Des auxiliaires de soins entourent les réfugiés malades en phase terminale
Des auxiliaires de soins entourent les réfugiés malades en phase terminale
JOHANNESBURG, Afrique du Sud, 8 janvier 2004 (UNHCR) - Daniel (nom fictif) porte ses vêtements les plus élégants pour l'occasion. Sa chemise et sa cravate sont bien trop grandes pour lui, tant il a perdu de poids. Mais quand il a entendu dire qu'il allait rencontrer un membre de l'UNHCR, il a insisté pour qu'on le sorte de son lit et qu'on l'habille convenablement.
Ce réfugié de 37 ans, originaire de la République démocratique du Congo, est en phase terminale d'une maladie dégénérative du système nerveux avec déficit moteur. Il ne ressemble plus au sociologue militant pour les droits de l'homme qui a fui les milices rwandaises Interahamwe de RDC vers le Burundi et la Tanzanie.
Un long et dangereux périple a amené Daniel en Afrique du Sud, où sa santé fragile s'est détériorée rapidement. Il est maintenant cloué au lit et paralysé.
Assis dans une petite chambre d'un appartement partagé avec plusieurs familles de réfugiés à Johannesburg-Hillbrow, Daniel est impatient de voir son infirmière, Julie. Elle partage ses soucis, plaisante pour rire avec lui et brise ainsi la monotonie de sa vie.
« Elle fait partie de ma famille maintenant », dit-il au moment où la jeune femme sortit pour payer son loyer. S'exprimant clairement et couramment en français, il a du mal à parler car ses muscles sont déjà fatigués de la journée.
Daniel est l'un des 24 réfugiés et demandeurs d'asile en phase terminale confiés aux soins d'une équipe d'infirmiers à domicile à Johannesburg. Dans le cadre d'un projet géré par le Service Jésuite des Réfugiés et cofinancé par l'UNHCR, les auxiliaires de soins sont des réfugiés eux-mêmes, infirmiers et auxiliaires médicaux dont les diplômes ne sont pas reconnus par le gouvernement d'Afrique du Sud. Ce projet leur permet d'exercer leurs compétences, de gagner de l'argent et d'aider d'autres réfugiés, ainsi que des Sud-Africains défavorisés bénéficiant également du système.
« Les demandeurs d'asile ont du mal à accéder aux soins et les hôpitaux refusent de leur donner des médicaments à un prix raisonnable », dit Julie, qui travaille pour le projet depuis plusieurs mois. Elle rend visite à ses quatre patients deux fois par semaine, leur apporte de l'argent pour la nourriture et le loyer et les aide pour leur hygiène et le ménage. Mais le plus important, c'est qu'elle leur apporte une aide psychologique.
« Nous parlons à nos patients, passons du temps avec eux et leur apportons de l'amour », dit Julie alors que sa collègue approuve de la tête. « Nous savons qu'ils vont mourir, la question est comment. Nous pouvons au moins les aider à mourir dans la paix et la dignité ».
Leur travail est d'ailleurs considéré par le personnel médical lui-même comme difficile à exercer. Augustin, le seul homme infirmier du projet, vient de perdre un patient la semaine dernière. « Depuis que je suis arrivé ici, je n'ai jamais vu personne guérir », se lamente-t-il. Il est pratiquement impossible de donner espoir à des patients sans leur mentir.
Les auxiliaires de soins s'inquiètent aussi du danger des infections. Beaucoup de leurs patients souffrent de tuberculose et du SIDA, même si personne ne veut admettre avoir le SIDA par peur d'être rejeté par sa communauté.
Le SIDA fait pourtant beaucoup de victimes. Julie nous parle d'un patient paralysé qui a continué à dire qu'il avait seulement une pression artérielle trop élevée et qu'il guérirait bientôt. Ce fut seulement sur le point de mourir qu'il reconnut être gravement malade.
Un autre patient est père de six enfants. Sa femme est décédée du SIDA il y a quelques années et il est inquiet du sort de ses enfants qu'il laissera bientôt derrière lui : des mineurs orphelins, demandeurs d'asile dans un pays étranger sans proches ni statut légal.
Augustin se rappelle d'un patient atteint d'un cancer, âgé de 18 ans mais d'apparence déjà 55 ans. Il ne parla jamais de son sort jusqu'au jour où il dit : « J'attends mon dernier jour ». L'après-midi même, la mère du jeune garçon a appelé pour informer que son fils venait de mourir.
Ce sont de tels cas qui passent à travers les mailles du système sud-africain. Une récente étude sur les conditions de vie des demandeurs d'asile en Afrique du Sud a révélé que l'un de leurs plus grands problèmes est l'accès aux soins. Parmi ceux qui ont essayé d'avoir accès à des soins médicaux d'urgence, 17 % ont été refusés ce qui constitue une violation des dispositions constitutionnelles.
Quant aux interventions bénignes, la grande majorité des demandeurs d'asile n'a pas assez de moyens pour se les payer.
L'agence pour les réfugiés est en négociation permanente avec les autorités sud-africaines de la santé à propos de ce problème, les poussant à garantir la même assistance aux demandeurs d'asile et réfugiés ainsi qu'aux citoyens défavorisés d'Afrique du Sud. Alors que ce problème reste non résolu, l'agence finance déjà le projet de soins à domicile à Pretoria et à Johannesburg pour aider les demandeurs d'asile les plus vulnérables, les patients en phase terminale.
L'UNHCR a intégré ce projet de soins à domicile en 2003 en y apportant une contribution de plus de 180 000 rands (environ 28 000 dollars) pour une période d'essai de 6 mois. Mais étant donné le besoin humanitaire accru, l'agence envisage de continuer à financer le projet à Johannesburg et Pretoria, ainsi que d'encourager le développement de systèmes similaires au Cap et à Durban.