Calais : Des enfants non accompagnés retrouvent leur enfance
Calais : Des enfants non accompagnés retrouvent leur enfance
Par une journée nuageuse, dans la ville de Saint-Omer au nord de la France, Ibrahim, originaire du Darfour au Soudan, est occupé à la culture des légumes avec huit autres jeunes adolescents.
Agés de 14 à 17 ans, ils font partie des quelques chanceux à avoir bénéficié d’une place à la Maison du jeune réfugié à Saint-Omer. Ce centre d’accueil est géré par l’ONG France terre d’asile.
Quarante-cinq enfants vivent aujourd’hui dans ce foyer, l’un des rares à fournir un hébergement et à assurer la protection d’enfants non accompagnés qui vivaient auparavant au camp de fortune connu sous le nom de « jungle » près de Calais, à 45 kilomètres de là. Dans le centre, ils sont logés, ils bénéficient d’une protection et ils peuvent retrouver les joies de l’enfance – contrairement à la jungle, où les enfants dorment en plein air dans des abris de fortune et où ils sont menacés par la violence et les abus.
Beaucoup ont déjà été confrontés au danger lors de leur transit via des itinéraires dangereux à travers plusieurs pays en Europe.
La culture maraichère est l’une des activités récréationnelles qui sont organisées par le centre et elle est très populaire parmi les résidents. Les enfants plantent, cultivent et récoltent des laitues, des courgettes, du thym, des tomates, du basilic et de la rhubarbe.
Germaine Tétou, assistante sociale à Saint-Omer, leur apprend les noms en français des légumes et des outils de jardinage. Ils les répètent avec elle, ils plaisantent et rient de la façon dont leurs camarades les prononcent.
« La France doit assurer la protection des enfants non accompagnés se trouvant dans la ‘jungle’ de Calais »
Germaine Tétou est elle-même arrivée en France en tant que réfugiée originaire du Bénin. Elle explique que les enfants apprennent rapidement. « Chaque jour, je suis reconnaissante de faire ce travail », explique-t-elle. « Je comprends combien ils ont souffert. »
La culture maraichère rappelle à Ibrahim*, âgé de 14 ans, la ferme de sa grand-mère au Darfour. « J’aime tout ici à Saint-Omer, et spécialement le jardinage », indique-t-il.
Il se trouve en France depuis 42 jours, dont 15 jours passés dans la « jungle » où il dormait dans un abri de fortune avec d’autres adolescents ayant fui le Darfour, comme lui, sans leurs parents.
« La France doit assurer la protection des enfants non accompagnés se trouvant dans la ‘jungle’ de Calais », déclare Ralf Gruenert, le Représentant du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, en France.
« Et cela signifie, d’abord et avant tout, de trouver des solutions appropriées en termes d’hébergement et de prise en charge pour les soins de santé, l’aide juridique et le soutien psychosocial, mais aussi d’établir un système efficace et rapide pour le regroupement familial au bénéfice des enfants non accompagnés ayant des proches dans d’autres pays européens, y compris le Royaume-Uni, et ce dans l’intérêt supérieur de ces enfants. »
Parmi les activités du centre, il y a des cours de français, de mathématiques, de musique, d’arts, du sport, des sorties au cinéma et du jardinage. Il y a aussi une bibliothèque.
Manal*, 16 ans, est originaire du Soudan. Il regarde des photos de châteaux dans le sud de la France après le déjeuner. « C’est magnifique, où se trouvent-ils ? » demande-t-il. Il veut les localiser sur la carte pour voir s’il est possible d’aller les visiter.
Dans l’après-midi, certains résidents vont au cinéma, où leurs films préférés sont ‘SOS fantôme' et ‘Star Trek’. Ensuite, ils prévoient de jouer au football dans le parc.
Ils se sentent en sécurité dans le centre, où ils peuvent encore rêver comme le font tous les enfants.
Djamal*, 17 ans, est originaire de Ghazni en Afghanistan. Il vit également au foyer d’accueil de St-Omer. Il est arrivé tout seul à Calais après avoir fui son pays.
Il dit se sentir bien à St-Omer et il rêve de devenir ingénieur en électronique. « Il n’y pas de violences ici comme dans la jungle. J’aime tout ici mais mon activité préférée, c’est d’apprendre le français. »
« J’aime tout ici mais mon activité préférée, c’est d’apprendre le français. »
Les foyers d’hébergement et les places disponibles pour les enfants sont limités. La plupart des enfants non accompagnés vivant à Calais n’ont pas été chanceux comme Djamal ou Ibrahim.
« Chaque jour, nous recevons des demandes pour accueillir davantage d’enfants, mais nous sommes obligés de refuser car le centre est plein en permanence », indique le directeur, Jean-François Roger. « Davantage de places doivent être créées. Les enfants ont besoin d’un environnement sûr. »
Selon les ONG, environ 850 enfants non accompagnés vivent dans la « jungle » de Calais.
En tant que mesure d’urgence, 215 enfants sont hébergés dans un Centre d’Accueil Provisoire et au Centre Jules Ferry pour les femmes et les enfants, qui sont gérés par l’organisation La Vie Active. Ces deux centres sont pleins et ne peuvent accepter d’autres résidents. Les autres enfants vivent sous la tente et dans des abris de fortune dans la « jungle ».
Cette année, sur les 300 000 réfugiés et migrants arrivés en Europe, 28 pour cent d’entre eux sont des enfants et beaucoup voyagent seuls. En Italie, depuis le début de l’année, 15 pour cent des arrivants sont des enfants non accompagnés.
En 2015, les enfants composaient plus de la moitié de la population réfugiée à travers le monde comptant 21,3 millions de personnes. Le nombre des enfants non accompagnés et séparés en mouvement s’accroit de façon spectaculaire.
Près de 100 000 demandes d’asile ont été déposées par des enfants non accompagnés et séparés dans 78 pays en 2015. C’est le plus grand nombre jamais enregistré depuis que le HCR a commencé à recueillir ces statistiques en 2006.
Des tensions ont éclaté à Calais ces dernières semaines. Des manifestants français ont bloqué l’accès au tunnel sous la Manche et au port des ferries à Calais pour soutenir les appels à la fermeture de la ‘jungle’.
Quoiqu’il arrive, avec l’approche de l’hiver, un hébergement adapté pour les enfants non accompagnés - comme Djamal, Ibrahim et Manal - est nécessaire d’urgence.
*Noms fictifs pour des raisons de protection