Aux mains des passeurs, c'est « nage ou crève » pour les jeunes Afghans
Aux mains des passeurs, c'est « nage ou crève » pour les jeunes Afghans
MAKASSAR, Indonésie, 16 mai (HCR) - Ahmed Rahimi* pensait avoir conjuré le mauvais sort. Après que son frère ait été tué par les Talibans en Afghanistan, il a quitté l'école et a commencé à travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Pendant un temps, il a travaillé dans un chantier de construction américain à Kaboul et il revenait chez lui auprès de sa mère accablée par la douleur dans la province de Parwan.
« J'avais un bon salaire et une vie agréable », a expliqué cet Afghan de 25 ans. Toutefois, elle s'est terminée quand il a été kidnappé et battu, car il a été accusé d'être un espion à la solde des occidentaux.
Il a réussi à fuir, mais ses kidnappeurs sont venus le chercher à son travail. « Nous sommes des Chiites Hazara et nous travaillons pour les étrangers », a-t-il expliqué. « Ils disent que nous devons être tués. »
Un ami l'a présenté à un passeur qui lui a promis de le transporter vers l'Australie pour la somme de 11 000 dollars. En novembre 2013, il a quitté Kaboul pour l'Indonésie via l'Inde et la Malaisie. Il avait pour objectif d'embarquer à bord d'un bateau de passeurs vers l'Australie.
Bien qu'Ahmed ait entendu que les arrivants clandestins par bateau sont emmenés directement dans des centres de traitement extraterritoriaux à Nauru et dans l'île de Manus en Papouasie Nouvelle Guinée, il a été rassuré. « Il y avait des rumeurs selon lesquelles ils pourraient nous emmener à l'île Christmas et que les autorités australiennes nous accepteraient et nous laisseraient travailler. »
Après avoir payé une somme supplémentaire de 4 500 dollars, il a embarqué à bord d'un bateau avec huit autres personnes. Pendant quatre jours, ils se sont cachés sous le pont jusqu'à ce qu'ils arrivent à une plage. Ils étaient enfermés dans une chambre, puis ils ont été emmenés vers une autre plage où un bateau plus vaste devait venir les chercher et les transporter vers l'île Christmas.
Mais ce bateau n'est jamais arrivé. Les passeurs ont disparu. Le groupe a été arrêté par les autorités indonésiennes et emmené, en mars 2014, dans un centre de détention pour les migrants à Makassar dans la province de Sud-Sulawesi, en Indonésie.
La plupart du groupe a été relâché et vit dans des logements sociaux. Ahmed et Yama, un autre Afghan qu'il a rencontré durant le voyage, sont les seuls qui sont toujours en détention. Ils passent leurs journées au centre à faire la cuisine et à jouer au football ou au volley. Le reste du temps, ils attendent et songent à leur avenir.
Les deux ont déposé une demande d'asile via la HCR et ils espèrent être libérés et bénéficier d'une réinstallation. « Si le gouvernement nous fait voyager légalement, bien sûr nous nous rendrons dans ce pays légalement », a expliqué Ahmed. « Sinon, nous devons nous bouger. Il est clair que nous ne pouvons pas rentrer dans notre pays. Si ma vie n'était pas menacée, pourquoi je viendrais jusqu'ici, pourquoi je souffrirais à ce point ? »
Il dit être déprimé par la détention et très inquiet sur le devenir de sa famille en Afghanistan.
Yama est également désespéré : « Si je reçois le statut de réfugié, je resterai et j'attendrai. Mais si le statut de réfugié m'est refusé, j'essayerai de contacter un passeur et je prendrai un autre bateau vers l'Australie. »
Quand on lui demande s'il fait encore confiance aux passeurs après sa dernière expérience, cet homme âgé de 21 ans soupire, « Je dois leur faire confiance. Je n'ai pas d'autre choix. »
En l'absence d'un cadre national pour l'Indonésie, le HCR traite les demandes d'asile et travaille avec les autorités ainsi que les partenaires pour assurer la protection et fournir une assistance, tout spécialement aux personnes les plus vulnérables.
On compte actuellement plus de 10 000 réfugiés et demandeurs d'asile, dont près de 17% vivent dans 13 centres de détention à travers le pays. Le HCR plaide pour des alternatives à la détention et pour des alternatives afin que les réfugiés et les demandeurs d'asile puissent survivre en exil jusqu'à ce que des solutions à plus long terme leur soient trouvées.
*Noms fictifs pour des raisons de protection
Par Vivian Tan à Makassar, Indonésie