Il survit malgré une profonde blessure à la tête par un coup de machette
Il survit malgré une profonde blessure à la tête par un coup de machette
GBITI, Cameroun, 6 juin (HCR) - Ibrahim, sept ans, joue non loin de sa mère à Gbiti, une ville frontalière camerounaise. Il se comporte comme tous les enfants de son âge mais lorsqu'il se retourne, les visiteurs sont surpris par la profonde cicatrice qu'il a sur la tête.
Cette vilaine blessure provoquée par un coup de machette lui rappellera toute sa vie son combat contre la mort après avoir été victime des miliciens, de l'autre côté de la frontière dans son pays natal, la République centrafricaine. Il doit la vie à la rapidité d'intervention du personnel du HCR au Cameroun, qui a repéré sa terrible blessure alors qu'il traversait la petite rivière marquant la frontière avec la République centrafricaine. Une partie de son crâne a été coupée, exposant l'os et une partie de son cerveau à vif.
Le HCR l'a transporté d'urgence vers l'hôpital de la ville de Bertoua, à trois heures de route de Gbiti. Le transfert s'est effectué extrêmement rapidement. En plus de sa blessure ouverte, le garçon souffrait de malnutrition et il était très faible après une marche forcée à travers la brousse avec ses parents, en quête de sécurité vers le Cameroun. « Ces deux derniers mois, il ne pouvait pas dormir, il n'arrêtait pas de pleurer », déclare Djoumba, sa mère.
La plupart des personnes qui arrivent à Gbiti sont épuisées et physiquement très affaiblies, après avoir fui des attaques brutales d'hommes armés contre leurs maisons. Beaucoup souffrent de plaies profondes ou de blessures par balles, mais ils se disent chanceux d'être en vie. Des hommes armés attaquent hommes, femmes et enfants. Rares sont ceux qui pourraient survivre à une blessure aussi grave que celle infligée à Ibrahim.
Le HCR et ses partenaires font leur possible pour venir en aide aux milliers d'arrivants centrafricains qui transitent par Gbiti, avec notamment des soins de santé tout particulièrement aux personnes souffrant de malnutrition, mais aussi aux blessés. Ceux qui ont besoin d'être hospitalisés sont transférés à Bertoua, les autres sont transportés vers des camps de réfugiés. Sans l'assistance du HCR et de ses partenaires, comme Médecins Sans Frontières, beaucoup mourraient.
Comme beaucoup d'habitants de régions rurales, les parents d'Ibrahim pensaient surement que le conflit intercommunautaire ayant éclaté en décembre dernier à Bangui ne viendrait jamais jusqu'à à eux. Mais il y a deux mois, lorsqu'Amadou, le père d'Ibrahim été parti s'occuper du bétail, un groupe de miliciens est entré chez eux.
« Ils m'ont trouvée à la maison avec mes enfants; ils ont rassemblés tous les petits et les ont massacrés à la machette. Ils ont tué six personnes, dont cinq enfants sous mes yeux », explique Djoumba, âgée de 30 ans. « Ibrahim était parmi les six enfants qu'ils ont attaqués. Lorsqu'ils l'ont blessé à la machette, ils ont pensé qu'il était mort. »
Les intrus voulaient également kidnapper Djoumba mais ils l'ont abandonnée derrière eux car elle a résisté. « Ils m'ont laissé gisant sur le sol à côté d'Ibrahim. Peu de temps après, j'ai réalisé que Ibrahim respirait encore », explique-t-elle.
Lorsqu' Amadou est rentré chez lui, il a retrouvé sa femme et son fils blessé et il a immédiatement décidé de quitter leur village en quête de sécurité au Cameroun. Il ne pouvait pas soigner Ibrahim, mais il a lavé sa plaie avec de l'eau chaude autant que possible pour tenter de réduire le risque d'infection. Mais ses parents pensaient qu'Ibrahim finirait par mourir.
« Nous avons marché jour et nuit pendant deux mois. Quand nous arrivions à une rivière, nous nous reposions un peu avant de la traverser. Nous avons bu l'eau des rivières et mangé la viande de vaches mortes que nous avons trouvées en chemin. Les vaches mourraient également de faim », indique Djoumba.
Malgré tout, ils ont tous atteint la frontière en vie. Ils ont eu la chance de traverser la frontière camerounaise là où le personnel du HCR était présent et en mesure de transférer immédiatement Ibrahim à l'hôpital afin de lui prodiguer les soins dont il avait tant besoin.
Il a été autorisé à quitter l'hôpital un mois après et il a rejoint sa famille à Gbiti, où ils avaient construit un abri en attendant d'être transférés au camp de réfugiés de Mbile, plus à l'intérieur du Cameroun. Quelque 20 000 réfugiés ont transités par Gbiti et le transfert de toute cette population prend du temps.
Aujourd'hui, la blessure d'Ibrahim est guérie et il joue volontiers avec de nouveaux amis. Il n'y a pas eu de lésions cérébrales permanentes, mais il pourrait avoir besoin d'un accompagnement psychologique suite à ce traumatisme. Il a eu de la chance, mais il a probablement eu également la ferme volonté de se battre pour survivre. Quand il arrivera au camp de réfugiés, il pourra retourner à l'école.
Beaucoup d'enfants fuyant la brutalité en République centrafricaine ne se rendent pas dans les pays voisins comme le Cameroun, où le HCR, MSF et d'autres acteurs humanitaires fournissent une assistance d'urgence, y compris un abri et des soins de santé. Ils meurent au cours d'attaques, de faim ou de maladie en chemin vers la sécurité.
Par Céline Schmitt à Gbiti, Cameroun