Des réfugiés en Ouganda dépassent leurs traumatismes sur scène
Des réfugiés en Ouganda dépassent leurs traumatismes sur scène
KAMPALA, Ouganda, 18 février (HCR) - Des hommes en uniforme de combat portant des masques noirs apparaissent, regroupent de force des personnes en cercles et les forcent à se coucher au sol, face à terre. L'air est déchiré par des cris et des coups de feu.
Il s'agit d'une expérience extrêmement pénible vécue par les réfugiés dans les régions ravagés par les conflits au Burundi, en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud. Ils ont aujourd'hui trouvé refuge en Ouganda. Ce soir, certains d'entre eux ont dévoilé sur la scène du Théâtre national les traumatismes qu'ils ont vécus devant un public de plusieurs centaines de personnes.
Le titre du spectacle est « Tunaweza », que l'on peut simplement traduire par « Nous pouvons ». Il présente le périple des réfugiés depuis la violence extrêmement pénible qui les a fait fuir leurs domiciles, jusqu'à leurs vies reconstruites en Ouganda, qui accueille actuellement près d'un demi-million de réfugiés et de demandeurs d'asile provenant de pays déchirés par les hostilités dans l'Afrique de l'Est et la région des Grands Lacs.
Le spectacle de trois heures, qui inclut également des acteurs ougandais, est une initiative d'une organisation locale sans but lucratif nommée InterAid Uganda et du professeur d'art dramatique Lilian Mbabazi. Soutenu par le HCR, il vise à encourager le public à apprendre à connaître les réfugiés, à souligner leur résilience et à dissiper les mythes qui les associent à des receveurs d'aide passifs ou à des menaces pour les emplois locaux.
« La plupart des gens entendent parler des réfugiés dans les actualités. Grâce à cette pièce, ils peuvent entendre la vérité sur la vie en tant que réfugié et illustrer leurs compétences », a déclaré Madame Mbabazi, une conférencière en art dramatique de l'Université Makerere. « Ma mère est rwandaise. Donc, lorsque je regarde ces jeunes, je pense à ce qui s'est produit au Rwanda et je les perçois comme mes frères et soeurs. »
L'Ouganda est exemplaire pour son approche novatrice à l'accueil de réfugiés, qui sont intégrés dans les villages, aux côtés des communautés ougandaises locales, et où on les encourage à être autonomes. Ils sont également libres de se déplacer à l'intérieur du pays, de travailler et de démarrer leurs propres entreprises. Ils ont également accès aux mêmes services publics que leurs hôtes ougandais.
Lorsque Madame Mbabazi a rencontré le groupe, elle a souhaité leur accorder la plus grande place possible. Elle a communiqué avec le Théâtre national, où on lui a déclaré que la seule date disponible pour la représentation que l'on pouvait lui offrir était dans 19 jours, ce qui lui laissait peu de temps afin de trouver un titre, un concept et un scénario. Le fait qu'ils ont réussi à mettre le projet sur pied est d'autant plus remarquable en raison de l'approche collaborative qu'ils ont choisi d'adopter.
La metteure en scène et la distribution ont effectué des séances de brainstorming au sujet de leurs expériences, ont créé une pièce qui dépeint tout leur parcours, depuis la fuite du danger jusqu'au défis associés aux rencontres de personnes dans leurs nouvelles communautés. L'oeuvre finale a recours à l'art dramatique, la danse et la chanson pour aborder les thèmes de la fragilité, du caractère éphémère de la vie, de l'appartenance et de l'espoir, tout en ciblant deux concepts principaux : le nous et l'habileté.
« Nous souhaitions parler du « Nous » parce que cela dépeint l'unité », a déclaré Beliyse, 18 ans, qui est arrivée en Ouganda l'an dernier après une flambée de violence au Burundi. Cela illustre l'unité non seulement entre les réfugiés, mais également avec les Ougandais. Nous souhaitions faire la preuve du talent des réfugiés. Nous n'avons pas souvent la chance d'en faire la preuve, mais lorsqu'on nous le permet, nous pouvons véritablement l'étaler au grand jour. »
La pièce résultante permet au public de parcourir un périple vivant, authentique et émotif. Depuis le danger jusqu'à une vie plus stable en Ouganda, où les aléas de l'intégration et de la reprise depuis la case départ sont parfois mimés pour un effet humoristique.
« Nous ne souhaitions pas uniquement nous concentrer sur le mauvais, a tenu à expliquer Oscar, 22 ans, du Congo. « L'histoire porte bien sûr sur les raisons qui ont motivé notre départ et sur ce qui nous est arrivé, mais également sur des choses plus positives. Nos nouvelles vies, nos amis, nos histoires d'amour... ou pour certains, les échecs en amour ! »
La pièce, qui porte le public aux larmes et aux rires les plus bienvenus, est un véritable triomphe chez les amateurs de théâtre de Kampala. Lorsque le rideau est tombé après leur première représentation, le public leur a offert une ovation debout.
« C'était une sensation incroyable, a déclaré Sarah, une Ougandaise qui a pris connaissance du spectacle par chance en découvrant une affiche. « Je pense que j'aiderai les réfugiés et les Ougandais à se rapprocher. Certaines personnes ont souvent des idées fausses au sujet des réfugiés. Toutefois, s'ils assistent à ce merveilleux spectacle que ces jeunes ont mis sur pied, malgré ce qu'ils ont dû vivre, ils seront touchés. »
Le groupe espère recevoir des réactions semblables dans les prochaines semaines et les prochains mois alors qu'ils partiront en tournée en Ouganda, pour jouer la pièce illustrant leur périple aux côtés d'acteurs ougandais.
« Ce groupe est un exemple parfait des avantages qui peuvent être obtenus si l'on permet aux réfugiés de fleurir au sein des communautés locales », a déclaré la représentante du HCR en Ouganda, Neimah Warsame. « Lorsque les réfugiés et leurs hôtes vivent ensemble, travaillent ensemble et s'amusent ensemble, ils réussissent à prospérer ensemble. Cela servira d'exemple aux autres pays partout dans le monde afin de pouvoir trouver des façons efficaces d'atteindre la cohésion sociale. »
par Charlie Yaxley à Kampala, en Ouganda