Lancement du nouveau programme de rapatriement, par ferry, de Congolais au Sud-Kivu
Lancement du nouveau programme de rapatriement, par ferry, de Congolais au Sud-Kivu
BARAKA, RDC, 11 novembre 2005 (UNHCR) - Partis d'une rive de l'un des plus grands lacs au monde avec des drapeaux de toutes les couleurs et accueillis, six heures plus tard, sur l'autre rive par des cris de joie, environ 500 réfugiés congolais sont retournés chez eux au cours de la semaine tandis que l'UNHCR donnait le coup d'envoi officiel de son programme de rapatriement au Sud-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC).
« Je suis fatigué de vivre dans un camp de réfugiés », confie un jeune homme tout en aidant sa femme et ses enfants à descendre du ferry MV Mwongozo, à Baraka, sur les rives du lac Tanganyika jeudi matin. « Même si les conditions ne sont pas idéales au Sud-Kivu, on préfère être ici plutôt que d'être à des milliers de kilomètres de chez nous, à ne rien faire. »
Au cours des sept dernières années, la Tanzanie a accueilli quelque 155 000 réfugiés congolais qui avaient fui les combats dans les régions du Nord et du Sud-Kivu, dans l'est de la RDC. A présent, la voie du retour est ouverte.
« Je suis heureux de pouvoir contribuer à l'évolution positive de la situation en RDC. Mais il faut savoir qu'il y a encore beaucoup à faire pour améliorer la sécurité et la stabilité au Sud-Kivu », précise le délégué de l'UNHCR en RDC, Eusebe Hounsokou, lors de la cérémonie d'accueil à Baraka.
Le lancement officiel de l'opération de rapatriement a lieu après quatre opérations d'essai effectuées à la mi-octobre, dans le but de ramener chez eux plus de 1 500 réfugiés depuis des camps situés dans le nord-ouest de la Tanzanie.
Suite à ces essais concluants, 484 autres réfugiés ont été emmenés, mercredi, par camion du camp de Nyarugusu, dans le district de Kasulu, à Kigoma, à trois heures de là. Après une cérémonie d'inauguration en début de soirée, les réfugiés, le drapeau de la RDC à la main, sont montés à bord du ferry affrété par l'UNHCR, le MV Mwongozo, pour la traversée d'une nuit du lac Tanganyika.
Jeudi matin, au terme de six heures de voyage, les rapatriés ont été accueillis à Baraka - un port remis en état par l'UNHCR - par des centaines d'habitants criant de joie à la vue de leurs parents et de leurs anciens voisins. Des membres du gouvernement tanzanien, qui avaient accompagné les réfugiés durant la traversée, ont aidé les premières familles à descendre du ferry et les ont introduits auprès des représentants du gouvernement de la RDC.
« Nous sommes sincèrement reconnaissants à l'UNHCR d'aider notre peuple à revenir dans sa patrie », a déclaré le Ministre de l'intérieur de la RDC, Theophile Mbemba, qui a fait un voyage de 1 800 km de Kinshasa au Sud-Kivu pour accueillir en personne les rapatriés. Il était accompagné d'une importante délégation de représentants des gouvernements donateurs, de journalistes et d'officiels des Nations Unies.
A Baraka, où ils ont passé la première nuit, les rapatriés ont eu un repas chaud et ont été informés de la menace des mines terrestres dans leur village d'origine, les champs et les forêts, puis sont montés à bord de camions à destination de leurs villages du Sud-Kivu, vendredi. Ils ont également reçu des marmites, des matelas et du matériel et des outils agricoles et de construction.
Beaucoup de réfugiés ont fait savoir qu'ils étaient heureux de rentrer chez eux au moment où la RDC se prépare aux élections de l'année prochaine. D'autres se sont plaints de rations alimentaires réduites et de n'avoir rien à faire dans les camps de Tanzanie.
Vu les choix difficiles auxquels les réfugiés sont confrontés en Tanzanie, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés a initié une campagne d'information de masse dans les trois plus importants camps de réfugiés congolais avant de mettre en place le rapatriement organisé. Dans le cadre de cette campagne, des brochures en français et en kiswahili, contenant des entretiens avec les habitants du Sud-Kivu, des informations sur les programmes d'aide existants, ainsi que sur les problèmes auxquels les rapatriés devront faire face, sont distribuées aux réfugiés.
« Les réfugiés doivent être pleinement conscients des réalités du Sud-Kivu, en particulier les problèmes de sécurité et les possibilités de commencer une nouvelle vie », explique David Nthengwe, chargé de cette campagne d'information.
Le nom du bateau qui a ramené les réfugiés chez eux - Mwongozo - signifie « montrer le chemin » en kiswahili et les réfugiés ont l'ont effectivement montré.
« L'année dernière, déjà, des réfugiés ont commencé à rentrer chez eux par leurs propres moyens à bord d'embarcations dangereuses - quelque 15 000 sont revenus de cette manière - aussi nous avons décidé de les aider en organisant un rapatriement en bonne et due forme », a déclaré le porte-parole de l'UNHCR Ron Redmond aux journalistes, à Genève vendredi. Le rapatriement organisé a été possible grâce à la signature, en septembre, d'un accord tripartite entre l'UNHCR et les gouvernements de RDC et de Tanzanie.
Ce n'est pas la première fois que les bateaux sont le meilleur mode de transport pour ramener les réfugiés congolais chez eux. Lors d'un autre rapatriement organisé, plutôt inhabituel, qui a débuté en avril de cette année, des réfugiés congolais sont revenus dans la province de l'Equateur dans le nord-ouest de la RDC, en voyageant sur la rivière Oubangui à travers la forêt tropicale sur des bateaux de bateaux spécialement fabriqués - aussi appelés « baleinières » ou bateaux à baleines.
Le voyage à bord du MV Mwongozo permet de gagner neuf heures sur les quinze heures de voyage qui seraient nécessaires avec les petits bateaux utilisés par les réfugiés. Et, contrairement aux embarcations de rivière de la province de l'Equateur, le MV Mwongozo est un grand ferry qui peut naviguer en toute sécurité sur cette véritable mer intérieure qu'est le lac Tanganyika.
Bien que ce soit le second lac le plus profond du monde (après le lac Baïkal en Russie), le niveau d'eau du lac Tanganyika est actuellement particulièrement bas. Cela signifie que le bateau ne peut pas accoster dans le port de Kigoma sur la rive tanzanienne, et qu'une embarcation plus petite doit amener les réfugiés jusqu'au MV Mwongozo.
« Nous essayons de mettre en place des pontons flottants pour faciliter l'embarquement », a expliqué Ron Redmond. Si les fonds sont suffisants, l'UNHCR devrait continuer à rapatrier plus de 500 réfugiés par semaine pendant les mois suivants. En fait, l'idéal serait de doubler ce chiffre en organisant deux traversées hebdomadaires », a précisé Ron Redmond.
Par Jens Hesemann à Baraka, avec Mia Bulow-Olsen en Tanzanie