Les femmes réfugiées combattent l'ennui et les mauvais souvenirs en tissant des tapis
Les femmes réfugiées combattent l'ennui et les mauvais souvenirs en tissant des tapis
CAMP DE REFUGIES D'ADIYAMAN, Turquie, 24 octobre (HCR) - Après avoir vécu au milieu d'un conflit puis une fuite en exil, un camp de réfugiés offre l'hébergement, la sécurité, la nourriture et l'eau - mais aussi le désoeuvrement, les journées étant rythmées de tâches essentiellement banales.
Au camp de réfugiés d'Adiyaman dans le sud de la Turquie, un peu plus de 40 femmes mènent une vie différente. Elles ont d'abord acquis des compétences professionnelles et, maintenant, elles travaillent. Une grande tente localisée au centre de ce camp accueillant 10 000 réfugiés est devenue un atelier de tissage de tapis.
Le projet est mis en oeuvre par la direction du camp avec l'aide et le financement de la municipalité locale, qui a fourni des métiers à tisser et d'autres équipements. Sous la direction d'un enseignant turc, les femmes apprennent les techniques de fabrication de tapis traditionnels et, dès les semaines suivantes, elles commencent à tisser leurs propres tapis.
« Ici, les femmes veulent travailler pour ne pas penser tout le temps à la Syrie et aux moments tragiques vécus chez elles », explique Rula Qasim, qui a fui les combats dans son pays il y a plus d'un an. Pendant des mois, elle a pensé à son pays et aux souvenirs qu'elle avait laissés derrière elle, jusqu'à ce que sa mère lui ait demandé de rejoindre l'atelier.
« Ce [travail] nous aide à oublier les traumatismes, comme celui de perdre des proches. On arrête de penser tout le temps aux enfants qui se trouvent encore en Syrie. Ce cours peut nous aider à aller mieux », explique-t-elle.
Le travail a d'autres avantages. Warda Beitun est âgée de 15 ans seulement, mais elle est employée dans l'atelier depuis presque un an et elle a terminé deux tapis. Les matériaux sont fournis par des sociétés turques qui viennent chercher les tapis finalisés pour les vendre en Turquie et à l'étranger. Les deux tapis de Warda ont été vendus et elle a reçu un pourcentage sur le prix de vente.
Les tapis sont fabriqués selon un modèle de conception traditionnelle et délicate, selon Warda. « La partie la plus difficile de ce travail consiste à faire correspondre exactement les motifs. Certains volets de cette profession sont difficiles à mettre en pratique, ce n'est pas facile. Par exemple, il faut apprendre à placer le fil dans la position exacte. C'est difficile. »
La tutrice de cet artisanat turc, Gamze Karayilan, ne cache pas qu'elle et ses collègues considèrent leur travail au-delà du seul enseignement du tissage de tapis. Elles n'ont pas peur de suggérer aux femmes syriennes que ce travail pourrait les rendre autonomes.
« Ils ont certaines traditions », dit Gamze Karayilan. « Du point de vue d'un homme, l'objectif principal pour les femmes, c'est d'avoir des enfants. Au début, nous l'avons même critiqué, mais c'est leur tradition. Ici, au camp, ce sont les hommes qui sont aux commandes de la vie, ils regardent les femmes différemment. C'est un effort mineur mais, au moins, nous essayons de changer la culture. »
L'atelier de tapis a été récemment suivi par un autre projet pilote, la couture et la confection pour hommes. Pour le moment, seulement 15 hommes apprennent un nouveau métier.
Dehors, dans les rues sablonneuses de la cité de tentes, c'est l'ennui qui prédomine. Contrairement aux réfugiés urbains, ils ne sont pas libres de se déplacer à l'extérieur du camp et donc ils ne peuvent pas trouver du travail pour la récolte du coton. Des milliers de réfugiés sont donc assis ou debout et ils attendent. Il n'y a pas grand-chose d'autre à faire.
Par Don Murray au camp de réfugiés d'Adiyaman, Turquie