Q&R: Un médecin syrien en exil continue à exercer
Q&R: Un médecin syrien en exil continue à exercer
CAMP DE RÉFUGIÉS DE DOMIZ, Iraq, 5 mars (HCR) - Hassan est un mari, un père, un médecin et un réfugié. Il a fui le conflit en Syrie en mai dernier, accompagné de son épouse et de ses deux enfants. Le plus jeune était âgé de trois semaines à peine. Le docteur Hassan a demandé que seul son prénom soit utilisé. Il travaille désormais au camp de réfugiés de Domiz dans la région du Kurdistan iraquien. Il administre des soins à des Syriens malades ou blessés dans une clinique gérée par l'un des partenaires du HCR, Médecins Sans Frontières (MSF). Entre deux services, il s'est récemment entretenu avec le photographe Brian Sokol et Mohamed Abu Asaker, employé du HCR en charge de l'information.
Quels sont les plus grands problèmes de santé auxquels font face les réfugiés pendant les mois d'hiver ?
Les maux de gorge et les problèmes respiratoires sont une préoccupation majeure, ainsi que les douleurs articulaires et les problèmes de dos. Les réfugiés sont très exposés au froid car ils vivent dans des tentes qui ne sont pas isolées contre le froid et non dans des maisons. De plus, à cause de la surpopulation, il est facile pour les maladies de se propager d'une personne à l'autre, puis d'une tente à l'autre. Les enfants sont plus sensibles au froid car leurs défenses immunitaires sont plus faibles que celles des adultes.
Que peut-on faire pour réduire ces risques ?
Des logements équipés contre les conditions hivernales sont nécessaires, plutôt que des tentes. Les réfugiés auraient aussi besoin de tentes surélevées par rapport au niveau du sol. Il est également important de fournir davantage de kérosène pour fournir du chauffage aux résidents du camp. Il y a beaucoup d'humidité à l'intérieur des tentes, ce qui génère des bactéries. Un système de chauffage ferait sécher les tentes, tuerait les bactéries et assurerait de façon plus sûre que les gens aient chaud. On observe de nombreux cas de diarrhée, en particulier chez les enfants. Personnellement, j'en vois au moins trois par jour. Nous avons besoin de davantage d'infrastructures dans le camp, en particulier en termes de drainage. Cela permettrait d'améliorer l'hygiène plus que toute autre chose.
Qui vient à la clinique pour consulter un médecin ?
Les nouveaux arrivants sont les visiteurs les plus fréquents car le changement de régime alimentaire et d'environnement les rend vulnérables aux maladies et fait baisser leurs défenses immunitaires. Aussi, parce que l'accès aux soins de santé est actuellement meilleur ici qu'en Syrie, je vois des gens qui viennent pour accéder à un traitement médical. Beaucoup sont atteints de maladies chroniques, de cancer ou d'autres maladies et ils n'ont pas été en mesure de se faire soigner en Syrie.
Votre expérience en tant que réfugié fait-elle de vous un meilleur médecin dans ce contexte ?
Oui, bien sûr. En 2006, j'avais administré des soins à des réfugiés iraquiens en Syrie. J'avais travaillé à la frontière iraquo-syrienne pendant deux mois et demi. Je n'ai jamais imaginé que je serais un jour moi-même un réfugié. C'est comme un cauchemar. En tant que réfugié, je me sens plus à l'aise parmi les réfugiés que d'autres. Je comprends leur situation et les souffrances qu'ils ont endurées avant d'être ici. Quand je suis arrivé au camp, j'ai commencé à soigner des personnes directement - avant même d'avoir obtenu un emploi avec MSF.
Quand avez-vous décidé qu'il était temps de quitter la Syrie ?
J'ai pris la décision en décembre 2011, mais nous ne pouvions pas partir parce que ma femme était enceinte. Vingt jours après l'accouchement, nous avons quitté le pays.... Nous avons séjourné dans un village proche de la frontière entre la Syrie et l'Iraq pendant deux nuits avant de trouver un passeur. Nous avons payé 1100 dollars pour traverser la frontière. J'ai quitté le pays pour le bien de ma famille. Je ne veux pas que mes enfants grandissent orphelins.
Vous êtes entré en Iraq avec votre épouse, votre enfant et votre nouveau-né. Comment s'est passée, pour votre femme, la traversée de la frontière avec un enfant en bas âge et un bébé de 20 jours ?
Cela n'a pas été facile pour elle. En fait, ça a été terrifiant et très, très difficile. Mais nous ne pouvions pas laisser les enfants en Syrie, ils devaient partir. C'était difficile en Syrie. Des hommes armés tiraient de partout en rafale. Mais ce n'est pas mon combat et je ne veux pas en faire partie.
Parlez-nous de la nuit durant laquelle vous avez quitté la Syrie.
Ce fut le pire voyage de ma vie. Nous avons voyagé en voiture pendant environ 300 kilomètres. Puis nous avons passé du temps dans une maison près de la frontière avec l'Iraq. Il faisait très chaud ce jour-là. Nous avons été hébergés par une famille de la communauté locale. La deuxième nuit, nous avons dormi dans la voiture. Le troisième jour, nous avons traversé la frontière. J'ai donné des somnifères à mes enfants afin qu'ils ne fassent pas de bruit. Mais ils ne dormaient pas ; ils se sont réveillés et ils chuchotaient. Ils avaient peur.
Moins de trois semaines avant, ma femme avait accouché par césarienne, il était donc très difficile pour elle de faire la longue marche. Elle a dû s'arrêter fréquemment. Je portais nos affaires et notre enfant aîné. Ma femme portait notre bébé. A un moment, je suis tombé et ma femme s'est mise à pleurer. Les passeurs m'ont aidé à me remettre debout. Il nous a fallu deux heures et demies de marche depuis la maison pour passer la frontière à pied. Nous avons fait le trajet de nuit, en trébuchant dans l'obscurité.
Que s'est-il passé après votre entrée en Iraq ?
Il y avait une voiture qui nous attendait de l'autre côté de la frontière. Elle nous a conduits vers la maison d'un ami, où nous avons été hébergés durant plusieurs semaines. Malgré l'épuisement et la difficulté du parcours, j'étais très heureux. J'étais soulagé que nous soyons arrivés sains et saufs avec toute la famille.
Quelle est la meilleure chose à propos de l'Iraq ?
Nous sommes dans une région sûre et sécurisée. Je peux faire ce que je veux, je peux aller où je veux. Plus important encore, je ne suis pas inquiet pour la sécurité de mes enfants.
Qu'est-ce qui vous manque le plus de votre pays, la Syrie ?
La montagne, ma famille et mes amis me manquent. Nous avions eu une vie sociale très active. Mes meilleurs souvenirs sont les barbecues fréquents auxquels nous participions. Cela me manque de rire et de partager des repas tous ensemble. Je n'arrive toujours pas à croire à ce qui s'est passé. J'espère que personne d'autre n'aura à subir ce que nous avons vécu.
Qu'est-ce qui est le plus gratifiant dans votre travail à la clinique ?
Les patients sont très heureux et je les fais sourire. Parfois, après avoir retrouvé la santé, ils viennent me rendre visite pour me dire bonjour. Voilà ce qui me rend heureux, je me dis que je fais quelque chose de valable. Cela me met de bonne humeur. La semaine dernière, j'ai vu, dans le camp, une vieille dame que j'avais soignée. Elle a insisté pour m'accueillir à déjeuner. Vous vous sentez très proche des gens que vous aidez.