette et une cuvette de toilette. Il n’a donc plus besoin d’être transporté jusqu’aux toilettes plusieurs fois par jour. Il a demandé des béquilles afin de pouvoir se déplacer de nouveau.
« Je suis content d’être en vie », dit‑il, avant d’ajouter qu’il aimerait retourner à l’école au Bangladesh ; il était en neuvième année lorsqu’il a quitté le Myanmar.
L’adolescent essaie de garder une attitude positive et d’envisager l’avenir avec optimisme, mais il s’inquiète pour ceux qu’il a laissés derrière lui au Myanmar. « Ma mère et mes frères et sœurs manquent de nourriture et ils vont de maison en maison pour mendier », dit‑il.
Au Myanmar, le HCR insiste sur la nécessité de pouvoir accéder librement aux régions touchées par le conflit dans le nord de l’État de Rakhine pour déterminer les besoins humanitaires urgents et y répondre. L’agence réclame aussi de pouvoir accéder pleinement aux Rohingyas qui arrivent au Bangladesh, où elle collabore avec des partenaires pour fournir protection et assistance à ce groupe très vulnérable.
« Si la paix revient, nous retournerons immédiatement au Myanmar. »
La famille de Rojia habite actuellement dans un petit village du Bangladesh. Elle paie 2 000 takas (environ 25 dollars) pour partager une maison avec trois autres familles. Elle vit dans la crainte d’être arrêtée et déportée.
« Nous n’aimons pas habiter dans la maison de quelqu’un avec d’autres familles. Nous n’aimons pas être un fardeau », dit Rojia. « Si la paix revient, nous retournerons immédiatement au Myanmar. »
Avant le récent afflux, le HCR aidait 33 000 réfugiés rohingyas dans deux camps officiels au Bangladesh. De plus, on estimait à plusieurs centaines de milliers le nombre de Rohingyas sans papiers vivant dans des sites de fortune et des villages d’accueil.
« Ces nouveaux arrivants font qu’il est urgent d’enregistrer tous les réfugiés rohingyas se trouvant au Bangladesh, quelle que soit la région où ils se sont posés, et de leur donner des papiers », dit le représentant du HCR au Bangladesh, Shinji Kubo. « Cela aidera le gouvernement à savoir qui se trouve sur son territoire. Cela aidera aussi les agences humanitaires à distribuer l’aide à ceux qui en ont le plus besoin, y compris les communautés d’accueil. »